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dimanche 31 mai 2015

HAITI ELECTIONS 2015 : EXCLUSION TECHNIQUE, LA PETITE TEMPETE AVANT LA GRANDE ?


HAITI ELECTIONS 2015 : EXCLUSION TECHNIQUE, LA PETITE TEMPETE AVANT LA GRANDE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MAI 2015

L’année 2014, à pareille époque, on parlait de « Mundial Brésilien » qui s’en venait pour nous apporter un répit  footballistique au pays face à la grisaillerie politique, d’élections 2014, qui devraient avoir lieu le 26 Octobre 2014, avec un nouveau Conseil Electoral Provisoire (CEP) avec  Me Max Mathurin à sa tête, celui qui réalisa les élections de 2006, de MOPOD qui occupait la rue en demandant avec violence la tête de Martelly et de Lamothe. Personne ne croyait qu’on allait changer de conseil électoral provisoire une fois de plus. Les élections n’ont pas eu lieu en 2014. Lamothe est parti en  Décembre 2014, remplacé par Evans Paul comme Premier Ministre. En Mai 2015, c’est la poursuite du processus électoral de 2015 (inscriptions et carnets aux candidats à la députation et au Sénat, en attendant les carnets pour nos 71 candidats à la présidence) avec un autre Conseil Electoral Provisoire (CEP) selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987. C’est l’exclusion technique qui commence à faire des vagues (Petit Goâve avec l’incendie du Bureau Electoral Provisoire (BEC), Mirebalais avec les manifestations de rue, etc., l’augmentation des cas de criminalité). Heureusement, on aura une trêve footballistique avec la finale de la Coupe de l’UEFA des clubs champion entre Barcelone et Juventus (3-1), le samedi 6 juin 2015, et la Copa América du Chili, le 11 juin 2015. Le CEP fait l’objet de critiques de la part de la majorité des gens qui ont travaillé dans l’Etat et qui n’ont pas été agréés pour participer aux prochaines joutes électorales soit pour cause de décharge ou de double nationalité. L’ancienne opposition jubile pour l’exclusion technique de tous ces gens à partir de l’application stricte et « abusive» du décret électoral  par le CEP et les rapports de décharge un tantinet controversés de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) qui n’a fait aucun cadeau aux anciens hauts fonctionnaires et anciens élus qui sont donc légalement exclus du processus électoral. Alors cette exclusion technique d’une frange importante des prétendants aux postes électifs  et parmi lesquels des gens très populaires et très valables annonce-t-elle la petite tempête par rapport à la grande qu’on sent venir?

Les faits saillants non stressants
Le mois de mai, mois de Marie, la fête de l’Agriculture et du Travail (1er mai), la fête du Drapeau et de l’Université (18 mai) et la fête des mères (31 mai), c’est aussi le 4e anniversaire de la prise de pouvoir par le Président Martelly, la visite officielle d’un Président Français, celle de M. Hollande, celle de M. Sarkosy en 2010 ayant été de circonstance (Tremblement de terre du 12 janvier 2010) et l’entrée officielle de Dany Laférière à l’Académie Française, le 28 mai.

(i)                   Le Champs de Mars a accueilli les festivités du 1er Mai 2015 organisées par les ministères de l’agriculture et des affaires sociales ; cela fait un bail depuis la dernière fois. C’était un succès populaire, une foire extraordinaire avec plus de 500,000 visiteurs.
(ii)                 Le 12 Mai, le Président Hollande de la France a été chaleureusement reçu par son homologue haïtien, Michel Martelly qui, un instant, lui a servi de chauffeur en imitant M. Obama. Les discours étaient d’une très bonne facture. M. Hollande s’acquittera de « la dette morale » de la France vis-à-vis d’Haïti par « un pacte pour l’éducation » avec le Président Haïtien. Il a été procédé à la signature de 4 accords dans des secteurs importants tels : l’énergie (EDF/EDH), la sécurité aérienne  (appui de la Direction Générale d’Aviation civile (DGAC) et de la Direction des Services de la Navigation Aérienne (DSNA)  à l’Office National de l’Aviation Civile (OFNAC), l’agriculture (accord entre les Gouvernements Haïtiens  et Français favorisant la réalisation d’un partenariat entre deux entreprises privées spécialisées dans la production de banane, l’Union Groupe Production de Banane Guadeloupe-Martinique (UGPBAN) et AGRITRANS d’Haïti)  et l’éducation. « Si nous ne pouvons pas changer l’histoire, que l’histoire nous change », a lancé péremptoirement Michel Martelly. Il a réclamé « un plan Marshal pour l’éducation en Haïti ». Et Hollande de répliquer en signe d’approbation : «  Si on ne peut changer l’histoire, on peut changer l’avenir ». Je reste persuadé que c’est un choix intelligent de passer par l’éducation qui reste le principal moteur de tout changement véritable.

(iii)                Le 14 Mai, c’est la commémoration du 4e anniversaire de la prise de pouvoir par l’administration Martelly. Le Président a procédé à l’inauguration du kiosque Oxide Jeanty rénové avec ces 5000 places assises de tribune et qui se trouve presqu’en face du Ciné Triomphe rénové lui-aussi, un très joli tableau pour les visiteurs qui pratiquent la zone de Champs de Mars.

(iv)               Le 18 Mai, j’ai eu la chance de parcourir une bonne partie de l’Artibonite  le jour même, en particulier la basse plaine des Gonaïves  et certaines localités jouxtant la nationale No 1. Toute la journée et jusque très tard dans l’après midi, les enfants exécutaient des chorégraphies de circonstance. Dans la plaine des Gonaïves un grand réservoir à ciel ouvert conçu pour l’irrigation a été transformé en piscine publique avec tout autour des DJ qui mettaient une animation à tout casser pour permettre aux jeunes de s’amuser.

(v)                 Le 28 Mai, notre « immortel », Dany Laférière, est officiellement reçu à l’Académie Française. Le discours de Dany et la réponse d’Amin Maalouf sont empreints de simplicité, d’une profondeur à nulle autre pareille, d’une érudition à couper le souffle. Dany, le petit fils de Da, succède à  Hector Bianciotti, au fauteuil numéro 2 de l’Académie française. En parlant d’Hector c’est toute une tranche d’histoire, toute la culture que Dany fait défiler devant le monde, c’est Legba, ce loa du Pantéon du Vodou Haïtien, C’est la Pampa de l’Argentine, c’est Borges (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/145469/Discours-de-reception-de-Dany-Laferriere ). En répondant à Dany, Amin Maalouf, cet ancien de Jeune Afrique, actuel immortel comme Dany, a campé notre histoire de peuple, passé en revue la période duvaliérienne, parlé de la culture, la révolution française, la révolution domingoise, etc.   (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/145471/Reponse-au-discours-de-reception-de-Dany-Laferriere ). Comment moi, le petit Jean-Robert, un simple mortel, je me permets de commenter les discours de ces « immortels » ? Il faut vraiment consacrer du temps à la lecture de ces chefs d’œuvres de discours. Lisez et relisez pour bien comprendre et voir vos limites. Que de choses à apprendre dans ces deux discours, plutôt  des pièces de musée !!!

(vi)               C’est un cadeau offert à notre mère, Haïti. Merci Dany de faire entrer Legba avec  toi à l’Académie Française. A l’occasion de la fête des mères, merci de t’offrir en cadeau à Haïti ; ton épée avec le vêvê de Legba, « le dieu des écrivains », conçue par un Haïtien, témoigne de ton attachement à notre cher pays que nos politiciens n’ont jusqu’ici pas su vendre la meilleure image à l’extérieur et qui se débat pour sortir de cette sorte de crise permanente.

Le malaise
Malheureusement, notre réalité c’est aussi le processus électoral. C’est l’exclusion de la plupart d’entre nous à participer aux joutes électorales parce que certains ont osé servir l’Etat, ont pris une autre nationalité ou sont nés sur une terre étrangère de parents haïtiens. C’est le malaise qui dérange le pays et qui nous fait craindre l’avenir.

Les carnets du CEP : absence de décharge et/ou nationalité étrangère
En effet, selon Le Nouvelliste : « Le Conseil électoral provisoire (CEP) a publié sur son site internet la liste des candidats aux prochaines législatives repêchés. Il s’agit de 294 candidats à la députation et 47 candidats au Sénat. Dans sa première liste de candidats agréés pour les législatives, le CEP avait écarté plus de 500, soit 446 candidats à la députation et 76 candidats au Sénat sur 2039 inscrits ». Tout le monde attend maintenant les carnets pour les présidentielles. 71 prétendants sont en attente du verdict du CEP y inclus les contestés, dont 4 candidats au moins de l’ancien MOPOD(Mme Manigat s'etant mise en reserve de la Republique, en attendant peut-etre une percée louverturienne) et une trentaine de candidats alliés du et/ou liés au pouvoir en place (émiettement dans tous les camps), LAVALAS, FUSION et OPL exceptés. Il faut noter que, parmi les repêchés, Mme Martelly, M. Boulos, Agr.  G. Mathurin ne figurent pas et tant d’autres encore. Raisons : absence de décharge et/ou nationalité étrangère.

 Gestion impeccable ou rien
Deux institutions étatiques sont actuellement sur la sellette : Le CEP et la CSCCA. L’un est mis en place après consensus, l’autre est issue du Sénat tel que prévu par la Constitution. Suite à l’Accord Del Rancho, l’Exécutif, à son corps défendant, a dû accepter de sanctionner le choix du Sénat. Et la CSCCA, dans sa composition actuelle, a été mise en place. Cette cour délivre des certificats de décharge sur la gestion des parlementaires, des fonctionnaires de l’Etat et  de ceux des collectivités territoriales. A ce qu’il parait, pour avoir droit à ce fameux certificat, il faudrait que la gestion des comptables des deniers publics soit impeccable. J’en prends pour preuve le cas de l’ex-premier ministre Lamothe. Il aurait reçu un sans faute pour sa gestion du ministère des affaires étrangères, un sans faute pour sa gestion de la Primature, et 0,00028% (7,000,000/25,000,000,000) de problèmes pour sa gestion du ministère de la planification, ce qui lui vaudrait une note négative pour l’ensemble de sa gestion. De toute manière, même s’il avait reçu une note positive, il n’aurait pas de certificat de décharge. Ayant été haut fonctionnaire de l’Etat, seule une commission bicamérale du Parlement (Senat et Chambre des députés) est habilitée à lui délivrer un tel papier. Or, en l’absence du Parlement, il ne peut y avoir accès. Il serait exclu de la course électorale à la présidence. Cette hypothèse tendrait à se confirmer dans les prochains jours pour la plupart des candidats à la présidence et pas des moindres. Alors, face à cette petite tempête faite d’assassinats spectaculaires, d’incendie de bureau électoral de Petit Goâve, de pneus enflammés à Delmas, de manifestations de rue à Mirebalais, etc., quelle sera la situation après « la remise des carnets » aux prétendants aux présidentielles et aux collectivités territoriales (Maires et CASECs)?

La grande tempête ?

La situation devrait en principe empirer d’autant que nos fauteurs de trouble, nos faiseurs d’insécurité et autres malfrats sont aux aguets  et n’attendent que des occasions comme celles qui s’en viennent pour semer la panique et faire leur beurre (vol, viole, assassinat). La police sera tellement occupée à gérer la situation politique que les fameuses associations de malfaiteurs auront pratiquement les mains libres pour opérer. De plus, la République Dominicaine se prépare à nous déverser nos réfugiés économiques, nos frères nés dans ce pays ou qui y ont entré illégalement. Certains parlent de 200,000, d’autres un peu plus. Quelles sont les dispositions prises pour les recevoir ? Avons-nous la capacité d’y faire face ? Pas dans la situation actuelle où le pays connait une situation économique précaire (le dollar américain a franchi le cap de 50 HTG, rendant la vie encore plus chère), où la bataille quotidienne pour le primum vivere se fait sentir de manière la plus visible et la plus aigue. Il faut souligner aussi le démarrage de la saison cyclonique à partir de ce 1er juin jusqu’au 30 novembre 2015, les séquelles de la période de sécheresse qui vient de frapper le pays suite au phénomène del Nino et l’influence de ces phénomènes sur la production agricole, sans oublier les menaces liées à une saison cyclonique qui pourrait nous valoir une ou plusieurs grandes tempêtes. A ce qu’il parait, avec la présence Del Nino, les risques d’un cyclone majeur semblent réduits. De toute manière, la Copa America du Chili sera là pour nous divertir et nous faire oublier notre situation précaire ; il en sera de même pour la Copa de Oro, un mois plus tard. De quoi nous aider à atténuer les effets de la grande tempête (soit politique, soit naturelle) si grande tempête il y aura. Que Dieu, qui nous protège et qui a permis à Legba de conduire Dany Laférière à « l’immortalité » de son vivant, nous ouvre la porte du développement en nous épargnant la grande tempête qui s’annonce!

jeudi 30 avril 2015

HAITI : ELECTIONS LEGISLATIVES INCLUSIVES OU EXCLUSIVES ?



HAITI :   ELECTIONS LEGISLATIVES  INCLUSIVES OU EXCLUSIVES ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2015

Après l’inscription des partis politiques le mois dernier, c’est l’inscription des candidats à la députation et au Senat qui a dominé l’actualité en ce mois d’avril  2015. Au total, le Conseil  Electoral Provisoire (CEP) a enregistré 2029 candidats aux postes législatifs, selon le directeur du registre électoral, dont 262 candidats inscrits au Sénat et 1767 à la députation. De ces inscrits, 111 candidats sont contestés. En attendant les « carnets » du CEP, il est à noter que, parmi les inscrits pour ces élections, on relève des gens très valables susceptibles de favoriser la mise sur pied d’un Parlement vraiment idéal. Toutefois, malgré les promesses  d’ « élections inclusives » de l’administration Martelly et du CEP, il y a de forte chance que certains candidats soient exclus techniquement du processus. D’où le titre de cet article : « Haïti, élections législatives inclusives ou exclusives ? »

Les faits marquants retenus

Avant de rentrer dans le vif du sujet, survolons la situation du pays au cours de ce mois d’Avril 2015. Les divers points et faits saillants retenus sont : (i) le processus électoral suit son cours ;(ii)  le Président Martelly a fait le voyage à Panama pour le 7e Sommet des Amériques avec  la participation des 35 pays du Continent américain  dont Cuba qui a marqué son retour parmi les siens ; Raoul Castro, le Président cubain, a été , avec le Président américain Barak Obama, le point de mire de ce sommet ;(iii) la situation d’insécurité se fait sentir par des cas sporadiques de tueries par balles, des accidents de la route (Ex : Tapion), du naufrage du petit bateau de Borgnes avec près d’une vingtaine de morts par noyade, la manifestation de Ouanaminthe qui a couté la vie à un casque bleu, cette manifestation pour l’électricité sur demande d’un candidat augure peut-être ce qui va se passer au cours des prochaines  élections (Haïti en Marche), des cas de règlements de compte (Ex : l’assassinat d’un frère par un autre qui a éliminé aussi le principal témoin à Croix-des-Bouquets) essentiellement liés à la situation politique ; (iv) la bataille au sein du secteur éducation du Ministre Nesmy Manigat pour essayer de changer les choses face aux forces de résistance qui veulent à tout prix maintenir le statu quo ; (v) la semaine de la finance du Group Croissance qui a vu rentrer dans le panthéon de la finance haïtienne de l’institution les noms de : Adrien Castera, Jean-Marie Claude Pierre-Louis et Jean-Philippe Prosper ; (vi) un léger remaniement du Gouvernement avec Lehner Renaud assurant l’intérim  aux Affaires étrangères (MAE) en remplacement de Duly Brutus qui serait Candidat à la présidence, tandis que Robert Labrousse est installé le 29 Avril 2015 au Ministère des Haïtiens Vivant à l’ étranger (MHAVE) en remplacement de Olicier Pieriche ; (vii) les ministères de l’Agriculture (MARNDR) et des Affaires Sociales (MAS) en pleine préparation de la fête de l’Agriculture et du Travail qui a lieu au Champs de Mars à partir du 1er mai 2015, une sorte de retour au bercail après plusieurs années.

Maintenant, revenons à nos moutons.

 «Décharge et double nationalité : Sophia Martelly plaide non coupable »

Sur 2029 inscrits, on relève 111 cas de contestations dont celui de Mme la Première Dame, Sophia Martelly, candidate au Sénat pour le département de l’Ouest et accusée par ses concurrents de double nationalité et d’avoir été comptable des deniers publics donc de défaut de décharge. On se souvient des accusions d’usurpation de titre et de corruption à l’encontre de Mme Martelly et de son fils Olivier introduites par les avocats André Michel et Newton Saint Juste farouches opposants au régime Martelly et qui actuellement sont membres de la plate-forme JUSTIS qui a contesté la candidature de Sophia Martelly. Mme Martelly est aussi contestée par le Parti Lavalas, en particulier l’ex Sénateur Gérald Gilles, sous les mêmes accusations.  Sophia Martelly - à travers ses  avocats (G. Mayard-Paul et Consorts)- plaide non coupable. Il faut noter que, selon le Journal, Le Nouvelliste  du 28 avril 2015: « A elle seule, Sophia Martelly, l’épouse du chef de l’Etat et candidate au Sénat pour le département de l’Ouest, fait l'objet de pas moins de six cas de contestation ».

La contestation des candidats

 Citons encore le Nouvelliste : « Les avocats font parler les lois. Chacun essaie de tirer le drap de la Constitution à son avantage. Au Bureau du contentieux électoral départemental de l’Ouest, mardi, parties contestataires et défenderesses utilisent l’arme de la dialectique pour convaincre les juges électoraux. La décharge et la double nationalité, deux exigences majeures pour certains candidats aux législatives comme Sophia Martelly à élucider, s’ils veulent rester dans la course électorale et avoir le laissez-passer du CEP pour les élections du 9 août 2015. Sophia Martelly, Stevenson Jacques Timoléon, Gérald Mathurin, Joseph Lambert, Jacky Jr Khawly, Germain Fils Alexandre, Vladimir Jean-Louis, Jean-Philippe Sassine, Quebro Zamor… Ils sont plusieurs dizaines de candidats aux élections législatives qui se battent dans différents Bureaux du contentieux électoral départementaux pour rester dans la course électorale. Leur candidature a été contestée, chacun en ce qui le concerne, pour des raisons diverses ».

Décision dans 24 heures du BCED

Selon l’article 111.1 du décret électoral, rapporte le Nouvelliste : « le BCEC ou BCED entend l’affaire et prend une décision dans un délai ne dépassant pas vingt-quatre heures. Il notifie sa décision immédiatement au Conseil électoral provisoire. » Les intéressés ainsi que le grand public attendent avec impatience le verdict du Bureau du Contentieux Electoral départemental (BCED) pour savoir qui va participer ou non aux élections législatives.

 Certaines Considérations

1.       La question de décharge
La question de décharge est complexe et compliquée. La principale institution, le Parlement, préposée pour donner la décharge aux hauts fonctionnaires de l’Etat est dysfonctionnelle. Quand bien même la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs (CSCCA) arrive à analyser les dossiers de tous les anciens ministres et premiers ministres, que le verdict soit favorable ou défavorable, si on veut respecter strictement la loi, ces hauts fonctionnaires ne peuvent obtenir le certificat de décharge. Certes, il y a les premiers ministres  et les ministres de Martelly que les anciens de l’opposition radicale aimeraient voir disqualifiés. Mais il y en a d’autres qui ont introduit leur demande de décharge bien longtemps avant. A cause des querelles intestines entre l’administration Martelly et le Parlement, les dossiers de ces hauts fonctionnaires n’ont pas pu être finalisés. L’Etat a donc failli par rapport à ces dossiers. Pour ce qui concerne, les hauts fonctionnaires qui ont travaillé avec Martelly, ils sont eux aussi victimes de la défaillance institutionnelle de l’Etat. Faut-il les p
énaliser pour avoir servi leur pays dans un gouvernement légitime ? Certains parlementaires qui ont été comptables des deniers publics n’auront-ils pas droit de briguer un autre mandat parlementaire même si le verdict de la CSCCA se révèle favorable. En d’autres termes, faut-ils pénaliser des haïtiens pour avoir osé servir leur pays dont les institutions ont failli?  Faut-il les exclure ?

2.       Il faut s’entendre au moins sur la Charte fondamentale mais laquelle ?
La question de la double nationalité est moins compliquée si l’on se réfère à la dernière loi électorale qui est liée à la Constitution amandée. Il suffit d’être un haïtien d’origine et de renoncer à la nationalité étrangère au moment de poser sa candidature au poste de député ou de Sénateur. Or être un haïtien d’origine c’est être né d’un père haïtien ou d’une mère haïtienne qui n’ont pas renoncé à leur nationalité au moment de la naissance. Là ce sont les explications fournies par nos hommes de loi. En fonction de ces arguments, la question de la nationalité parait assez simple sur la base de la Constitution amandée pour le simple profane que je suis. La complication vient avec cette interrogation, Haïti est sous l’égide de quelle Constitution, celle de 1987 ou celle amandée ? Selon le Sénateur Benoit, celle amandée n’a jamais été publiée intégralement dans le Journal officiel, Le Moniteur, donc n’est pas officielle. Peut-on être sous le régime de deux constitutions en même temps? Très certainement pas ! Dans le cas d’un Etat failli et démocratique, la dictature des lois qu’est la démocratie peut-elle pénaliser un citoyen honnête ou le favoriser? Il faut s’entendre au moins sur la Charte fondamentale mais laquelle? En tout cas, à mon humble avis, pas celle qui exclut le citoyen haïtien, surtout s’il est honnête et contribue à la survie de son pays (droit du sang oblige et 2 Mrds USD en 2014).

3.       Les candidats sont inscrits sous la bannière d’un parti ou regroupement politique

Je me trompe peut-être. On dirait que, pour ces élections législatives, il n’y aura pas de candidats indépendants comme par le passé. Les candidats sont inscrits sous la bannière d’un parti ou regroupement politique. C’est une très bonne chose pour la démocratie haïtienne. Le fait de s’inscrire sous la bannière d’un parti n’est pas un choix délibéré. Il est plutôt lié à la loi sur le financement des partis politiques. Le candidat indépendant serait isolé et devrait assumer seul les charges de sa candidature s'il n'avait pas intégré un parti ou un regroupement politique. Certes, cette loi a favorisé un pullulement de partis et regroupements politiques, ce qui est en soi un problème à résoudre ; mais elle a rompu avec le nombre d’indépendants qui caractérisait les élections passées et a favorisé l’intégration des candidats au sein d’un parti politique.  Il faudrait financer les partis en fonction du nombre de candidats envoyés aux élections et évaluer leur poids au niveau de l’électorat et  leur degré d’enracinement dans la population suite aux élections. Les contestations ne sont pas faites contre les partis politiques mais contre certains membres de parti ou regroupement jugés fautifs  et qui sont délibérément visés  pour être exclus du processus. Il faut noter aussi que les personnes visées sont prétendument vues comme susceptibles de gagner les élections au niveau de la circonscription ou du département en question. Il faut à tout prix les exclure techniquement.

Elections inclusives ou exclusives ?

En guise de  conclusion, l’administration Martelly et le CEP ont promis des « élections inclusives ». C’est ainsi qu’on a enregistré les inscriptions de nombreux partis et regroupements politiques sans distinction d’idéologie, de position anti ou pro pouvoir en place, de modération ou de radicalisation au niveau du langage des dirigeants de ces partis. Le CEP, pour avoir eu des critères très objectifs pour l’acceptation ou non d’un parti ou regroupement politique, s’est jusqu’ici bien tiré d’affaires dans ce processus plutôt difficile. Personne ne l’a accusé d’exclure qui que ce soit pour des raisons politiques politiciennes. C’est l’inclusion totale du point  de vue des partis ou regroupements politiques. Par contre, au sein des partis, les 111 cas de contestation visent généralement des personnes ayant un nom, un passé, une certaine popularité comme Mme Martelly, M. Boulos, M. Mathurin, M. Lambert pour ne pas les citer tous. Quand on entend bien les contestataires, ils exercent une forme de pression verbale sur l’institution électorale pour lui forcer la main en vue d’exclure ces candidats. C’est pourquoi il est plus qu’impératif que le CEP prenne des décisions en accord avec le décret électoral et sur la base des informations fournies par les instances compétentes  pour ne pas faire le jeu des uns et des autres, et, par ainsi, jeter le processus dans un cycle infernal qui condamnerait le pays à évoluer dans une crise encore plus aigüe que celle dans laquelle il patauge actuellement et qui l’a conduit à cet « Etat failli ». Ainsi, s’il y a exclusion de certains candidats qu’on ne lui en attribue pas la responsabilité. N’est-ce pas la meilleure façon d’avoir des élections inclusives comme promis ? 


mardi 31 mars 2015

LE CALME AVANT LA TEMPETE ?


LE CALME AVANT LA TEMPETE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MARS 2015
En cette fin de mois de mars 2015  caractérisée par un calme surprenant dans tout le pays avec un accent particulier sur le processus électoral sous l’égide de la constitution de 1987, Haïti, l’étonnante, négocie avec la République dominicaine, se protège contre la mouche des fruits découverte en République voisine, rectifie son budget pour l’adapter à la conjoncture, et se prépare aux élections, est-ce « le calme avant la tempête » ?
La Constitution de 1987 ramenée à sa dimension d’œuvre humaine
Bonne fête à la Constitution de 1987! Elle a 28 ans en ce mois de mars 2015. Merci à l’Université Quisqueya de s’y être penchée pour en faire une radiographie sans complaisance. Malgré ses multiples innovations, elle porte en elle le germe de sa propre destruction si l’on se réfère au contexte dans lequel elle a pris naissance (revanche, haine, passion, émotion). Faut-il pour autant la remplacer par une autre où l’amender? Nos spécialistes de l’Université Quisqueya (Dorval, Gousse, Moïse, etc.) n’ont pas explicitement répondu à cette question ? Mais ils l’ont « désacralisée » et lui ont redonné, en mettant en exergue ses multiples faiblesses, sa dimension d’œuvre humaine, donc perfectible. D’ailleurs, le décret électoral qui lui est très lié ne respecte pas le prescrit constitutionnel qui veut qu’il y ait un député par commune (119 députés pour 140 communes) et l’électorat varie d’une commune à l’autre. Comment expliquer, selon Gousse, que la commune des Gonaïves (300,000 Hab) ait un seul député comme n’importe quelle petite commune de la Grande Anse ou du Département des Nippes qui n’ont même pas 50,000 Hab. ? Alors que le ratio normal est de 1 député pour 100,000 Hab. Donc il y a anomalie et au niveau de la Constitution et au niveau du décret électoral en termes de représentativité de la population. C’est notre constitution, il faut avec.   
Une bonne décision au bon moment
La publication du décret électoral et la convocation du peuple en ses comices par le pouvoir en place ont eu pour effets de fendre en multiples morceaux l’opposition radicale qui faisait bloc contre Martelly et la pousser à aller en ordre dispersé aux élections annoncées pour Août2015-jusqu’en Décembre 2015. Comme quoi, une fois de plus, nous démontrons que nous ne pouvons nous réunir que contre quelqu’un ou quelque chose et jamais pour quelque chose, pas même pour Haïti. C’est une bonne chose pour le pouvoir en place de provoquer cette rupture. Une bonne décision au bon moment ! C’est une bonne chose pour l’opposition radicale de choisir la voie électorale. C’est une mauvaise chose de nous retrouver avec 192 partis et regroupements politiques inscrits. Heureusement, le CEP est en train de les réduire. En tout cas, on espère qu’ils se regrouperont par tendance en quatre ou six groupes. Pourquoi pas en trois groupes : (i) Un autour du pouvoir en place, (ii) un autour de l’opposition modérée, et (iii) un autour de l’opposition radicale ?
La chute de la tension politique
La décision du pouvoir en place de convoquer le peuple en ses comices a déplacé le centre d’intérêt des politiciens vers les élections. Plus de manifestations de rue contre Martelly, plus de grèves sauvages, plus de pneus enflammés! Nos politiciens sont occupés à réorganiser leur parti politique en vue de participer aux prochaines joutes électorales. La politique maintenant c’est avant tout une affaire de business. La plupart de nos chômeurs, faute d’autres alternatives, vont tenter leur chance en politique. Un voyage d’étude effectué dans le Nord du pays m’a permis de constater la chute drastique de la tension politique. On ne sent plus cette agressivité très palpable trois à quatre semaines plus tôt. Même la situation de misère semble s’atténuer. On dirait un autre pays. On n’a plus ce sentiment de peur. Il faut dire que le discours au niveau des médias a considérablement changé. L’heure est plus à la justification de ce revirement de l’opposition radicale. Il en est de même pour la situation d’insécurité. L’arrestation de la plupart des bandits qui ont investi les 29 maisons des religieuses de l’église catholique dénoncés au niveau des média et dans des marches organisées à travers le pays par les catholiques, la diminution des actes de banditisme, la reprise des activités nocturnes à Port-au-Prince, autant de signaux conduisant à cet apaisement et à la chute de la tension politique. Et puis, il y a de ces coïncidences heureuses.
Haïti, l’étonnante !
Coïncidences ? Le pays s’est mis à honorer ses artistes de leur vivant. Certes, c’est une pratique qui commence à prendre corps depuis quelque temps, surtout sous l’administration de Martelly, mais, ce mois-ci, on dirait que c’est une affaire de grosse pointure. C’était le tour de Carole Demesmin, de jean Claude Martineau, de Giordani Joseph de l’Orchestre Tropicana et de Yole Derose. La fête a été belle. Beaucoup de gens ont fait le déplacement pour leur rendre un hommage mérité. Dans le cas de Yole, le Président Martelly en personne a payé de sa présence et a même chanté en duo avec Yole, la chanson qu’elle chantait si bien avec son feu mari, Ansy Derose, « Merci ». C’étai superbe! Ces artistes ont reçu des plaques d’honneur pour leur immense carrière. En ces moments de détente, le culturel a pris le pas sur la politique. On en avait besoin après des années de vociférations politiques à la radio, à la télévision, d’accusations sans preuves, de propagande politique. Et pour couronner tout cela, c’est la grande première du second film de Valery Numa, « Bay Bay Papa » à El Rancho qui a pratiquement bloqué Pétion Ville et a fait déplacer la grande foule partout où il est projeté, Gonaïves, Port-de-Paix, etc. on avait besoin de ces moments de détente, d’apaisement, de calme. Et cela va continuer durant la semaine sainte pour les catholiques et aussi pour les vodouisants avec le rara (le carnaval des paysans qui attire de plus en plus de citadins). C’est cela notre Haïti, l’étonnante! C’est à se demander, la principale plaie haïtienne, n’est-ce pas la politique?
Lavalas sur la sellette
Signalons le décès d’un immense communicateur doublé d’un créateur, Bob Lemoine, à l’âge de 72 ans, le 8 mars 2015, notre modèle d’homme de communication (Théatre, Radio, Télévision, cinéma, publicité), le jour de la fête des femmes qu’il a su séduire par sa superbe voix, le jour même du 45e anniversaire de Radio Métropole qu’il a contribuée à créer  et à en faire l’une des meilleures stations de Radio d’Haïti, sinon la meilleure. Parlant de mort, Oriel Jean, l’ex-chef de sécurité du Palais National sous le règne de l'ex PDT Aristide, a été assassiné. Une interview posthume de l’assassiné avec le journaliste, Guyler C Delva, insinue que le secteur Lavalas, qui aurait commandité l’assassinat de Jean Dominique, serait à la base de ce nouvel assassinat pourque  la lumière ne soit jamais faite sur l’assassinat de Dominique. Ce qui a fait des vagues au pays. C’était le principal sujet de conversation au début du mois  de mars 2015, la principale nouvelle au niveau des médias. Le secteur Lavalas est monté aux créneaux pour se défendre du bec et des ongles et accuser les autres de vouloir le déstabiliser en période électorale. Toujours est-il que le lancement du processus électoral a, heureusement pour Lavalas, occulté la saga d’Oriel Jean.
Cap vers les élections
J’ai formulé le vœu et caressé le rêve  de voir la crise haïtienne se régler au niveau des élections, n’en déplaisait à mes amis de l’opposition radicale (Ref. http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/02/carnaval-sans-treve-politique-haiti.html). Je ne me faisais pas d’illusion. Je savais que tant qu’il y avait la possibilité de mobiliser du monde, même en petite quantité, l’opposition radicale se battrait pour déchouquer Martelly. Heureusement, avec la publication du décret électoral et le démarrage du processus d’inscription des partis et groupements politiques (188 inscrits  et  166 aggréés au 2 avril 15), l’opposition radicale a choisi d’aller aux élections même en ordre dispersé. Ce qui a eu pour effet de baisser drastiquement la tension politique dans le pays avec cap vers les élections. L’intérêt des amis d’Haïti pour le processus électoral se manifeste par la visite du secrétaire général sortant de l’OEA, M. Insulza, qui, selon l’hebdomadaire Haïti en Marche, n’a pas eu un accueil trop chaleureux  de la part de la  classe politique haïtienne. Un peu plus tard, ce sont  deux officiels américains du département d’Etat, Thomas A.  Shanon et Thomas C. Adams qui « sont en visite en République dominicaine et Haïti, du 29 au 31 mars. Ils rencontrent de hauts fonctionnaires gouvernementaux, la société civile et le secteur privé. Ils discutent aussi de la préparation du Sommet des Amériques, des relations régionales et des questions bilatérales d’importance. A Santo Domingo, Ils discuteront aussi de questions liées à la migration et aux droits des travailleurs. HPN».
D’un autre coté, Haïti a interdit l’importation des fruits et légumes de la République Dominicaine à cause de la présence de la mouche méditerranéenne des fruits en République voisine. Ce qui a nécessité la mise en place d’une commission mixte entre les deux pays pour faire face à ce fléau. Car l’enjeu est de taille, en particulier pour Haïti qui exporte annuellement environ 12 M USD de mangues franciques aux USA. Elle ne peut pas lésiner sur cette manne, d’autant que, en fonction des multiples problèmes auxquels fait face Haïti, elle a du rectifier son budget pour l’exercice en cours à la baisse
Le Budget rectificatif 2014-2015
En effet, selon une note de presse du ministère de l’économie et des finances (MEF) : « L'enveloppe budgétaire globale diminue de 122.6 à109.7 milliards de gourdes soit une baisse de 11% en raison de la réduction des ressources provenant du fonds PETROCARIBE (environ 10 milliards) et du recours modéré à l’émission de Bons du Trésor (1,5 milliard de gourdes dans le budget rectificatif contre 5,46 milliards de gourdes dans le budget initial). Ceci implique un ajustement à la baisse de crédits initialement projetés.
Ce budget reflète aussi la nécessité de préserver les acquis de la croissance économique récente (assurer la poursuite des services de proximité, finaliser les travaux en phase avancée, former les enfants pour l’avenir, etc.), couvrir les charges associées au processus de réalisation des élections, et assurer une gestion responsable des finances publiques. Il s’accompagne de deux instruments qui permettront d’assurer la stabilité et la transition : 1) un programme d’intervention d’urgence, appelé programme à haute intensité de main-d’œuvre et d’habilitation économique  (PHIMHE) visant à créer un climat d’apaisement social et, 2) un « Pacte » pour l’emploi et la croissance économique visant à relancer le tissu productif local, une action qui s’inscrit dans la durée. Il s’agit en fait d’un dispositif de programmes structurants articulés autour de « Pactes », soit des actions concertées pour stimuler les filières porteuses de croissance dans les secteurs à fort potentiel de production - à l’échelle territoriale -  avec un accent particulier sur la promotion et le développement des petites et moyennes entreprises spécialement dans le secteur agricole (PME) ». Nous avons appris dans les coulisses que le PHIMHE dépasserait 200 M USD. Ce programme de création d’emplois est donc deux (2) fois supérieur par rapport à celui que nous avons recommandé et il est accompagné d’un  dispositif de « programmes structurants ». Cette combinaison de l’urgence et de la durabilité devrait permettre de stopper notre descente aux enfers. N’est-ce pas mon cher ami, Bernard Ethéart ?


En guise de conclusion, le calme actuel caractérisant la vie nationale et qui favorise la visite de nos amis étrangers dans le pays, de nos dirigeants dans certaines parties du pays (le Président Martelly à Ile à Vache, et à Léogane, le Premier Ministre Paul dans le Grand Nord), augure peut-être une nouvelle ère, un nouveau démarrage vers une Haïti démocratique divorçant d’avec cette anarchie nuisible à notre faible économie. Mon optimisme naturel me porterait à le croire. Mais, pour être réaliste et connaissant bien mon pays dont les démons de la politique le tiennent divisé depuis l’assassinat de Dessalines en 1806, divisions notamment exacerbées en particulier en périodes électorales, n’est-ce pas le calme avant la tempête? 

samedi 28 février 2015

CARNAVAL SANS TREVE POLITIQUE, HAITI CONTINUE SA DESCENTE AUX ENFERS



CARNAVAL SANS TREVE POLITIQUE, HAITI CONTINUE SA DESCENTE AUX ENFERS
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
28 FEVRIER 2015

La période carnavalesque n’a pas été longue cette année. Haïti n’a connu que deux jours gras, dimanche 15 et lundi 16 Février 2015 et trois jours de deuil national mercredi 18, jeudi 19 et vendredi 20. Le samedi 21 a vu les funérailles nationales organisées par le pouvoir en place pour les 18 morts  de la nuit du 16 au 17 Février 2015. En effet, le mardi 17,  c’était « le défilé en silence et en blanc »demandé par le Premier Ministre pour les 18 morts de la veille par électrocution et la bousculade qui s’ensuit.  Quelles émotions  ce mardi 17 Février 2015 !  Les carnavaliers ont répondu en masse à l’appel du Gouvernement. Le char de BARIKAD CREW sur lequel le chanteur Fantom dont la tête a heurté le câble électrique de moyenne tension s’est trouvé au moment de l’accident en face du stand du cimetière de Port-au-Prince. Etrange ! Le 2e jour de deuil national, le jeudi 19 février 2015, l’opposition radicale a fait une conférence de presse pour accuser le pouvoir en place d’avoir «  sacrifié » les 18 victimes en leur jetant un sort et a organisé «  son défilé » en noir et blanc le vendredi 20 à 4 h PM qui s’est vite transformé en manifestation anti gouvernementale. Pour la première fois, tout au long de la période carnavalesque, il n’y a pas eu de trêve politique en termes de manifestations de rue. D’où le titre choisi pour l’analyse de la situation haïtienne pour le mois de février 2015 : « Carnaval sans trêve politique, Haïti continue sa descente aux enfers ».

La voie pacifique, les élections
Alors que je croyais que nous allions vers une forme d’entente entre nous autour de nos morts, eh bien, nad marinad ! C’est comme après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 où nous avons, en tant que peuple, manifesté une solidarité sans bornes, et on s’est vite retombé dans nos querelles intestines. Cette fois-ci encore, malgré l’insistance  des chanteurs de « Djakou Music » et « TI Vice », de « Karimi » et « Kreol La » qui ont des meringues carnavalesques très polémiques avec des connotations personnelles et leur présence ensemble sur les écrans de  télévision pour solliciter une trêve politique pour le pays, c’est réparti de plus belle. L’opposition, qui a senti l’exploitation faite par le pouvoir de l’accident (un coup de maitre),  n’a même pas attendu les trois jours de deuil. Au contraire, elle en a profité, elle aussi, non en silence mais en véritable manifestation anti Martelly. Pourtant, c’était une occasion en or pour faire la paix entre nous et avec l’administration Martelly qui ne reste que 11 mois à passer au pouvoir. D’autant que la République Dominicaine, tout au moins les ultra nationalistes, nous mène la vie dure, en pendant un haïtien sur une place publique de Santiago, en brulant vif un autre à Elias Pinas, en souillant notre drapeau et en expulsant massivement des haïtiens et même des dominicains à peau noire tout le long de la frontière haïtiano dominicaine, et en maltraitant nos petits marchands et marchandes qui cherchent à survivre à partir des activités au niveau de la frontière. D’autant que les dispositions sont en train d’être prises pour l’organisation, dans le plus bref délai, des élections dans le pays (projet de loi électorale en circulation et au niveau de la Présidence). D’autant que la situation économique du pays s’est aggravée, après les journées de grève du lundi 9 et du mardi 10 février 2015 déclenchées par l’opposition radicale en relation avec le prix du carburant. D’autant que nous n’avons aucun intérêt à offrir cette image de division la 100e année de l’anniversaire de l’occupation américaine de 1915. D’autant que nous sommes fatigués de voir notre pays s’enfoncer chaque jour davantage sans une alternative politique au pouvoir en place, mis  à part le « rache manyok » qui, en fonction même des indicateurs économiques, ne pourra que nous enfoncer davantage. Or personne ne peut redresser rapidement une économie déjà en lambeau  suite à un chambardement généralisé. Donc la seule voie pacifique qui nous reste pour nous en sortir sans grand dommage demeure les élections.

Un ouf de soulagement avec la nomination du nouveau ministre de l’agriculture
Heureusement qu’entre temps, la situation de crise qui sévissait au niveau du ministère de l’agriculture s’est éclaircie avec la démission du ministre Jean François Thomas et la nomination du ministre Fresner Dorcin installé le lundi 23 Février 2015 au campus de Damien où cohabitent le ministère et la Faculté d’agronomie. La grande famille de Damien a poussé un ouf de soulagement par rapport à cette situation qui a paralysé le ministère durant près d’un mois et qui a compromis en partie la campagne agricole de Printemps qui représente 60% de la production agricole annuelle du pays. Le Premier Ministre a exprimé sa satisfaction face au dégel de la situation  et exhorte le nouveau ministre de l’agriculture à trouver la bonne formule de cohabitation avec les étudiants, à accélérer le processus de mise en œuvre de la Campagne de Printemps, à préparer les autres campagnes de l’année, la nouvelle saison pluvieuse incluant la saison cyclonique. Tout ceci pour encourager un certain niveau de croissance du secteur agricole.

La croissance agricole en dessous de 2% ?
Le secteur agricole qui représente entre 23 et 25% du PIB global est un des piliers de l’économie nationale. C’est pourquoi, pour paraphraser l’autre, on se plait à répéter que « quand le secteur agricole est enrhumé c’est le pays tout entier qui est grippé ». En effet, de par sa contribution au PIB global, quand la croissance agricole n’est pas au rendez-vous, la croissance globale s’en ressent (exemple exercice 2013-2014). Il y a de forte chance que, cette année encore, la croissance ne soit pas au rendez-vous par rapport à la situation politique qui influe considérablement sur l’économie. Or en année électorale exacerbée par la division, la campagne agricole d’Hiver 2014 (réussie ou non ?), la campagne de Printemps souffrant de retard, la saison cyclonique qui s’en vient, le budget insuffisant accordé au secteur agricole, la croissance  du PIB  agricole pourrait être en dessous de 2%, à moins d’un miracle. Ce qui influerait sur la croissance du PIB global qui, elle-aussi, devrait aller chercher dans une fourchette en deçà des 2.8% obtenus pour l’exercice écoulé, crise du carburant et autres facteurs économiques et politiques aidant, comme  l’expulsion vers Haïti des haïtiens et dominicains à peau noire.

Question dominicaine… une problématique des plus complexes
La tension monte entre Haïtiens et Dominicains suite à l’assassinat  et au refoulement massif des nôtres par la République Dominicaine. La société civile a donné une réponse ferme à la République Dominicaine, en organisant cette imposante manifestation à Port-au-Prince (une grande marche pacifique), le mercredi 25 Février 2015, « pour dire non à la barbarie et au racisme dont sont victimes les ressortissants haïtiens en République dominicaine » et pour promouvoir « la paix et le vivre-ensemble » entre les deux peuples qui cohabitent sur l’île ». C’est une réponse à la dimension de l’ensemble d’incidents emmaillant les relations avec la République voisine (vol chez l’ambassadeur d’Haïti, pendaison et assassinat par le feu de ressortissants haïtiens, expulsion massive d’haïtiens illégales et d’origine). La société civile haïtienne a jugé les réponses haïtiennes officielles trop faibles par rapport à tous ces incidents. D’un autre coté, les initiatives haïtiennes face à la République Dominicaine  en ce mois de Février 2015 pourraient faire tache d’huile. En effet, les écoles sont mises à contribution. Or si on veut changer les choses, il faut commencer par l’éducation. C’est pourquoi je pense qu’il est impératif de persévérer dans  cette voie. La question dominicaine devra désormais déborder la sphère gouvernementale. Les gouvernements haïtiens n’ont pas su gérer correctement cette question qui est devenue une problématique des plus complexes, et dépasse la bilatéralité haïtiano-dominicaine. D’où la nécessité de la traiter à la base, au niveau de l’éducation (école, université), au niveau régional (OEA, CARICOM, etc.) et au niveau international (Tribunal International pour violation des droits à la nationalité ou apatridie).

C’est condamnable. Inacceptable
 Malheureusement, selon le quotidien Le Nouvelliste, dans son édition du jeudi 26 Février 2015,   (http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/141795/Digne-ferme-et-calme  : « Tout se déroulait dans le calme, la dignité, la fermeté quand, à l’issue de la marche et en dehors de son parcours, un groupe d’excités a cru bon de faire pareil que les extrémistes dominicains. Ils s'en sont pris au drapeau dominicain, au consulat de ce pays ami. Cela n’était pas nécessaire. C’est condamnable. Inacceptable. La bêtise n'efface pas la bêtise. Le mal ne guérit pas le mal ». C’est toujours ainsi, on rencontre souvent ces individus qui ne sont là que pour gâter la fête. Et, à cause de l’acte posé par ces énergumènes, le Gouvernement haïtien a du s’excuser publiquement dans un communiqué : « le Gouvernement de la République condamne la violation et l’agression regrettable des locaux du Consulat Général de la République Dominicaine à Pétionville par un petit groupe d’individus mal intentionnés qui ont trompé la vigilance des organisateurs de cette marche pacifique. »

Programme de création d’emplois temporaires

En guise de conclusion, la fête s’annonçait belle. Malheureusement, elle s’est transformée en tragédie exploitée politiquement dans la division malgré les multiples problèmes bien plus importants confrontés par notre pays. Au nom de nos disparus (carnaval et assassinat en RD), il serait intéressant de nous tourner vers une situation de paix, d’entente entre nous, d’éviter des manifestations politiques violentes comme il est de mise ces derniers temps, de grèves sauvages forçant les citoyens qui n’y adhèrent pas à rester chez eux par peur d’être victimes au niveau de la rue ou sur les routes nationales. Le Pays a intérêt, entre autre, à mettre sur pied un grand programme de création d’emplois temporaires (100 M USD) pour atténuer  la situation des gens les plus vulnérables, pour les  recapitaliser tant au niveau urbain que rural,  favoriser un apaisement social dans le pays en vue des élections, et stopper la descente aux enfers. Faut rêver, n’est-ce pas ?

mercredi 4 février 2015

UNE ECONOMIE A BOUT DE SOUFFLE DANS UNE CONJONCTURE POLITIQUE EXPLOSIVE


UNE ECONOMIE A BOUT DE SOUFFLE DANS UNE CONJONCTURE POLITIQUE EXPLOSIVE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
4 FEVRIER 2015

Haïti a connu un début d’année mouvementé mais sans  « tsunami ni goudougoudou politique ». Nous avons su par une série de manœuvres faites de manifestations de rue, de démission du Président de la Cour des Cassations, Me Anel Alexis, de dysfonctionnement inexplicable  mais complice du Parlement, d’accord entre certains partis de l’opposition radicale et modérée avec l’administration Martelly, de mise en place d’un gouvernement de consensus (ou d’ouverture ?),  d’un nouveau Conseil Electoral Provisoire (CEP) selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution,  de l’aggravation de la situation socioéconomique, de la pression internationale suite à la visite du Conseil de Sécurité des Nations Unies avec le cap vers les élections en 2015 promises avec force par le Président Martelly lors de sa participation à la rencontre des Chefs d’Etat et de Gouvernement du  CELAC ( Conseil Economique des Etats Latino-Américains et Caribéens) à Costa-Rica (27-28 janvier 2015). Ce qui nous amène, avec la poursuite des manifestations de rue par l’opposition radicale, avec le mouvement  de grève des professeurs tant au niveau public qu’au niveau universitaire et la grève des transporteurs publics pour la réduction du prix du carburant, (2 Février 2015) qui est naturellement appuyée par l’opposition radicale,  à titrer l’article de ce mois de janvier : «  Une économie à bout de souffle dans une conjoncture politique explosive »

La poursuite  des manifestations de rue
L’opposition radicale, même réduite au MOPOD, à la Plate forme « Pitit Desalin », à FANMI LAVALAS, n’a rien perdu de sa force de frappe. Elle a maintenu les manifestations de rue. Ces manifestions se sont même intensifiées à Port-au-Prince et ponctuées de violences. Face à cette flambée de violences décriées par la majorité des gens, elle n’a pas hésité à accuser le Premier Ministre Paul d’être le responsable de ces violences. Elle croit dur comme fer que les manifestations de rue finiront par emporter Martelly. Non à cours d’imagination, elle a inventé le concept « opposition band » pour rester mobilisée durant la période carnavalesque. C’est fantastique la capacité de cette opposition radicale à se muter pour rester en vie. Malheureusement, jusqu’à présent, elle n’a pas su exploiter toute cette énergie pour proposer une alternative sérieuse à l’administration Martelly considérée comme le mal absolu. L’accord du 11 Janvier 2015 de la plupart de ses membres avec l’administration Martelly ne l’a pas pour autant refroidie, d’autant que LAVALAS qui jouait sur les deux tableaux (Manifestations et négociation) a fini par opter pour les manifestations en vue de déchoucage pur et simple Martelly et Evans Paul.

L’accord du 11 janvier 2015
C’aurait été une bonne chose si  toute la classe politique avait adhéré à cet accord. Il porte en lui les éléments fondamentaux pour un consensus minimum en vue d’ « un vivre ensemble » pour reprendre le mot du Premier Ministre Paul. Mais la méfiance de l’opposition radicale par rapport à Martelly,  la volonté de le déchouquer, la haine d’une partie de la classe politique vis-à-vis de ce « vagabond », de cet « usurpateur » font que nous n’avons pas su nous élever à la hauteur de la conjoncture socio-économico-politique. Avec la réduction du Parlement à sa plus simple expression, comme l’a prédit, l’ex-président de l’Assemblée nationale, « le Parlement demeure » mais il est dysfonctionnel  avec seulement 10 Sénateurs.

Le dysfonctionnement du Parlement
Alors que l’administration Martelly négociait  l’Accord du 11 Janvier 2015 avec les partis politiques de l’opposition dont KONTRA PEP, INITE, FUSION, GROUPE 22 de Me Séant, le Parlement s’est arrangé pour se rendre dysfonctionnel. Toutes les parties représentées (Opposition au pluriel et Pouvoir) se sont mises d’accord pour aboutir à ce dysfonctionnement.  On dirait une entente dans le mal. Pourtant, toute une bataille rangée a été menée pour éviter que M. Martelly « dirige par décret ». Vraiment c’est à perdre son latin. L’un des Sénateurs opposant s’est enorgueilli  d’avoir contribué à cet état de fait pour ensuite accuser le Président de la République d’être un dictateur du fait même du dysfonctionnement du Parlement et du Pouvoir Judiciaire sans le Président  du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire dont le départ  a été exigé par l’opposition. Il en a été de même pour le Conseil Electoral Provisoire dont le départ a été exigé par l’opposition également, tout au moins avant sa reconstitution selon l’esprit  de l’article 289 de la Constitution. Heureusement, les neuf (9) membres de ce nouveau CEP, issus exclusivement  des institutions et organisations de la société civile, semblent obtenir l’aval de l’ensemble de la classe politique, opposition incluse. Il n’en est pas de même du Gouvernement de consensus.

Le gouvernement de consensus
En effet,  ce gouvernement est très mal vu par l’opposition  radicale et même par l’opposition modérée qui n’étaient pas parties prenantes de l’accord du 11 janvier 2015. Il est perçu  beaucoup  plus comme un  gouvernement d’ouverture que de consensus. Les arguments avancés : on retrouve trop de ministres qui ont appartenu à l’administration Martely-Conille et Martelly-Lamothe.  C’est la continuité ont répliqué  les sympathisants du gouvernement. On ne pouvait pas tout chambarder. Toujours est-il que  sur 19 ministres, l’administration Martelly-Paul  a  gardé  douze (12) portefeuilles :(1) Wilson Laleau est muté  à l’Economie et aux Finances, (2) Jacques Rousseau est maintenu aux MTPTC, (3) Duly Brutus aux Affaires Etrangères, (4) Stéphanie Villedrouin au Tourisme et aux Industries Créatives, (5) Florence Duperval Guillaume à la Santé Publique, (6) Nesmy Manigat à l’Education Nationale ( il a été signalé le travail de qualité fourni par ces ministre dans mon bilan 2014, réf http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/12/haiti-bilan-2014-perspectives-2015-du.html ) , (7) Pierre Richard Casimir est revenu non aux Affaires Etrangères mais à la Justice et à la Sécurité Publique, (8) Yves Germain Joseph du secrétariat de la Présidence à la Planification et à la Coopération Externe , (9) Hervey Day est revenu  non à la Planification mais au Commerce et à l’Industrie, (10) l’ex-Secrétaire d’Etat  aux Collectivités Territoriales, M. Jean Fritz Jean-Louis, occupe un nouveau poste, Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé des Questions Electorales, (11) Jean François Thomas, à l’Agriculture ( difficulté de fonctionnement à cause du refus systématique des étudiants de la Faculté d’Agronomie), (12) Lener Renauld à la défense. Les nouveaux les plus connus sont :(1) Victor Benoit de la FUSION aux Affaires Sociales,  (2) Rotchild François Junior à la Communication, (3) Ariel Henry de l’INITE à l’Intérieur et aux Collectivités Territoriales, (4) Germain de l’INITE à l’Environnement, (5) Jimmy Albert à la jeunesse aux Sports et à l’Education Civique, (6) Dithny Joan Raton à la Culture,  (7)  Yves-Rose Morquette à la Condition féminine et aux droits de la Femme. « Dans les portefeuilles de secrétaires d’Etat, 9 anciens (dont 2 femmes) du gouvernement Lamothe sont maintenus : Marina Gourgue à la Formation professionnelle ; Gabrielle Hyacinthe à la jeunesse et à l’action civique ; Gérald Oriol à l’Intégration des personnes handicapées ; Henri Robert Sterlin aux Affaires étrangères ; Philippe Cinéas aux travaux publics, transports et communications ; Robert Labrousse à la Coopération externe ; Michel Présumé à la Planification ; Michel Chancy à la Production animale ; Fresner Dorcin à la Production végétale. Parmi les nouveaux secrétaires d’Etat, il convient de mentionner Fednel Monchéry, du parti Repons peyizan, nommé secrétaire d’Etat à la réforme agraire. » (Réf. http://www.alterpresse.org/spip.php?article17606#.VNDI4GjF9VI ), et Pierre André GEDEON à la relance agricole. Pour les autres noms des nouveaux secrétaires d’Etat, consulter  le site de Radio Métropole http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=25727. Effectivement, 12 ministres sur 19, et 10 secrétaires  d’Etat au moins sur 16, ça fait beaucoup. Le Pouvoir s’est taillé la part du lion.

Encore un gouvernement HIMO
D’un autre coté, dans une conjoncture marquée au coin de la misère, on aurait pu réduire le nombre de ministres  et de secrétaires d’Etat. L’opposition a raison en dénonçant la taille du gouvernement. C’est une forme de création d’emplois, encore un gouvernement HIMO (haute intensité de main d’œuvre) pourrait rétorquer l’administration Martelly ; de plus, il a fallu satisfaire les nouveaux alliés. Il faut noter quand même une réduction par rapport au Gouvernement Lamothe. Effectivement, " dans le dernier gouvernement Lamothe, constitué le 2 avril 2014, il y avait 23 ministres (dont 7 femmes) et 19 secrétaires d’Etat (dont une seule femme, la secrétaire d’Etat Gabrielle Hyacinthe, reconduite ce 19 janvier 2015 aux sports et à l’action civique)". Il  aurait été mieux de réduire encore plus la taille du gouvernement comme je l’avais suggéré et consacré l’argent économisé à faire des travaux à haute intensité de main d’œuvre  (HIMO) pour recapitaliser les plus nécessiteux facilement utilisables  pour des manifestations de rue aux fins de renversement définitif de l’administration Martelly, encore possible en référence à la situation socioéconomique du pays.

La situation socioéconomique
Le ministre Laleau, lors de son installation, a évoqué un concept qui a fait débat : « l’état d’urgence économique ». En effet, selon M. Jean Saint-Vil (Réf. La fin de l’économie haïtienne) : « L’économie haïtienne se trouve actuellement dans une situation très critique avec une balance commerciale accusant un déficit astronomique :2,4 milliards de dollars en 2013, soit 29% du PIB et un recul accéléré de la monnaie nationale qui a perdu plus de 7% de sa valeur en l’année 2014, passant de 44,15 en janvier 2014  à 47 gourdes pour un dollar au mois de décembre ». Face à la situation désastreuse  de  l’environnement physique haïtien, j’avais proposé que l’Etat déclare  « l’état d’urgence environnementale pour Haïti » (Réf http://jrjean-noel.blogspot.com/2012/11/haiti-les-trois-piliers-du.html ). Par analogie, j’avais vite compris que la situation économique du pays n’est pas du tout rose. Et c’est ce qu’a voulu exprimer le ministre Laleau lors de sa prise de fonction. Choquer les citoyens pour une prise de conscience citoyenne, en vue de sauvegarder le peu d’acquis  obtenu en matière économique et financière. Certes, ce concept, comme l’a fait ressortir Pharel, n’a pas sa place durant la dernière année d’un pouvoir dont la mission est essentiellement l’organisation des élections. Mais il est toujours bon de provoquer des  débats sur des sujets qui fâchent pour nous sortir de notre léthargie provoquée par une situation politique envahissante et sans issu.
D’ailleurs, ce débat sur l’état d’urgence économique a été vite rattrapé par la réalité économique  exploitée politiquement par l’opposition radicale très, très intelligente pour saisir la moindre occasion susceptible de l’aider à nuire à l’administration Martelly. La grève des transporteurs publics pour la réduction du prix du carburant arrive donc à point nommé pour cette opposition qui l’appuie de toutes ses forces. La réduction de 15 HTG sur le gallon annoncée ne semble pas ébranler les projeteurs de grève qui ont maintenu leur mot d’ordre. Ils veulent une réduction drastique de l’ordre de 100 HTG sur le gallon pour le ramener au même niveau moyen que les USA, soit autour 1.80 USD le gallon (84 HTG/gal). Il y en a même qui veulent aller jusqu’à 70 HTG/gal.

De telles baisses mettraient l’administration Martelly sur les genoux. C’est une situation très dangereuse pour le pays. Une baisse drastique mettrait en très grande difficulté le pouvoir en place et mettrait tout autre pouvoir issu du déchoucage ou d’élections libres en très grande difficulté de fonctionnement. Il ne faut pas oublier que  les taxes prélevées sur le carburant jouent un rôle capital et essentiel dans le fonctionnement de l’Etat haïtien. Une telle mesure provoquerait un manque à gagner énorme pour l’Etat et compromettrait les projections de croissance économique pour 2015 qui sont liées à des investissements prévus dans le budget 2014-2015, à moins que la Communauté Internationale dans un élan de générosité sans précédent (et j’en doute fort)  accepte de délier les cordons de la bourse.
La Communauté internationale est-elle prête  à rentrer dans ce jeu ? Surtout que, selon le Nouvelliste: « L’administration Martelly et le gouvernement Lamothe ont dépensé plus de deux milliards de dollars ces derniers mois…Le pays a plus de dettes que les Duvalier et Lavalas n’en avaient contracté en cinquante ans. En dépit de tout, le pays reste assoiffé. PetroCaribe c’est fini.   (Réf.http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/140991/Le-secteur-prive-doit-continuer-a-simpliquer). De quels deux milliards USD parle Frantz Duval? Si ce sont les deux milliards et poussière inscrits dans le budget rectificatif de mai 2014 (environ 118 Mrds HTG ou 2.5 Mrds USD), c’est normal, puisqu’il fallait les engager vite avant la fin de l’exercice 2013-2014, et entamer d’autres dépenses sur le budget 2014-2015 (122 Mrds HTG ou 2.6 Mrds USD), durant les trois premiers mois de l’exercice en cours. Selon l’énoncé de politique générale du PM Conille et repris par le PM Lamothe, le budget annuel de cette administration devrait tourner autour de 3 Mrds USD. Donc des dépenses de 2 Mrds USD par le Gouvernement  sont tout à fait normales. Pour avoir des taux de croissance du PIB plus élevés, il faudrait, selon la FONHDILAC, des dépenses de l’ordre de 4 Mrds  USD/an dont 70% dans les investissements.
Il faut souligner qu’à titre d’exemple, selon les informations fournies par Kesner PHAREL dans l’émission « Investir » du 31 janvier 2015, les dons (30 Mrds HTG), les prêts (22 Mrds HTG) et les financements internes (10 Mrds HTG) sont inscrits dans la loi de finances 2014-2015 (122 Mrds HTG), ainsi que les ressources locales provenant des taxes perçues (60 Mrds HTG dont 7 Mrds HTG sur les produits pétroliers) au niveau de la Douane et de la Direction Générale des impôts. Donc, dans le cas d’une baisse drastique du prix du carburant, le budget sera amputé d’une bonne partie des ressources prévues. Avec l’effondrement du cours du baril de pétrole sur le marché mondial, les fonds PETROCARIBE (22 Mrds HTG/an) ne seront plus disponibles non plus pour le budget, tout au moins en partie. Il faudrait donc revoir à la baisse le budget et réduire la taille des investissements, ou tout simplement, laisser tomber certains projets d’envergure et programmes sociaux ainsi qu’une partie des frais de fonctionnement de l’Etat (15 Mrds HTG), car l’administration Martelly ne pourrait pas se permettre, en plus, de ne pas payer les fonctionnaires de l’Etat (28 Mrds HTG).

Il faudrait donc un arbitrage très serré et très sérieux avant toute décision en relation avec la baisse du prix du carburant, si on voulait maintenir un taux de croissance positive et ne pas tomber dans un tourbillon d’inflation qui affecterait le pouvoir d’achat de chaque haïtien. Les grognes sociales pourraient s’amplifier et déboucher sur un chambardement incontrôlable. Ce qui certes arrangerait l’opposition radicale mais qui plongerait le pays dans un cycle infernal au niveau économique et financier. L’opposition s’en ficherait pas mal croyant pouvoir résoudre le problème une fois arrivée au pouvoir (mauvaise foi ou ignorance ?). C’est oublier que les faits économiques ont la dent dure.
Le prix à payer
En tout cas, après cette journée de grève réussie même ponctuée de violences et d’ « intimidations » (pneus enflammés, tirs sporadiques d’armes à feu, etc.), concluons avec Frantz Duval du Nouvelliste:« L’administration Martelly-Paul se doit après la grève de ce lundi de faire un geste supplémentaire, celui de vendredi étant visiblement insuffisant. Cette nouvelle baisse attendue va grever un peu plus les comptes du Trésor public, mais c’est le prix à payer pour s’être écarté du droit chemin de la bonne gouvernance » (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/141117/Une-severe-correction ). Le gouvernement a pu négocier avec les grévistes 20 HTG en moins sur le gallon de gazoline, 20 HTG sur le gallon de gasoil  et 15 HTG sur le Kérosène. Cette baisse n’est pas du tout substantielle. Toutefois, elle a permis la reprise des activités à travers le pays, ce mardi 3 Février 2015, et particulièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Espérons que le Gouvernement retiendra la leçon  et prendra les dispositions appropriées par rapport à la fluctuation du cours du carburant sur le marché international pour éviter ces genres d’étincelle dans une conjoncture politique explosive capable d’emporter n’importe quel gouvernement.