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vendredi 16 mai 2008

L’APPROCHE HEXAGONALE

L’APPROCHE HEXAGONALE

(Version actualisée)

JR JEAN-NOEL

AVRIL 2006




L’APPROCHE HEXAGONALE

PAR Jean Robert JEAN-NOEL

1. HISTORIQUE

L’idée de développer une approche globale adaptable au domaine du développement a toujours été une préoccupation de certains cadres haïtiens depuis plus de trente ans. Dans les projets de développement de l’époque, l’approche prédominante était plutôt dirigiste à l’image de la majorité des régimes politiques des pays en développement.

Les approches participatives commençaient à émerger timidement à la faveur du processus de démocratisation qui avait tendance à remplacer les régimes dictatoriaux dans les pays en développement. Elles s’imposaient déjà dans les pays développés en majorité démocratiques. Dans ces derniers pays, au niveau des universités et de certains projets, il y a eu des recherches sur les méthodes participatives. Le concept participation a gagné peu à peu ses gallons.

En Haïti, les projets commençaient à être participatifs autour des années 1980. La Constitution haïtienne de 1987 va donner ses lettres de noblesse à la Participation, la décentralisation, le combitisme et va libérer les énergies en ce sens. Il faut noter que depuis la fin de la dictature duvaliériste, on a enregistré une explosion d’organisations dans le pays qui ont adopté vaille que vaille la participation comme cheval de bataille.

Dans les années 1990, tous les projets sont devenus participatifs. Le concept participation a définitivement gagné ses lettres de créance. Tous les bailleurs de fonds, les agences bilatérales et multilatérales en font leur cheval de bataille. Le FIDA, la Banque Mondiale, la BID, l’Agence Française, etc, pour ne pas les citer, vont exiger la mise en application des approches participatives dans les projets financés. D’où la nécessité d’harmonisation de ces approches.

Le Ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du Développement Rural (MARNDR) avec la participation du Projet d’irrigation de l’Arcahaie et surtout du Projet des petits périmètres irrigués (PPI) va s’atteler à ce travail d’harmonisation dans le cadre de sa politique d’irrigation et de ses méthodologies. Certains textes ont été élaborés et diffusés, des séminaires- ateliers organisés, des émissions de radio réalisées et des cassettes distribuées.

Dans ce même ordre d’idées, le projet PPI va intégrer la RED CIARA en juillet 1999 lors de la 7e Réunion annuelle à Port-au-Prince avec la mise sur pied du réseau national haïtien de FIDACIARA (RENAH-FIDACIARA) constitué à l’époque d’une douzaine d’institutions. Le réseau s’est transformé un peu plus tard en 2001 en une fondation, la Fondation haïtienne pour le développement intégral latino américain et caribéen (FONHDILAC). Cette fondation a senti, en fonction même de son objectif principal de contribuer au développement intégral d’Haïti dans le contexte caribéen et latino américain, la nécessité de développer l’approche hexagonale.

2. VISION ET OBJECTIF

Dans la mouvance de la mondialisation, de la lutte contre la pauvreté par la création de richesse, par la gestion de la connaissance et de l’innovation, la gestion des ressources humaines, naturelles, physiques et financières, la gestion des conflits politiques, la question de responsabilisation individuelle et collective demeure une évidence. L’approche participation-responsabilisation paraissait limitée en ce sens qu’elle s’adresse à l’individu et aux collectivités sans aborder globalement les autres aspects fondamentaux du développement. D’où l’approche hexagonale. Cette approche correspond en tout point aux vœux de la constitution de 1987 dans ses aspects participatifs (le combitisme), de déconcentration et de décentralisation et sied bien à l’approche de développement local en vogue actuellement.

L’approche hexagonale vise, tout en s’appuyant sur la démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable et démocratique. D’où l’accent mis sur les six capitaux : le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital financier et économique et le capital politique. Ce qui peut se schématiser de manière logique avec l’humain à l’intérieur du social, les deux à l’intérieur de l’environnemental, et l’aménagement de l’environnemental de manière telle à ce que l’ensemble soit en harmonie, le système financier et économique pour réaliser cet ensemble et le perpétuer dans le cadre d’une gouvernance économique régulatrice et le système politique pour la gestion globale et le maintien de l’équilibre harmonieux du système global.

En référence à la démarche participative, l’approche hexagonale est une adaptation de l’approche anglo-saxonne[1] dont les éléments de base s’articulent autour de cinq axes : le capital humain, le capital social, le capital naturel, le capital physique et le capital financier, auxquels on ajoute, pour l’haitianiser, le capital politique. D’où le nom de l’approche hexagonal avec six éléments fondamentaux indispensables pour le développement d’un pays pauvre comme Haïti. Les six axes devront avoir une parfaite articulation entre eux de façon à favoriser une harmonisation de l’ensemble. Cette harmonisation devra être recherchée de manière continue par les acteurs appelés à appliquer l’approche et à y évoluer.

La FONHDILAC a une vision assez claire de Haïti dans les cinquante (50) à cents (100) prochaines années. C’est dans cette optique qu’elle adopte une série d’objectifs qui s’intègreront à partir d’une démarche participative dans un schéma global articulé autour d’un système visant un citoyen responsabilisé[2] dans une société économiquement riche, socialement équitable et politiquement responsable[3].

Il est possible dans la conjoncture actuelle, d’obtenir un consensus national et même de déboucher sur un contrat social entre tous les Haïtiens sans exclusive autour de cette vision d’Haïti. Cette Haïti pourrait servir d’exemple à suivre dans le cadre d’une mondialisation à visage humain. Haïti qui, dès sa création, fut le premier état à ériger en valeur le principe de solidarité entre les peuples, en offrant la liberté à tous les opprimés de la terre et en aidant les leaders de l’indépendance de l’Amérique latine comme Miranda et Bolivar, et plus tard vers 1860, les leaders de la République Dominicaine à restaurer leur indépendance[4].

3. JUSTIFICATION

Les réflexions[5] menées au sein de la FONHDILAC de 1999 à 2001 jusqu’à maintenant et les contraintes institutionnelles que nous confrontons quotidiennement dans la construction du développement nous font prendre conscience de manière aiguë du déficit criant de cadre de référence et de l’absence de plan global de développement dont souffre notre pays. Cette faiblesse a toujours transparu dans la gestion du pays depuis sa naissance en janvier 1804. Elle nous a valu d’être le seul PMA de l’Amérique. Il suffit de regarder nos indicateurs par rapport aux autres pays de la région pour comprendre l’étendue de l’échec. Cette marche à reculons n’a jusqu’à présent pas de réponse au niveau du secteur politique et pousse de plus en plus d’haïtiens au désespoir, ce qui se traduit par une migration massive vers d’autres pays de la région. On estime à plus de deux (2) millions d’habitants les Haïtiens vivant à l’extérieur du pays, parmi lesquels des cerveaux éminents qui ont largement contribué au développement de leur pays d’adoption.

La situation actuelle du pays fait que la majorité des jeunes haïtiens se considèrent comme en transit et n’attendent qu’une occasion pour laisser cette « galère ». Paradoxalement, elle a provoqué une prise de conscience chez certains individus, groupes et institutions, qui se manifeste par un certain nombre d’interventions touchant tous les secteurs de la vie nationale, et par une forte tendance à se mettre ensemble pour faire des propositions sur des aspects les plus variés visant le développement intégral du pays. C’est ce que nous qualifions au sein de notre réseau d’option haïtienne de développement par rapport à d’autres options qui pourraient nous être imposées de l’extérieur pour forcer Haïti à se mettre au pas en ce qui a trait à la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) dont le démarrage a été prévu pour 2005.

Au regard de cette situation, notre réseau a profité de la 9e réunion du réseau régional FIDACIARA en novembre 2001pour proposer une réorientation du réseau régional, et, par la suite (janvier 2002), pour changer sa mission et la réorienter vers le développement intégral du pays haïtien. C’est dans cette perspective qu’il faudra situer le cadre de référence et le plan de développement d’Haïti sur lesquels, entre autres, planche actuellement notre réseau, la FONHDILAC, avec la collaboration future mais obligée d’autres individus, groupes et/ou institutions travaillant pour la même cause. Etant entendu que la FONHDILAC ne pourrait prétendre à elle seule réaliser une tâche aussi colossale et aussi complexe et qui, de surcroît, concerne tous les Haïtiens sans exclusive.

4. AXES FONDAMENTAUX DE L’APPROCHE HEXAGONALE

Un cadre de référence pour le développement intégral d’un pays doit être défini de manière sérieuse pour résister à l’épreuve du temps. Les axes fondamentaux doivent être conçus avec beaucoup de rigueur, au point qu’avec le temps les modifications à y apporter pour son actualisation ne nécessiteront pas de remise en question de l’essence. Il est donc impératif de bien les choisir, pour que les éléments qui graviteront autour puissent, en fonction même de l’évolution, être modifiés, ajoutés et même remplacés au besoin.

Partant de ce raisonnement, les axes fondamentaux du cadre de référence pourraient être, au regard même de la ligne stratégique adoptée :

1) L’axe humain

2) L’axe social,

3) L’axe environnemental,

4) L’axe infra structurel,

5) L’axe financier,

6) L’axe politique.

L’AXE HUMAIN

La FONHDILAC entend par cadre humain toutes les ressources humaines dont dispose le pays haïtien, la quantité, la qualité des ressources humaines disponibles : le nombre d’habitants/ km2, le PIB/ habitant, le taux de mortalité infantile, l’espérance de vie, le taux de scolarisation, le taux d’analphabétisme, le nombre de kcal/ habitant/jour ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE SOCIAL

Le cadre humain se réfère au système social ou institutionnel : les institutions étatiques, privées, les organisations socioprofessionnelles, les organisations de base à caractère social et économique ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE ENVIRONNEMENTAL

Le cadre environnemental s’articule autour des ressources naturelles : le climat, la disponibilité de l’eau, la quantité et la qualité de l’eau de boisson, les précipitations, les eaux de surfaces, les eaux souterraines, la mer, le vent, la qualité de l’air, la température, la superficie du pays, son utilisation, son niveau de dégradation et d’érosion, les montagnes, les plaines, les forêts, les sols, la biodiversité ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE INFRASTRUCTUREL

Le cadre infra structurel correspond au niveau d’aménagement du territoire : les routes, les ouvrages d’art, les infrastructures agricoles, hydroagricoles et de drainage, le réseau d’eau potable, les infrastructures de santé, d’éducation, les bâtiments administratifs, les monuments historiques, les places publiques, l’aménagement urbain et rural, le réseau de communication et de nouvelles technologies, l’électricité, les usines, les industries ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE FINANCIER

Le cadre financier fait référence à tous les aspects financiers et économiques du pays, la gouvernance économique, les ressources financières disponibles, l’état de l’économie, la place de l’économie du pays par rapport aux autres pays, la dette externe, les différends bailleurs de fonds du pays, les mécanismes de financement, le produit intérieur brut (PIB), le produit national brut (PNB), les indicateurs macro économiques ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE POLITIQUE

Le cadre politique se circonscrit autour de la gouvernance politique, l’organisation de l’Etat, la façon de gouverner, la coordination des institutions étatiques et gouvernementales, les collectivités territoriales et locales, les services administratifs, etc.

5. CADRE D’APPLICATION

L’approche hexagonale adaptée à la situation haïtienne et en lien avec d’autres approches classiques et à la mode, permettra de procéder à une évaluation exhaustive de l’état actuel du pays, en se basant sur les informations disponibles et à générer pour dégager des conclusions, recommandations et perspectives intéressantes, et déboucher, en collaboration avec des partenaires de la FONHDILAC, sur la préparation d’un cadre de référence et sur un plan de développement de cinquante (50) et même de cent (100) ans.

Dans ce cas précis, l’humain c’est l’individu haïtien avec ses faiblesses, ses atouts, et ses potentialités. Le social se réfère aux groupes sociaux et culturels, aux catégories sociales, au système social. L’environnemental se réfère au 27750 km2 du territoire, son niveau de dégradation, les causes de cette dégradation, les risques inhérents à cette dégradation, la gestion de ces risques, ses potentialités, ses possibilités de régénération, etc. L’infrastructurel se réfère à l’état actuel des infrastructures urbaines, rurales, historiques, les potentiels, les atouts, les contraintes, etc. La finance et l’économie s’articulent autour de la gouvernance économique, les réserves, l’état actuel de l’économie, le système financier, les potentiels, les atouts et les faiblesses du système, les potentialités en matière économique et financière, etc. La politique, c’est la gouvernance politique, la situation prévalant depuis l’indépendance, les faiblesses, les atouts,les contraintes liés au système mis en place et qui a conduit au résultat d’aujourd’hui, ce qu’il y a lieu de faire pour mettre en place un système performant.

L’approche peut être appliquée au niveau méso et micro comme cadre de diagnostic, d’analyse et d’application. Ce qu’on a essayé de faire dans le cadre des projets mis en œuvre par la plupart des institutions membres de la FONHDILAC. A titre d’exemple, dans l’irrigation, l’humain, c’est l’irrigant. Le social, c’est l’association d’irrigation et les autres organisations. L’environnemental, c’est le bassin versant surplombant le périmètre d’irrigation concerné. L’infrastructurel c’est le système d’irrigation, les réseaux de drainage, de routes, l’habitat rural. La finance et l’économie, c’est le financement mis en place par les BF, le système économique et financier au niveau du périmètre considéré. La politique c’est la gouvernance politique au niveau local, la Mairie, tout en tenant compte de la politique de l’état en la matière.

L’approche peut avoir des applications dans divers d’autres domaines d’activités. C’est aux spécialistes de faire les adaptations nécessaires pour les domaines d’application souhaités. Elle a cette potentialité de permettre d’aborder une problématique dans toute sa globalité avec l’élément humain comme axe fondamental par excellence, tenant et aboutissant de tout processus de développement.

6. LE CROISEMENT DES SIX CAPITAUX : CADRE GLOBAL DE REFERENCE POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE

L’approche hexagonale est étroitement liée à l’approche participative et ses diverses dérivées : le partenariat, la synergie, la responsabilisation individuelle et collective, la mise en réseau aux niveaux local, national, régional et mondial. Elle peut constituer le cadre de diagnostic, d’analyse et d’application de tout le processus de développement durable à ces divers niveaux.

Ramenée au niveau d’un pays pauvre comme Haïti, l’approche hexagonale suit le cadre logique suivant :

i. Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national ;

ii. Le capital social comme élément fondamental de socialisation ;

iii. Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ;

iv. Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ;

v. Le capital financier et économique, à partir de la bonne gouvernance, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et

vi. Le capital politique comme élément fondamental de coordination d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance.

D’où le tableau de croisement suivant ou grille ou cadre global de référence permettant d’envisager de manière logique et intégrale tout le processus de développement autour des six capitaux comme axes de développement et de trente six éléments satellitaires maintenant le système en équilibre permanent.


Cadre de Référence Global

A

B

C

D

E

F

Axe Humain

Axe Social et Culturel

Axe Environ-nemental

Axe Infra-structurel

Axe Economique

et Financier

Axe Politique

I

Axe Humain

Les ressources humaines

Socialisation

Éducation au respect de l’environnement

Éducation au respect des infrastructures

Éducation économique

Éducation politique

II

Axe Social et Culturel

Participation à la vie associative

Système social

Participation à la gestion de l’environnement

Participation à la gestion des infrastructures

Participation à la vie économique

Participation à la vie politique

III

Axe Environ-nemental

Respect de l’environnement

Structures de gestion de l’environnement

Ressources naturelles

Aménagement respectueux de l’environnement

Priorisation de la protection de l’environnement

Gestion de l’environnement

IV

Axe Infra-structurel

Respect des infrastructures

Structures de gestion des infrastructures

Structures de protection de l’environnement

Aménagement du territoire

Répartition équitable des infrastructures

Gestion des infrastructures

V

Axe Economique

et Financier

Respect des règles de la vie économique

Investissements dans l’éducation

Structures de participation à la vie économique

Investissements dans la vie associative

Investissements protecteurs de l’environnement

Investissements dans les infrastructures

Le système économique et financier

Gestion des ressources financières

VI

Axe Politique

Respect des règles de la vie politique

Politique de développement des ressources humaines

Structures de participation à la vie politique

Régulation de la vie associative

Politique de protection de l’environnement

Politique d’aménagement du territoire

Définition des grands choix économiques et financiers

La gouvernance



[1] DFID, department for international development, sustainable livelihoods guidance sheets

[2] J R Jean-Noël, Approche Participative défis et exigences : un citoyen responsabilisé est un citoyen informé, sensibilisé, sachant communiquer, motivé, formé, faisant partie d’une association qui, elle- même, est en réseau avec d’autres structures tant nationales qu’internationales. Un accès à la citoyenneté avec des droits et des devoirs vis-à-vis du pays.

[3] B Ethéart, réunion du 31/01/02

[4] Michel Soukar, émission radiophonique de Signal FM

[5] En deux ans le réseau a organisé une dizaine d’ateliers sur des thèmes très variés touchant essentiellement le développement rural intégral.

samedi 19 avril 2008

LES ACTIONS A PRENDRE APRES LA SORTIE DE LA CRISE HAITIENNE

Port-au-Prince, le 19 avril 2008

Ce texte vieux de 4 ans a été publié par le Nouvelliste en mars 2004. En le relisant, on verra qu’il reste d’actualité, surtout après ce qui s’est passé dans le pays d’Haiti et relatif aux émeutes de la faim conduisant au vote de sensure du Senat contre le Premier Ministre Alexis, à des consultations actuelles du Président Préval pour la nomination d’un nouveau Premier Ministre et forcément à la réorientation de la politique nationale pour répondre à la nouvelle donne introduite par cette situation qui pourrait rebondir à n’importe quel moment.Les idées émises dans ce texte restent pertinentes et pourront encore aider les décideurs.Je viens de le publier sur mon blog : http :jrjean-noel.blogspot.com, et je vous l’envoie pour information et pour une plus large diffusion,si vous le jugez nécessaire.

Port-au-Prince, le 1er mars 2004.

LES ACTIONS A PRENDRE APRES LA SORTIE DE LA CRISE HAITIENNE

PAR JEAN ROBERT JEAN-NOEL

INTRODUCTION

Haïti vit l’une des crises les plus aigues de son histoire. De 1804 à aujourd’hui, le pays a connu une succession de crises qui ont contrarié son développement. En deux cents ans d’existence, Haïti a connu trente deux coups d’état, deux occupations américaines (1915 et 1994), ce qui se traduit par une dernière place non enviable sur l’échelle de l’hémisphère occidentale. Cette situation de crise s’est aggravée à partir des élections de l’Année 2000, a atteint son point culminant le 5 décembre 2003 par l’attaque par des proches du pouvoir de la faculté des sciences humaines et s’est déterriorée par la prise le 5 février 2004 du Commissariat de police des Gonaïves par le Front Anti Aristide de l’Artibonite[1]. Depuis, le pays Haïtien fait face à une flambée de violence causant la mort de plus d’une centaine d’haïtiens et des milliers de déplacés. Certains parlent déjà de catastrophe humanitaire et la Communauté internationale tente depuis le samedi 21 février 2004 par l’intermédiaire d’une Mission de haut niveau conduite par les USA d’imposer une solution aux protagonistes politiques et de la société civile, tout en négligeant la nouvelle donne militaire créée à partir du 5 février 04 aux Gonaïves. Cette tentative de la communauté Internationale et la situation militaire laissent présager un certain dénouement de la crise. Et le 29 février 04, Aristide parti, la crise se dénoue, tout au moins dans sa forme actuelle. C’est dans cette perspective que je produis ces réflexions à destination du grand public et qui s’intitulent : « Les actions à prendre après la sortie de la crise haïtienne ».

Ce texte s’attardera sur les trois catégories d’actions : l’Urgence, le Durable et la concertation, identifiera certains acteurs clé, donnera quelques éléments de stratégie avant des conclusions appropriées.

LES ACTIONS D’URGENCE

Actuellement, en Haïti, tout est urgent. L’urgence se fait sentir dans tous les domaines et secteurs. Les actions dont nous parlons dans ce texte concernent surtout les emplois temporaires à créer dans le cadre d’un programme spécial. C’est une nécessité. La création massive d’emplois temporaires est la seule capable de mettre au travail des masses rurales et urbaines. Ces dernières si elles ne sont pas casées de 8 am à 4 h pm vont sérieusement perturber le climat de sérénité dont le pays aura besoin pour penser le durable et faire la grande concertation indispensable au redémarrage du processus de développement.

Haïti a l’habitude de ces grands programmes d’urgence et de création d’emplois temporaires. De 1993 à 1997, elle a mis sur pied un vaste programme de création d’emplois avec le financement de l’USAID, de la BID et de la Banque Mondiale pour un montant global d’environ US $ 63 millions. Le nombre d’emplois créés avoisine 600 milles personne-mois (P-M) de travail avec deux Institutions la PAN AMERICAN DEVELOPMAN FOUNDATION (PADF), une ONG internationale, et l’UNITE CENTRALE DE GESTION, une Entité Etatique, attachée à la Primature. Au mois d’aout 1996, Haïti a pu mettre au travail 40000 personnes dans les domaines de l’irrigation, l’environnement, l’assainissement, les routes rurales et urbaines et l’eau potable. Durant cette période, le pays n’a connu aucune manifestation hostile de rue. Les masses étaient trop occupées à gagner dignement leur pain quotidien. Les rares manifestations enregistrées étaient en faveur des régimes en place.

Un tel programme repris sur une période de deux (2) à trois (3) ans pourrait permettre au pays de retrouver le calme nécessaire pour la mise en branle des actions durables et l’opérationnalisation de la grande concertation pour le développement national.

Naturellement, d’autres urgences pouraient être prises en compte dans le cadre des Ministères sectoriels et certaines ONG. Ces autres urgences pourront créer d’autres emplois temporaires ajoutés à ceux créés dans le cadre du programme spécial. L’objectif national de création d’emplois temporaires pourrait se circonscrire autour de 100 milles emplois journaliers avec une moyenne de 10 mille par département géographique.

LES ACTIONS DURABLES

Les actions durables seront menées parallèlement aux actions d’urgence tout en s’accordant le temps nécessaires pour leur conception et mise en oeuvre. Elles serontt constituées de l’ensemble des projets et programmes déjà en cours dans le cadre d’accords et conventions avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ceux négociés, approuvés et non encore opérationnels, et ceux à concevoir et à négocier avec les bailleurs de fonds tant nationaux qu’internationaux.

Les actions en cours sont ménées par les Ministères sectoriels, les organismes autonomes de l’Etat, les Agences multilatérales ( FAO, PNUD), les ONG, le secteur privé, etc.

Les actions durables feront l’objet d’études poussées, auront un effet structurant et respecteront scrupuleusement les normes environnementales. Elles peuvent êtres des actions physiques ( infrastructures urbaines et rurales) et /ou des actions d’éducation, de formation, de définitions de politiques, de méthodologies, de méthodes, de planification, de sensibilisation, de responsabilisation… visant la transformation de l’homme haïtien en vue d’une meilleure gouvernance politique et économique du pays haïtien. Elles devront être articulés et modulées de manière à résorber à terme le chômage chronique d’Haïti par la création massive d’emplois durables avec le souci constant de se rapprocher des taux de chomage à un chiffre des pays développés.

Les actions durables en cours et déjà négociées avec les bailleurs et agences multilatéraux et bilatéraux avoisinent les US $ 500 millions. Elles donnent l’impression d’être conçues sans articulation et cohérence. Elles ne font pas partie d’un plan global convergeant vers le développement harmonieux du pays. Mais elles permettent et favoriseront la création d’un nombre important d’emplois durables, en attendant leur intégration, modification et adaptation dans un plan global de développement issu de la grande Concertation souhaitée par la majorité des Haïtiens.

LA GRANDE CONCERTATION POUR LE DEVELOPPEMENT[2]

Dans la conjoncture actuelle, on ne peut comme par le passé se contenter de ces deux catégories d’actions décrites plus haut. Haïti les a expérimentées déjà sans grand succès. En témoignent l’état du pays et sa place dans l’Hémisphère. D’où la nécessité de cette troisième catégorie d’actions : les actions de concertation.

La grande Concertation pour le développement d’Haïti interpelle tous les Haïtiens sans exclusive. La grande majorité l’exige. Il suffit d’écouter les émissions de libre tribune ; les politiciens également ainsi que la Société Civile organisée, le Groupe 184, le GREH[3] d’Himmeler REBU, la FONHDILAC[4], etc. Certains écrivains comme Claude Moïse[5] ont même proposé une démarche pour sa mise en œuvre , certains thèmes et concepts clé à prendre en considération, et les gens à mobiliser pour contribuer à l’élaboration du plan. La FONHDILAC propose quant à elle un plan global de développement de 100 ans et un cadre global de référence avec six (6) axes : l’Humain, le Social, l’Environnemental, l’Infrastructurel, l’Economique, la Politique[6] .

La grande concertation ne doit négliger aucun aspect du développement qui pourrait être des éléments des six (6) axes comme la sécurité publique, la justice, l’emploi, etc. Bref tous les éléments essentiels du développement intégral du pays doivent être pris en compte.

C’est un travail de longue haleine qui doit se réaliser dans un climat de sérénité. Il faudra éviter la précipitation, l’exclusivisme. Il s’agit de penser le développement d’un pays meurtri. Tous ses fils doivent y participer et le travail de réflexion conduisant au cadre global de référence et au plan global y afférent doit être mené avec beaucoup de sérieux dans un souci de durabilité comme les systèmes étrangers qui ont fait leur preuve. La finalité recherchée sera un nouvel homme haïtien compétitif partout avec un sens de respossabilité très poussé évoluant dans un système non exclusif pour une nouvelle Haïti, politiquement responsable, économiquement riche et socialement équitable.

LES PRINCIPAUX ACTEURS

Les principaux acteurs pour ces trois catégories d’actions sont le peuple haïtien, la communauté internationale et les bailleurs de fonds.

Le peuple haïtien

L’acteur principal est le peuple haïtien à la fois tenant et aboutissant de tout ce processus. Les trois catégories d’actions ne bénéficient enfin de compte qu’ au peuple haïtien dans toutes ses composantes. C’est la raison fondamentale qui détermine l’aspect inclusif de tout le processus.

Les actions d’urgence concernent en premier lieu les masses urbaines et rurales qui connaissent des difficultés énormes actuellement. Mais elles auront une influence sur l’ensemble du peuple puisque dans un second temps les actions d’urgence même réduites devraient intégrer un cadre normal de développement.

Les actions durables visent particulièment la structuration et l’institutionalisation du pays et du peuple haïtien dans le respect de l’environnement, éléments essentiels de développement du pays haïtien. Elles concernent en premier lieu les secteurs organisés du pays, secteurs public et privé, ONG, organisations de base et collectivités territoriales.

La grande concertation qui est essentiellement un travail de réflexion interpelle l’ensemble du peuple à travers les représentants de ses composantes organisées.

La communauté Internationale[7]

La communauté internationale a essentiellement un rôle d’accompagnement, d’assistance et de partenariat. En tant qu’acteur, nous devons tenir compte de son importance dans le cadre des trois catégories d’actions à mettre en œuvre. La communauté internationale a toujours été un acteur de premier plan de la crise haïtienne. Elle doit être un acteur de la solution du problème, qui vise le développement intégral du pays haïtien en passant, entre autres, par les actions d’urgence, les actions durables et la grande concertation.

Les bailleurs de fonds[8]

Les bailleurs de fonds tant nationaux qu’internationaux interviendront principalement au niveau du financement des actions. Leur importance n’est pas à négliger. Sans financement les trois catégories d’actions resteront au stade de rêve et de vœux pieux. Toutefois, ce financement ne doit pas orienter dans le mauvais sens le développement du pays comme il l’a fait jusqu’ici. Il doit suivre strictement les grandes tendances exprimées par les révendications avant la mise en œuvre de la concertation et l’orientation de la grande concertation.

CERTAINS ELEMENTS DE STRATEGIE

Pour la mise en œuvre des trois catégories d’actions, il y a lieu de dégager certains éléments de stratégie dont la plupart se retrouvent en filigrane tout au long du développement du texte. Les actions doivent être ménées selon un processus participatif avec l’ implication directe ou indirecte de toutes les composantes nationales et internationales directement concernées. Elles doivent rechercher la responsabilisation du peuple haïtien à travers ses organisations politiques, sociales, culturelles, économiques et financières. Elles se feront dans le cadre de partenariat entre l’Etat, le secteur privé, l’international, les populations rurales et urbaines, les collectivités territoriales et les financeurs. La recherche de synergie et de mise en réseaux sera capitale pour la réussite des actions. Il faudra à tout prix éviter la duplication c’est à dire la répétition des mêmes choses par des acteurs différents aux mêmes endroits ; éviter des méthodes d’intervention différentes aux mêmes endroits pour des actions similaires. Il faudra rechercher la convergence des actions pour maximiser les effets bénéfiques pour le peuple haïtien et le pays.

CONCLUSION

Ces trois catégories d’actions sont à notre avis les plus urgentes à mettre en oeuvre dans la conjoncture actuelle, exception faite des actions liées à la sécurité publique qui est la priorité des priorités. Elles favoriseront le processus du renforcement du développement intégral du pays haïtien, en permettant la création d’emplois temporaires et durables, l’emploi demeurant un des éléments essentiels de stabilité d’un pays, et en incitant les Haïtiens à se mettre ensemble formellement à travers les représentants de leurs organisations politiques, sociales et économiques. Les résutats de la grande concertation conduiront notre pays vers des sommets inconnus durant ces deux cents ans d’histoire et le positionnera à sa vraie place dans le concert des nations. Le cadre global de référence et le plan global de 100 ans y afférent, les deux principaux résultats de la grande concertation nationale redonneront à notre Haïti son rôle de pays de référence en matière de développement[9] comme elle l’est déjà en matière d’histoire. Le Gouvernement d’Unité Nationale ou de Consensus quel que soit le nom qu’on lui donnera, aura intérêt à faire siennes ces actions et à les initier une fois sa prise de fonction.

Jean Robert JEAN-NOEL

Ing Civil,Consultant

jobyand@yahoo.com



[1] Ex Armée Canibale, proche d’Aristide

[2] L’articulation technique et politique ou la nécessité d’un modèlede développement non exclusif pour Haïti, JR JEAN-NOEL, mars 2003.

[3] Groupe de réflexion sur Haïti

[4] Fondation Haïtienne pour le développement intégral latino américain et caraïbéen

[5] La Croix et la Bannière

[6] Document de présentation de la FONHDILAC

[7] ONU,OEA, UE, FAO, les Ambassades etc.

[8] BID, BM, ACDI, USAID, AFD,UE, GOH, etc.

[9] Pendant la période coloniale française, St Domingue était une référence en matière de développement économique.