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samedi 19 avril 2008

PLAIDOYER POUR L’UTILISATION DE L’APPROCHE HIMO DANS LE CADRE DU DEVELOPPEMENT DURABLE D’HAITI

Publie en 2005 et remanie en aout 2007, ce texte peut etre d'une grande utilite dans la conjoncture actuelle et servir de guide pour la conception et la mise en eouvre des projets HIMO en Haiti .

PLAIDOYER POUR L’UTILISATION DE L’APPROCHE HIMO DANS LE CADRE DU DEVELOPPEMENT DURABLE D’HAITI


"L'APPROCHE HAUTE INTENSITE DE MAIN D’ŒUVRE (HIMO) ET L’APPROCHE HAUTE INTENSITE D’EQUIPEMENT (HIEQ) : DEUX APPROCHES COMPLEMENTAIRES POUR HAITI"

Version actualisée

JEAN ROBERT JEAN-NOEL
JUILLET 2007


A. LA CREATION D’EMPLOI : LE CONTEXTE HAITIEN.

En Haiti, la population en âge de travailler est estimée en 2004 à 4.1 millions de personnes, soit environ 50% de la population.
Le secteur de l’emploi structuré peut à peine rassembler quelque 110,000 personnes, incluant les employés du secteur public. Selon le PNUD, 95% des emplois résident dans le secteur informel en Haïti. Le chômage et le sous-emploi[1] sont très largement répandus particulièrement parmi les jeunes adultes des zones urbaines et parmi les femmes.

Cette situation est particulièrement préoccupante surtout que :
· les trois quarts (75%) de la population haïtienne ont moins de 35 ans;
· 45% de cette population appartiennent au groupe d’âge des 15-35 ans.
· 70%[2], des haïtiens peuvent être classés comme pauvres (82% en milieu rural), avec moins de 1 dollar américain (USD) par jour par personne.
· L’indice des prix alimentaires a augmenté entre-temps de 56% alors que les opportunités d’emploi ont diminué drastiquement.

Les très fortes inégalités de revenu[3] rendent le marché intérieur extrêmement étroit pour un grand nombre de biens de consommation courante. Les populations les plus vulnérables sont les ménages ruraux, surtout ceux qui ont un accès très réduit au foncier. Compte tenu du fait que la sécurité alimentaire des ménages est administrée par les femmes, les différents programmes et projets doivent accorder une attention particulière à l’inclusion équitable de celles-ci vu l’importance des foyers monoparentaux dirigés par des femmes.

B. L’APPROCHE HIMO: UNE ALTERNATIVE TECHNOLOGIQUE ET POLITIQUE POUR LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ PAR LA VALORISATION DES RESSOURCES LOCALES

Les investissements publics en infrastructures constituent un potentiel important de création d’emplois et de croissance souvent inexploité. L’approche dite à haute intensité de main d’oeuvre (HIMO) par opposition à la méthode à haute intensité d’équipement (HIEQ) présente à ce niveau des avantages comparatifs significatifs en terme d’emplois, de réduction de coût de réalisation des infrastructures et d’économie en devises. Pour rappel, ces avantages sont :
a) la création d’au moins 2,5 fois plus d’emplois
b) la réduction de 30% à 50% du coût
c) l’augmentation plus élevée des revenus des ménages
d) la meilleure contribution à la création des richesses au niveau national (macro économique)

JUSTIFICATION DE L’APPROCHE HIMO
Les techniques HIMO et HIEQ sont des approches complémentaires. Autant les travaux HIMO ne constituent pas une panacée, autant l’approche HIEQ ne doit pas s’imposer comme seule alternative technologique crédible pour la réalisation de tous les projets.
L’approche HIMO se définit comme une alternative technologique qui vise à promouvoir l’utilisation optimale des ressources locales (main d’oeuvre et matériaux locaux, savoir faire local..) dans une perspective de réduction de la pauvreté tant en recherchant la qualité des travaux réalisés et en respectant les normes du travail. La combinaison optimale de ces ressources ne dispense pas en effet les projets HIMO d’utiliser un équipement léger dans le but d’aboutir à une qualité acceptable des travaux.
Les travaux HIMO doivent s’appliquer dans le cas ou cette approche est techniquement possible et économiquement rentable. La faisabilité des projets selon l’approche HIMO est évaluée en effet selon des critères se rapportant notamment :
· au niveau économique du pays,
· au niveau de salaire,
· à la disponibilité de la main d’oeuvre et des matériaux,
· au volume des travaux, etc.
L’approche HIMO se justifie davantage dans les pays où la main d’oeuvre est abondante, bon marché et disponible en particulier après les crises et guerres, dans le cadre des programmes de reconstruction, de réduction de la pauvreté, de promotion du secteur privé local, et d’appui à la décentralisation et au développement local.
Il faut reconnaître cependant que les projets HIMO s’implantent plus facilement dans un contexte qui bénéficie du soutien de personnes sensibilisées à l’approche et disposées à porter le plaidoyer directement au niveau des décideurs ou par l’intermédiaire de projets d’investissements, de programmes et fonds sociaux et qui bénéficient des appuis en formation pour les divers acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des travaux.
Le niveau des salaires versés à la main d’oeuvre constitue un critère décisif à prendre en compte dans la justification économique et l’évaluation de la faisabilité de l’approche HIMO. Le respect du salaire minimum (SMI) et son paiement à temps procurent aux travailleurs des revenus compétitifs et motivants susceptibles d’amplifier les avantages économiques que l’on reconnaît à l’approche HIMO : réduction des coûts de construction, économies en devises. Des études effectuées dans certains pays nous montrent bien que le «salaire d’équilibre», c'est-à-dire le salaire en dessous duquel la méthode HIMO reste rentable est de loin supérieure au SMI. Ceci montre dans que le salaire moyen d’un travailleur HIMO dans ces pays peut être fixé au dessus du SMI, sans toutefois compromettre la rentabilité financière des travaux HIMO.
L’impact de l’approche HIMO se mesure par rapport à la situation de référence, c'est-à-dire à la situation de départ, sans le projet. Les expériences réussies doivent être suffisamment documentées sur cette base pour convaincre les plus septiques mais également pour servir d’exemples à d’autres projets HIMO. C’est le cas du projet HIMO, Programme de Réhabilitation Urbaine (PRU) conçu pour répondre à une urgence exprimée qui a gravement détérioré les conditions de vie des populations. Sa mise en oeuvre s’inscrit dans une logique de démonstration quant à la faisabilité d’un tel projet de développement dans un contexte particulier de post-crise.
Cette méthode présente des avantages indéniables pour les gouvernements, les bailleurs de fonds, les employés et pour les ministères des TPTC, de l’Agriculture. Les HIMO constituent un enjeu politique et financier important qu’il ne soit toujours aisé de définir et de circonscrire. En faisant partie des agendas et programmes de société des élus locaux et gouvernementaux, les programmes d’investissement à haute intensité de main d’oeuvre peuvent constituer un argument politique crédible par l’évocation du nombre d’emplois additionnels créés ou à créer pour un même investissement. L’approche HIMO sert d’argumentaire aux décideurs en vue de la recherche de financement auprès de bailleurs de fonds de plus en plus sensibles à cette approche.
L’approche HIMO se définit autour des trois niveaux d’intervention suivants :
i. le niveau macro pour infléchir les choix d’investissement aptes à créer des emplois et assurer le développement économique ;
ii. au niveau méso pour renforcer les capacités d’intervention du secteur privé local et améliorer leurs conditions de travail et enfin
iii. au niveau micro des collectivités locales et associations communautaires pour renforcer le processus d’organisation, de négociation et de partenariat entre les divers acteurs au développement local.

Il s’agit pour ce dernier niveau d’intervention de renforcer les capacités locales en matière de maîtrise d’ouvrage et de définir les relations de partenariat entre la commune et les organisations de base dans le cadre des contrats communautaires.
La complexité des problèmes d’emploi demande une approche globale et intégrée des programmes d’investissement qui visent à lutter contre la pauvreté. A ce titre, le plaidoyer en faveur des travaux HIMO ne doit pas uniquement apprécier les infrastructures en tant qu’investissement physique isolé du contexte social et des avantages économiques que l’on peut en tirer.

Le plaidoyer doit être articulé autour de deux axes majeurs qui s’appuient sur les résultats d’études comparatives: premièrement, le potentiel macro économique de l’approche HIMO et deuxièmement l’impact de l’approche sur la réduction de la pauvreté (en terme d’augmentation du pouvoir d’achat et du niveau de vie) et par extension sur le développement économique.

Même s’il est vrai que les applications HIMO qui ont été plus documentées sont celles des routes en terre, des systèmes d’irrigation, d’environnement, d’assainissement et d’eau potable, il faut indiquer que les travaux HIMO s’appliquent à divers domaines d’activités existant aussi bien dans le milieu rural qu’en milieu urbain:
· routes rurales,
· bâtiment,
· génie agricole,
· foresterie (plantation d’arbres),
· eau potable
· génie urbain
· services ramassages des ordures, etc.

La productivité de la main d’oeuvre, de l’entreprise et la qualité des travaux HIMO

La productivité de la main d’oeuvre est fonction de certaines données techniques du milieu tel que l’éloignement du chantier par rapport aux carrières et à la disponibilité des gîtes de matériaux de qualité. Mais il faut noter que les rendements obtenus sont également fonction de la taille de l’entreprise. La multiplication (et/ou la rotation) des équipes permet en effet de réduire conséquemment le délai d’intervention. Mais une telle approche pose le problème de suivi et de qualification de la main d’oeuvre.

L’utilisation des matériaux locaux doit être davantage valorisée dans le cadre des investissements à haute intensité de main d’oeuvre. Cependant il faut reconnaître que l’application des méthodes HIMO peut se heurter au problème d’approvisionnement des matériaux de bonne qualité et de leur transport. La solution à ce problème passe par un recours au contrôle de la qualité technique des matériaux utilisés, aux compétences et facilités du secteur public, des collectivités territoriales et des communautés, le tout étant géré par des relations contractuelles établies entre les différents intervenants.

Le recrutement, le suivi des équipes de travail et la qualification (sur le tas) des ouvriers en début de chantier sont des facteurs essentiels de productivité des équipes et de la qualité des travaux. Les périodes d’inactivité liés au cycle de production agricole, surtout en milieu rural, constituent dans certains pays (Haiti, Mali, Sénégal par exemple) des moments propices auxquels s’accommodent mieux les travaux HIMO. En pratique il faut prévoir pour une PME, 1 chef d’équipe par groupe de 20 et ouvriers et 5 équipes pour 1 contrôleur pour un nombre optimal d’ouvriers limité à 100 ; au delà de ce chiffre le suivi devient difficile et inefficace.

Il convient de retenir que les missions de contrôle et d’essai de laboratoires devront être programmées dans le cadre des projets HIMO de façon efficiente. Ces missions devront permettre de disposer de résultats pertinents qui confirment ou prouvent la qualité des travaux HIMO. Ces résultats de laboratoires constitueront à terme un capital qui sera utilisé pour plaider en faveur d’un assouplissement des conditions de soumission aux appels d’offres et d’attribution des marchés HIMO, notamment en ce qui concerne l’exigence des cautions (de soumission et de bonne exécution) difficilement satisfaite par les PME locales.

En dehors du fait que le délai des travaux HIEQ ne soit pas non plus maîtrisé pour diverses raisons (pannes d’engins, procédures longues de traitement des dossiers administratifs et financiers, …), les études faites sur le rendement et la productivité des équipes HIMO dans certains pays confortent la position avantageuse des techniques HIMO. Il est souhaitable que ces études comparatives se poursuivent pour apporter une réponse à ceux qui reprochent à l’approche HIMO d’être non productive et d’engendrer des délais excessifs dans l’exécution des travaux.

La pérennisation des travaux HIMO à travers le renforcement de la décentralisation et l’approche communautaire.

Le processus de décentralisation en Haïti fait ressortir les écueils suivants :
· non transfert des ressources et des responsabilités aux collectivités territoriales,
· non valorisation des initiatives et des ressources locales
· et absence de lien entre les investissements et l’emploi.
Cette situation appelle à une redéfinition des fonctions entre les différents acteurs locaux afin de créer des conditions de réussite des actions de développement. Dans ce contexte, les organisations et communautés de base doivent être à la fois des acteurs et des partenaires du développement local par le fait qu’elles constituent des groupes d’intérêt par lesquels sont exprimés les besoins et les institutions qui réalisent des projets collectifs.

Le caractère représentatif des organisations de base est primordial pour justifier la légitimité des actions qu’elles portent ou qu’elles réalisent en partenariat avec les décideurs locaux. Les principes d’organisation sociale et de négociation constituent les leviers essentiels à partir desquels peuvent s’exercer efficacement un contrôle social des actions des autorités locales.

Le renforcement des capacités locales des entreprises locales et des communautés est une composante essentielle de l’approche HIMO. L’utilisation des chantiers école comme formule pédagogique illustre le caractère pratique et théorique de la formation aux techniques HIMO. En raison de la nouveauté des matières enseignées par rapport à celles de la formation traditionnelle, l’on peut dire que les chantiers école constituent le moyen le plus convaincant d’expérimenter des schémas d’organisation des chantiers HIMO et de proposer de nouvelles options technologiques qui pourront être répliquées et pérennisées.

La particularité de l’approche HIMO est reflétée dans la spécificité de sa mission de promotion d’une politique, celle de la promotion des travaux à haute intensité de main d’oeuvre et des opérateurs locaux adaptés à ces divers travaux.

Mener des stratégies sur plusieurs fronts pour réorienter les investissements en infrastructures vers le développement durable et la création d’emplois

Afin de permettre aux PME (Petites et moyennes Entreprises) nationales d’accéder aux marchés HIMO, des efforts doivent être entrepris au niveau des maîtres d’ouvrages.
Les réformes à mener doivent viser notamment :
· l’accès de ces PME aux marchés des travaux,
· la réduction des délais de paiement des factures,
· la restitution rapide des cautions de soumission
· et l’allégement des critères techniques et administratifs de pré qualification en faveur des PME par la constitution anticipée des dossiers administratifs.

Le paiement rapide des PME est une condition de l’application de l’approche HIMO. Le mauvais traitement de cette question est susceptible de remettre en cause ou de freiner l’avancement d’un projet HIMO. En pratique le délai de paiement ne doit pas dépasser deux mois si l’on veut éviter de fragiliser davantage l’équilibre financier des petites entreprises locales.

L’élaboration des dossiers d’appels d’offres (DAO) offre la possibilité aux bureaux d’études aux consultants de proposer l’approche à haute intensité de main d’oeuvre comme option technologique à privilégier dans les travaux publics ou communautaire. Ils peuvent inclure dans les DAO des dispositions concernant l’utilisation des matériaux locaux, la promotion de l’emploi, la formation des PME, la prise en charge de l’entretien par les bénéficiaires des travaux.

Le rattachement institutionnel des projets à haute intensité de main d’oeuvre (HIMO) au niveau décisionnel les plus élevés (souvent au niveau de la présidence, de la primature) traduit l’engagement politique en faveur de l’approche HIMO.

Pour assurer un impact visible des investissements sur l’emploi, il convient en définitive d’institutionnaliser le lien entre l’emploi et les investissements par la création des cellules HIMO ou par l’adoption d’arrêtés ou de décrets présidentiels ou tout autre document de cette nature.

Le Programme de Relance Economique (PROREC)[4] est un modèle de moyen d’action politique des investissements qui peut donner une autre orientation aux investissements publics.

Les ressources du PROREC provenant du Trésor public sont canalisées vers des investissements qui répondent à des objectifs de croissance en se préoccupant de leur impact sur l’emploi. Il convient de porter le plaidoyer de l’approche HIMO non seulement au niveau des ministères chargés du plan ou du budget mais également au niveau des agences techniques de développement et des institutions financières de développement.

A l’heure actuelle, le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) semble être le moyen le plus accessible par lequel l’on peut faire valoir cette approche pour influencer les politiques d’investissement. Le processus d’élaboration du document stratégique national de croissance et de réduction de la pauvreté (DSNCRP) devrait en tenir compte. La déclaration de politique générale du Premier ministre Alexis a insisté sur le programme d’apaisement social (PAS) qui se ferait avec l’appui de la communauté internationale et toucherait toutes les communes du pays. Il vise, en utilisant toutes les ressources disponibles au niveau des communes, à répondre aux besoins des populations les plus vulnérables urbaines et rurales, à rétablir l’accès aux services de base (eau potable, assainissement, électricité etc.), à relancer le cycle de production d’où son aspect durable, et enfin à créer des emplois pour les travailleurs non spécialisés. Ce programme d’urgence à caractère structurant, qui serait financé par le GOH et par les fonds prévus dans le CCI revu et corrigé, devrait prendre fin en décembre 2007 et qui pourrait être prolongé au-delà, parce que n’ayant pas eu le financement souhaité et souffrant de problème conceptuel. Voilà un cadre idéal pour l’application de l’approche HIMO. Malheureusement, le GOH actuel, malgré les demandes répétées de la population et de la plupart des élus, semble réticent par rapport à cette approche qui pourrait encore lui offrir la planche de salut pour apaiser la population.


C. LES PROJETS À HAUTE INTENSITÉDE MAIN D’ŒUVRE (HIMO) EN HAITI[5]

En fonction de ce qui précède, un projet HIMO est essentiellement un projet de création d’emplois (PCE). Dans la structure du budget de ces projets, la main d’œuvre(MO) a un poids se rapprochant de 50% le reste étant partagé entre les matériaux (M) (25-30%) et les coûts de gestion (G) (10-20%). On a même eu en Haïti des projets HIMO avec 80% de main d’œuvre, 5% de matériaux et 15% de gestion. C’est dans ce sens qu’on parle de projets à haute intensité de main d’œuvre (HIMO). Cette structure de budget détermine la qualité des résultats en terme de travaux réalisés et influe sur leur durabilité. Elle est aussi à la base des critiques négatives vis-à-vis des projets HIMO en Haïti. Ceux-là qui critiquent ces projets le font soit par ignorance parce que ne comprenant pas l’importance des projets HIMO dans un pays comme Haïti, soit par méchanceté en utilisant des critères classiques ou des projets à haute intensité d’équipements (HIEQ) pour les évaluer, soit par amour pour Haïti parce que ces projets ont favorisé des détournements de fonds, des vols, du gaspillage d’argent par ceux-là qui étaient en charge de l’exécution, soit par jalousie parce que la plupart de ces critiques aimeraient se retrouver à la place des autres pour en profiter à leur tour. Mais les projets HIMO sont-ils des palliatifs ou représentent-ils une nécessité pour Haïti ?

Les Projets HIMO à travers le temps et en Haïti

Les techniques HIMO ne datent pas d’aujourd’hui. Toutes les infrastructures de l’Antiquité et de l’Ere chrétienne jusqu’à la révolution industrielle ont presque exclusivement utilisé ces techniques. Toutes les civilisations égyptienne, chinoise, gréco-romaine, Incas, etc. les ont pratiquées avec succès. Elles nous ont légué des vestiges historiques fantastiques, par exemple les pyramides, la grande muraille de Chine, la seule œuvre humaine visible depuis la Lune.
La colonie de St Domingue, devenue plus tard Haïti, a largement contribué à la fortune de la France par l’utilisation de ces techniques. La France a mis en place à St Domingue 58000 ha de terre sous irrigation. L’érection de ces systèmes d’irrigation, dont certains vestiges fonctionnent encore, s’est faite à partir des techniques HIMO (main d’œuvre servile). Toute la fortification haïtienne du dix neuvième (19e) siècle a été réalisée à partir de ces techniques, en témoigne notre magnifique Citadelle.
Avant les années 1950, Haïti a très peu utilisé la machinerie pour la mise en place de ces rares infrastructures routières, irrigation, édifices publics, etc. Avec les grands projets financés par la Communauté Internationale, la machinerie va réduire considérablement le poids de la main d’œuvre, surtout avec la présence des firmes étrangères contractées par l’Etat haïtien à travers les Ministères des Travaux publics, Transports et Communication TPTC, de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), et autres entités étatiques.

La politisation des techniques HIMO

Toutefois, la main d’œuvre intensive se perpétue dans des petits projets de type communautaire, et certaines ONG en font leur cheval de bataille avec des résultas plus ou moins acceptables. Le GOH des Duvalier va l’exploiter dans les travaux communautaires avec la mise en place de ces fameux Conseils Communautaires(CC), une sorte d’embrigadement de la population, surtout les masses ; ce fut le début de la politisation de ces techniques. Les CC étaient partout, dans les périphéries des grandes villes, dans les bourgs et les sections communales. Ils étaient contrôlés par les Maires, les Chefs de sections, les députés, tous nommés par le GOH. C’était une forme de participation forcée dans des travaux routiers, de drainage, d’irrigation, de conservation de sols. Les gens recevaient très peu d’argent, parfois de la nourriture, des outils, etc. Là où l’on a eu affaire à des Dirigeants plus ou moins conscients, on a enregistré des résultats acceptables et une prise de conscience des populations dans leur capacité à se prendre en main. Dans d’autres cas, ces travaux étaient assimilés à une sorte de corvée et donc rejetés par les populations.
Le GOH des Duvalier (2e phase) continue la politique d’embrigadement des masses dans des CC pour des travaux HIMO. Mais il va l’affiner ou la dénaturer avec les fameux « roy-roy » confiés au Ministère des TPTC. A chaque grande occasion, fin d’année, ouverture des classes, Pacques, fêtes patronales, le Président envoya de l’argent pour un « roy-roy » afin de calmer la tension politique, curer des canaux, balayer les rues, réparer des rues et routes en asphalte, en terre, adoquiner les rues, etc. Des fortunes ont été érigées à partir de ces projets HIMO. Et certaines catégories de gens ont développé du mépris pour des techniques HIMO, les assimilant à du gaspillage d’argent, à la « politique » dans le sens créole du terme.

La création d’Emplois temporaires dans le cadres des accords de Governor’s Island et après

Le Gouvernement Haïtien (GOH) et les bailleurs de fonds ont pu créer un total de 1,036,572 emplois entre 1993 et 1997. Ces emplois temporaires ont été créés dans le cadre de programmes/projets dits à Haute Intensité de Main d’œuvre (HIMO). Les programmes les plus souvent cités sont : JOBS-USAID (1993-96), CGP-USAID/IOM (1994-97) et le PCE-UCG/Banque Mondiale (1995-97). Ces emplois ont permis une injection monétaire de 103.8 millions de dollars américains dont près de 50% sont allés directement dans des ménages marginalisés de centres urbains et du monde rural. Le tableau 1 présente avec de multiples détails la répartition globale de ces fonds.


Ces interventions d’urgence étaient aussi porteuses d’effets secondaires qui requièrent un niveau d’arbitrage et de compromis de la part du Gouvernement et des responsables de ces programmes pour en limiter au maximum les impacts négatifs. Parmi les effets secondaires négatifs il faut mentionner :
· préférence donnée aux projets simples (du point de vue technique et logistique) prêts à être exécutés ;
· bénéfices essentiellement de courte durée ;
· bas niveau d’appropriation par les bénéficiaires ;
· modalités et coûts récurrents d’opération et de maintenance non pris en considération de manière adéquate ;
· épisodes de perturbation du marché de l’emploi et de la structure de salaire locale avec répercussions négatives potentielles sur la production agricole.

Tableau 1. Projets HIMO
Programmes
Montants alloués
(US$ Million)
Personnes- Mois (P-M)
Total salaire payé
(US$ Million)
Prévues
Réalisées/
Engagées
%
JOBS-USAID
32.4
492,500
505,570
103
21.7
PCE-UCG
50.0
487,000
472,000
97
24.3
HIMO-MTPTC
14.2
n.s.
25,600
--
1.5
PRECJ-ACDI
3.6
13,636
13,779
101
0.8
FUREC-ACDI
3.6
36,364
19,623
54
1.1
TOTAL
103.8
1, 029,500
1, 036,572
101
49.4
Source: Les Défis de la Lutte contre la Pauvreté en Haïti, Banque Mondiale (1997).

Les domaines d’application des techniques HIMO

Après le GOH des Duvalier, les « roy-roy » ont continué de plus belle jusqu’en 1993 après les accords de Governor ‘s Island. Entre temps, les TPTC ont essayé avec un certain succès de systématiser les techniques HIMO dans le cadre du programme de réhabilitation urbaine (PRU). Là ce Ministère a fait un travail remarquable en produisant des dossiers d’exécution plutôt acceptables qui ont permis l’adoquinage, le drainage de plusieurs villes, Carrefour au niveau de Martissant, de Fontamara, Gonaives, cayes, St Marc, etc. Parallèlement, les « roy-roy » tels que conçus sous Duvalier se sont maintenus, comme quoi pour un même Ministère on a eu deux façons de faire. D’où la nécessité de la Normalisation comme il est de mise dans d’autres pays.
En septembre 1993, dans la cadre des accords de Governor’s Island, Haïti va mettre sur pied un vaste programme de création d’emplois (PCE) sous financement de l’USAID dans un premier temps de treize millions de dollars américains (US $ 13,000,000.00) avec PADF comme Organisme d’Exécution et sous financement de la BID et la Banque Mondiale (BM) d’environ cinquante millions de dollars (US $ 50,000,000.00) avec PADF et l’Unité Centrale de Gestion (UCG). Le PCE (600,000 P-M de travail) a utilisé les techniques HIMO dans cinq domaines : les routes rurales, l’irrigation et le drainage, la conservation de sols, l’assainissement et l’eau potable, et a pu créer en moyenne 23000 emplois journaliers sur le territoire d’Haïti durant trois ans, dont 70% en milieu rural. La structure du budget de 80% pour la main d’œuvre , de 5% pour les matériaux et 15% pour la gestion a été, en fonction des résultats obtenus et des critiques liées à la qualité des travaux, modifiée par la BM et la BID en 60%, 25% et 15%.
En plus des résultats obtenus (Rapport Final PCE,1997), le PCE a permis la systématisation d’un certain nombre d’outils (élaborés par 8 techniciens haïtiens) en vue de répliquer l’expérience, l’absorption de 65 millions de dollars en trois (3) ans dont 50 millions en dix huit (18) mois avec les compliments des bailleurs de fonds (BF), l’émergence d’un certains nombre d’institutions locales susceptibles de gérer selon les normes cinq (5) millions de gourdes, la formation d’un grand nombre de cadres au niveau local et au niveau de certaines Mairies, la diffusion d’un modèle standard de présentation de dossier de projets, encore utilisé par certaines organisations etc. La plupart des grandes villes ont bénéficié des études d’urbanisme et certaines structures étatiques de moyens logistiques (véhicules, ordinateurs).
Après la période 1993-1997 marquée par les projets HIMO, des ONG ont continué ce genre de programme avec des interventions sur 2 à 3 mois dans le double objectif de faire des injections monétaires directes et de la réhabilitation. Les interventions de ces ONG concernaient la réhabilitation de petits systèmes d’irrigation, de pistes et routes, de protection de l’environnement et autres. Des considérations similaires à celles faites plus haut sont encore applicables.

Le CCI et la Création d’emplois

Le Gouvernement de transition dans son document définissant le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI) prévoit un volet de création d’emplois en vue de soulager les besoins économiques de la frange de la population la plus défavorisée. La stratégie préconisée poursuit trois priorités :
· Renforcer les capacités des différents acteurs dans la mise en place et le suivi des programmes HIMO
· Créer 750,000 emplois temporaires (dont 30 % pour des femmes) de juillet 2004 à septembre 2006
· Accroître l’offre de micro-crédit en vue d’atténuer la détérioration alarmante des revenus des plus pauvres et de soutenir la promotion durable de l’auto emploi en milieu rural et urbain.
Le programme gouvernemental prévoit donc en moyenne 27,800 emplois/ jour. Les programmes et projets pour création d’emploi rapide ayant fait l’objet de conventions déjà signées devrait permettre la création de 409,903 personnes-mois de travail pour un montant global de 107.5 millions de dollars américains, soit en moyenne USD 263.25 pour un personne-mois (P-M) de travail ou USD 10.93 pour un personne-jour (P-J) de travail. Ce qui, à première vue, paraît assez chère en regard des coûts journaliers pratiqués actuellement en Haïti. Il est prévu également de créer 340,097 emplois (P-M) additionnels à partir des autres programmes et projets dont les conventions ne sont pas encore signées. Ce qui représenterait un montant d’environ 89,5 millions de dollars américains.

Création Rapide d’Emploi dans le CCI

Dans un document[6] présenté lors du premier anniversaire du CCI en juillet 2005, il a été rapporté la création d’un nombre d’emplois de 252695 P-M de travail dans le cadre du CCI. Ces emplois (21000 emplois en moyenne/ mois) sont créés dans les domaines agricoles, de sécurité alimentaire, d’infrastructure de base, d’assainissement, de l’artisanat, la micro entreprise, le café, l’agro-industrie, l’irrigation, de conservation de sol, d’endiguement de rivière, les citernes familiales, etc.
Ces chiffres sont plutôt conservateurs si on se réfère à l’ensemble des actions menées dans ce pays tant au niveau des institutions étatiques qu’au niveau des ONG, très actives dans les domaines de l’humanitaire. Malheureusement, le manque de coordination de ces actions n’ont pas permis d’avoir toutes les informations y relatives. Ce qui laisse la désagréable impression que rien de sérieux ne s’est fait dans le domaine de création d’emplois en Haïti depuis la prise du pouvoir par le Gouvernement intérimaire. Cet état de fait est lié aux faiblesses de la structure de coordination du CCI et à l’absence de leadership dans la création d’emplois comme il était de mise entre 1993 et 1997.

Création d’emplois dans le cadre du GOH actuel

Le GOH actuel continue sur la même lancée. Malgré la continuité de certaines actions entamées sous le GOH de transition avec les financements de l’USAID, la BM, la BID, l’UE, le PNUD, la MINUSTAH, les agences bilatérales, on n’a pas d’informations systématisées sur la création d’emplois temporaires. Toutefois, l’approche HIMO continue à être utilisée à travers le pays. Les projets financés par le BM comme Programme de Développement Participatif (PRODEP), par le FIDA comme le Programme d’Appui aux initiatives Productives en milieu rural (PAIP), le Projet d’intensification des cultures vivrières, phase 2 (PICV2), par l’USAID, lari pwop à Port-au-Prince, les programmes sur Cité Soleil, Bel aire, au niveau des Mairie, tous ces projets et programmes utilisent l’approche HIMO. Il faudrait arriver à une systématisation de l’ensemble des emplois temporaires et durables créés depuis la prise de pouvoir par ce GOH.
Les ministères comme les TPTC, le MARNDR, ME et même de l’Intérieur et des collectivités territoriales (MICT) ont utilisé l’approche HIMO et ont créé des milliers et des milliers d’emplois tant au niveau du monde urbain que du monde rural. Mais l’élément création d’emploi n’est pas pris en compte comme un critère de réussite de ces projets. D’où la non systématisation de cette information.
En tout cas, il est visible qu’à travers tout le pays, des travaux HIMO sont systématiquement mis en œuvre mais sans une coordination au niveau central. Ce qui crée un problème de disponibilité et de centralisation de l’information et aussi un problème de l’absence du GOH dans la problématique de création d’emploi dans le pays. C’est comme si, les organismes qui travaillent dans le domaine de création d’emploi, le font de leur propre gré sans l’accord du GOH. Ce que tout le monde doit savoir, c’est que tous les financeurs ont d’une manière ou d’une autre l’aval du GOH pour intervenir dans le pays ou tout au moins devrait. Leurs actions se font donc en principe dans le cadre de la mise en œuvre de l’action gouvernementale.

D. NECESSITE D’UN MODELE HIMO ACCEPTABLE

Malgré les résultats obtenus dans les projets HIMO, ces projets n’ont pas bonne presse en Haïti, surtout qu’après 1997 et même actuellement, on a eu d’autres « roy-roy » et les modèles actuels s’apparentent beaucoup plus aux Roy-roy qu’au modèle généralisé par l’USAID et l’UCG entre 1993 et 1997. On a une nette tendance à comparer les résultats des projets HIMO aux projets dits classiques ou HIEQ. Les études sont plus poussées, le mode d’exécution, la structure du budget (30%, 50%, 20%) sont différents. Parfois la MO peut être comprise entre 17% et 27% par rapport aux coûts globaux des projets. Les deux autres rubriques absorbent entre 83% et 73%, ce qui permet de réaliser des travaux de qualité et plus durables, et aux Entreprises de réaliser des profits substantiels. Dans ces projets dits classiques, l’utilisation de la machinerie se fait au détriment de la main d’œuvre (MO). La création d’emplois n’est pas l’élément fondamental de ces projets, les extrants sont la quantité et la qualité des travaux, contrairement aux travaux HIMO. Et la préférence va généralement aux projets HIEQ.

En référence à l’article du 8 mai 2004 publié au Nouvelliste à la mi mai 2004, sous le titre « Les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO)[7] : palliatifs ou nécessité pour Haïti ? », il a été proposé une structure idéale de budget de 40,40,20 (40% pour la main d’œuvre, 40% pour les matériaux et 20% pour l’administration et la gestion) ou une structure encore plus souple de 50,30,20 à appliquer aux programmes de réhabilitation d’irrigation et environnementale. Ces deux (2) hypothèses de structure de budget devraient permettre à l’Etat Haïtien et au Gouvernement de réaliser des travaux de qualité tout en créant le maximum d’emplois possibles. En analysant les 750,000 emplois prévus par le CCI, surtout en se référant aux coûts journaliers (USD 10.93/ P-J), on a l’impression que les calculs du CCI relatifs à l’emploi se seraient basés sur la structure de budget de 40,40,20. En se référant à la structure de budget 50,30,20 et en prenant un coût moyen journalier de 6.5 USD, le Gouvernement aurait pu facilement dépasser 1,000,000 d’emplois (P-M) avec le même montant prévu pour les 750,000 emplois.

Si on veut concilier les critères de création d’emplois, de quantité et de qualité des travaux, il faudrait idéalement une structure de budget de 40,40,20 ou de 50,30, 20 à appliquer suivant les domaines d’intervention considérés. Et si l’emploi restait l’élément fondamental, le coût unitaire des projets HIMO (ramené à l’emploi) serait plutôt élevé par rapport aux structures de budget 80,5,10 ou 60,25,15 utilisées dans le passé. D’où la nécessité pour l’Etat haïtien de bien négocier les accords liés aux programmes de création d’emplois relatifs aux travaux d’infrastructures, en ayant toujours à l’esprit une structure de budget correspondant aux objectifs visés.

Dans les projets HIMO actuels, on relève une sorte de cacophonie, tant au niveau des coûts journaliers pratiqués qu’au niveau des modes de recrutement des travailleurs (par contrat ou comme journalier) ainsi qu’au niveau d’organisation de chantiers. Il faudrait arriver à une harmonisation et une uniformisation des projets HIMO en se basant sur le modèle qui a été vulgarisé entre 1993 et 1997. Les équipes contiendraient 20 ouvriers et 1 chef d’équipe, pour toutes les 5 équipes, on aurait un contrôleur pour un nombre optimal d’ouvriers limité à 100. Les équipes travailleraient de 8 h AM à 4 h PM du lundi au vendredi.

La répartition des projets épouserait la répartition de la population sur le territoire du pays avec 60% des projets en milieu rural et 40% en milieu urbain et serait orientée vers les zones marginalisées, défavorisées, vulnérables et très pauvres. Le salaire minimum moyen direct à payer devrait être supérieur à 2 USD/jour, pour permettre aux bénéficiaires (environ 50000/ jour) issus des couches défavorisées de sortir de leurs conditions de pauvreté absolue, même momentanément[8].

Les coûts pour la création de 650000 P-M de travail (50000 emplois/jour) durant une année avoisineraient 84,500,000.00 USD. Ce qui permettrait à l’Etat et au GOH actuel de mettre un vrai programme d’apaisement social (PAS) et d’avoir la possibilité de réfléchir sans trop d’emmerdement sur le programme de long terme cher au Président Préval et souhaité par la majorité des haïtiens dignes de ce nom.

E. NECESSITE D’UNE MACHINE BIEN HUILEE POUR LA MISE EN ŒUVRE

Pour mener à bien ce programme de création d’emplois, il faudrait une machine bien huilée. Les Ministères sectoriels (TPTC, MARNDR, ENVIRONNEMENT, MPCE, etc.) ne sont pas en mesure de mettre en oeuvre directement de tels programmes à moins de les renforcer à cette fin et d’alléger les procédures habituelles caractérisées par une lenteur proverbiale. Le temps presse.

La mise en œuvre d’un tel programme ne devrait pas être un travail d’amateurs, surtout si on veut obtenir de résultats sérieux et chiffrés, tout en réduisant au maximum les risques de corruption. Il faudrait une Structure de Gestion à la manière de l’Unité Centrale de Gestion (UCG) attachée à la Primature pour la coordination ou l’utilisation des structures étatiques existantes comme le PL480, ou le FAES, des maîtres d’ouvrages délégués (MDOD) pour la mise en œuvre des projets avec l’appui des organismes d’exécution à travers tout le pays et des procédures techniques et administratives adaptées.

CONCLUSION: HIMO, une nécessité pour Haïti

Il est donc clair qu’on peut faire des projets HIMO avec des résultats acceptables presque comparables (dans certains cas) à des projets d’infrastructures dits classiques ou à haute intensité d’équipement (HIEQ). Tout est une question de choix de structure du budget. L’Etat haïtien dispose de près de neuf millions d’habitants à l’heure actuelle, selon l’UNFPA. Ces ressources humaines ne sont en général pas qualifiées et sont pour la majorité au chômage. La façon la plus rapide de les mettre au travail est la création d’emplois dans les domaines d’infrastructures routières rurales, d’irrigation, de conservation de sols, d’assainissement rural et urbain, de l’eau et d’autres. Dans la situation actuelle, c’est une nécessité absolue. L’expérience d’Haïti dans les projets HIMO lui permet d’intervenir rapidement dans ces domaines, moyennant les négociations avec les bailleurs de fonds et/ou la disponibilité des fonds au niveau de l’Etat. Mais cela ne doit pas être un palliatif, il doit être inscrit dans le cadre d’une politique d’emploi visant le développement national. Il n’y a pas lieu d’opposer les projets dits classiques d’infrastructures aux projets HIMO relatifs aux infrastructures, les deux étant nécessaires et complémentaires. Dans la mesure où l’on peut accorder la priorité à l’homme par rapport à la machine, il faudrait le faire, surtout dans un pays comme Haïti. Chaque emploi créé réduit inévitablement le taux de chômage. Et chaque domaine susceptible de créer massivement des emplois dans le pays devrait être priorisé par l’Etat haïtien qui devrait inscrire un taux de chômage à un chiffre comme objectif dans son plan global de développement de long terme (?). Il faut rêver. Avec l’accompagnement de la Communauté internationale dont les représentants sont à pied œuvre en Haïti et une volonté politique nationale de travailler ensemble pour le développement durable du pays haïtien, tout devient possible.


[1] Pour de plus amples informations, consulter R. Mathelier et R. Montas (2002) L’emploi en Haïti in PNUD/AHE. La situation économique et sociale en Haïti en 2002.
[2]. PNUD (2003) Profil, perception et caractéristique de la pauvreté en Haïti. Cité dans le CCI
[3] 50 % de la population haïtienne se partage 10 % du revenu national.
[4] Voir rapport final produit par le Ministère de l’Economie et des Finances.
[5] Inspiré d’un ensemble de textes sur le sujet dans les journaux par l’auteur.
[6] CCI-Réalisations.Juillet 2005.
[7] Par JR JEAN-NOEL
[8] La rotation des équipes de travail se ferait tous les trois mois.

vendredi 18 avril 2008

Le secteur agricole dans la déclaration de politique générale (DPG) du Premier Ministre Jacques Edouard ALEXIS devant le Parlement

Ce dossier a été préparé sur demande du Ministre de l’Agriculture, Mr Severin, en août-septembre 2006 pour être publié dans la revue AGROCULTURE. Malheureusement, il n’a jamais été publié. Dans la conjoncture actuelle caractérisée par des émeutes de la faim et soldée par le renvoi du Premier Ministre Alexis, je décide de le publier dans mon blog car il contient des idées encore actuelles et susceptibles d’être utilisées dans la conjoncture troublée d’avril 2008.

Port-au-Prince le 5 octobre 2006

Le secteur agricole dans la déclaration de politique générale (DPG) du Premier Ministre Jacques Edouard ALEXIS devant le Parlement

Ing. Jean Robert JEAN-NOEL

A. DIAGNOSTIC RAPIDE DU SECTEUR AGRICOLE[1]

Le secteur agricole haïtien (y compris la pêche, l'élevage et la foresterie) est resté assez important par rapport au PIB. En quatorze ans, la contribution de l'agriculture au PIB réel est passée de 37% à 25% (1990-2004). Cette contribution s’est plutôt stabilisée depuis 1998.

La production agricole est restée trop faible pour satisfaire les besoins alimentaires de la population[2]. La production nationale représentait 55% de l’offre alimentaire globale en 2000. Ce déficit a été comblé par les importations de produits alimentaires. La part de ces importations dans les importations totales connaît une augmentation depuis le début des années 80. De 18,3% en 1981, elle a atteint 26,8% en 2004. La valeur des importations alimentaires par habitant est en nette augmentation à partir de 1994: elle est passée de 14,5 US$ en 1981 à 32 US$ en 2003. Le déficit alimentaire global, estimé à environ 9% au cours de l’année 2000, s’est aggravé pour atteindre près de 20% de l’offre totale en 2004[3].

A l'opposé, la part des exportations de produits agricoles enregistre un net recul depuis le début des années 80. Durant près de 24 ans, cette part a connu une chute vertigineuse de 22 points. De 28,3% en 1981, elle est tombée en 2004 à 6,2%.

En dépit de ce tableau sombre, le secteur agricole reste un secteur stratégique pour Haïti en raison de ses fonctions dans l'alimentation et de l'importance de la population rurale. L’agriculture continue d’être le pilier de l’économie nationale : elle contribue pour près de 25 % au PIB (2004) et représente environ 50 % des emplois en général, 2/3 des emplois en zones rurales et 3/4 des emplois pour les pauvres. Dans l’ensemble, l’agriculture demeure la principale activité économique rurale, bien que les activités non agricoles revêtent également une importance considérable. Environ 37,2 % des travailleurs ruraux ont des activités non agricoles. Bref, en Haïti, l’agriculture reste le moteur de la croissance. Toutefois, ceci ne sera possible que si les stratégies adoptées contribueront à la fois à la création de richesse et à l’épanouissement du monde rural dans son ensemble.

Il semble que tout ceci ait bien été compris par le Premier Ministre Alexis. En effet, quand on pénètre réellement la DPG, on aurait cette impression qu’elle accorde une attention particulière au secteur agricole. Il est reproduit plus bas un résumé assez exhaustif autour des quatre grands points de la DPG pour permettre au lecteur de bien appréhender la présence de ce secteur dans tout le texte.

B. LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE (DPG) DU PREMIER MINISTRE JACQUES EDOUARD ALEXIS[4].

La DPG est un document articulé autour de quatre grands points qui reprennent l’essentiel de la problématique haïtienne avec comme toile de fond et l’un des secteurs les plus importants, le secteur agricole. On sentira l’empreinte du secteur agricole soit en filigrane, soit directement dans toute la démarche du point (i) au point (iv), c'est-à-dire dans les quatre (4) conditions pour un redémarrage du pays, en passant par les constats en termes de richesses et de défis et les grandes orientations du Quinquennat jusqu’aux actions prioritaires du Gouvernement. Voyons un peu.

(i) Les quatre (4) conditions pour un redémarrage du pays

Dans cette partie du texte, le Premier Ministre Alexis a identifié les conditions suivantes,

· Le dialogue national et la réconciliation nationale,

· La déconcentration administrative,

· La recherche d’équilibre entre le taux de croissance de la richesse et celui de la distribution au niveau de toute la population du pays,

· Le rétablissement de l’autorité de l’Etat ;

(ii) Les constats sous forme de sources de production de richesses et de défis à relever

Quant aux constats le Premier Ministre les a regroupés en richesses et en défis

      • La jeunesse du pays : 52% de la population ont moins de 20 ans ;
      • La solidarité entre les Haïtiens d’ici et de la diaspora ;
      • Le rôle des femmes haïtiennes dans les activités comme le commerce, l’artisanat et autres ;
      • La capacité des hommes et des femmes haïtiennes à se battre pour des causes justes ;
      • Les différents écosystèmes dont dispose l’environnement naturel haïtien ;
      • La capacité de création et d’innovation du peuple haïtien ;
      • La spécificité du patrimoine culturel haïtien ;

Ce sont là les quelques sources de richesses relevées mais aussi certains défis comme :

· La non scolarisation de 500,000 enfants du pays ;

· Les 70% de la population qui n’ont pas accès au logement, à l’eau potable ;

· La non disponibilité de services de santé pour une bonne partie de la population ;

· La disponibilité des services de ramassage d’ordures pour 8% seulement des maisons ;

· La dégradation avancée de l’environnement haïtien,

· Le manque d’électricité, de bons ports et aéroports, de bonnes routes, de logements ;

· L’absence de services de base dans beaucoup de zones du pays ;

· Le manque d’accès des jeunes aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ;

(iii) Les grandes orientations du quinquennat (2006-2011)

Les grandes orientations imprimées au quinquennat par le Premier Ministre sont les suivantes :

(1) La modernisation de l’Etat subdivisée (i) en la refondation de l’Etat tout en l’orientant vers un Etat stratège, décentralisé, de droit et bon gestionnaire ; (ii) en la solidification des institutions démocratiques par le renforcement institutionnel ; (iii) en la déconcentration administrative de l’Etat pour favoriser le processus de décentralisation en étroite collaboration avec les collectivités territoriales.

(2) La création de richesse par l’investissement privé en favorisant l’essor du secteur touristique, du secteur des NTIC, du secteur de l’industrie manufacturière, du secteur des petits producteurs agricoles et du secteur informel.

(iv) Les actions prioritaires du Gouvernement

Les deux grandes orientations conduisent aux huit (8) priorités suivantes :

i. Le programme d’apaisement social (PAS) qui se fera avec l’appui de la communauté internationale et touchera toutes les communes du pays. Il vise, en utilisant toutes les ressources disponibles au niveau des communes, à répondre aux besoins des populations les plus vulnérables urbaines et rurales, à rétablir l’accès aux services de base (eau potable, assainissement, électricité etc.), à relancer le cycle de production d’où son aspect durable, et enfin à créer des emplois pour les travailleurs non spécialisés.

ii. La sécurité et la Justice. Dans ce domaine le GOH vise la reconquête de la souveraineté nationale et une approche intégrée police/justice pour doter le pays d’un système judiciaire responsable, professionnel et capable de faire face aux crimes de toutes sortes.

iii. La gestion du cadre macro économique et du processus budgétaire qui devra permettre à l’Etat de prendre toutes les mesures pour la relance des investissements privés, tout en limitant l’inflation, en assurant un taux de change compétitif afin de dégager les allocations nécessaires pour répondre aux exigences d’investissements sociaux. Le taux de croissance visé pour le prochain exercice 2006-2007 est de 4% et la pression fiscale passera de 9% à 12-13% à moyen terme. Le défi majeur sera de dégager des ressources pour la satisfaction des besoins urgents de la population et la réalisation des conditions nécessaires à la création de richesse sur une base stable pour réduire le taux de pauvreté.

iv. La relance de la production nationale, « poto mitan pwogram sosyal ak economik » du Gouvernement dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, de l’agriculture, au tourisme en passant par l’artisanat, l’agro alimentaire, la sous traitance. D’où nécessité de la réforme agraire, de formation, d’utilisation de nouvelles techniques, et d’un nouveau type d’entrepreneur susceptible de maîtriser les NTIC, surtout dans le secteur agricole. Les entrepreneurs et l’épargne de la diaspora ne seront pas négligés. D’où les dispositions pour la création d’un « Fonds d’investissement de la diaspora haïtienne ».

v. Les infrastructures productives telles, les pompes d’irrigation, les routes, les ports, les aéroports, la fourniture d’électricité, la régulation du secteur de communication, etc auront une attention spéciale de la part du GOH.

vi. L’environnement, l’eau potable et l’assainissement. « Le grand défi de notre pays en ce début du 21e siècle est celui de la protection de notre environnement », écrit le Premier Ministre. Le GOH travaillera dans le cadre du plan d’action pour l’environnement adopté en 1999. Et tout un ensemble d’actions dans ces domaines est prévu au niveau des communes du pays.

vii. Le développement et la mise en valeur des ressources humaines. Sous cette rubrique, il faut voir la réalisation de la scolarisation universelle et la continuation de la réforme de l’éducation, l’alphabétisation des adultes. Pour y arriver, le GOH insistera sur la question de prévention et des premiers soins, surtout les maladies sexuellement transmissibles, se penchera sur la question de la mortalité infantile et maternelle et organisera des campagnes de vaccination pour les bébés et les enfants en âge d’aller à l’école. Tout ceci dans le cadre d’un partenariat public et privé.

viii. La culture et la valorisation du patrimoine. « La diversité de notre culture et l’héritage de notre patrimoine national forment tous deux notre premier avantage comparatif dans la région caribéenne. », écrit le Premier Ministre. Il poursuit, « le GOH travaillera de concert avec les institutions locales à la sauvegarde et à la réhabilitation du patrimoine national, à l’établissement de plans de gestion et d’exploitation, ainsi qu’à l’élaboration de mesures pour la promotion de ce patrimoine »

En guise de conclusion à sa déclaration : le Premier Ministre croit que toutes ces mesures permettront d’ « arriver le plus près possible des objectifs du millénaire pour le développement » et a annoncé deux documents en préparation en relation avec « la vision de 25 ans », chère au Président de la République, Mr René PREVAL.

C. BREVE ANALYSE MONTRANT L’IMPORTANCE DU SECTEUR DANS LA DPG

Il faut remarquer qu’au point 1 de la DPG, les quatre conditions énumérées par le Premier Ministre pour le redémarrage du pays pourraient s’appliquer au secteur agricole. Il en est de même pour le point 2, les défis à relever et les richesses se retrouveraient pour la plupart dans le secteur. Quant au point 3, la modernisation de l’Etat et ses subdivisions, la création de richesse par l’investissement privé ne pourraient valablement s’envisager sans une attention spéciale au secteur agricole. Pour le point 4 consacré aux 8 grandes priorités, le secteur agricole, qui est principalement lié au monde rural (60% de la population) et au collectivités territoriales, s’intègrerait parfaitement à ces priorités de la DPG et en serait l’élément fondamental.

On n’a pas besoin de trop pousser l’analyse pour permettre au lecteur de comprendre l’importance de l’agriculture dans la DPG. Il lui est recommandé pour sa parfaite édification de relire attentivement le résumé présenté plus haut pour se faire une idée exacte de l’importance du secteur agricole, de ses acteurs, de son espace géographique et de ses relations avec les autres secteurs dans la DPG.

D. LES CONTRAINTES DU SECTEUR AGRICOLE[5]

Pour bien comprendre le contexte d’application de la DPG, il faudra regarder de plus près les contraintes liées au secteur. Le secteur agricole haïtien confronte un certain nombre de problèmes et contraintes dont les plus criants sont énumérés plus bas :

  • Le cadre macroéconomique qui pénalise la compétitivité du secteur agricole.

  • Les faiblesses institutionnelles au niveau du secteur agricole se traduisant par une cacophonie, des duplications et des gaspillages dans les interventions de terrain avec une multitude d’acteurs sans réelle coordination du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) ;

  • La faible part accordée habituellement au secteur par le budget national en regard de son apport au PIB ;

  • L’absence d’outils financiers nécessaires à la réalisation d’investissements productifs tant au niveau des exploitations agricoles qu’au niveau des entreprises agroalimentaires ;

  • L’instabilité politique et le phénomène de l’insécurité font qu’il est extrêmement difficile d’exécuter des programmes de développement dans le pays.

  • L’insuffisance et l’état de délabrement des infrastructures, en particulier pour le transport des produits ne facilitent pas l’accès des produits aux principaux marchés intérieurs et extérieurs ;

  • L’accès à l’énergie électrique constitue une contrainte majeure au développement de certaines filières agricoles.

  • La faiblesse structurelle des systèmes de production, de transformation et de commercialisation constitue des facteurs de blocage à la croissance de la production agricole.

  • La désorganisation des acteurs impliqués dans les filières et les faiblesses des organisations professionnelles agricoles retardent le développement des chaînes de production et de transformation.

  • La fragilité du milieu physique, la complexité des phénomènes climatiques et la forte pression humaine sur les terres entraînent la dégradation des sols.

  • L’alimentation inadéquate en eau des cultures, la gestion au petit bonheur de la ressource eau avec des pertes énormes évaluées à plus de 50% au niveau des systèmes d’irrigation gravitaires à ciel ouvert, la mauvaise gestion des eaux de surface, souterraines et de pluies (40 milliards de mètres cubes par an dont 90% vont directement à la mer) ;

  • Le faible niveau d’équipement au niveau des terres irrigables (80000 ha sur un potentiel de 400000 ha) ;

  • La faible maîtrise des attaques des ravageurs et des maladies de plantes et d’animaux.

  • L’absence de normes et de contrôle de qualité constitue une barrière pour l’accès à des marchés aux exigences sanitaires strictes.

  • Le foncier peut constituer une contrainte à la production agricole dans certains cas. La tenure foncière est généralement évoquée comme élément de blocage à la réalisation d’investissements productifs pour l’amélioration de la qualité de la terre.

E. LES OPPORTUNITES DU SECTEUR

Les opportunités du secteur peuvent encore être exploitées pour stimuler la croissance et le développement économique en Haïti dans le cadre de la DPG. Elles peuvent être classées en deux (2) catégories, (i) les opportunités de production et (ii) les opportunités de marché.

a. Les opportunités de production

  • Un potentiel très important du secteur rural réside dans la diversité des conditions écologiques et de la forte capacité d’adaptation des petits exploitants.

  • Un potentiel agro-industriel non exploité.

  • Le pays dispose d’un réseau élargi de petits groupements d’agriculteurs et d’associations de producteurs.

  • Un potentiel irrigable de 400000 ha dont seulement 80000 ha sont équipés actuellement ;

  • Certaines filières agricoles présentent un atout considérable non seulement dans la création de revenus mais aussi dans la lutte contre la dégradation de l’environnement.

  • L’agriculture haïtienne est essentiellement organique.

b. Les opportunités de marchés

Quant aux opportunités de marché, elles s’articulent autour du (i) marché intérieur du pays avec le taux de croissance de 2% l’an de la population qui exerce une demande croissante sur les produits agricoles, du (ii) marché dominicain avec la demande de plus en plus forte pour des produits agricoles haïtiens et autour du (iii) marché régional et mondial avec les demandes pour les produits traditionnels (café, cacao, huiles essentielles), pour les mangues, les produits liés aux marchés niche en principe avec moins de concurrence, des marchés de produits de qualité pour lesquels le fait de provenir d’Haïti ferait partie de la définition de la qualité. Il ne faudrait pas oublier les opportunités pour l’exportation des produits agricoles des pays en développement dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC).

F. VISION, MISSION, STRATEGIE ET PROGRAMME DU SECTEUR AGRICOLE AU REGARD DE LA DPG[6].

Pour relancer la croissance économique du pays, la relance de la production nationale, particulièrement de la production agricole s’avère un passage obligé. Il est impératif que le secteur agricole retrouve sa place dans l’économie nationale et puisse contribuer pour une meilleure part au PIB du pays. Pour ce faire, il est indispensable de « donner un bon coup de barre » en redéfinissant la vision et les orientations stratégiques du secteur.

La vision globale met l’accent sur un programme de modernisation institutionnelle et productive du secteur agricole. Au plan institutionnel, il s’agit de (1) développer des Centres pour la recherche appliquée en termes de problèmes et défis du monde paysan, renforcer des structures de services décentralisés au niveau du secteur, (2) établir des réseaux d’informations et développer des émissions agricoles radiophoniques spécifiques (diffusion de prix des produits agricoles, système d’alerte cyclonique, conseil technique etc.).

La modernisation de l’agriculture repose d’abord sur l’amélioration des sources de revenus des agriculteurs et agricultrices par le développement des filières de production bien organisées pour créer de la valeur ajoutée. Il faut passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture d’entreprenariat tout en tenant compte des potentialités naturelles dans le cadre d’un développement durable, faisant de l’agriculteur un vrai entrepreneur. Il faut, de plus, favoriser la création de la valeur ajoutée dans le secteur agricole par le développement de l’agro-industrie dans le cadre d’un développement durable, entreprise qui ne sera durable que si on aide les paysans à préserver les ressources de base (eau, sol, flore, faune, etc.). Finalement, il faut combattre l’exclusion de la paysannerie en la faisant participer aux différents aspects du développement national et en lui permettant d’avoir accès aux différents services de base tout en favorisant l’accès aux ressources, et leur contrôle, aux agricultrices dans des secteurs généralement contrôlés par les hommes

Les stratégies à court terme prévoient la mise en oeuvre de larges programmes nationaux visant l’accès aux intrants (engrais, semences de qualité, outillage et pesticides) par le biais d’un système de crédit décentralisé, le renforcement des organisations d’agriculteurs, la réhabilitation des infrastructures rurales de production agricole (systèmes d’irrigation, retenue d’eau, routes agricoles, DCP : dispositif de concentration de poissons etc.), l’amélioration du système de commercialisation des produits agricoles (centres de collecte et de distribution, standardisation des prix, organisation de foires) et des réseaux de communication pour favoriser les échanges des produits. Il faut aussi favoriser l’intensification des activités d’élevage (volailles, gros et menu bétail) et développer l’intégration agro-zootechnique.

Dans le moyen et le long termes, les programmes devront permettre de (1) constituer des villages agricoles pour faciliter l’accès des paysans et paysannes aux services de base ; (2) créer l’environnement nécessaire pour attirer et favoriser l’investissement privé massif ; (3) encourager la création de centres de formation en agriculture à différents niveaux (supérieur, moyen, vocationnel) et restructurer les fermes d’expérimentation agricole ; (4) développer des programmes adaptés d’intensification et de diversification de cultures vivrières, agro-forestières et forestières ; (5) stimuler l’intensification des cultures d’exportation traditionnelles (café, cacao, mangue) et rechercher des marchés pour l’exportation d’autres cultures non traditionnelles (igname, giraumon, fleurs et plantes ornementales, plantes médicinales, miel, l’huile palma christi, rapadou, aloès) ; (6) élaborer et faire appliquer une loi cadre adaptée régissant l’aménagement et l’exploitation des ressources aquatiques et les activités connexes (pêche, aquaculture, traitement et qualité des produits, etc.) ainsi que les procédures administratives et techniques ayant rapport avec l’organisation, la vulgarisation, les mesures conservatoires et coercitives ; (7) intensifier la culture du riz dans les plaines irriguées spécialement dans la région de l’Artibonite ; (8) encourager l’implantation des unités de transformation de produits agricoles en milieu rural ; (9) redynamiser la réforme agro-foncière (sécurisation des parcelles exploitées comme garantie de l’investissement à long terme) ; (10) faire respecter les lois sur l’environnement et travailler à la mise en place d’un cadre juridico légal adapté aux réalités actuelles en vue de sécuriser les transactions dans le secteur agricole et (11) promouvoir la réalisation d’expositions de produits agricoles et de leurs dérivés au niveau national et international.

G. LES RISQUES A LA MISE EN APPLICATION DU PROGRAMME AGRICOLE

La place du secteur agricole dans la déclaration de politique générale (DPG) du Premier Ministre et le programme agricole y relatif sont d’une importance capitale et seront déterminants dans la performance globale de l’action de ce Gouvernement (GOH). Il est clair que l’Agriculture avec son poids représentant le quart du PIB haïtien devrait avoir une influence prépondérante dans la politique de tout Gouvernement Haïtien. D’où son importance dans la DPG de Mr Alexis. Il n’en demeure pas moins vrai que certains risques y afférents, s’ils ne sont pas sérieusement pris en compte, pourraient nuire considérablement à la bonne performance du secteur agricole et , par voie de conséquence , à la bonne performance du GOH.

D’un coté, on devrait insister sur : a) le « fonctionnement en couloir » des divers secteurs du GOH sans la recherche systématique de synergies entre eux, b) l’inadéquation des lois et la nécessité d’une législation adaptée devant régir les différentes activités du secteur agricole, c) la nécessaire nouvelle ingénierie sociale à appliquer, d) la part de budget allouée au secteur agricole toujours nettement inférieure à l’apport du secteur au PIB du pays à augmenter dans la mesure du possible. Autant de risques susceptibles de surgir tout au long du quinquennat !

De l’autre, le secteur agricole pourrait courir des risques énormes par rapport à la situation environnementale du pays haïtien et aussi par rapport à la situation socio politique qui pourrait se détériorer si rien n’est fait en termes de création massive d’emplois, de réduction de l’insécurité, de coordination au niveau du secteur agricole en vue d’éviter les duplications, le gaspillage et les gabegies qui pourraient nuire à la performance globale du secteur. La détérioration de la situation globale pourrait conduire aussi à un wait and see de la communauté internationale. Ce qui serait préjudiciable au GOH et au secteur agricole en particulier. D’où nécessité de redresser la barre le plus rapidement possible avant qu’il soit trop tard. Jusqu’à présent, le GOH dispose encore des moyens de sa politique. Alors, ne perdons pas de temps.

Jean Robert JEAN-NOEL

Port-au-Prince, le 5 octobre 06



[1] Inspiré et tiré du programme du secteur agricole actuellement en préparation.

[2] A titre d'exemple, à l’échelle nationale, la production de riz, la principale céréale de consommation en Haïti, s’élève à 76 000 TM pour l’année 2003. Par contre, la demande pour ce produit est estimée à 400 000 TM environ pour l’année. Il ressort donc un déficit de 324 000 TM supplémentaire à produire pour répondre aux besoins de la population et assurer ainsi son autosuffisance (BRH, 1994).

[3] PFNSA, 2005

[4] Déclaration de politique générale du GOH et article publié par JR JEAN-NOEl dans le Nouvelliste et Haïti en Marche en juin 2006.

[5] Inspiré du programme du secteur agricole actuellement en préparation.

[6] Inspiré de la DPG et tiré du document du travail du GOH présenté à la Conférence des bailleurs tenue à Port-au-Prince le 25 juillet 2006.

COMBINAISON D’OPTIONS DE DEVELOPPEMENT, LA PORTE DE SOTIE POUR HAITI ?



Port-au-prince, le 9 avril 2004

COMBINAISON D’OPTIONS DE DEVELOPPEMENT, LA PORTE DE SOTIE POUR HAITI ?

Jean robert JEAN-NOEL

Au fort de la crise durant l’année 2003, certains de mes amis parlaient de la disparition probable de notre pays. La plupart s’expatriaient, d’autres tergiversaient. A la thèse de disparition, je donnais la réplique habituelle : un pays ne meurt jamais. Un jour où la discussion était beaucoup plus animée que d’habitude, je me surpris à développer une thèse un peu farfelue mais qui a eu pour effet de monopoliser leur attention. La thèse s’intitulait :Les trois options pour que notre pays ne périsse pas i) l’Option haïtienne, ii)l’Option dominicaine, iii) l’Option régionale ou la zone de libre échange des Amérique (ZLEA 2005). Qu’en est-il exactement ?

L’Option Haïtienne de développement

Il a été constaté, faisais-je remarquer à mes amis, qu’à la faveur de cette crise, culminée avec les élections de l’année 2000 et bien avant, une certaine prise de conscience citoyenne qui se traduit par une production abondante au niveau de la littérature, des articles de journaux, des émissions de radio, par un souci de se mettre ensemble dans des associations dont la réflexion centrale reste le développement de notre pays, par une série d’études et propositions par le Conseil National de Réforme Administrative (CNRA), le Bilan Commun de pays entrepris par le Gouvernement d’Haïti avec l’appui du PNUD et le secteur privé, de documents produits par les secteurs public et privé, par certaines actions de terrain menées dans le cadre de certains programmes et projets à caractère structurant au niveau du monde rural, le Projet des petits périmètres irrigués (PPI), le Projet d’Intensification des cultures vivrières (PICV) avec le Ministère de l’Agriculture sous financement du Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et tant d’autres avec la FAO, les ONG tant nationales qu’étrangères. Il faut noter aussi le changement de discours au niveau des partis politiques, et du discours novateur de la société civile organisée. C’est cette dynamique si elle est bien canalisée et bien coordonnée qui pourrait déboucher sur cette option haïtienne de développement.

Pour être honnête, l’idée de l’Option haïtienne de développement fait son petit bonhomme de chemin depuis la création en juillet 1999 du Réseau National Haïtien de FIDACIARA (RENAH-FIDACIARA), une branche haïtienne de la RED CIARA, une institution régionale composée de sept (7) pays latino américains et caribéens, basée au Venezuela et financée par le FIDA. Cette idée a été adoptée en 2001 par les institutions membres de la Fondation Haïtienne pour le Développement intégrale Latino Américain et Caribéen (FONHDILAC) ci-devant RENAH-FIDACIARA. L’objectif de la FONHDILAC étant de contribuer au développement intégral d’Haïti, ce qui nous a valu le développement d’un cadre global de référence en six axes, l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique et la politique et certains éléments d’un plan global de 100 ans avec pour finalité un nouvel homme haïtien compétitif partout, parce que issu d’un système éducatif conçu dans cette optique.

Cette option devrait être exclusivement haïtienne dans sa conception et devrait atténuer très fortement les inégalités sociales issues du système mis en place en 1804, en favorisant graduellement l’inclusion de la paysannerie et les masses défavorisées dans le processus, afin d’éliminer cette dichotomie sociale haïtienne. D’où le titre d’un de mes articles précédents, « l’articulation technique et politique ou la nécessité d’un modèle de développement non exclusif pour Haïti », journal Haïti en Marche du 31 mars au 6 avril 04. Dans notre esprit, cette option pourrait bénéficier de l’appui technique et financier de la communauté internationale mais en aucun cas elle ne devrait la piloter. Car selon le mot de Firmin, « l’étranger n’est pas toujours l’ennemi, mais il est toujours l’intrus ».

L’Option Dominicaine de développement

Emotionnellement, mes amis refusaient d’envisager l’option dominicaine. Pourtant, ils m’écoutaient développer mon argumentation. Je disais à l’époque qu’avec la persistance de la crise multiforme qu’est devenue la situation haïtienne tout était possible. Certes, il était difficile d’accepter une occupation militaire dominicaine mais c’était et c’est encore dans l’ordre des choses possibles. Ils sont mieux équipés que nous et considèrent Haïti comme leur prolongement naturel et surtout comme un marché pour déverser leurs produits. Et puis, une occupation leur permettrait d’effacer l’affront qui leur a été infligé par Boyer. D’ailleurs argumentai-je, l’occupation dominicaine a commencé d’une certaine manière puisque nous avons des milliers d’étudiants et mêmes des écoliers qui font leurs études en République dominicaine, par notre incapacité à répondre à la demande, par notre insouciance en relation avec la question de l’éducation. Certains de nos hommes d’affaires vivent là-bas, leurs enfants également. Il y a donc une intégration lente qui se fait. Il peut arriver un moment où la minorité possédante (bourgeoisie et classe moyenne) trouve qu’elle gagnerait à vivre de l’autre côté et de venir seulement faire du business de ce côté-ci comme certains commencent à le faire, en continuant leur exploitation des masses défavorisées, et surtout en perpétuant le modèle de développement exclusif mis en place en 1804, exploité à outrance par les hommes politiques et à la base de la fortune certains groupes de cette minorité.

Cette option dominicaine trouverait des adeptes au niveau de la plupart des gens de la classe politique, surtout ceux-là qui font de la politique dans le seul et unique but de s’enrichir, une alliance avec les dominicains « en bas table » ne les répugnerait nullement. Même si pour la galerie ils tiendraient un discours nationaliste et démagogique. Il en serait de même pour certains de cette minorité possédante. On créerait du travail, il y aurait une certaine stabilité, quelques infrastructures de bases au niveau de la santé, de l’éducation, de la communication, de l’électricité, et des vestiges coloniaux et historiques à montrer aux touristes venant de l’autre côté et passant une journée de ce côté-ci, etc. Et le tour serait joué. On présenterait ces deux voisins comme un modèle à suivre. Haïti ne périrait pas et deviendrait une partie « autonome » de l’Ile de St Domingue. Ce serait un bel exemple d’intégration dans le cadre de la régionalisation et de la mondialisation, cheval de bataille de l’Occident riche, développé et bien équipé militairement et technologiquement, et travaillant d’arrache pied pour l’extension des marchés susceptibles d’aider ses multinationales à augmenter leurs profits au nom de cette compétitivité sans limite.

L’Option Régionale de développement

La troisième option développée par devant mes amis, c’était l’option régionale. Tout le monde sait qu’en 2005, l’Amérique de l’Alaska à la terre de feu deviendra un grand marché. Depuis 1995, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont pris des engagements en ce sens. Tous les pays de la zone ont pris des dispositions pour se mettre au diapason, sauf Haïti. Certaines visites effectuées dans la plupart des pays de la zone révèlent que les populations sont plus ou moins avisées. A côté de nous, en République Dominicaine, la plupart des planteurs ont déjà des plantations qui visent ce grand marché. Tandis que chez nous c’est plutôt un débat d’intellectuels les plus avisés. Nous sommes trop occupés avec nos petites querelles intestines pour occuper le pouvoir afin de faire le maximum d’argent pour aller vivre dans ces pays, en laissant la place à d’autres politiciens prédateurs pour faire leur beurre. Dans ces conditions pour devenir membre à part entière, il nous faut répondre à des critères de bonne gouvernance, de démocratie, de développement. Puisque nous ne sommes pas en mesure de le faire nous mêmes, les Grands frères (en argent pas en âge) de la Région se verraient obligés de nous venir en aide. Ils nous imposeraient leurs modèles de développement qui ont fait d’ailleurs leur preuve. Haïti se conformerait par rapport au moule de la Région façonnée à la sauce américaine, teintée d’un zeste canadien et pimentée fadement du vinaigre mexicain. Ainsi notre chère Haïti ne périrait point, sauvée par ses pairs et mise sous coupe réglée au grand dam de ses pères fondateurs.

L’Option Internationale de développement

Au moment des discussions en 2003, je n’avais pas pensé à une option internationale de développement car je croyais qu’Aristide terminerait son mandat en 2006 et trouverait une entente avec la Convergence démocratique. Cette option m’avait effleuré l’esprit après le 5 décembre 2003 et surtout après avoir lu le rapport Debray sur les relations entre la France et Haïti en janvier 2004. A partir de l’évolution de la situation haïtienne après la prise du Commissariat des Gonaïves le 5 février 04 par les rebelles du Front de résistance de l’Artibonite, je commençais à penser que la résolution de la crise haïtienne pourrait s’envisager dans le cadre d’une occupation internationale de longue durée et que le développement du pays pourrait s’opérer dans ce cadre-la, ce qui aurait pour effet de fausser toutes mes hypothèses et options de développement. Et la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU du 29 février 04 sur Haïti est venue confirmer mes craintes de voir le développement d’Haïti échapper totalement à nous autres haïtiens. C’est l’option internationale de développement qui est actuellement en application. Elle n’est pas tellement différente de l’option régionale, sauf qu’elle se fera sous mandat de l’ONU avec la participation française non prévue dans l’option régionale. Il y a donc deux nouveaux paramètres : la France et l’ONU. Ces deux entités peuvent atténuer le poids des américains et nous permettre d’exploiter certaines divergences au sein de la Communauté Internationale pour faire passer certains éléments clés de l’option haïtienne, ce qui conduirait à une combinaison d’options profitable à notre pays.

La Combinaison d’options, la porte de sortie pour Haïti

Haïti est sous occupation. La constitution de 1987 est, tout au moins dans sa lettre, en veilleuse pour une période de deux ans environ. Alexandre et Latortue sont, constate-t-on, pour l’instant pilotés de l’extérieur. Mais ils sont des Haïtiens compétents et honnêtes. En tout cas, dans leur discours, ils font référence à six critères qui devraient faire l’unanimité parmi les haïtiens dignes de ce nom :1) les compétences, 2) l’expérience, 3) l’honnêteté, 4) la discipline, 5) la loyauté par rapport à l’Etat et le Gouvernement, et 6) l’engagement démocratique.

Dans la construction du nouvel Etat et du nouveau modèle de développement non exclusif, ces critères doivent être inscrits en lettre d’or dans le processus d’accès à la fonction publique sous ce gouvernement et aussi sous les gouvernements à venir. Et pourquoi pas au niveau du secteur privé haïtien ? C’est déjà le début de l’autre manière de faire de la politique (au niveau du discours).

La classe politique haïtienne a unanimement condamné le gouvernement lavalas pour ses pratiques de corruption ainsi que la société civile. La population haïtienne dans son ensemble a fait de même dans les émissions de libre tribune. Il est donc clair que si nous sommes en accord avec nos dires, nos discours, notre premier devoir c’est d’éliminer la corruption de nos mœurs quotidiennes, et ceci, de nos dirigeants à la petite marchande de rue. Nous devons donc dès à présent prendre une série de mesures contre les contrevenants et nous arranger pour que cela ne se répète plus jamais. Ce ne sera pas facile, mais il faut s’y mettre très sérieusement.

Durant cette période transitoire, au lieu de nous battre entre nous, nous devons penser à la grande concertation nationale pour le développement du pays en faisant appel à tous ses fils et filles. Nous avons les matériaux nécessaires pour cette grande concertation nationale ; relisons Edmond Paul, Firmin, Delatour ; profitons des études, réflexions et propositions dans les tiroirs ; écoutons les diverses revendications et propositions de la population, etc. Nous ne devons pas livrer pieds et points liés le Gouvernement Alexandre-Latortue aux mains de la communauté internationale. La classe politique, la classe d’affaires, la société civile, la population, la presse (tout en restant objective et critique), les associations socio-professionnelles, les organisations de base doivent faire corps pour soutenir le gouvernement et forcer l’international à nous aider à construire ce nouvel Etat et non à nous maquiller l’ancien ou à nous en imposer un. C’est notre devoir de citoyens. C’est le sens de notre combat contre cette occupation, nous devons gagner la bataille politique pour déboucher sur le développement souhaité. Peu importent le temps, les sacrifices à consentir, les privations, nous devons nous atteler à cette noble tâche. D’autant que la façon dont le pouvoir échoit à Alexandre et à Latortue et la précipitation avec laquelle les USA et la France avec l’appui de l’ONU ont dû faire partir Aristide démontrent une grande improvisation et des hésitations, mis à part le rapport Debray et quelques grandes lignes d’orientation. C’est l’occasion pour nous autres haïtiens sans exclusive qui maîtrisent la question et le terrain et qui sont conscients de la situation catastrophique héritée de nos deux cents (200) ans de manque de développement, de saisir cette opportunité en faisant taire nos intérêts mesquins, en plaçant la question nationale au centre des débats, en défendant nos points de vue face à l’international et en imposant de manière intelligente notre option de développement.

Dans cette nouvelle conjoncture, c’est notre option de développement combinée avec celle de la communauté internationale qui nous ouvrira la porte du salut. Comme l’a dit George Michel, face à l’occupant, Haïti a toujours gagné la bataille politique. Faisons en sorte que cette fois-ci la victoire débouche sur le développement intégral de notre pays pour que le citoyen haïtien compétitif puisse évoluer correctement au sein de son organisation et dans son environnement naturel régénéré et équipé d’infrastructures indispensables avec des moyens économiques et financiers suffisants et grâce à une gouvernance politique responsable et incitatrice. Tout un programme, n’est-ce pas ?

Jean Robert JEAN-NOEL,

Ing. Civil, Consultant