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mardi 30 septembre 2014

HAITI, VERS UNE ENTENTE OU UN « GOUDOUGOUDOU POLITIQUE » APRES LE 12 JANVIER 2015 ?


HAITI, VERS UNE ENTENTE  OU UN  « GOUDOUGOUDOU POLITIQUE » APRES LE 12 JANVIER 2015 ?
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
30 SEPTEMBRE 2014

La rencontre programmée avec le Groupe des 6 Sénateurs (G6) au Palais National, le 1er septembre, n’a pas eu lieu sous prétexte que le Palais n’est pas un terrain neutre. Le Président du  Sénat s’y est  quand même présenté. Comme elle est prévue pour une date ultérieure, le G6 et les 6 partis et regroupements politiques, dont le MOPOD, se sont concertés pour préparer leur plan d’attaque pour « négocier » avec le Président Martelly et/ou le  déchouquer. Car, à entendre certains membres de l’opposition, ils ne pensent qu’au chambardement. Parmi les scénarii analysés  (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/08/haiti-imbroglio-politique-desras.html ), le mois dernier, il ne resterait, en fonction de l’évolution de la situation (déclarations du pouvoir exécutif, mandat d’amenée transformé en résidence surveillée pour l’ex-Président, Jean Bertrand ARISTIDE, consultation entamée par le Président Martelly au Palais National, le 22 septembre, avec la Société Civile, le Pouvoir Judiciaire, les partis politiques comme la KID et l’OPL,  manifestation antigouvernementale au Cap-Haïtien, à Port-au-Prince, non vote du budget par le Sénat, création d’un instrument innovant de l’Etat le 12 janvier 2015, un fonds d’investissement, etc.), que deux scénarii : Le Dialogue et le Déchoucage.  Cet article : «  Haïti, vers une entente ou un « Goudougoudou politique » après le 12 janvier 2015 ? », analysera les possibilités d’un consensus politique tel qu’exprimé par M. Martelly sur les tribunes des Nations Unies, à la 69e session de l'assemblée générale, ainsi que les risques d’un chambardement généralisé, mais il est important de rappeler, avant, certains faits saillants qui pourraient jeter une certaine lumière sur la compréhension de la conjoncture.

FAITS SAILLANTS DU MOIS DE SEPTEMBRE 2014

« Reconduire le budget 2013-2014 »
Le budget de 122 Mrds HTG est voté par la Chambre basse mais non voté par le Sénat. La commission des finances du Sénat a recommandé un vote favorable mais pas dans les mêmes termes que la Chambre basse. Par rapport à cette situation, selon le Sénateur PRIVERT, à l’émission Forum économique de Kesner PHAREL sur Métropole, le 28 septembre 2014, le  pouvoir exécutif pourrait appliquer l’article 18 du décret de 2005, mais  cet article est en contradiction avec l’article 241 de la Constitution. Si l’on doit respecter la Constitution, il faudrait reconduire le budget 2013-2014 dans un premier temps, convoquer à l’extraordinaire, dans un second temps, le Parlement pour faire voter le budget dans les mêmes termes par les deux chambres durant le premier trimestre de l’exercice 2014-2015. Ainsi, la loi de finances pourrait entrer en vigueur constitutionnellement avec la mise application de l’ensemble des mesures prévues dans le cadre de cet Etat de droit prôné par l’administration Martelly. Ces conseils fournis par le Président de la Commission des finances du Sénat nous paraissent plutôt salutaires dans cette conjoncture à la limite explosive. Aux dernières nouvelles, le Gouvernement a mis en vigueur le budget 2014-2015 en évoquant l'article 18 du décret de 2005. 

Les éléments d’une politique des îles : île à vache, île de Latortue, île de la Gonâve
Certaines actions menées au niveau des îles depuis la prise du pouvoir par cette administration méritent qu’on s’y penche même de manière succincte. Depuis plus de deux ans, elle s’est focalisée sur île à Vache pour en faire un pôle de développement touristique avec les infrastructures correspondantes (Aéroport, route, Electricité). En cours de route, le projet s’est de plus en plus élargi à l’agriculture, à l’eau potable, aux logements sociaux, au renforcement de la présence de la police. Tout un plan directeur du tourisme pour la zone a vu le jour. Ce modèle est en train d’être appliqué à La Tortue et à La Gonâve  à partir des actions d’urgence  avant de passer aux choses sérieuses. Un gros investisseur, Carnival Cruise Line, est intéressé, selon le Premier Ministre Lamothe, à s’implanter à La Tortue. Il va investir 70 M USD. Quant à La Gonâve,  toute une série d’engagements est prise après le Gouvernement Lakay ou organisé en ce mois de septembre 2014 sur cette île. A écouter attentivement la Ministre du Tourisme, Mme Balmir Vildouin, on est en présence d’un ensemble d’éléments de politique des îles dont la porte d’entrée est le Tourisme. C’est en quelque sorte une sorte d’innovation en matière de politique. D’où nécessité d’approfondir et de pérenniser cette politique dans le cadre d’un partenarial public-privé.

L’expression du partenariat public-privé dans le secteur agricole
Le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) a signé, ce mardi 30 septembre, à l’Hôtel Royal OASIS, Pétion-Ville, sept (7) protocoles d’accord d’un montant global de 129.5 M avec des investisseurs privés désireux de s’impliquer dans le secteur agricole USD.  Ce protocole d’investissement, qui rentre dans le cadre de la mise en œuvre de la composante 2 du Programme Triennal de Relance Agricole (PTRA), Appui aux Investisseurs et Entrepreneurs privés, marque un nouveau tournant dans le développement de l’agriculture. Certes, l’agriculture familiale a toujours connu des investissements de petits agriculteurs privés qui demeurent encore les principaux financeurs du secteur, mais, cette fois-ci, ce sont les gros entrepreneurs privés haïtiens et étrangers qui investissent dans l’agriculture. En 2013, selon le Secrétaire d’Etat Dorcin, il y a eu des investissements dans l’agri busines de l’ordre de 30 M USD qui ont généré environ 5000 emplois permanents et 20,000 emplois temporaires. En termes de perspectives, il est prévu, pour le premier trimestre de l’exercice 2014-2015, des investissements dans l’agri business de 273 M USD qui pourraient générer plus de 40,000 emplois permanents et autour de 200,000 emplois temporaires. Il faut noter la synergie déployée dans le cadre de ce protocole impliquant à la fois l’Etat (MARNDR, MCI, MEF, Primature, CFI, etc.), le secteur Privé des Affaires avec 7 entreprises. C’est l’expression du partenariat public-privé dans le secteur agricole.

LE DIALOGUE POLITIQUE ENTRE L’EXECUTIF ET L’OPPOSITION DITE REDICALE

L’appui de la communauté internationale au pouvoir en place
Un acteur de la crise haïtienne, la Communauté internationale dans toutes ses composantes, a pris fait et cause pour le pouvoir en place, en particulier l’Exécutif, dans le cadre de cette crise inter haïtienne. Face au refus des Sénateurs du G6 de voter les amendements de la loi électorale, passage obligé vers les élections, une partie importante de l’opinion publique et la communauté internationale les obligeaient à assouplir leur position au point que le Président du Sénat, qui s’est érigé à un moment donné comme chef de l’opposition, a sollicité du Président de la République, en deux occasions en moins de 15 jours au cours du mois d’aout 2014, une rencontre pour  dialogue avec le G6 et l’opposition qui le soutient. Ce que le Président Martelly a concédé, en faisant l’erreur de les inviter au Palais au lieu de leur laisser l’initiative du lieu et de l’agenda puisque ce sont eux qui ont sollicité. D’ailleurs, ils n’ont pas sollicité ce dialogue de gaité de cœur. Malheureusement pour le Pouvoir en place ou heureusement pour l’opposition, en prenant l’initiative de les inviter au Palais, le Président a donné un prétexte à l’opposition radicale de l’accuser de mauvaise foi. Et, comme le Président a pris l’initiative de consulter d’abord un large secteur de la vie nationale, au Palais national et avant son départ pour la 69e assemblée générale de l’ONU, non seulement l’opposition radicale ne s’est pas présentée au Palais, elle l’accuse de vouloir les utiliser pour montrer sa bonne foi vis-à-vis de la communauté internationale (consommation internationale) et bénéficier davantage de son appui déjà inconditionnel. Bref, simplement du « show busines » de la part du Président. En tout cas, le discours du Président à l’ONU a été empreint de sagesse vis-à-vis de l’opposition, il a parlé de « consensus », et promis des  « élections dans le plus bref délai ». Il a évoqué « le principe républicain » et «  l’esprit Dessalinien » pour expliquer sa disposition à dialoguer dans la conjoncture actuelle. Bref, il veut coûte que coûte une entente avec l’opposition radicale, puisqu'il continue les consultations avec tout le monde après son retour de New-York, la Conférence épiscopale, la Réligion pour la paix, le Sénat naturellement sans le G6 qu'il rencontrera en dehors du Palais, selon le Sénateur DESRAS, le vendredi 3 Octobre . 

Pourtant, à entendre les membres de l’opposition radicale, on est en présence d’une opposition plurielle qui a repris du poil de la bête et dont les positions sont plutôt divergentes, certains pour les « négociations », « les discussions sur les préalables avant les négociations proprement dites », etc. et d’autres pour le déchoucage ou la démission de l’administration Martelly. Pour cela, la stratégie de manifestations «  Manch long » est la principale arme pour arriver à leur fin. D’où les manifestations au Cap et à Port-au-Prince (soutien au Président Aristide).

De la surenchère des deux cotés
C’est peut-être de la surenchère des deux cotés avant des négociations sérieuses. Selon ce qui est rapporté plus haut, une partie de l’opposition campe sur sa position de déchoucage de l’administration Martelly. Mais du coté du pouvoir aussi, l’hebdomadaire Haïti en Marche, dans un article datant du 17 septembre 2014, « L’international semble plutôt vouloir décourager le dialogue !‘Apre nou, se nou »    a relevé ce double langage : « On est comme à la croisée de nombreux chemins. D’un côté le président Michel Martelly maintient son intention de reprendre le dialogue avec l’opposition, jusqu’aux plus radicaux. De l’autre il tire à boulets rouges sur cette dernière, demandant au peuple de ne pas voter pour ceux qu’il qualifie pratiquement d’anticapitalistes et d’incapables, alors que lui et le premier ministre Laurent Lamothe sont en train de ‘transformer tout le pays en un vaste chantier.’ Anthony Barbier du MOPOD, Emission Ramasé de Radio Caraïbes du 27 septembre 2014, a relevé ce double langage du Président en comparant son discours à la 29e assemblée générale de l’ONU et sa prise de parole dans une église protestante de New-York. Sénateur Benoit a qualifié « d’intempestives » les déclarations du Président Martelly à New-York sur Radio Vision 2000, le 30 septembre 2014. De toute manière, il serait préférable, pour rester positif, de voir dans cette surenchère juste une manœuvre des deux cotés pour arriver à un consensus pour Haïti et non à ce chambardement annoncé.

LES RISQUES D’UN CHAMBARDEMENT GENERALISE

Si les pourparlers échouent et, au 12 janvier 2015, si le Président constate la caducité du Parlement, les risques d’un chambardement généralisé demeurent possibles. L’OPL parle de « Tsunami politique », le MOPOD de « Goudougoudou politique » en référence au tremblement de terre qui  a fortement secoué notre pays avec plus de 300,000 morts. D’autres parlent de chaos. Actuellement, la situation économique de la classe nécessiteuse et de la classe moyenne est des plus terribles. En témoignent les difficultés des familles à envoyer les enfants à l’école pour la rentrée de septembre, en dépit des efforts du Gouvernement. Le dollar qui passe à environ 46 HTG décapitalise la majorité des Haïtiens, surtout ceux-là qui ont des enfants à l’étranger (USA, République Dominicaine, Canada, France, etc.). Manger tous les jours est un véritable  exploit pour la plupart des familles haïtiennes. Les plus nécessiteuses mangent parfois. Le nombre de mendiants augmente dans les rues. Le chômage fait rage. Avec l’augmentation graduelle du prix du carburant prévue pour l’exercice 2014-2015, la situation va s’aggraver à moins d’arrêter des mesures d’accompagnement. Le retard mis dans le vote du budget, s’il est une mauvaise chose pour le pays, permet un sursis dans l’augmentation du prix du carburant. En tout cas, avec l'entrée en vigueur du budget, l'augmentation graduelle du prix du carburant se fera tout au long de l'exercice 2014-2015 comme prevu, a insisté la Ministre de l'économie et des finances ce lundi 1er Octobre 2014. Ce qui augmente aussi les risques de manifestations en cas d'exploitation négative de cette mesure par l'opposition lorsqu'elle sera prise.  Par rapport à cette situation économique, les moindres faux pas de l’administration en place seront exploités par l’opposition radicale pour aboutir à des manifestations anti gouvernementales avec l’espoir de ce chambardement tant souhaité.

CONCLUSIONS

Tout en rose … ou tout en noir
Au pouvoir en place de continuer à vendre l’espoir avec la signature de ce protocole d’accord de 129.5 M USD dans le secteur agricole et d’autres actions entreprises par l’administration Martelly pour contrecarrer les manœuvres  de l’opposition. Par exemple, la convocation à l’extraordinaire pour le vote de certaines lois utiles pour le pays, prendre des mesures pour améliorer la vie des plus nécessiteux, fournir des opportunités à la classe moyenne, adopter des dispositions pour un dialogue fructueux avec le G6 et ses alliés. Toutefois, des deux cotés, il faudrait éviter les extrêmes avec la propagande d’un pouvoir qui présente tout en rose et celle de l’opposition qui présente tout en noir. L’opposition devra modérer son langage vis-à-vis de l’administration Martelly et vice versa. Le pouvoir n’a non plus aucun intérêt à diaboliser l’opposition.

Le respect de l’adversaire politique
Pour les observateurs, l’administration Martelly a assez d’actions à montrer à la population qui sont réalisées ou en cours de réalisation à travers le pays à la manière de TéléGinen, « Gade’l jan lié a » sans verser dans des ajouts qui dérangent beaucoup plus qu’ils apportent un plus. De même, l’opposition a suffisamment d’arguments sérieux pour montrer les faiblesses de l’administration Martelly. Il n’est pas nécessaire d’utiliser les déclarations sans aucune preuve, basées sur des amalgames, des déductions, des accusations de corruption, de vols, de dictature, d’accointances avec les dealers de drogue, de kidnapping. Cette façon d’agir frise souvent le mensonge, l’irrespect pour aboutir à un fossé de plus en plus large entre les deux parties. Si on veut ce dialogue, ce consensus, cette concertation, cette conférence nationale, attendu par la majorité des Haïtiens,  il faudra commencer par le respect d’autrui, respect de l’autre, respect de soi-même et respect  de l’adversaire politique.

Un deal gagnant-gagnant ?


Haïti est à la croisée des chemins. La communauté internationale est certes du coté de l’administration Martelly ; mais il ne faut pas voir en cet appui une quelconque carte blanche donnée à cette administration ni une entente « en bas table » pour vendre les ressources du pays. C’est à la limite une bonne chose pour le pays, pour son développement. Bill Clinton qualifie ce gouvernement comme « le plus décisif » avec lequel il ait eu l’opportunité de travailler. N’oubliez pas que c’est ce même Bill Clinton qui a ramené Aristide en 1994 sous les applaudissements de la majorité des Haïtiens.  C’est un Monsieur dont la voix est très écoutée à travers le monde. Pourquoi l’appui à Martelly serait-il mauvais pour Haïti, alors que celui à Aristide aurait été bon pour Haïti ? Dialogue ou Chambardement (?), il serait intéressant pour nous d’étonner le monde une fois de plus, en évitant coûte que coûte le « Goudougoudou politique », et en nous investissant dans  un dialogue inter haïtien, dans une conférence nationale sans perdants ni gagnants à la manière de la proposition en 10 points de Daly Valet. N’est-ce pas là un deal gagnant-gagnant pour Haïti, nos politiciens et nous-mêmes face à cette communauté internationale qui ne nous a jamais fait de cadeau ?

dimanche 31 août 2014

HAITI, IMBROGLIO POLITIQUE, DESRAS INCONTOURNABLE (?)


HAITI, IMBROGLIO POLITIQUE, DESRAS INCONTOURNABLE (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 AOUT 2014


A la fin de mon article de juillet 2014, j’avais évoqué ce malaise indéfinissable lié à une sorte d’anthropie  politique et je m’interrogeais sur ce qui allait à se passer après le Carnaval des fleurs (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/07/haiti-football-gogo-beaucoup-de-bonnes.html). En dépit de la mise en place  de ce CEP « acceptable » réclamé par la plupart des acteurs politiques, le Sénat n’a pas encore voté, plus de 158 jours depuis son vote par la Chambre Basse, la loi électorale amendée. La grande majorité des haïtiens y inclus certains anti-Martelly, attendent impatiemment  ce vote. A chaque fois, le Groupe des six Sénateurs radicaux (G6), qui réclame l’application de l’article 289 pour la mise en place d’un CEP constitutionnel, infirme le quorum pour empêcher ce vote. Alors que tout le monde craint le spectre de la caducité du Parlement le deuxième lundi de Janvier 2015, un groupe de cinq Sénateurs (G5), proche du Pouvoir Exécutif, se propose de démissionner pour dénouer la crise électorale et favoriser l’organisation des élections à la fin de cette année, la date du 26 octobre n’étant plus de mise. Le Bureau du Sénat, en deux occasions, a sollicité un dialogue entre le  Président Martelly et les six Sénateurs y incluse l’opposition. Dans sa réponse, le Président invite les six Sénateurs au Palais National le lundi 1er septembre 2014 à 11h A.M. (rencontre reportée). En fonction des scénarii possibles, il nous est venu à l’esprit ce titre : «  Haïti, imbroglio politique, Desras incontournable(?)». Alors, analysons les divers scénarii sur le tapis avant de déboucher sur des considérations et conclusions appropriées.

I.                   LES CINQ SCENARII

Scénario No 1 : Le vote des amendements de la loi électorale par le Sénat avec appui du G6
Le CEP n’attend que le  vote de la loi amendée pour organiser les élections à la fin de décembre 2014. Selon M. Desras, la loi électorale telle qu’amendée et votée par la Chambre Basse, est valable à 90% pour organiser les élections. Lors d’une réunion organisée avec le CEP présidé par Max Mathurin, une commission sénatoriale, par la voix de notre ami, le Sénateur Privert, a proposé une vingtaine d’amendements en plus pour bonifier le texte amendé par la Chambre Basse. En cas de vote de ces amendements par le Sénat avec l’appui du groupe des 6 sénateurs « radicaux », il faudrait retourner le texte à la Chambre des Députés pour un vote dans les mêmes termes. On n’en est pas encore là, on en est même très loin. Le G6 est ferme sur sa position, il faudrait, au préalable, monter un autre CEP selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution. Et cela dure depuis plus de 150 jours. Le Bureau du Sénat sollicite un dialogue politique entre l’administration Martelly et l’opposition politique, en particulier le G6,  et pourquoi ne pas constater le blocage du processus par le G6 et ouvrir la voie  à l’application de l’article 12 de l’accord del Rancho ?

Scénario No 2 : L’application de l’article 12 de l’accord del Rancho
Il est un fait indéniable qui saute aux yeux, le G6 ne veut pas voter les amendements à la loi électorale et l’opposition radicale l’encourage à continuer en ce sens. La proposition de dialogue avec l’Exécutif ressemble beaucoup plus à une manœuvre pour gagner du temps. Les amendements additionnels proposés par la commission sénatoriale pourraient intégrer le texte dans le cadre d’une mise en application de l’article 12 de l’accord del Rancho. Or, pour appliquer l’article 12, il faudrait au préalable que les parties signataires de l’accord constatent la faillite de l’une d’entre elles. La Commission de suivi de l’accord devra se réunir avec les protagonistes pour constater le blocage et en faire part à la Médiatrice (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/04/haiti-sur-le-fil-du-rasoir-faut-il-en.html). Dans ce cas, il n’y a qu’une partie prenante qui pourrait refuser cette faillite, le Sénateur Desras. Voyons voir. Le Président de la République ne verrait aucun inconvénient à constater cette faillite ; le Président de la Chambre basse non plus ainsi que les partis politiques signataires de l’accord. Il ne resterait que le Président du Sénat à être réticent dans le constat de cette faillite. Dans le cas contraire, il serait donc possible d’appliquer sans problèmes l’article 12 par l’ensemble des parties prenantes, en prenant en compte les amendements proposés par la commission sénatoriale. Desras a-t-il l’étoffe nécessaire pour aider à débloquer la crise électorale  dans le cadre de l’accord Del Rancho qu’il a lui-même dénoncé à un moment de la durée? Ou laissera-t-il l’Exécutif avec le Groupe des cinq (G5) passer en force ?

Scénario No 3 : La démission du G5, le passage en force de l’administration Martelly vers  les élections ( ?)
Cette menace  de démission du G5 pourrait devenir réalité si elle favorisait le déblocage du processus comme le croit ce groupe. En effet, en démissionnant en bloc, ce groupe proche du pouvoir exécutif, permettrait à ce dernier de constater l’incapacité du Sénat à fonctionner et de constater la caducité du Parlement avant le 2e lundi de janvier 2015. Ainsi, l’Exécutif pourrait prendre un décret pour organiser les élections en décembre 2014, tout au moins le premier tour. Cette formule est vertement critiquée par le G6 et l’opposition. Mais est-elle si mauvaise que ça ? Ce sera une bonne chose si elle permettra d’éviter le chaos qui s’annonce le 15 janvier 2015. Ce serait une réédition  de ce qui s’est passé en 1999 sous la première présidence de M. Préval. Ce passage en force de l’administration Martelly vers les élections serait susceptible de jeter de l’huile sur le feu, selon certains observateurs, et de conduire à la chute du régime en place. En tout cas, cela arrangerait énormément l’opposition politique et le G6 ainsi que le Président du Sénat qui serait appelé à la rescousse pour remplacer le Président Martelly. Sacré Desras qui voudrait éviter tout cela, en proposant au Président de dialoguer avec l’opposition et le G6 !

Scénario No 4 : Le Dialogue politique entre l’Administration Martelly et l’Opposition
Le Président du Sénat a écrit, en deux occasions en moins de 15 jours, au Président de la République pour lui proposer de dialoguer avec le G6 et l’opposition. M. Martelly a répondu qu’il reste ouvert au dialogue mais semble réticent à l’idée de ce dialogue entre l’Exécutif et le G6, car les tentatives passées n’ont rien donné. Le porte parole de la Présidence a expliqué que c’est une manœuvre  visant à faire passer le temps et rendre complice l’Exécutif du blocage du processus électoral et du chaos qui pourrait suivre le 15 janvier 2015. Malgré cette attitude de refus de la part de l’Exécutif, la 2e réponse du Président Martelly au Président du Sénat, qui est venue après la conférence de presse du G6, a invité le G6 à venir dialoguer avec lui au Palais National, le lundi 1er septembre 2014 à 11 h AM. ( pourparlers reportés à une date ultérieure). 

Lors de la conférence de presse du G6, le 28 aout 2014, Sénateur Jeanty croit qu’il faudra négocier l’après 2014, car, selon lui, M. Mathurin, le Président du CEP, avait expliqué que, pour réaliser les élections, il faudrait mettre six mois à partir de la mise à disposition de la loi électorale au CEP. Partant de cette explication, Sénateur Jeanty croit qu’il ne peut y avoir d’élections en 2014. D’où la nécessité de s’asseoir avec l’Exécutif pour préparer l’après 2014 dans le cadre d’un dialogue inter haïtien (pourquoi ne pas revenir à El Rancho ?). Il a prêté l’intention à l’Exécutif d’être de connivence avec l’International pour diriger par décret et liquider les ressources du pays. C’est au bureau du Sénat, a-t-il précisé d’entamer des négociations avec l’Exécutif et non au G6 de solliciter ce dialogue. Ce que le Bureau du Sénat a fait avec la réponse positive du Président que l’on sait mais en fixant le lieu de la rencontre au Palais National. La grande question, pourquoi le G6 ne se décide à négocier que maintenant alors que la loi électorale amendée est à la chambre haute depuis plus de 150 jours ? De plus, le G6, à ce qu’il parait selon le Sénateur Benoit (émission Ramase de Radio Caraïbes du 30 aout 2014), n’accepterait pas d’aller au Palais National. Le G6 a toujours été sur la même position que le MOPOD. Or, à entendre Tunep Delpé, le MOPOD ne jure que par le déchoucage de l’administration Martelly-Lamothe. Donc, quelle est la signification de l’expression « négocier l’après 2014 » dans l’esprit du G6 ? N’est-ce pas, comme le pense l’Exécutif, une manœuvre de plus pour faire passer le temps, et nous ajoutons, avec l’espoir d’un chambardement qui emporterait l’administration Martelly-Lamothe ?

Scénario No 5 : Le déchoucage de l’administration Martelly-Lamothe
Le Sénateur JEAN-CHARLES du G6 n’a jamais caché ses intentions vis-à-vis de M. Martelly. Ce dernier doit coûte que coûte laisser le pouvoir. C’est aussi la position du MOPOD. C’est la raison pour laquelle le MOPOD n’a pas été à El Rancho. Pourquoi subitement l’opposition changerait-elle d’avis vis-à-vis de Martelly? Cette opposition là y inclus le G6, moins la FUSION, veut des élections mais sans Martelly. Alors de quelle négociation parle-t-on si ce n’est de faire passer le temps avec l’espoir de ce chambardement? En effet, la situation socio-économique et politique n’est pas du tout rose. Il y a ce malaise indéfinissable qui a favorisé cette complicité interne pour mettre dehors plus de 300 prisonniers à la prison de Croix-des-Bouquets. La reprise d’une soixantaine d’entre eux est loin de résoudre le problème. Ce malaise c’est aussi le mandat d’amenée contre l’Ex-Président Aristide lancé par le juge Lamarre Bélizaire et basé sur le rapport Paul Denis réalisé sous le gouvernement de transition (2004-2006) ; c’est aussi le mandat contre Me André Michel lancé par le même juge Bélizaire comme complice des frères Florestal dans l’assassinat d’un étudiant en 2010, Frantzy Duverseau ; c’est enfin la hausse des cours du carburant à partir d’octobre 2014 annoncée par le ministre de l’économie et des finances au Sénat, Mme Jean-Marie. Il n’est donc pas si utopique que cela de voir partir l’administration Martelly-Lamothe dans le cadre d’un chambardement généralisé bien orchestré par l’opposition radicale, en exploitant intelligemment toutes les informations susceptibles de ternir davantage l’image de cette « administration corrompue » , responsable, selon elle, de tous les maux du pays. Dans le cas d’un tel chambardement, le pouvoir exécutif reviendrait au Président du Sénat, selon l’article 149 de la Constitution amendée.

II.                CONSIDERATIONS

Rappel de la finalité du Dialogue Del Rancho
Malgré tout ce qu’on a pu dire de l’accord del Rancho, il demeure jusqu’ici, le cadre acceptable pour résoudre nos problèmes. Voici ce qu’a prévu le Protocole de Médiation élaboré et signé par les parties prenantes avant le lancement du dialogue et qui demeure encore valable si on veut continuer à dialoguer entre nous : « La médiatrice a pour objectif principal de conduire les Parties à conclure un accord politique sur les points de l'agenda concerté afin (i) de  résoudre les problèmes urgents du pays et (ii) de jeter des bases pour un dialogue national. Cet objectif principal se décline dans les objectifs spécifiques suivants :(i) Réunir les principaux acteurs autour de la table du dialogue ;(ii) S'assurer du bon déroulement des délibérations ;(iii) Amener les Parties à parvenir à un consensus ». Les précisions apportées par le document cadre ou Protocole de Médiation ont permis de mieux comprendre ce qui était visé : « un pacte politique sur la gouvernance démocratique, l'organisation d'élections crédibles, la question de l'amendement constitutionnel, la consolidation des Institutions démocratiques basée sur le respect du principe de la séparation des pouvoirs ». C’est ce que nous allons appeler plus tard, le Dialogue Del Rancho. Un échec, selon l’opposition. Une victoire, selon les participants. Après ce premier résultat, le Protocole de Médiation a prévu « de jeter les bases d’un Dialogue National ». C’est ce qu’a toujours réclamé la nation, en particulier, notre ami, M. Tunep Delpé avec sa plaidoirie pour une conférence nationale.  Malheureusement ce protocole de médiation est arrivé à un mauvais moment pour l’opposition radicale.

La raison fondamentale de la non participation du MOPOD au Dialogue Del Rancho
En effet, lorsqu’il a démarré, le Dialogue Del Rancho a favorisé en quelque sorte le pouvoir en place face à une opposition qui gagnait du terrain dans le processus de déchoucage de Martelly et de Lamothe. C’est la raison fondamentale de la non participation du MOPOD à ce dialogue. Il a contrarié ses plans qui étaient de voir Martelly partir avant la fin de son mandat. L’opposition radicale appuyée par le Sénat était à deux doigts d’obtenir gain de cause. Le dialogue Del Rancho a stoppé net tout cet élan. D’où l’animosité de l’opposition politique radicale ainsi que le G6 vis-à-vis  de ce Dialogue qu’ils ont qualifié de toutes les épithètes les plus dégradantes. A mon avis, sans ce dialogue, le pays aurait été à feu et à sang, car les partisans de Martelly n’allaient pas laisser faire l’opposition sans bouger. C’était pour éviter cet affrontement fratricide que la Conférence épiscopale s’est offerte comme médiatrice pour essayer de juguler la crise inter haïtienne. De toute manière, l’application de l’article 12 de l’accord Del Rancho reste encore une option pour éviter le spectre grimaçant du 2e lundi de janvier 2015.

Le jeu force à couper
Jusqu’à présent, l’opposition accuse l’Administration Martelly comme seule responsable de la non réalisation des élections dans le pays depuis trois (3) ans, car c’est sa responsabilité. En un certain sens, elle a raison. En 2010, l’opposition politique ne voulait pas non plus d’élection avec M. Préval. Elle a estimé qu’après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, les conditions n’étaient pas réunies pour avoir de « bonnes élections, crédibles, honnêtes et démocratiques ». M. Préval a fait la sourde oreille et a maintenu le cap vers les élections sans la participation d’une bonne frange de l’opposition de l’époque. L’administration actuelle se retrouve à peu prêt  dans la même situation. Elle doit coûte que coûte se décider. Certes, c’est une bonne chose de répondre positivement à une sollicitation d’un ultime dialogue avec le G6, et ceci même au sein du Parlement ou sur terrain neutre (un hôtel par exemple), au cas où ces pourparlers éviteraient l’application des solutions extrêmes (démission du G5, passage en force, et autres) de la part du Pouvoir Exécutif. Dans une conjoncture socio-économique et politique aussi potentiellement explosive, aucun sacrifice ne devrait répugner l’Administration Martelly-Lamothe pour atténuer la situation politique. Mais, dans le cas où ces pourparlers se révéleraient une sorte de leurre, cette administration aurait intérêt et gagnerait à mettre tout en œuvre pour organiser le premier tour des élections en décembre 2014 avec ce CEP que tous les observateurs avertis trouvent plutôt acceptable, et  avec une loi électorale amendée prenant en compte tous les nouveaux amendements proposés par la commission sénatoriale.  Car le jeu force à couper.

III.             CONCLUSIONS

Des initiatives heureuses
Le pays est réellement fatigué de tourner en rond. Cet imbroglio politique analysé dans cet article n’a pas empêché le pays de prendre des initiatives heureuses. Citons, entre autre, trois exemples de la volonté du peuple haïtien de sortir de la routine politique déprimante : (i) Le Camp Jeunesse, organisé avec succès, par le Ministère de l’agriculture à l’intention de 1000 jeunes venant de tous les coins d’Haïti, s’est soldé, entre autre, par la promesse du Titulaire de l’agriculture d’inscrire dans le budget 2014-2015 10 M HTG pour la mise en place de 10 projets agricoles, soit un par département ; (ii) l’initiative ô combien honorable du Journaliste bien connu, Valery Numa, d’honorer les 10 lauréats issus des examens d’Etat (Philo) que son mouvement compte accompagner durant leurs études universitaires ; et (iii) la 2e fête du Lac organisée par le Groupe FONHTA (Fondation haïtienne pour le tourisme alternatif) et le Ministère du Tourisme au niveau du Bourg de Thomazeau, a mobilisé les jeunes de la zone dans des activités touristiques et culturelles qui ont permis aux visiteurs de découvrir le formidable potentiel de cette zone riche mais délaissée. Ces trois initiatives venant d’horizons divers ont été bien accueillies par le public, en particulier,  par les jeunes qui ont montré leur soif d’excellence et leur fatigue par rapport à cette situation politique qui n’en finit pas de leur voler leur espoir dans un meilleur futur pou Haïti et pour eux-mêmes.

Desras n’est-il pas incontournable ?

 Il est temps que les protagonistes politiques cessent de nous effrayer, apprennent à nous vendre le rêve, en évitant de nous annoncer des catastrophes politiques, en gardant tout simplement le sens de la mesure et en appliquant les règles de la bienséance. Effectivement, selon l’ingénieur Antoine Dimanche, le Pays dispose  de l’or, de l’argent, du cuivre, du pétrole prêt à être exploité,  du gaz naturel (5 Trillion de m3 de propane), du béton bitumineux à l’état naturel sur 24 km2 (zone de Jérémie), etc. Une fois ces ressources en phase d’exploitation, l’haïtien le plus pauvre aurait, selon lui, 100,000 USD au minimum sur son compte en banque. De quoi nous redonner espoir et paix intérieur. De quoi nous faire rêver. C’est pourquoi  certains d’entre nous ont beaucoup regretté l’annulation par le CEP de la date du 26 octobre pour le premier tour des élections à cause du blocage exercé par le G6 depuis maintenant 158 jours. C’est la persistance de la crise électorale. C’est donc la faillite de l’un des signataires de l’accord Del Rancho, en l’occurrence le Sénat. Le constat de la faillite de l’une des parties par l’ensemble devrait conduire sans hésiter à l’application de l’article 12 de l’accord en question. Ces ultimes pourparlers entre le Président et le G6, s’ils auront lieu vraiment, devraient, quel qu’en soit le résultat, favoriser un consensus sur cette question d’élections. Il serait souhaitable que, en cas d’échec de ces pourparlers, le Président du Sénat n’hésite plus à constater, cette fois-ci, la faillite du Grand Corps et opte, comme les autres parties signataires de l’accord Del Rancho, pour l’application de l’article 12 de cet accord. Et qu’on en finisse! Elections ou chambardement, Desras n’est-il pas incontournable ?

mardi 29 juillet 2014

HAITI : FOOTBALL A GOGO, BEAUCOUP DE BONNES CHOSES ET UN MALAISE INDEFINISSABLE

HAITI : FOOTBALL A GOGO, BEAUCOUP DE BONNES CHOSES ET UN MALAISE INDEFINISSABLE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUILLET 2014

Le mois de juin 2014 ne se termine pas comme il a commencé. Et Juillet était encore beaucoup plus calme politiquement. Les manifestations  de rues anti-administration Martelly n’ont pas fait recette comme au début du mois de juin au point que le député A. Bélizaire a dû user d’excès pour attirer l’attention (UZI en bandoulière, prestation vodouesque publique, bourrade au ministre chargé des relations avec le Parlement qui lui a valu d’être exclu de la Chambre basse pour deux mois sans solde, et, fin juillet, grève de la faim). Une période de folie footballistique avec le Mondial brésilien du 12 juin au 13 juillet 2014, des surprises footballistiques, du suspens, une belle fête ! Durant cette période de folie footballistique, le ministère de l’agriculture a pu quand même organiser du 19 au 21 juin 2014, à Kaliko sur la Cote des Arcadins, un intéressant atelier sur « Approche filière/Chaînes de Valeurs: concepts, Enjeux et Implications Politiques» animé principalement par l’économiste Kesner Pharel. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Gouvernement Haïtien ont présenté le rapport sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), très instructif et méritant de servir de base à tout programme politique sérieux surtout en une année électorale.  La mort du Président Manigat a pratiquement clôturé le mois de juin, mais ne faut-il pas voir dans cette disparition une entrée triomphale dans l’immortalité, surtout après les réactions de la classe politique par rapport à cette disparition ? La mise en application de la loi de finance 2013-2014 rectifiée et approuvée par le Parlement en mai 2014, une entente pré-électorale (modification du CEP provisoire avec l’inclusion de nouveaux membres et l’élection de Max Mathurin comme  Président en lieu et place de Me Canton, vote probable de la loi électorale par le Sénat),  autant de pistes qui traduisent des signes encourageants vers une amélioration de la situation globale. Pourtant, à écouter la radio, à regarder la TV, à lire les journaux et les médias en ligne et à visiter les réseaux sociaux, on sent une sorte de malaise, en dépit du dépôt par l’Exécutif de la loi de finance 2014-2015 à temps au Parlement (122.7 Mrds HTG), et malgré la 3e édition du carnaval des fleurs fin juillet. D’où le titre de cet article : « Football à gogo, beaucoup de bonnes choses et un malaise indéfinissable ».

Dans cet article, il serait intéressant d’analyser chacun des points cités plus haut et montrer leur cohérence par rapport à la situation globale du pays et expliquer ce sentiment de malaise qui en découle ; mais une telle analyse serait fastidieuse et embrouillerait le lecteur. C’est pourquoi nous nous contenterons de passer à pieds joints sur quatre d’entre eux : 1) le Mondial brésilien, 2) la disparition du professeur Manigat, 3) l’atelier du Ministère de l’Agriculture et 4) le projet de loi de finances 2014-2015, et de terminer cet article par des considérations appropriées.

L’humiliation du Brésil
Du 12 juin Football à gogo jusqu’au 13 juillet 2014  dans le cadre du mondial brésilien et ses surprises, le constat a été douloureux pour la plupart et heureux pour d’autres comme il est de mise dans toute compétition sportive. Les deux continents, ténors du football mondial, l’Europe et l’Amérique, se sont mesurés à travers leurs équipes de football. Définitivement, l’Europe s’est adjugée la bonne part du gâteau au détriment du Brésil et de l’Argentine. Le premier constat : Il n’y a plus de petites équipes, la Colombie (malgré sa défaite en quart de final contre le Brésil 2-1) et le Costa-Rica ont été les révélations du Mondial, l’Algérie aussi qui a atteint le 8e de finale. Le Costa-Rica, après avoir pris la tête de son groupe au détriment de l’Uruguay, de l’Italie et de l’Angleterre, trois champions du monde, s’est retrouvé en quart de finale avec plutôt beaucoup de panache, éliminé par la Hollande au tir au but. Il a laissé le mondial sans perdre un match. Il s’est donc hissé parmi les grands. Le deuxième constat, c’est le départ prématuré de certains grands : Espagne, Italie, Uruguay,  partis au premier tour et au 8e de finale. Le troisième constat, le déclin du Brésil fini en 4e position de son mondial loin derrière l’Allemagne. Le quatrième constat, la montée en puissance du football européen, en particulier, l’Allemagne qui a passé un sévère 7-1 au Brésil en demie finale après s’être  débarrassée de la France en quart de finale (1-0) et qui a battu l’Argentine 1 à 0 en finale, et la Hollande qui s’est adjugée la 3e place en battant le Brésil 3 à 0. Pour ce qui concerne la grande surprise de cette coupe du monde, c’est l’humiliation du Brésil sur son terrain par l’Allemagne puis la Hollande. Le cinquième constat, le Mondial brésilien a été une belle fête. Enfin, sur 20 coupes du monde, l’Europe s’est adjugée 11 contre 9 à l’Amérique du Sud ; Close, l’allemand, est devenu le meilleur buteur de tous les temps de la Coupe du Monde  avec 16 buts en 4 coupes du monde au détriment de Ronaldo, le brésilien, qui en a marqué 15 en trois coupes du Monde.

Un monument !
En pleine période footballistique, la disparition du professeur Manigat a fait la une de tous les medias. Que de bonnes choses on a apprises sur la vie du professeur et de son œuvre colossale! Les funérailles nationales organisées, le samedi 5 juillet, à St-Louis de Gonzague, par le pouvoir en place, les propos élogieux et profonds de l’actuel Président de la République, M. Martelly, vis-à-vis du professeur, la participation des personnalités politiques de toutes tendances aux funérailles, les colloques et émissions radiophoniques organisées démontrent, s’il en était besoin, l’importance accordée par le peuple haïtien dans toutes ses composantes à cette disparition et témoignent du vide laissé par ce grand disparu incompris de son vivant. C’est un Patrimoine national. Un monument ! Je réfère le lecteur aux divers articles consacrés au professeur après sa disparition par Le Nouvelliste, « Haïti en Marche » et des medias en ligne. En tout cas, à mon humble avis, Manigat c’est l’homme qui aurait pu mettre Haïti sur les rails du développement. En témoignent ses quatre (4) mois au pouvoir et ses nombreux ouvrages qui portent en eux tous les germes d’un développement harmonieux d’Haïti. Malheureusement, comme pour Firmin, nous n’avons pas su choisir ou, tout au moins, lutter pour le garder au pouvoir même si son choix comme président nous était imposé par nos militaires et non par l’international comme il est de coutume ces derniers temps.

Des concepts complémentaires et non synonymes
En parlant du développement, il serait intéressant de nous pencher sur l’atelier organisé par le ministère de l’agriculture. Cet atelier Approche filière/Chaînes de Valeurs: concepts, Enjeux et Implications Politiques, animé principalement par Pharel secondé par Agr Jeaniton et Dr Pierre, a permis de bien différencier l’approche filière et la chaine des valeurs selon ma compréhension des divers exposés. L’approche filière pourrait se définir selon une démarche « de la fourche à la fourchette » avec une valeur ajoutée à la production brute de départ (matière première, compte d’exploitation ), tandis que la chaine des valeurs est beaucoup plus complexe faisant appel non seulement à l’ensemble des acteurs directement impliqués mais aussi à des structures interinstitutionnelles d’appui imbriquées, articulées et intégrées pour déboucher sur des produits finis et compétitifs. Ce qui se traduit par une approche plus globale de type cluster intégrant l’approche filière et la valeur ajoutée à chaque niveau de ce processus complexe axé sur une gestion de l’ensemble des informations. En d’autres termes, si l’approche filière se concentre sur une ou des filière (s) porteuse(s), la chaine des valeurs fait appel à un ensemble de valeurs ajoutées et  de filières susceptibles d’interagir entre elles et de déboucher, en termes de contribution (avantages comparatifs et compétitifs), au développement durable. Il est donc clair que, à mon humble avis, les deux (2) concepts, d’origines diverses (française et anglo-saxonne), s’ils sont complémentaires, ne sont pas interchangeables, et encore moins des synonymes comme on a tendance à les utiliser dans les documents et au sein du ministère de l’agriculture.

La somme d’efforts à consentir pour hisser Haïti au niveau des économies émergentes de la zone
Pour permettre à l’auditoire de mieux appréhender les nuances de ces  deux concepts, M. Pharel, le principal animateur de cet atelier, a utilisé une approche de comparaison et une approche du global au local contrairement aux autres intervenants qui se sont concentrés, avec bonheur, sur leur sujet à partir d’une démarche plus  classique axée sur la définition, la clarification, le développement de ces concepts sur la base d’exemples bien choisis et assez explicites et les recommandations ; car la démarche des deux autres intervenants a permis aussi une meilleure compréhension des concepts. La pluparts des interventions de Pharel se sont faites en référence à la République dominicaine et la Jamaïque. Il s’est référé aux exigences de compétitivité liées à la mondialisation pour expliquer les avancées/retards de notre pays, s’est attardé sur le plan stratégique pour le développement d’Haïti (PSDH) basé sur la refondation sociale, la refondation territoriale, la refondation économique et la refondation institutionnelle, sur le ministère de l’agriculture, dont il a remis en question le titre actuel qui implique trop de responsabilités pour un seul ministère, et ses diverses politiques, plans et stratégies en relation avec le PSDH, en particulier le plan triennal de relance agricole (PTRA 2013-2015) et a achevé sa présentation en faisant un certain nombre de comparaisons en matière de PIB, de budget d’investissements, de politiques publiques, d’investissements privés, etc., par rapport aux deux (2) pays de la Caraïbe cités plus haut. Cette démarche a permis à l’auditoire de mieux appréhender les concepts, de mieux comprendre le fossé entre ces trois économies et de mieux apprécier la somme d’efforts à consentir pour hisser Haïti au niveau des économies émergentes de la zone à l’horizon 2030. D’où la nécessité de répéter cet atelier non seulement pour plus  de participants au sein du secteur agricole, quitte à l’axer un peu plus sur des filières agricoles répertoriées dans le PTRA, mais aussi au niveau de l’Etat d’Haïti dans toutes ses composantes, en vue d’atteindre un niveau de masse critique maitrisant les outils de développement, incluant les lois de finances qui, en principe, traduisent les priorités et orientations gouvernementales.

Le Projet de loi de finances 2014-2015
Comme pour l’exercice passé, l’Exécutif a fait l’effort de soumettre au Parlement le projet de loi de finances comme l’exige la Constitution espérant que, pour cet exercice 2014-2015, la loi de finances ne connaitra pas le même sort que celle de l’exercice passé ( vote par la Chambre Basse, rejet par le Sénat, reconduction du budget de l’exercice précédent jusqu’en mai 2014, soit une loi de finances mise en application avec 7 mois de retard). Du tort causé au pays à cause des querelles politiques entre l’Exécutif et le Sénat! En tout cas, le projet de loi de finances 2014-2015 fixe le montant global du budget à 122.7 milliards de gourdes (122.7 Mrds HTG ou 2.7 Mrds USD). Le budget se répartit comme suit : le secteur économique (44.3%), le secteur politique (18.8%), le secteur socioculturel (27.8%), et autres dépenses (9.1%) dont 4.1% pour le service de la dette externe. Les hypothèses de départ visent un taux de croissance du PIB de 4.6%, un taux d’échange en adéquation avec le taux de croissance, un taux d’inflation de 7.5%. Le taux de croissance de 4,6% du PIB, « sera supporté par les secteurs de l’agriculture +2,5%, de l’industrie +6 % et de la construction +8% » (Réf. Le Nouvelliste du 22/07/2014).

« L’emphase a été mise sur l’agriculture »
Comme l’a exigé le Président Martelly à Damien  (Réf.  http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/05/haiti-de-la-turbulence-politique-la.html ), l’Education, l’Environnement et l’Agriculture ont subi une hausse budgétaire par rapport à l’exercice écoulé mais n’ont pas crevé le plafond comme on s’y attendait. Pour ce qui concerne l’agriculture, voici l’explication fournie par la Ministre de l’Economie, Mme Jean-Marie : « Le ministère des Travaux publics a été privilégié parce qu’il y a beaucoup de projets en cours. Vous n’allez pas voir forcément de nouveaux chantiers. Il importe de continuer avec les projets en cours. Quant au ministère de l’Agriculture, c’est parce que tout l’effort déployé dans le cadre des partenariats public-privé, l’emphase a été mise sur l’agriculture et la transformation des produits agricoles. Le secteur agricole emploie jusqu’à présent 40% de la population active. Cela ferait un grand bond si nous arrivons à améliorer les revenus de cette tranche de la population ». Cet effort sur le secteur agricole vise aussi à une augmentation de l’offre des produits alimentaires et à diminuer les importations ». Selon ce qu’a rapporté  Le Nouvelliste du 22 juillet 2014. Il faut noter que les 6.1% alloués au secteur agricole (7.49 Mrds HTG) sont loin des 10%  du budget de l’Etat souhaités par notre groupe, la FONHDILAC, pour permettre au secteur de bien booster l’économie haïtienne.

« Une plus grande autonomie budgétaire »
La précision de Mme Jean-Marie :« Avec le recul constaté du financement externe des projets d’investissement, le poids des recettes internes dans le budget est passé de 40% dans le budget 2012-2013, à 43% dans celui de 2013-2014 et pour le projet de loi de finances déposé au Parlement dernièrement à 49%. Donc, nous maintenons l’effort dans le sens d’une plus grande autonomie budgétaire et cela commence à porter ses fruits » … « Progressivement, nous essayons de nous affranchir de l’aide internationale. Dans la loi de finances 2014-2015, la part financée par les ressources domestiques augmente progressivement par rapport à celle financée par les dons et les prêts des bailleurs internationaux ». Concernant la fiscalité : « Il n’y a aucune disposition fiscale prévue pour augmenter les taxes, que ce soit les droits de douane ou les autres taxes. A l’exception d’une disposition relative aux droits de douane concernant les produits pétroliers. Une disposition qui vise à alléger le poids de la taxation pesant uniquement sur la gazoline. On va répartir la taxation sur la gazoline, sur le kérosène et le diesel », a révélé Madame Jean-Marie.

Considérations
Le jusqu’auboutisme haïtien
La situation haïtienne pour la période sous observation est  marquée par notre grande passion pour le football. Le Mondial brésilien a aidé le gouvernement à souffler par rapport à cette opposition tout azimut qui a voulu le mettre hors jeu. La passion haïtienne pour le football a permis à la population de supporter la misère, d’oublier sa faim. Les fanatiques du Brésil qui sont les plus nombreux ont beaucoup souffert ; ceux de l’Argentine aussi, mais beaucoup moindre. Quand le Brésil a été balayé par l’Allemagne, les « argentins » ont sorti leur cercueil pour enterrer les « brésiliens ». Les « brésiliens » en ont fait de même lors de la défaite de l’Argentine face à la même Allemagne en prolongation. C’est le jusqu’auboutisme haïtien, en football comme en politique (Haïti en Marche). Il faut la disparition de l’adversaire, de l’ennemi. Pas de quartier, pas de négociation. Négociation égale lâcheté. Arnel Bélizaire a mis sa vie en danger pour faire passer ses revendications (grève de la faim au sein du Parlement). Les six sénateurs radicaux veulent tout simplement la tête de Martelly et de Lamothe. Ils ne veulent pas céder un pouce de terrain, la plupart de leurs alliés non plus. Comme en 2004, il faut la tête du coupable, en l’occurrence, le Président.
 La valeur de l’autre se reconnait en général à son départ 
Mais quand vous n’êtes plus là, on reconnait votre valeur. C’est le cas du Professeur Manigat. Toute la classe politique haïtienne a vanté l’idéal politique de Manigat, l’homme intègre, le modèle. De son vivant, il était « un arrogant », « un traitre » qui a accepté le pouvoir des mains ensanglantées des militaires. C’était la même chose sous la présidence de Préval. C’était l’homme à abattre. Il a su, en deux occasions, bien manœuvrer (koule en ba yo, nagé pou soti) pour terminer ses mandats. Au pouvoir, toute l’opposition l’a accusé de n’avoir rien foutu. A son départ du pouvoir, heureusement encore en vie et vivant en paix dans son pays, toute l’opposition a reconnu qu’il a fait du bon travail pour notre pays et a même accusé le pouvoir actuel de procéder à l’inauguration de ce que Préval avait laissé (normal selon le principe de continuité de l’Etat). On pourrait citer d’autres exemples, le cas d’Estimé, le cas de Boniface Alexandre, du Premier Ministre Latortue. L’haïtien reconnait la valeur de l’autre quand il n’est plus là, surtout en politique. J’en tire une leçon : La valeur de l’autre se reconnait en général à son départ.
Tout est donc lié
En guise de conclusion, on ne sait pas ce qui va se passer après le carnaval des fleurs truffé de couleurs, de belles chorégraphies et de musique (fantastique! Mais bilan définitif: 2 morts et environ 700 blessés, de source policière). Ce carnaval a favorisé la prolongation de la période de folie footballistique brésilienne et haïtienne (qualification des moins de 20 ans haïtiens pour le 2e round qualificatif, à Trinidad, du mondial des U20) qui, elle-même, a permis au pouvoir, et sans trop grande pression politique de l’opposition, de continuer avec la routine, (conseils de gouvernement en direct, « gouvenman lakay ou » dont un à Miami qui a fait coulé beaucoup d’encre), d’organiser certains événements comme les examens d’Etat, l’atelier du ministère de l’agriculture sur la filière/chaine des valeurs, d’innover avec lancement d’un programme de reboisement par bombardement aérien, de faire le dépôt  du projet de loi de finances. La question d’éducation est primordiale, la formation continue aussi. Cet atelier sur la filière/chaine des valeurs a fait ressortir cette nécessité d’imbrication, d’articulation et d’intégration des actions pour l’obtention de meilleurs résultats, et mérite d’être étendu à d’autres institutions étatiques (Exécutif, Législatif et Judiciaire). Il en est de même pour la loi de finances2013-2014 qui a été présentée par Pharel lors de l’atelier organisé par le MARNDR en insistant sur la part consacrée aux actions du ministère de l’agriculture. Lors de la présentation du projet de loi de finances 2014-2015, à l’Hôtel Oasis, en compagnie de la Ministre de l’économie, l’accent a été mis sur la nécessité pour l’ensemble des acteurs et des agents économiques de bien maitriser cet outil de développement, tout au moins, d’en être informés. Il est indispensable de montrer, dans la mesure du possible et à chaque occasion, que les réflexions et actions au sein de l’Etat, devraient être en parfaite harmonie. Et c’est la raison pour laquelle le pays dispose d’un plan stratégique, que le gouvernement présente une politique générale qu’il devrait mettre en œuvre dans le cadre de programmes, de projets et de lois de finances annuelles reflétant ses priorités et ses orientations. Tout est donc lié. Le développement n’est avant tout que le développement de l’humain, et ne s’obtient que par l’imbrication, l’articulation et l’intégration des actions au sein d’un Etat. Le malaise indéfinissable ressenti ces derniers temps, n’est-il pas lié à cette anthropie politique (ce désordre), cette désarticulation de l’Etat d’Haïti où chacun essaie de tirer son épingle du jeu ou celle de son clan au détriment du pays, en tentant de faire croire au bon vieux peuple, « analphabète mais pas bête », qu’on se bat pour lui ?  

samedi 31 mai 2014

HAITI, DE LA TURBULENCE POLITIQUE A LA PAIX FOOTBALLISTIQUE (?)


HAITI, DE LA TURBULENCE POLITIQUE A LA PAIX FOOTBALLISTIQUE (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MAI 2014

C’est la fête de l’agriculture et du travail. C’est le troisième anniversaire de la prise de pouvoir du Président Martelly. C’est l’épidémie de Chikungunya  qui frappe officiellement 15,000 personnes, en particulier au niveau de l’Ouest ; cette fièvre terrible mais heureusement non mortelle a, selon certains observateurs,  déjà touché, au moins, 50,000 personnes dont la plupart des membres du gouvernement et certains amis proches. Ce sont les manifestations de rues de l’opposition plutôt violentes.  C’est le vote du budget 2013-2014 par le Parlement. C’est la mise sur pied du Conseil Electoral Provisoire (CEP) à partir des restes du CT-CEP. C’est l’arrestation d’un militant politique à cause des violences enregistrées dans le cadre d’une manifestation anti gouvernementale. C’est la bousculade par la Police du Sénateur JEAN-CHARLES à l’Arcahaie. C’est la fête des mères, le mois de Marie. C’est la finale, le 24 mai 2014, de la Coupe d’Europe des Clubs Champions entre le Réal Madrid et l’Athlético de Madrid (4-1 après prolongation, 1-1 temps règlementaire) avant la Coupe du Monde du Brésil du 12 Juin au 13 Juillet 2014. D’où le titre de cet article : « Haïti, de la turbulence politique à la paix footballistique (?) ».

Les projecteurs sur l’agriculture
Le 1er  mai a été fêté majestueusement à Damien, le siège du ministère de l’agriculture, avec la présence du Premier Ministre, M. Laurent LAMOTHE, suppléant  à l’absence du Président MARTHELLY pour cause de participation à la rencontre de l’Association des Etat de la Caraïbe au Mexique. Au cours de cette fête de l’agriculture et du travail doublée d’une foire agro-artisanale  de 4 jours,  le Chef de Gouvernement a délivré un certificat de satisfécit au secteur pour sa contribution (4.6%) au PIB Global  (4.3%) pour l’exercice écoulé. Le Gouvernement, cette fois-ci avec la présence du Président, a organisé, le 8 mai, une cérémonie digne de ce nom à l’endroit de la délégation vénézuélienne venue spécialement remettre un lot substantiel de matériels agricoles (48 tracteurs, 40 motoculteurs, 100 pompes, etc.) à l’Etat Haïtien d’une valeur de 14 M USD. C’était l’occasion pour le Président de féliciter les responsables du secteur agricole pour leur performance, de réorienter les priorités du gouvernement pour les deux années à venir vers l’agriculture, l’environnement et l’éducation, en insistant pour que ces priorités se traduisent dans le budget 2014-2015. Et, le 9 mai 2014, le Président s’est rendu à Croix-des-Bouquets, en particulier sur la rivière Grise, pour procéder à la pause de la première pierre pour la construction d’un nouveau barrage de dérivation (6 M USD) pour l’arrosage des terres du périmètre du même nom dans le cadre du projet WINNER actuellement en phase d’achèvement et financé par l’USAID, une agence américaine, à hauteur de 100 M USD depuis environ 5 ans. C’est l’occasion de dire que pour ce mois de mai 2014 l’administration Martelly a mis les projecteurs sur l’agriculture.

De l’huile sur le feu
Parallèlement, le MOPOD a mené tambour battant ses manifestations de rues qui ont pris de l’ampleur tout au long du mois avec la participation de l’ensemble de l’opposition radicale tant en termes de quantité de manifestants qu’en termes de casses jusqu’à l’arrestation d’un  leader du groupe de base Lavalas de Belair (le FOPAK) , Rony Thimothée, accusé par la Police d’être l’auteur des casses. Il faut noter que, bien avant l’arrestation de Thimothée, la Police a intimidé, à Gressier, le Sénateur Moïse JEAN-CHALES, farouche opposant à l’administration Martelly. Ce qui a valu au pays un durcissement de la position du Sénat par rapport à l’administration en place, un report du vote de l’amendement de la loi électorale de 2013 et une accusation  de l’administration Martelly de ne pas vouloir réellement organiser les élections en 2014.  Alors que le Président a invité la population à venir fêter avec lui, au Champs de Mars, le 3e anniversaire de son accession au pouvoir, l’opposition a mis sur pied une grande manifestation avec des pneus enflammés dans diverses rues du  centre ville de Port-au-Prince. Cette manifestation a été stoppée à coup de gaz lacrymogène, de canon à eau lorsqu’elle a voulu franchir l’aire du Champs de Mars. D’où la réplique à coup de pierres des manifestants, des casses de vitres de voitures en stationnement, la tentative d’incendier une station de carburant  dont un agent de sécurité aurait tiré sur un manifestant. C’est dans ce contexte qu’il a été procédé, quelques jours plus tard, à l’arrestation de Thimothée, à l’intimidation du Sénateur JEAN-CHARLES (« bourad e Kalot’t » par un policier encagoulé), à la convocation du PDG de Radio Zénith  par la Justice sur demande du Directeur de la CONATEL (organisme règlementant les médias) pour diffamation. Le PDG de Radio Télé ZENITH a reçu l’appui de l’ensemble des patrons des médias. L’ensemble de ces actions a mis de l’huile sur le feu  et pourrait nuire au processus électoral.

Cap vers les élections du 26 octobre 2014
Malgré tout, l’administration Martelly a pu quand même obtenir du Parlement le votre du budget 2013-2014 avec des prévisions en vue d’une augmentation substantielle pour la police, la santé publique et surtout  les professeurs dont les syndicats, pour la plupart, étaient partie prenante des manifestations de rues et encourageant même les élèves des écoles publiques  à attaquer ceux des écoles privées. Nesmy MANIGAT, le ministre de l’éducation nationale, a mis à profit cette nouvelle donne dans ses négociations avec les syndicats d’enseignants y inclus celui de José MERILIEN. L’aboutissement de ces négociations a privé l’opposition d’une frange importante de personnes lors des dernières manifestations. L’administration Martelly, qui a mis le cap vers les élections du 26 octobre 2014, comme l’a prévu l’Accord  Del Rancho du 14 Mars 2014, a sorti un arrêté nommant les membres du Conseil Electoral Provisoire et a procédé à l’installation de 7 membres  sur 9, Me Néhémy Joseph n’étant pas encore confirmé par le Sénat et Léopold Belanger  se solidarisant avec ce dernier. Cet arrêté a été pris suite à la confirmation  par la Chambre des Députés de ses deux (2) membres au nouveau CEP, de ses trois (3) membres par le Pouvoir Judiciaire et au remplacement de Me Menard par Me Canton par le Pouvoir Exécutif. Le CEP, qui a élu Me Canton à la présidence du Conseil en remplacement de Me Menard muté à la direction générale de l’ONA en remplacement de M. Dégraff mis à pied sous la pression des employés de l’Institution, a proposé un pré-calendrier électoral aux partis politiques pour l’organisation  du 1er tour des élections en octobre et le 2e tour en décembre 2014. 

"… Une solution d’entente, il y va de l’avenir de notre pays"
Selon les rumeurs persistantes, des tractations seraient en cours entre l’Exécutif et le Parlement pour modifier la composition du CEP afin de le rendre plus « crédible » tel que souhaité par la Chambre du Commerce et d’Industrie d’Haïti (CCIH), l’Association des Industries d’Haïti (ADIH) et par la Société civile. A ce qu’il parait, il y aurait de fortes chances que ces tractations aboutissent à un consensus pour l’organisation des élections en 2014. Mais, d’un autre coté, par rapport à l’évolution de la situation politique où certaines déclarations, de part et d’autre, tendent beaucoup plus à aggraver la situation qu’à l’apaiser, le simple analyste se perd en conjectures. En tout cas, aujourd’hui, le Sénateur JEAN-CHARLES, victime hier de bousculade policière à l’Arcahaie, a demandé au Sénat de prendre ses responsabilités et a lancé un mot d’ordre de manifestation pour la semaine prochaine en vue du départ immédiat de la MINUSTAH, de la libération des prisonniers politiques, de la démission de MM. Lamothe et Martelly. L’idée de départ du  Sénateur JEAN-CHARLES était de voir partir l’administration Martelly avant la Coupe du Monde, en particulier avant le 31 Mai 2014. Jusqu’ici, cette administration a pu tenir le coup. Si elle arrive à traverser la semaine de manifestions annoncées par le Sénateur, elle pourra tranquillement passer la trêve du Mondial Brésilien, vu l’engouement des Haïtiens pour le football. Peut-être qu’entre temps, la classe politique finira par trouver une entente comme le croit l’ADIH. En effet : « L’ADIH demeure persuadée que les acteurs politiques arriveront à une solution d’entente, il y va de l’avenir de notre pays et le secteur privé dans son ensemble sollicite que des concessions soient faites pour aboutir au processus électoral cette année.» C’est, selon ce qu’a rapporté Le Nouvelliste, la position de  Madame Sandra Honoré, la Représentante du Secrétaire Général de l’ONU en Haïti, le Chef civil de la MINUSTAH (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/131798/Haiti-ou-lart-de-tourner-en-rond-en-zigzaguant.html ).

De la turbulence politique à la paix footballistique (?)


Ce qui est sur, c’est que cette Coupe du Monde tombe à point nommé pour nous sortir de cette quotidienneté faite de politiques politiciennes, de batailles de clans, de dialogue de sourds, de palabres sans suite ni cohérence au sein de la plupart des stations de radio ou de télévision, de mise en place de stratégies claniques par rapport à des stratégies de développement pour Haïti, notre mère à tous et à toutes. C’est à se poser la question : Haïti est-elle en train de passer de la turbulence politique à la paix footballistique, tout au moins pour le mois du Mondial 2014 ? Rappelons que le mois de juin est  le premier mois de la saison cyclonique qui se concentre du 1er juin au 30 Novembre de chaque année? Espérons qu’après la Coupe du Monde, la turbulence politique coutumière à notre chère Haïti et la saison cyclonique (notre pays étant sur la route des cyclones) ne nous jetteront pas  dans des tourments encore plus terribles. En attendant, oublions la politique politicienne et concentrons-nous sur le Mondial brésilien avec ses lots de surprises footballistiques. Que Dieu nous vienne en aide !!!

mercredi 30 avril 2014

HAITI SUR LE FIL DU RASOIR,… FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER (?)

HAITI SUR LE FIL DU RASOIR,… FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2014
Dans une conjoncture économique plutôt pénible et morose pour la population haïtienne, le Président Martelly a déclaré, lors d’une tournée dans le Sud en compagnie d’un général américain, « les caisses de l’Etat sont vides ». Il n’en fallait pas plus pour stimuler les manifestants lors de la manifestation de l’opposition radicale du 15 avril 2014, alliée du Sénat qui n’a pas amendé la loi électorale contrairement à la Chambre des Députés dans les délais impartis par l’Accord Del Rancho, pour radicaliser un peu plus leur position par rapport aux deux têtes de l’Exécutif accusées de corruption. Lors de cette manifestation, un sénateur en fonction est allé jusqu’à exiger de « couper la tête de Martelly et de lui infliger la peine de mort » (Réf. Télé Plurielle, Emission de Nouvelles de Marie Lucie Bonhomme). Avant son départ pour Taïwan où il effectue une visite d’Etat en compagnie d’une forte délégation haïtienne, du 20 au 25 avril 2014, le Président a demandé au Sénat de voter la loi électorale amandée pour qu’il puisse enclencher le processus électoral, sans quoi, il serait obligé, à son retour, d’appliquer l’accord du 14 mars 2014. Aussitôt, le pays a eu droit à la réplique du Président du Sénat, M. Simon Dieuseul DESRAS, « Le Parlement n’a pas ratifié l’Accord d’El Rancho. Un accord n’est pas une loi, ni la Constitution. L’article 12 n’est pas imposable au Parlement.» Est-on retourné à la case départ? En tout cas, l’opposition radicale, les 6 radicaux au Sénat ainsi que M. Desras exigent, au préalable, l’application de l’article 289 de la Constitution pour la mise en place d’un autre CEP provisoire contrairement à ce qu’a proposé l’Accord Del Rancho. D’où le titre de mon article : « Haïti sur le fil du rasoir, … faut-il en rire ou en pleurer?».

    1. LES FORCES EN PRESENCE

L’administration Martelly s’explique
Les Ministres Laleau et Jean-Marie ont essayé et sont arrivés à convaincre bon nombre de citoyens que «  les caisses de l’Etat ne sont pas vides ». Les explications fournies correspondent aux explications du Président Martelly depuis Taïwan (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/130105/Les-caisses-de-lEtat-et-larticle-12-Martelly-sexplique.html). Il est à noter que le Président a essayé aussi de calmer le jeu par rapport à l’application de l’article 12 de l’Accord del Rancho.

Lors du 29e Conseil de Gouvernement en direct consacré au budget et aux élections, Mme JEAN-MARIE, le ministre de l’économie et des finances, a détaillé le budget révisé (118.86 Mrds HTG)  soumis au Parlement et a expliqué que le pays dispose de l’argent pour réaliser ce qui a été programmé mais ne peut se permettre de prendre en compte d’autres projets non inclus dans ce budget dont 47% pour le secteur économique, 24% pour le secteur social, 19% pour le secteur politique et 10% pour le reste. Le taux de croissance est revu à la baisse (3.5% au lieu de 4.5%), le taux d’inflation à la hausse à cause même de la dépréciation de la gourde (45 HTG et plus pour 1 USD). Le Premier Ministre a insisté pour montrer que la balle est maintenant dans le camp du Sénat, non seulement pour le budget rectifié mais aussi pour le projet de loi sur « le fonds National de l’Education (FNE) déposé au Sénat depuis un an ».

Le MOPOD se mobilise
Le MOPOD, qui annonce une mobilisation à partir de 26 avril jusqu’au 14 mai 2014, invite tous les partis d’opposition (Lavalas, Fusion, Accao, etc.) à l’accompagner pour la mobilisation d’un million de personnes dans l’objectif d’obtenir pacifiquement la démission de l’administration Martelly, tandis que les groupes de base dont celui de Biron Odije s’apprêteraient à prendre d’assaut le Palais National lors de ces manifestations. Ces manifestations seront appuyées aussi par certains syndicats dont celui de José Mérilien. L’opposition radicale utilise les mêmes thèmes depuis quelque temps : la dilapidation des caisses publiques ; l’accointance des autorités politiques avec le secteur de la drogue, avec le kidnapping ; la corruption, la vie chère, les dérives dictatoriales du pouvoir en place, etc. pour motiver les gens à se mobiliser contre cette administration. Comme par hasard, le MOPOD, qui ne reconnait pas l’accord du 14 mars 2014, est pour l’application de l’article de 289 dans la mise en place du CEP provisoire, tout au moins certains membres du MOPOD. En d’autres termes, le MOPOD est pour l’organisation des élections mais sans Martelly, en témoignent la manifestation pacifique  du 26 avril  au Cap-Haïtien et celle violente du 28 avril à Port-au-Prince.

L’adoption de la position des radicaux au Sénat
A entendre les Sénateurs, mis à part le Sénateur JEAN-CHARLES, ils veulent aller aux élections. Mais ils exigent un CEP provisoire selon l’article 289 de la Constitution, donc le renvoi pur et simple du CT-CEP qui est l’émanation d’un accord entre le Sénat  et l’Exécutif (Dialogue interinstitutionnel) en décembre 2012. Alors pourquoi pas une simple modification du CT-CEP telle que prévue par l’Accord du 14 Mars 2014 afin de gagner du temps ? 1) Parce que le Sénat a fait des réserves quant à la mise en place d’un CEP Provisoire lors du Dialogue inter-haïtien, 2) parce que le Sénat ne fait pas confiance à la majorité des membres de l’actuel CT-CEP « à la solde de l’Exécutif », 3) parce le Sénat veut des élections transparentes, honnêtes et crédibles, ce qui n’est pas possible avec l’actuel CT-CEP même modifié en CEP provisoire suivant les modalités prévues par l’Accord du 14 mars 2014, 4) parce qu’en définitive le Sénat ne reconnait plus l’accord du 14 mars 2014 (l’adoption de la position des radicaux au Sénat).

Bataille politico-juridique
Les Sénateurs, les Députés de l’opposition et l’opposition politique, en particulier le MOPOD, rendent seul responsable l’Exécutif du retard mis dans l’organisation des élections. Ce que récuse l’Exécutif en montrant, lors du 29e Conseil de Gouvernement du mercredi 23 avril 2014, "les 24 étapes franchies" pour aboutir à la situation actuelle, argument repris lors du Gouvènman Lakay à Mirebalais, le 26 avril 2014. Il accuse, à son tour, le Sénat comme l’Institution qui a bloqué le processus jusqu’ici en insistant sur le simple vote des amendements de la loi électorale de 2013 déjà votée par la Chambre Basse, et en expliquant, chiffres à l’appui, que les fonds pour l’organisation des élections, le 26 octobre 2014, sont pratiquement disponibles. Dans cette bataille rangée politico-juridique, il ne s’agit plus de savoir qui a tort, qui a raison, mais de savoir comment sortir de l’impasse pour éviter la forte tentation et propension à résoudre le problème au niveau de la rue.

     2. LES SOLUTIONS POSSIBLES ?

Vraiment compliqué !
L’Exécutif peut-il appliquer seul l’article 12 de l’accord del Rancho ? Non. Ce sont les trois (3) parties prenantes, l’Exécutif, le Législatif et les Partis politiques signataires de l’accord, qui doivent constater la faillite de l’une d’entre elles et autoriser de mettre en veilleuse les articles non conformes de la loi électorale de 2013. Il est donc impératif que le Comité de suivi fasse une évaluation de la situation, en fasse rapport à la Médiatrice qui, après avoir réuni, à nouveau, les trois parties prenantes, pourra statuer avec elles sur la nécessité de  la mise en application de l’article 12. Vraiment compliqué en termes d’application, de délais de mise en œuvre et d’une éventuelle entente entre les parties prenantes !

Que c’est encore plus compliqué !
L’application de l’article 289 proposée par le Sénat conditionnant son vote de la loi électorale de 2013 amendée est-elle possible ? Pourquoi pas  si cela permettra de débloquer la situation? Alors, une fois de plus et dans ce cas précis, c’est l’Exécutif qui doit céder aux exigences du Sénat. Au cas où l’Exécutif accepterait de céder, quelle garantie donnerait le Sénat en vue de favoriser une accélération du processus électoral pour aboutir au premier tour des élections, le 26 octobre 2014 ? Combien de temps prendraient les nouveaux acteurs impliqués  pour désigner et envoyer leur représentant au sein  du nouveau CEP provisoire? Par rapport à toutes ces interrogations, aurait-on le temps matériel d’organiser les élections, le 26 octobre 2014, tel que prévu par l’accord del Rancho? Selon le Sénat, avec de la bonne volonté, la mise en place d’un CEP provisoire selon l’article 289 pourrait se faire en une semaine, alors que le pays a attendu plus d’un an pour la mise en place consensuelle du CT-CEP, après avoir tenté, sans succès, la mise en place d’un CEP permanent selon la Constitution 1987 amendée. Que c’est encore plus compliqué tout cela !

De toute manière, s’il faut en passer par là avec la certitude d’éviter de résoudre le problème dans la rue, il faut le faire. Mais n’est-ce pas le vrai enjeu de toutes ces tergiversations, donner du temps aux alliés de l’opposition pour organiser le déchoucage de l’Exécutif par la rue? N’est-ce-pas « ce foutu processus de Dialogue » enclenché par l’Eglise catholique qui a permis à Martelly de tenir jusqu’ici, penseraient les partisans du raché manyok? Puisque, si le pays ne peut pas fonctionner sans un Parlement élu, il pourra bien fonctionner avec un Exécutif non élu, n’est-ce-pas ? (Ironie et allusion par rapport à la note de la Société Civile d’octobre 2013 accusant Martelly d’avoir en tête de déclarer caduc le Parlement en janvier 2014). Car, en cas de déchoucage de l’Exécutif (Président et Premier Ministre), l’Opposition finirait par trouver une solution politique et/ou constitutionnelle pour mieux faire marcher le pays. Savez-vous qu’en final, en cas de déchoucage de l’administration Martelly,  et, selon l’article 149 de la Constitution amandée, dernier paragraphe, c’est le Président de l’Assemblée Nationale qui aura le destin du pays en main ? Oyez plutôt : « Dans le cas où la vacance se produit à partir de la quatrième année du mandat présidentiel, l’Assemblée Nationale se réunit d’office dans les soixante (60) jours qui suivent la vacance pour élire un nouveau Président Provisoire de la République pour le temps qui reste à courir.»

Il faut injecter des fonds dans l’économie
Entre temps, la situation économique du pays n’est pas au beau fixe. L’Exécutif attend du Sénat le vote du budget révisé 2013-2014 pour renforcer et continuer un certain nombre de choses en matière socio-économique. L’opposition politique table sur la vie chère et le mécontentement grandissant de la population pour recruter le maximum de gens pour ses manifestations anti gouvernementales. Arme à double tranchant qui  pourrait se retourner contre elle une fois le pouvoir conquis, car la cherté de la vie est structurelle. Mis à part les fonds PETROCARIBE et quelques autres bailleurs, dont la mise à disposition des fonds à l’Etat est extrêmement conditionnée, qui permettent à l’Administration Martelly de faire marcher difficilement quelques projets, la situation économique du pays devient de plus en plus compliquée avec un manque criant d’emplois, une circulation monétaire assez restreinte, une décapitalisation progressive de la population, en particulier de la classe moyenne (beaucoup de difficultés au niveau d’entreprises de la classe moyenne). J’en prends pour preuve l’acceptation avec humilité de certains « chimè » notoires, qui se pavanent quotidiennement auprès des ministères comme l’Agriculture, les Travaux Publics et autres, de n’importe quel montant mis à leur disposition (nettement en deçà du plancher de 50 HTG exigées avec arrogance par le passé). Ils comprennent que leurs « bienfaiteurs », surtout ceux de la classe moyenne, n’ont pas les moyens d’agir comme par le passé parce que de plus en plus décapitalisés eux-aussi. Imaginez ce qui se passe eu niveau de la classe des pauvres. Vraiment, il faut de l’argent frais au gouvernement pour injecter dans l’économie !
 3. LE POSITIONNEMENT DES CAMPS ET L’ARBITRAGE INTERNATIONAL

Le décor est bien planté
Par rapport à la situation politique qui se corse et par rapport à la situation économique difficile que traverse le pays, il y a lieu de s’inquiéter. Les acteurs politiques semblent opter pour la polarisation de la situation politique. On est en présence de deux camps totalement opposés, le camp du pouvoir  qui semble opter résolument pour les élections avec comme boussole l’accord du 14 mars 2014 et le camp du MOPOD et tous ceux-là qui sont anti accord qui optent pour le déchoucage de l’Exécutif, de l’administration Martelly dans son ensemble. Le décor est donc bien planté. Va-t-on vers la confrontation avec un règlement de la situation politique à partir de la rue, ou vers une entente minimale pour l’organisation des élections à la fin de l’année 2014 ?

Pour ou contre les élections
L’opposition radicale fait délibérément le choix du déchoucage ; le Sénat semble nuancer ses positions ces derniers jours tout en continuant à bloquer le processus électoral en exigeant l’application de l’article 289 sans se référer à l’accord du 14 mars 2014 (on dirait que pour le Sénat cet accord n’a jamais existé), alors qu’une modification du CT-CEP parait beaucoup plus simple car le Sénat  a la possibilité de changer au moins l’un de ses représentants au sein de cette structure ; l’Exécutif, quant à lui, met le cap sur les élections mais ne peut seul appliquer l’article 12 de l’accord ; cette prérogative revient à l’ensemble des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’accord.

D’un autre coté, le grand frère américain et la communauté internationale (OEA, Club de Madrid avec la visite de l’ancien Président chilien en Haïti, M. Lagos) optent pour les élections et exercent des pressions sur tout le monde avec un tantinet penchant positif pour l’Exécutif. De toute manière, si le pays veut avoir accès aux 300 M USD programmés pour lui par les USA, il faudra qu’il fasse le choix d’élections législatives et communales pour la fin de cette année (éditorial du 28 avril 2014 de Marcus Gracia sur Mélodie FM). N’en déplaise au MOPOD dont l’option première reste le déchoucage de l’administration en place avec, quand même, une option vers « les élections avec ou sans Martelly », la position américaine et de la communauté internationale va peser lourd dans la balance et pourrait influencer considérablement la position du Sénat qui semble de moins en moins radicale par rapport aux élections.

Risques d’implosion du MOPOD
Au cas où le Sénat trouverait une forme d’entente avec l’Exécutif pour relancer le processus électoral (Réf. Lettre du Sénat au Président Martelly), cette entente priverait le MOPOD d’un allié de poids dans sa lutte pour la mise à pied de l’administration Martelly et pourrait déboucher sur de sérieuses difficultés au sein du MOPOD. En effet, si le processus électoral arrive à être vraiment lancé, le MOPOD ne pourra pas continuer à manifester dans la rue et parallèlement préparer les élections. Et, s’il sera facile de désigner les candidats du MOPOD aux législatives, aux collectivités territoriales, qui représentera cette plate-forme aux présidentielles ? D’où risques d’implosion et de dissolution par suite de conflits internes.

Torpiller l’accord du 14 mars 2014
Il faut noter que la lettre du Sénat au Président de la République ne fait aucune référence à l’Accord du 14 Mars et encore moins à la Médiatrice. C’est un choix délibéré de torpiller l’Accord. En tout cas, si cette lettre explique que dans une semaine on pourrait mettre en place un CEP provisoire, elle remet en question la loi électorale de 2013 déjà amendée par la Chambre Basse. Oyez plutôt : « L’article 191.1 confie au conseil électoral le soin d’élaborer la loi électorale. Il est donc prématuré de se pencher sur des amendements dont l’opportunité ni le libellé n’auraient pas été préalablement étudiés par l’organisme chargé d’appliquer la loi, d’en expérimenter les imperfections et les omissions et de faire des suggestions à l’autorité compétente. C’est pourquoi le Sénat demande officiellement à Votre Excellence de prendre des dispositions en vue de former un Conseil Electoral Provisoire qui analyserait la loi de 2013, relèverait les écarts et les défauts sur la base de compétence avérée et d’expérimentations de terrain et acheminerait des amendements bien documentés à l’Exécutif « pour les suites nécessaires.»Sans commentaire! Aux lecteurs d’apprécier!

La réponse du Président de la République est claire, avant son départ, le 30 avril 2014, pour le Mexique en vue de participer à la rencontre de l’Association des Etats de la Caraïbe (AEC). Il invite le Président du Sénat à respecter l’Accord del Rancho et à encourager ses pairs à voter la loi électorale amendée comme l’a déjà fait la Chambre Basse.

      4.  CONCLUSION

Faut-il en rire ou en pleurer ?


En guise de conclusion, j’ai toujours prôné de résoudre nos problèmes par le dialogue entre nous. C’est pourquoi, lorsque la Conférence Episcopale s’est offerte comme Médiatrice pour un dialogue inter-haïtien, j’ai accueilli avec enthousiasme sa proposition. Depuis ce qui s’est passé en 2004, je suis contre le déchoucage d’une administration élue et pour l’entente entre nous sans interférence externe, même si je sais, en mon for intérieur, qu’il y a toujours une forte influence du « blanc » dans nos affaires. Cette fois-ci, je voulais voir sa main rester cachée. Malheureusement, pour le triomphe de nos clans respectifs au détriment de notre pays, nous avons perdu, une fois de plus, cette opportunité de faire semblant d’agir par nous-mêmes. C’est encore l’étranger qui nous dicte notre conduite. Même là encore, rien ne nous dit que l’on ne va pas continuer à nous battre pour des broutilles de pouvoir sous prétexte de vouloir changer le pays mais, en réalité, pour continuer la politique « ôte-toi que je m’y mette » en vue de satisfaire nos petits intérêts mesquins et claniques au détriment du développement durable de notre chère Haïti. Haïti est-elle sur le fil du rasoir? C’est le choix délibéré de nos politiciens en allant de bêtise  en bêtise politique, en utilisant un dialogue de sourd et en visant délibérément le spectre du chaos. Et Haïti dans tout cela ? Elle s’en remettra. Elle en a l’habitude depuis 208 ans après l’assassinat de son père fondateur, le 17 octobre 1806! C’est à croire vraiment que nous avons, ou tout au moins, nos politiciens ont « un chromosome en moins » ! Faut-il en rire ou en pleurer ?