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vendredi 27 mars 2009

CONFERENCE DES BAILLEURS D'HAITI DU 25 JUILLET 06 ET LA CAPACITE D'ABSORPTION D'HAITI

Cher lecteur,

A la veille de la Conference des bailleurs d'avril 2009 sur Haiti a Washington, je reprends ce texte qui a ete publie en 2004 et repris en 2006. Cet texte retrouve sur Pikliz.com est rapatrie sur JEAN ROBERT JEAN-NOEL pour etre publie a nouveau et permettre aux lecteurs, qui ne maitrisent pas les procedures de passation de marche et qui ne comprennent pas bien les mecanismes et les multiples conditionnalites qui empechent a Haiti d'absorber les fonds mis a sa disponsition, de se familliariser avec ces jargons et d'en demeler les ficelles. Le souci de l'auteur est de mettre le lecteur dans le bain pour lui permettre de suivre le processus aboutissant a la Conference des Bailleurs de Washington d'avril 2009.

Cette conference qui a ete avortee en avril 2008 a cause des emeutes dites de la faim, se referera tres certainement au Document Strategique National pour la croissance et la reduction de la pauvrete (DSNCRP) (3.8 millards USD) qui a remplace le Cadre de Cooperation Interimaire (CCI) en octobre 2007, au Post Desaster Needs Assesment (PDNA) (800 millions USD) commendite par le systeme des Nations Unies apres le passage des cyclones sur Haiti, et puisera tres certainement quelques elements du rappot Collier en termes de vulnerabilte du pays, de creation d'emplois, de relance de l'economie. On espere que la ville des Gonaives ne sera pas oubliee , d'autant qu'un rapport d'orientation de 941 millions USD sur le controle des crues normales et exceptionnelles et l'accessibilite a la ville vient d'etre produit par une commission interministerielle ad hoc sur Gonaives (CIG) qui a propose des solutions de court, moyen et longs termes sur une periode globale de 25 ans avec une approche bassin versant et peripherique. Ce rapport coordonne par le Ministere de l'agriculture est en possession du Gouvernement. A partir de ce rapport, le Gouverment a produit un rapport d'urgence pre-cyclonique 2009 de 600 millions de GHT incluant Gonaives, Cabaret,Leogane et Jacmel.

Il faudra se battre pourque les vrais problemes du pays ne soient pas occultes au cours de cette conference.En attendant, bonne lecture!


Conference des bailleurs du 25 Juillet 06 et la capacite d'absorption d'Haiti








Par Jean Robert JEAN-NOEL

jobyand@yahoo.com

Port-au-Prince, le 30 juillet 2006

Cet article est inspiré de l’article du 3 août 2004 écrit sur le même thème en relation avec le CCI. Il est adapté pour se colleter à la Conférence du 25 juillet 06 à Port-au-Prince qui s’est soldée par les promesses de la communauté internationale (CI) de 750 M USD vis-à-vis du Gouvernement d’Haïti (GOH), soit 138% par rapport aux 545 M USD sollicités par le GOH (réf. document de travail du GOH, annexe 2). C’est incontestablement un succès pour le Gouvernement (GOH) Préval Alexis. Ces fonds, qui seront décaissés sur une période allant de juillet 2006 à septembre 2007, nouvelle date de clôture du CCI adapté, viendront s’ajouter au montant de 1.3 milliards USD de programmes et projets en cours, selon le même document. Le GOH dispose donc pour cette période de 2.05 milliards USD pour la mise en œuvre d’une partie de son programme quinquennale estimé à 7.1 milliards de USD, soit environ 28% de ses besoins globaux en financement. A ces fonds, il faudrait ajouter les recettes fiscales et douanières estimées au bas mot pour la même période à 20 milliards de GHT ou 500 M USD. Ce qui ferait un montant global 2.55 milliards de USD, soit plus de 35% des besoins globaux. Et ceci sans les 1.3 milliards USD de la diaspora haïtienne attendus pour la même période et qui vont essentiellement à la consommation! Le GOH est plutôt bien parti.

Haïti aura donc à absorber sur cette même période plus de 3.8 milliards de dollars américains. Pour les 1.3 milliards de la diaspora, on ne se fait pas trop de soucis, on en a l’habitude, la nourriture, l’éducation des enfants, les vêtements, les constructions individuelles, le loisir, etc. Ce qui nous préoccupe, c’est surtout l’absorption des dons et des prêts (2.05 Milliards de USD) avec leurs conditionnalités, les procédures variées d’un bailleur à un autre, le manque de capacité institutionnelle de notre pays et cette réputation fondée de corruption de notre pays.

Haïti et l’aide internationale

Notre Pays est un habitué de l’aide internationale. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et avec la création de l’ONU, Haïti a reçu et reçoit l’aide internationale sous toutes ses formes, assistance technique (AT), dons, prêts, nourritures, vêtements, médicaments, etc. De 1946 à nos jours, Haïti a mis en œuvre plus d’une soixantaine de projets de développement dans les domaines d’infrastructures routières, agricoles, scolaires, sanitaires, etc. La durée de vie de ces projets est de 7 ans en moyenne. Rares sont ceux-là qui sont exécutés de manière satisfaisante en terme de qualité, dans les délais impartis et avec les coûts prévus, les trois éléments fondamentaux de la performance globale. Malgré la présence de l’international en terme d’assistance technique qui absorbe le plus souvent plus de 10% du budget global des projets, les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants. En témoignent le niveau de développement de notre pays, la situation actuelle de la dette externe (1.3 milliards USD environ) et le service de la dette qui devient un lourd fardeau pour l’économie nationale. A titre d’exemple, selon Kern Delince (l’insuffisance de développement en Haïti), de 1980 à 1989 le service de la dette se chiffre à 383 millions de USD, soit en moyenne 42.5 millions/an. Rappelons pour mémoire que les accords de Paris (1994) avaient prévu plus de 1 milliard de USD d’aide pour Haïti, ce qui a alourdi le service de la dette. Il faut craindre que la Conférence de Port-au-Prince, qui prévoit 750 M USD, et le Milliard du GOH de transition en phase d’engagement sur le terrain actuellement, ne produise pas les mêmes effets (alourdissement de la dette). D’où nécessité d’insister auprès de la Communauté internationale pour l’annulation de la dette. Ce serait une contribution plus qu’appréciable au développement d’Haïti.

Les procédures des bailleurs de fonds

La conférence de Port-au-Prince a permis à Haïti de bénéficier de beaucoup de promesses d’argent provenant de plusieurs bailleurs de fonds multilatéraux (BM, BID, UE, FIDA…) et bilatéraux (USA, Canada, France, Allemagne…). Les procédures sont très variées d’un bailleur à un autre. Ce qui mettra l’Administration dans un tourbillon de procédures assez complexes et différentes qui nécessitent toute une gymnastique de la part des pouvoirs publics pour arriver à manœuvrer correctement vis à vis de chaque bailleur. Ce tourbillon va considérablement retarder la mise en œuvre du programme. D’où nécessité de mise en application de la déclaration de Paris, ne serait-ce qu’au niveau de l’harmonisation des procédures, d’autant que Haïti s’est dotée de procédures actualisées avec le décret sur la passation de marché de décembre 2004.

Par exemple, les procédures de décaissement sont très compliquées, certains bailleurs donnent une avance de démarrage et se contentent de renflouer les comptes sur présentation de pièces justificatives et rapports d’avancement par le Gouvernement Haïtien (GOH), et, ceci à hauteur des dépenses effectuées. Ce processus met très souvent plus de deux (2) mois pour aboutir, et ce, si Haïti ne tombe pas sous le coup de la suspension des dons et des prêts pour non paiement du service de la dette. D’autres donnent une avance pour le fonctionnement de la cellule chargée de l’exécution des projets qu’ils renflouent au fur et à mesure de l’avancement des projets, et assurent directement le paiement des entreprises engagées par le Gouvernement. On peut trouver d’autres exemples de procédures. Notre propos n’est de démontrer la variété des procédures mais d’attirer l’attention sur la nécessité d’arriver à une certaine harmonisation des procédures. Pourquoi ne pas demander aux autres bailleurs d’adopter par exemple les procédures de la Banque Monde (BM) ?

Le manque de capacité institutionnelle d’Haïti et la corruption

Les Bailleurs de fonds sont très procéduriers par rapport à notre pays parce que c’est leur façon de fonctionner mais aussi et surtout parce que Haïti a un manque criant de capacité institutionnelle et est l’un des pays les plus corrompus de la terre. L’incapacité institutionnelle de notre pays à absorber l’aide internationale n’est plus à démontrer. A part l’Unité Centrale de Gestion (UCG) qui a permis à notre Pays d’absorber 50 millions de USD en 18 mois avec les compliments de la Banque Mondiale (BM), on a toujours eu des difficultés à absorber correctement l’aide internationale. Avant UCG et après UCG, Haïti, avec l’appui des institutions internationales, a essayé pendant plus de 50 ans de se structurer à travers l’approche projet dans l’intention avouée de renforcer l’Etat. Malheureusement, les structures de projets créées pour pallier à la situation n’ont réussi qu’à désarticuler un peu plus les structures étatiques et à créer des divisions au sein de l’administration publique. Dans de rares cas où l’on a enregistré des résultats plus ou moins satisfaisants, les structures ont été vite démantelées sous la pression conjuguée de la jalousie et de la corruption, parfois avec la complicité de ceux-là qui sont appelés à les institutionnaliser et à multiplier ces structures plutôt efficaces. Et le pays périclite sous le regard impuissant des honnêtes gens et de ses rares compétences éprouvées. Sans un inventaire sérieux des expériences réussies et un nettoyage sans complaisance de l’administration publique en mettant en place les hommes qu’il faut à la place qu’il faut et sans la création et le renforcement de structures au sein de l’Administration centrale, déconcentrée et décentralisée susceptibles de redynamiser l’Etat, le Programme du GOH restera un beau rêve inachevé , les haïtiens contempleront tous ces millions annoncés et continueront bon gré mal gré à mal utiliser le milliard annuel de la diaspora haïtienne. Pour ce faire, l’Etat devra être compétitif par rapport à la concurrence en termes de salaires et autres avantages (assurances, espaces décents de travails, dépolitisation de l’administration, etc.).

Les procédures de passation de marchés

En outre, à coté de l’incapacité institutionnelle et la corruption, il faudra aussi insister sur les procédures de passation de marchés qui, si elles sont différentes d’un bailleur à l’autre en termes de montants, de délais, de procédures de non objection, etc., demeurent universellement admises par tous les bailleurs, surtout l’appel à la concurrence, communément appelé appel d’offres (AO). C’est un processus plutôt long. Dans le passé, on a enregistré des processus d’appel d’offres s’étalant sur plus de six (6) mois avant d’être en plus déclarés infructueux. On a même dépassé ce délai dans le cas d’appel d’offres international. Peut-être qu’avec ce nouvel instrument que s’est dotée Haïti sous le GOH de transition, on arriverait à réduire les délais.

Voyons un peu, il faut préparer les termes de référence (TDR), avoir la non objection du bailleur, lancer l’appel d’offre (AO) dans les journaux, constituer une commission d’analyse avec parfois l’approbation préalable du bailleur, analyser les offres, soumettre le rapport d’analyse, obtenir la non objection du bailleur et adjuger l’offre, négocier le contrat avec l’adjudicataire, organiser la cérémonie de signature, signer les contrats en présence des médias, et tout un autre processus avant le démarrage effectif des activités. Voilà. On me rétorquera qu’avec des gens compétents, c’est une affaire de trois (3) mois maximum, mais où trouver tous ces gens compétents pour des programmes et projets de 7 milliards de USD, ne serait-ce que pour les travaux d’infrastructures ? A noter que l’AO peut être national ou international avec des procédures adaptées à chaque cas et des délais plus longs selon le cas.

Conclusion

On pourrait pousser l’analyse plus loin encore. Mais notre intention n’est pas d’alarmer les gens, c’est plutôt d’attirer l’attention des décideurs sur les nombreuses difficultés qui pourraient entraver la mise en œuvre du Programme du GOH, qui ,signalons en passant, est encore en phase d’élaboration. En particulier, il faut noter notre incapacité à absorber l’aide internationale, mis à part le cas de l’UCG qui d’ailleurs ne concernait que deux bailleurs de fonds (BM et BID). Il est donc clair que la capacité d’absorption d’Haïti de l’aide internationale passe obligatoirement par le renforcement des capacités institutionnelles de notre pays tant au niveau central qu’au niveau local, par l’allègement et l’harmonisation des procédures des bailleurs de fonds, le combat contre la corruption sans complaisance, la recherche des compétences et la formation, etc. Le CCI adapté et le programme du GOH en phase d’élaboration, demeurent le cadre idéal pour commencer avec la mise en application de ces suggestions. Comme disait l’autre, il n’est pas nécessaire d’avoir réalisé de grandes choses, il suffit de les avoir tentées. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre uniquement de les tenter, il faut les réaliser. Car nous n’avons plus de temps, si nous voulons laisser notre position du seul PMA de la région durant les 25 prochaines années. N’est-ce pas Mr le Ministre de l’économie et des finances ? Le GOH n’osera pas dire comme l’autre : « à l’impossible, nous sommes tenus ». Mais quand même : « espwa fe viv ».

jeudi 6 novembre 2008

HAITI:INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET TOI

Port-au-Prince, le 1er novembre 2008

HAITI : L’INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET TOI

Jean Robert JEAN-NOEL

Haïti est un pays corrompu. Quand on pense Haïti, on pense corruption. Depuis la naissance de ce pays dans la douleur, la corruption est la seule constante qui a traversé toute son histoire. Le père fondateur d’Haïti fut victime de la corruption car il voulut une certaine équité pour ce pays, répartir mieux la richesse de ce pays exsangue après la terrible guerre de l’indépendance. Après sa mort, la corruption s’est installée en maitre. Malgré certaines éclaircies tout le long de notre histoire de peuple, le système mis en place en 1806 se perpétue en se renouvelant. Certes, on a eu de présidents honnêtes, mais ils ont du tolérer la corruption autour d’eux et pactiser avec le système pour gouverner. Ce qui se traduit aujourd’hui par une forme de culture de la corruption et explique en grande partie notre sous développement actuel. Et ce n’est pas étonnant que, lorsque le monde s’est donné cet outil, « l’indice de perceptions de la corruption », pour mesurer ce phénomène, notre pays se soit classé le plus corrompu ou parmi les plus corrompus de la terre. Alors, qu’en est-il exactement ? Et pourquoi Haïti se retrouve-t-elle parmi les derniers.

Depuis 1995, l'ONG Transparency International publie chaque année un indice de perceptions de la corruption[1] (CPI) classant les pays selon le degré de corruption perçu dans un pays. L'indice est élaboré à l'aide d'enquêtes réalisées auprès d'hommes d'affaires, d'analystes de risques et d'universitaires résidant dans le pays ou à l'étranger.

Sur la base des enquêtes menées depuis 2002 jusqu’en 2007 par cette ONG, Haïti s’est retrouvée à la 89e place sur 102 pays enquêtés en 2002, à la 131e place sur 133 pays en 2003, à la 155e place sur 159 pays en 2005, à la 163e sur 163 pays en 2006 et à la 177e sur 179 pays enquêtés en 2007. Les places occupées par notre pays sont établies sur la base de perceptions et rien d’autre.

Le lecteur doit souligner le mot perceptions. Cet indice est donc établi à partir des perceptions de la corruption de diverses catégories enquêtées. Ces perceptions sont fonction d’une certaine réalité. La perception n’est pas forcement la réalité vraie si je peux me permettre ce pléonasme. Le Président Préval parlant de la corruption en septembre 2008, a essayé de l’expliquer ainsi. Certaines personnes étaient d’accord avec lui et d’autres non. Ce qui est sur, c’est que nous tous nous sommes responsables de la perception générale que les autres se font de notre pays, en particulier de l’insécurité, du kidnapping et de la corruption. Certes, il est établi que notre pays est corrompu ; on en prend pour preuves, « le procès de la consolidation » sous le gouvernement de Nord Alexis au début du 20e siècle, « le procès des timbres » sous le gouvernement de Jean Claude Duvalier dans les années 1970, les enquêtes menées sous le gouvernement d’Alexandre/Latortue (2004/2006). Mais la place occupée par Haïti aujourd’hui est beaucoup plus liée à l’image projetée par nous autres, haïtiens, à notre façon d’opérer et à nos pratiques quotidiennes de gestion.

Haïti s’est donnée de bons outils de gestion ; elle dispose d’un arsenal législatif assez intéressant dans tous les domaines mais les gouvernements successifs ne l’appliquent. La Constitution de 1987 est venue avec des innovations, pourtant on ne se donne pas la peine de prendre des lois d’application. Et quand on s’est donné la peine d’en rédiger quelques unes, on les met au rencart. Où est-ce qu’on peut aller avec de pareilles pratiques. De plus, nous avons une perception très négative de nous-mêmes. Nous dénigrons tout le temps nos frères et sœurs. Nous les écartons parce qu’ils sont sérieux et compétents. Nous les critiquons négativement aussi pour les mêmes raisons. Nous sommes en admiration pour les gens qui ont acquis leur fortune de manière douteuse. Mais nous inventons des histoires vraisemblables pour faire passer nos frères et sœurs honnêtes, sérieux, compétents pour des vagabonds, des corrompus, des dilapideurs. Qui pis est, les vrais corrompus et les corrupteurs sont heureux de voir leurs frères et sœurs honnêtes et compétents pris pour cibles à leur place et se moquent d’eux en sourdine. Voilà notre réalité.

Cette réalité là est encore plus triste quand nous nous faisons complices de l’étranger, en inventant des histoires abracadabrantes sur nos frères et sœurs sans preuves sérieuses juste en faisant travailler notre imagination et en amalgamant. Nous agissons par jalousie, par méchanceté et surtout par souci de destruction. Prenons l’exemple des dernières mesures annoncées par le nouveau gouvernement Préval/Pierre-Louis. Après le passage sur Haïti des cyclones FAY, Gustav, Hanna et Ike, qui ont achevé de mettre à plat notre économie, le gouvernement, face à l’hésitation et à la lenteur de la communauté internationale et face à l’ampleur de la catastrophe, a décidé de déclarer l’état d’urgence pour une quinzaine de jours et a décaissé dans la foulée environ 200 M USD.

Pour engager cette somme durant une quinzaine de jours, il a fallu utiliser des procédures célères comme les contrats de gré à gré. Nous commençons par douter de notre capacité à l’engager, puisque nos chers amis de la communauté internationale parlent tout le temps de notre manque de capacité d’absorption, sans jamais évoquer les multiples conditionnalités et les procédures de plus en plus contraignantes et non harmonisées d’un bailleurs à un autre (JEAN-NOEL, 2004, 2006, in Le Nouvelliste). La somme une fois engagée, au lieu d’attendre les résultats dans les prochains mois, nous critiquons le processus au lieu de féliciter le gouvernement pour avoir engagé à temps l’argent. En outre, nous spéculons sur les noms des personnes qui vont s’enrichir, nous parlons de magouilles. Comme il est de mise en de pareils cas, nous faisons des amalgames. Si un tel est l’ami d’un tel et que ce dernier a eu un contrat de gré à gré, l’autre va faire son beurre, car c’est un prête-nom. Naturellement, nous profitons de la circonstance pour salir la réputation d’honnêtes gens. Et qui pis est, nous augmentons par le fait même l’indice de perceptions de la corruption par rapport à notre pays et ne nous étonnons pas si, en 2008 et en 2009, il se retrouvera à la dernière place.

Cet article, je l’ai écrit pour toi, mon frère haïtien, ma sœur haïtienne. Ne détruis pas l’image de ton pays, n’accuse pas ton frère ou ta sœur sans preuve. Si tu veux participer à la lutte contre la corruption, commence par éviter d’opiner sur ce phénomène sans bien le connaitre. Sais-tu que, par exemple, quand tu ne paies pas tes impôts, quand tu profites de ta position dans l’appareil étatique ou dans le secteur privé, la société civile ou même au niveau de la communauté internationale, pour obtenir des contrats incompatibles à ta fonction surtout quand tu es à la fois juge et partie, tu es un corrompu ? Toi aussi, ma sœur ? Que tu sois fonctionnaire, employé, cadre, parlementaire, ministre, président, la corruption, dépendant de son ampleur et ses conséquences, est un délit et/ou un crime. Lutter contre elle est d’abord une question d’étique et aussi un devoir de citoyen. Ah ! Tu ne savais pas. Eh bien, commençons la lutte maintenant, en remettant en question notre façon d’agir par rapport à nous-mêmes et par rapport à notre pays. Et Haïti en bénéficiera très largement : la corruption va reculer, l’indice de perceptions va baisser drastiquement, l’investissement va augmenter et le développement va se mettre en route.

Ne te sens pas visé personnellement, mon cher, même si tu es frappé en pleine poitrine. Tu dois noter et retenir que quand je parle de toi, je parle aussi de moi, n’est-ce pas? Pour paraphraser à l’envers l’autre, ce grand auteur du siècle de la lumière, celui de Louis XIV. Sans rancune, mon ami (e)!
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_perceptions_de_la_corruption