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lundi 1 juillet 2019

HAITI PAYS LOCK 2 : DES DEUX COTES LE MAL EST INFINI (?)


HAITI PAYS LOCK 2 : DES DEUX COTES LE MAL EST INFINI (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUIN 2019

Revu le 3 juillet 2019

La situation haïtienne  de ce mois de juin 2019 est des plus désastreuses à tous les points de vue si l’on fait exception  de notre équipe nationale  de football masculin qui est qualifiée pour les demi-finales de la Gold Cup en battant le Canada par 3 buts à 2 et du succès colossal de l’événement annuel « Livres en folies », avec Danny Laferrière, notre « immortel » de l’Académie Française comme Invité d’Honneur. L’administration actuelle fait preuve d’impuissance par rapport à cette situation. La rue est contrôlée par l’opposition et les petro-challengers qui demandent la démission du Président Jovenel Moise. Le Président ne dirige pas ; le Parlement ne fonctionne pas ; la Justice reste muette : les trois pouvoirs d’Etat sont à genoux.  Le blocage  du pays depuis  le 9 Juin 2019, prévisible suite à la sortie du 2e rapport de PETROCARIBE (31 Mai 2019) par la Cour Supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) sur plus d’une dizaine de jours avec, parfois, des éclaircies au matin jusqu’à 11 h Am, affecte beaucoup plus sérieusement encore l’économie du pays, qui était déjà au bord de la catastrophe, au point que le grand argentier de la nation, le ministre des finances, avoue ne pas pouvoir payer régulièrement l’administration publique haïtienne, faute de rentrée d’argent par les institutions chargées de la perception des taxes et impôts.  L’opposition politique radicale, face à l’impuissance du pouvoir en place, propose une solution pour s'y substituer tout bonnement, selon la logique « ôte toi que je m’y mette ». N’est-ce pas le moment de se demander si « Des deux côtés le mal d’Haïti n’est-il pas infini » ?

Un rappel des faits

Dans l’article, Haïti, Pays lock 1[1] , de février 2019, nous avons établi la méthodologie utilisée pour fermer le pays avec toutes les conséquences que l’on sait. Il s’ en est suivi une aggravation de la situation socioéconomique et politique : (i) l’insécurité, le cas de la vallée de l’Artibonite[2], (ii) le renvoi du PM Céant, (iii) la nomination du PM Lapin non ratifié par le Parlement (perturbation par les 4 parlementaires de l’opposition, Beauplan, Cheramy, Cassi et Pierre, des séances programmées, casse de l’immobilier du Sénat par ces 4 larrons), (iv) la reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar américain (94 G pour 1 USD) et l’inflation qui passe à 18% pour le mois de mai 2019, (v) l’impatience de la population par rapport aux promesses non tenues du premier mandataire de la nation[3], (vi) la sortie du 2e rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) sur le dossier Petrocaribe (31 Mai 2019), épinglant un ensemble de firmes privées dont AGRITRANS présidé à l’époque par Jovenel Moïse, en y apportant des précisions sur des travaux financés en gourdes et non en dollars américains comme le stipulait le 1er rapport, et un ensemble d’institutions étatiques, dont le Parlement et la CSC/CA, elle-même, dans le gaspillage des fonds Petrocaribe (4.2 milliards dollars américains), rapport qui sert de prétexte à l’opposition politique et aux petro-challengers pour exiger la démission du Président Moïse, vendu comme le principal dilapidateur des fonds Petrocaribe à partir d'un travail médiatique minutieux.  

Pour y parvenir, ils ont utilisé la même méthodologie qu’en février 2019 avec quelques petites nuances : pas de l’huile sur les routes pentues ; une diabolisation plus soutenue du Président et de sa famille (dossier DERMALOGUE); un discours de haine vis-à-vis du premier mandataire; attaques des stations de radio : Télé Ginnen, Radio Télé Caraïbes, Métropole, Télé Zénith, mort de journalistes, etc. Certains de ces actes sont tout bonnement attribués, à tort ou à raison, au pouvoir en place.

La branche institutionnelle de l’opposition, avec les 4 Sénateurs et le Sénateur Youri Latortue, a fait une proposition  au pays sur le reste du mandat du Président, écartant le Président actuel en le remplaçant par un membre de la Cour de Cassation et le Parlement en le remplaçant par une sorte de conseil des sages comme en 2004, nommant un premier ministre issu de l’opposition et un gouvernement de transition inclusif qui organiserait la conférence nationale souveraine et le procès Petrocaribe,  avec une feuille de route assez détaillée qui tiendrait lieu de programme du gouvernement, etc. 

Cette proposition est loin de faire l’unanimité, même au sein de l’opposition radicale, mais  semble avoir l’adhésion de l’ensemble de l’opposition politique et d’une bonne partie de la communauté des affaires (tout au moins sur un point, la démission de Jovenel Moïse); à noter que certains groupes de petro-challengers ne voudraient ni des gens de l’opposition ni ceux du pouvoir actuel, pour constituer le nouveau gouvernement de transition ; ils voudraient de nouvelles têtes beaucoup plus crédibles pour diriger le pays.

Le Tournant

Depuis les 6,7 et 8 Juillet 2018, l’administration Moïse ne s’est jamais relevée de cet événement douloureux, ayant causé des pertes en vies humaines, des dommages équvalents à des centaines de millions de dollars américains. On est pratiquement à une année de cet événement qui a marqué le tournant dans la bataille pour obtenir la démission de Jovenel Moïse et qui va favoriser l’émergence des petro-challengers, les vrais fers de lance de cette opposition politique; et tous les événements qui vont se succéder durant cette période, ne font que miner l’administration Moïse. Cette administration va s’affaiblissant de série en série d’événements (17 octobre, 18 novembre 2018, 7-17 Février 2019, 9  Juin à la dernière semaine de juin : Pays lock nouvelle formule), au point d’arriver à la situation d’aujourd’hui.

La détérioration de la situation et l’impuissance du pouvoir en place

Durant cette période d’un an, on n’a pas l’impression que l’administration actuelle ait été en mesure de redresser la situation. Elle a perdu la bataille médiatique. Malgré certaines actions au niveau de terrain, elle n’arrive pas à vendre ses petits succès dans le domaine de la rénovation urbaine, des pistes rurales et de  certaines routes nationales (Plus de 1000 km de rues et de routes en construction[4]) et de certaines actions au niveau du secteur agricole[5]. Dans tous les autres domaines, c’est le tâtonnement, c’est le ralentissement pour ne pas dire c’est la stagnation, c’est le recul. La pauvreté s’accentue par la dégringolade de la gourde, l’augmentation du taux d’inflation (18% en Mai 2019[6]), c’est la faillite de l’Etat. Cet état de fait traduit  la détérioration de la situation et l’impuissance du pouvoir en place à y faire face.

Bref, le pays va très mal et est au bord de l’explosion sociale et de l’effondrement économique, malgré un certain appui  de la communauté internationale. Le gouvernement a fait un dernier appel au dialogue sans succès, et a fait venir une mission de l’OEA non cautionnée par le Conseil d’administration de l’institution. Cette « mission » a conseillé au pouvoir en place de gouverner et à l’opposition d’aller aux urnes. Ce qui a mis en grogne l’opposition et qui la pousse à radicaliser un peu plus sa position par rapport au pouvoir en place. Par rapport à ce nouveau développement, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a créé, sous l’instigation des USA, une mission politique en remplacement de la MINUJUSTH( mission d'appui à la Justice), le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti, le BINUH[7], qui sera effectif le 16 octobre 2019.

L’inquiétude par rapport à l’opposition radicale

D’un autre côté, l’opposition politique radicale, qui empêche le fonctionnement de l’administration par des manifestations de rue et  le krazebrize, réduit considérablement le rythme des activités dans  le pays, transport des marchandises et des biens, fourniture des services, et favorise une augmentation globale de l’insécurité au niveau de l’ensemble du pays, etc, et met chaos debout l'administration Moise. La convergence de vues  de l’opposition politique et des petro-challengers, qui sont pour le principe de départ du Président Moïse, apporte de l’eau au moulin de l’opposition politique par la mobilisation de la jeunesse et d’autres forces sociales dans sa lutte pour déstabiliser le pouvoir en place. La résistance, offerte par le pouvoir en place face à cette déstabilisation, permet au Président de rester au Palais jusqu’à présent mais sans vraiment diriger le pays. Ce qui fait dire à certaines personnes, et non des moindres, si le Président n’exerce pas son autorité sur le pays, vaut mieux qu’il parte. Mais quand on voit le mode opératoire  de cette opposition, sa propension à la pensée unique, à l’intolérance (le cas du Secrétaire Général du RDNP[8], le parti du feu Professeur Manigat, Radio Ginnen, Métropole, Caraïbes), et cette tendance à cautionner  la violence aveugle (l’un des leaders a catégoriquement refusé de dénoncer les dérapages des manifestants, alors que ce même leader condamne sans abnégation les bévues de la Police, on est, par conséquent, en droit d’être inquiets. Les propos d’un Député Lavalas devant les caméras  de la presse, se vantant de ses exploits, ainsi que les casses de l’immobilier du Sénat par les 4 Sénateurs de l’opposition radicale, augmentent cette inquiétude de nous voir tomber dans une sorte  de gouvernement à tendance dictatoriale. Rien ne garantirait  que le gouvernement de transition prévu aurait la reconnaissance internationale, disposerait de suffisamment de moyens pour faire face aux nombreux besoins de la population et aurait la capacité de garantir la stabilité politique et la sécurité, d’appliquer la feuille de route prévue, et surtout de réaliser la Conférence Nationale Souveraine et le Procès PETROCARIBE de manière équitable et inclusive.

Des deux côtés le mal est infini, donc il faudrait tourner vers la conférence nationale souveraine ou le déchoucage 

A l’analyse, il est difficile de croire que l’administration actuelle pourrait sortir le pays de l’imbroglio dans lequel il est plongé. Le Président répète souvent que la stabilité politique est le premier des biens publics. Durant cette année de juillet 2018 à Juillet 2019, l’administration Moise n’a jamais pu garantir, ne serait-ce qu’un instant, sauf en période de démobilisation des pétro-challengers et de trêve forcée de l’opposition politique, la stabilité politique au niveau de l’ensemble du pays. De cette instabilité politique découle tout le reste : l’insécurité, le ralentissement de l’économie, la dégringolade de la gourde, l’inflation, la pauvreté de masse, etc. Eu égard à l’impuissance de l’administration pour agir sur la situation actuelle découlant de l’instabilité politique, l’opposition propose la démission du Président Moïse et le renvoi du régime PHTK. Cette opposition ne prévoit pas l’inclusion du PHTK dans la solution au problème d’Haïti, puisque, dans son diagnostic de la situation du pays, le Président et son parti PHTK sont présentés comme des responsables, donc non qualifiés pour faire partie de la solution. Au départ du Président Moïse (si départ il y aura), l’opposition assauterait le pouvoir pour trois ans, le reste du mandat du Président et du PHTK. Or cette même opposition avait assuré, à un certain moment, la gestion du pays et, forcément,une partie des fonds PETROCARIBE, dossier alimentant la mobilisation contre l’actuelle administration, en particulier contre le Président Moïse, sous prétexte que Jovenel Moïse était le PDG de AGRITRANS. Donc, elle aurait beaucoup de difficultés à assumer la gestion correcte du pays, au cas où elle fairait le choix de l’exclusion de l’autre.

Il est clair que le pouvoir actuel n’arrivera pas à redresser la situation à moins d’un exploit sur la question de la stabilité politique. Il en sera de même pour l’opposition politique si l’approche utilisée demeure exclusiviste. C’est le cas de dire que des deux côtés le mal est infini pour Haïti. Comme l’exigent les pétro-challengers, il faudrait une équipe neuve pour assurer la transition (si transition il y aura), en tenant compte de l’intérêt général en lieu et place des intérêts de clans ou de partis politiques. Seule une entente nationale, seul un dialogue inter haïtien, seule une grande concertation nationale pourrait nous aider à sortir de la situation actuelle, ou encore la révolution violente où seuls les plus justes seraient sauvés.  Alors si nous optons pour la grande concertation nationale/Conférence Nationale Souveraine (souhaitable),  qui organisera cette grande concertation nationale? Nous autres ? BINUH ? Sans cette entente nationale, serait-ce le dechoukaj, la révolution violente?

Que le Dieu Tout Puissant nous vienne en aide! En attendant, contentons-nous de la qualification du Bresil au-dépens de l'Argentine (2-0) pour la finale de la Copa America, Haiti étant, une fois de plus, sortie de la course par le Mexique (0-1) pour la finale de la Gold Cup sur un pénalty imaginaire. That's life! 




[4] Selon les données collectées au niveau du MTPTC par la CASDA/Cellule de pilotage de la Caravane
[5] Rapport Bilan 2017-2018 du Ministère de l’Agriculture
[6] IHSI
[8] Eric Jean Baptiste a dénoncé un plan macabre visant à amnistié certains membres de l’opposition une fois le gouvernement de transition mis en place. Vexés, certains partisans de l’opposition ont mis le feu à  des succursales de Père l’Eternel Lotto appartenant à M. Jean Baptiste.






mercredi 22 mai 2019

IMPACT DE L’INSECURITE SUR LE PAYS, LE CAS DE LA VALLEE DE L’ARTIBONITE



IMPACT DE L’INSECURITE SUR LE PAYS, LE CAS DE LA VALLEE DE L’ARTIBONITE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
22 MAI 2019

L’article du mois d’avril a été consacré à l’insécurité au niveau de l’ensemble du pays. Dans l’article du jour, on en reparlera, mais en nous attardant sur le cas de l’Artibonite, qui influe sur l’ensemble du pays.

Comme nous l’avons démontré dans notre dernier texte[1], l’insécurité affecte l’ensemble des activités économiques du pays. Elle découle de l’instabilité globale du pays, en particulier de la situation politique. En effet,  la crise politique haïtienne est multiforme. Elle se renouvelle de crise en crise, au point de devenir quelque chose de permanent, dont la solution réside dans le changement du système qui a atteint ses limites, selon l’économiste Fritz Jean.

Bien avant de nous concentrer sur l’Artibonite, passons en revue les discours de la Mairesse de l’Arcahaie et du Président de la République à l’occasion du 216 anniversaire du drapeau ce 18 Mai 2019, tout en nous appuyant sur l’interview de Fritz Jean[2] avec Marie Lucie Bonhomme[3], invité du jour, Vision 2000 du 20 Mai 2019.

Le discours de la Mairesse de l’Arcahaie, elle a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, elle a abordé la question de l’insécurité, de la vie chère,  de la mauvaise gouvernance en s’adressant directement au Président de la République, garant de la bonne marche de l’Etat, avec obligation de résultats et lui conseille d’entreprendre des actions concrètes au lieu de continuer  à faire des promesses ; elle s’en est prise au Parlement qui ne joue pas son rôle de contrôle, qui s’immisce dans les affaires gouvernementales en nommant des ministres au sein du gouvernement ; elle s’en est prise à l’opposition politique ; elle considère que ces hautes autorités de l’Etat ne comprennent rien à rien au symbolisme du drapeau, car ces autorités ne font que souiller le drapeau par leurs agissements. Le drapeau, qui est l’essence même de la nation haïtienne. Elle croit dur comme fer que le drapeau porte en lui la solution au problème du pays et propose au Président de la République d’utiliser la Ville de l’Arcahaie pour l’organisation du vrai dialogue national pour sortir le pays de la situation de chaos actuel. Le discours est de bonne facture, assez profond, avec une allure « titidienne » très poussée, dans la forme et dans le fond.

Le discours du Président de la République insiste sur le dialogue politique, la seule voie de sortie de la situation actuelle du pays, sur la nécessité pour le Parlement de ratifier le Premier Ministre Lapin afin que le pays puisse avoir accès à des fonds pour réaliser certains projets, dont l’éducation, l’énergie électrique dans les petites villes et le bassin de Port-au-Prince (prêt de 150 M USD de la  coopération taïwanaise). Dans la partie improvisée du discours, le Président a dénoncé la question de monopole dont un petit groupe en a le contrôle. C’est une sorte d’appel à l’aide pour casser ce monopole, un vrai cri de désespoir et d’impuissance face aux véritables maitres du système, qui le tient sous perfusion. Ce système dont le Président Moise se considère comme « un accident » est le principal responsable du chaos actuel du pays.

Fritz Jean considère le Président, qui a crié au secours à l’Arcahaie, comme un homme aux abois, un otage et un prisonnier du système. Ce système cristallise la criminalisation de la gestion étatique, ce qui se traduit par une sorte de banditisme généralisé, dont Savien au niveau de la Vallée de l’Artibonite et Nouailles au niveau de la Croix-des-Bouquets restent des exemples les plus frappants où les bandits rançonnent les producteurs à Savien et les artistes à Nouailles. Sur un plan plus général, la plupart des entreprises haïtiennes sont en faillite, à cause de la situation d’insécurité et du taux de change.

Le Cas de la Vallée de l’Artibonite
La Vallée de l’Artibonite est dominée par un périmètre de 32,000 ha. C’est le plus grand périmètre irrigué du pays. Ce périmètre produit chaque année entre 70,000 et 150,000 tonnes de riz et favorise la création de plus de 150,000 emplois permanents et plus de 200,000 emplois temporaires. La partie la plus importante du périmètre irrigué est comprise entre le Fleuve Artibonite au Sud, la route nationale no 1 à l’Ouest, la rivière de l’Estère à l’Est et au Nord. Cette partie qui représente environ 50% du périmètre irrigué, est sous le contrôle et/ou l’influence des bandits dont les actions ralentissent considérablement les activités agricoles et autres. Les planteurs éprouvent beaucoup de difficultés à emblaver correctement leurs parcelles, en plus des difficultés inhérentes à l’agriculture irriguée (manque d’eau en saison sèche, de crédit, d’intrants agricoles,  problèmes de drainage en saison pluvieuse), ils sont obligés de négocier avec les bandits. Les blocs de production mis en place dans le cadre de la caravane du changement, en processus de transformation en coopératives, subissent l’influence négative de ces bandits. Il faut noter que ces bandits avaient l’habitude de confisquer les matériels et moyens mis à disposition de ces coopératives, parfois avec la complicité de certains responsables de coopératives. Ce qui se traduit par des confiscations des semences, des engrais, des matériels roulants, etc. Qui pis est, certains bandits s’arrogent même le droit de récolter à la place des vrais producteurs et planteurs, ou du moins d’exiger de ces derniers une part de leur récolte. Ces cas sont monnaie courante au niveau de la Vallée, en particulier au niveau de la zone sous étude.

En fonction de ce qui précède, on constate un net ralentissement des activités agricoles en particulier et en général  un ralentissement des activités de toutes sortes économiques et sociales. A cause de la situation qui prévaut dans cette zone, certaines écoles sont fermées depuis plus d’un an, beaucoup  d’habitants de Savien ont abandonné cette  localité, la route menant vers Petite Rivière, qui traverse Savien, Markesse, est en grande partie abandonnée et n’est fréquentée que par certains motocyclistes, les boutiques ont fermé leurs portes, la quantité de parcelles cultivées est visiblement réduite (proportion ? Nécessité d’une étude). De plus, les bandits font des incursions sporadiques et régulières sur la route nationale No1 pour kidnapper des camions de marchandises (produits alimentaires, fers, ciments, etc.) qu’ils redistribuent à la population pour être revendus à des prix défiant toute concurrence ; rançonner les automobilistes et souvent les kidnapper ou saisir leurs véhicules récupérables contre rançons. Il faut noter que, pour aller à Petite Rivière de l’Artibonite, les véhicules de transport public, les automobilistes sont obligés d’éviter Carrefour Peye et de choisir la Route Pont-Sondé Mirebalais et traverser le Fleuve au niveau du barrage de Canneau pour y accéder, ce qui est en train d’abimer la berge gauche du canal maitre rive droite, ce qui aura des conséquences graves sur l’alimentation en eau d’irrigation prochainement si rien n’est fait.

 La liaison de route Petite-Rivière-Marchand Dessalines est très peu fréquentée, ou négociée avec les bandits  à chaque utilisation. L’organisme de développement de la Vallée (ODVA) est tout le temps sous la menace des bandits. Cette institution fonctionne au ralenti. Les actions programmées par cette Institution étatique, par la coopération taïwannaise qui collabore avec l’ODVA, par les projets comme PROGEBA, par les entreprises privées, par les ONG au niveau de la zone se font de manière sporadique et au petit bonheur. Pour réaliser le peu d’actions programmées, il a fallu souvent « négocier » avec les bandits. C’est une situation vraiment intenable qui aura des conséquences sur la production agricole de la Vallée et la production agricole en général et qui agira sur la situation de la sécurité alimentaire!

Carrefour Peye-Villa, une zone dangereuse
Entre Carrefour Peye et Villa, on relève les incursions sporadiques et régulières des bandits. Cette zone est devenue très dangereuse. La semaine  dernière, les bandits ont pris l'Ing Norgaisse de l’ODVA, il en a été de même pour l'Ing Dupiton de l’Ecole de droit des Gonaïves ; le vendredi 17 Mai 2019, c'était mon tour, Ing Jr JEAN-NOEL, heureusement, ils ne m’ont rien pris contrairement aux autres cas enregistrés. La  station de Gaz de Carrefour Peye a dû fermer ses portes sous la pression des bandits, le trafic est journellement perturbé comme ce vendredi 17 Mai 2019. Il aurait fallu une réaction sérieuse. La PNH l’a fait en reprenant la ville de Petite Rivière prise d’assaut par les bandits en avril dernier. Mais, jusqu’à date, certaines parties de la Vallée restent sous le contrôle des bandits, en particulier le tronçon Carrefour Peye-Villa, dont l’occupation sporadique par les bandits perturbe les activités économiques sur une bonne partie du pays.

La réaction exemplaire du secteur privé des Gonaïves
 Il ne faut pas oublier que l'Artibonite est en liaison directe avec 5 départements. Et Gonaïves vient de cracher son ras le bol par rapport à l'insécurité.  En effet, la réaction du secteur privé aux Gonaïves contre l’insécurité, deux jours de grève et une journée de marche pacifique traduit le ras de bol de la population par rapport à la situation globale du pays. Gonaïves a indiqué la voie aux autres villes face à cette situation d’insécurité entretenue, en grande partie, par nos politiciens. La dégringolade de la gourde  par rapport au dollar américain[4] (1 USD=90.5 et 92.5 HTG), couplée à l’insécurité, influe considérablement sur la vie économique du pays et alimente la pauvreté. Non seulement, la faim nous tenaille, on ne voit pas encore le bout du tunnel. Certes, le système haïtien est à bout de souffle, mais, comme l’a fait remarquer Fritz Jean, on est dans ce flou entre la fin d’un système qui ne veut pas mourir et le début d’un autre système qui ne veut pas naitre.   Selon Fritz Jean, on est entre deux mondes celui qui est en train de mourir, celui qui est en train de naitre, une sorte de zone d’ombre entre chien et loup.

Par rapport à cette insécurité qui gangrène le pays, l'administration  du Président Moïse a intérêt à réagir vite et bien. La plaisanterie a trop duré. Que cela cesse!

« Jovenel Moise passera dans l’histoire comme celui qui est responsable de cette situation »
Pour conclure, Il faudrait (i) rompre, selon Fritz Jean, avec cet Etat prisonnier,  contrôlé par 4 groupes d’intérêts économiques, une sorte de mafia qui contrôle l’ensemble des activités économiques du pays et qui influence la politique à sa guise, (ii) rompre avec la situation de violence actuelle, (iv) rompre avec la gestion  chaotique de l’Etat.

Si dialogue il y aura, il faudrait définir d’abord le contenu du dialogue, on ne peut laisser 4 opérateurs décider de ce qui doit se faire dans ce pays. Cette situation est à la base de la faillite de la plupart des entreprises car elle influe sur la question d’insécurité et du taux de change.  Le business devient extrêmement précaire en Haïti, si l’on se réfère à la frilosité   d’un secteur privé composé  de quelques  petits opérateurs autour de 3 à 4 millions d’USD, et dominé par les 4 grands opérateurs qui ont le monopole de l’économie  et qui décident de la politique du pays. Une sorte de relation mafieuse au niveau du pays régulée par des gangs armés à la solde de certains opérateurs économiques et politiques. C’est la débandade au niveau de l’organisation de l’Etat. C’est une situation de chaos et Jovenel Moise passera dans l’histoire comme celui qui est responsable de cette situation même si elle est l’aboutissement de tout un processus démarré bien longtemps avant l’accession du Président Moïse au pouvoir, a conclu Fritz Jean, économiste, ex gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) et ex-Premier Ministre nommé et non ratifié par le Parlement sous l’administration du gouvernement de transition dirigée par le Sénateur Jocelerme Privert. 


[2] Economiste, ancien gouverneur de la BRH (Banque de la République d’Haïti)
[3] Journaliste à la Radio Vision 2000.
[4] 1 USD = 90.5 G à l’achat et 92.5 G à la vente. Radio Vision 200 du 22,Mai 2019

mardi 30 avril 2019

HAITI : INSECURITE. QUE CELA CESSE !


HAITI : INSECURITE. QUE CELA CESSE !
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2019

Face à la situation d’insécurité globale du pays, la Police Nationale d’Haïti (PNH), l’une des principales victimes des bandits (pas une semaine sans l’assassinat d’un policier), a tenté d’appréhender le bandit notoire Anel Joseph dans l’Artibonite, le jeudi 4 avril 2019. Cette opération s’est soldée par un échec cuisant. Depuis, les bandits, se sentant réconfortés, ont opté pour des actes spectaculaires et meurtriers (la prise du commissariat de Petite-Rivière de l’Artibonite et surtout le dernier en date (le mercredi 24 Avril 2019) : le massacre de Carrefour Feuille de 8 morts par la bande à Tije). Ce massacre a révolté la majorité des haïtiens. Clarens Renois a lancé une grève générale pour le 29 avril 2019, très peu suivie, et la PNH a repris le commissariat de Petite Rivière, occupé Grand-Ravine, le fief de Tije et  a neutralisé ce dernier à Delmas 83, le 29 avril 2019. Il était temps.

Durant tout ce mois d’avril 2019, la situation globale du pays s’est détériorée à tous les points de vue. L’insécurité aidant, le pays fonctionne au ralenti. L’économie est en chute libre. Le taux de change s’envole (86 HTG pour 1 USD), l’inflation est à 17% sinon plus, la vie devient de plus en plus chère, les familles haïtiennes de la masse et des couches moyennes sont aux abois, d’autant que l’Etat n’arrive plus à payer à temps, et, quand bien même il donne quelque chose, c’est, ces derniers temps, un mois sur deux ou sur trois. Vraiment, c’est une situation intenable et on ne peut plus explosive.

Jusqu’à présent, on n’a pas encore de Premier Ministre ratifié. Jean Michel Lapin, le PM nommé est dans le doute, selon un article du Nouvelliste. Les 8 partis politiques modérés, en  négociation avec le Président Jovenel Moïse, voudraient mettre sur le tapis le poste de premier ministre car ils redoutent que l’actuel PM nommé ne soit une copie conforme de Jack Guy Lafontant, une sorte de jouet entre les mains du Président. Ce qui expliquerait l’échec de ces négociations.

D’un autre côté, le Parlement ne parait pas si pressé de ratifier le PM Jean Michel Lapin qui y a déjà déposé ses pièces pour analyse. Il a d’autres chats à fouetter comme la question d’insécurité. Senateur Sénatus est monté au créneau pour dénoncer les liens, tout au moins téléphoniques, entre le bandit notoire, Anel Joseph, et le Sénateur de l’Artibonite, Gracia Delva de  AYITI AN ACTION (AAA), que ce parti vient de disgracier. Selon toujours le Sénateur Sénatus, un ex-député de la zone métropolitaine de Port-au-Prince aurait reçu hebdomadairement 400,000 HTG de la part des bandits, contrôlant le Marché de Croix-des-Bossales et qu’il aurait approvisionnés en munitions.

Ces révélations du Sénateur, responsable de la commission Justice et Sécurité au Sénat, viennent confirmer les rumeurs selon lesquelles la plupart de nos hommes politiques sont de connivence avec les bandits. L’interview de Clarens Renois avec Wendell Theodore sur Radio Métropole à l’émission le Point du 30 Avril 2019 va dans le même sens de l’utilisation de notre jeunesse comme bandits par la plupart de nos politiciens. Il a qualifié l’arène politique haïtienne de « jungle » où tous les coups bas sont permis. En poussant l’analyse un peu plus  loin, il a qualifié le pays de jungle où l’on s’entredéchire à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la vie nationale, la presse, le secteur privé, pour ne pas les citer.

Devant un tel tableau hideux où politique et banditisme s’entremêlent, l’économie ne peut pas bien se porter. La situation que nous vivons est donc le résultat de nos turpitudes, en particulier politiques. Nos hommes politiques, dans leur lutte pour le pouvoir, ont tout simplement sacrifié le pays haïtien. Tous les secteurs du pays en pâtissent. En particulier les secteurs économique et social. La reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar américain nous asphyxie. Couplée à l’inflation, nous n’arrivons pas à manger à nos faims, l’insécurité alimentaire qui a déjà envahi une bonne partie de la population frappe très fortement à la porte des couches moyennes, pour la plupart au bord de la faillite.

La semaine de la finance du Group Croissance, dont le thème cette année a été consacré au financement de l’agri-tourisme a permis de diagnostiquer les faiblesses de l’agriculture et du tourisme dans la conjoncture actuelle. Les investissements consentis dans le secteur agricole sont des sacrifices consentis par les paysans en particulier. Le secteur reçoit très peu d’investissement du système bancaire haïtien, pour ne pas dire des investissements quasi nuls. Pourtant ce secteur, leader du secteur primaire, avec ses 22.01%[1] du PIB global en 2018, demeure l’un des secteurs-clés de l’économie, pour ne pas dire le secteur-clé. Le choix de la banque centrale d’y accorder plus d’importance  (Circulaire 113) est le meilleur pour sa stratégie pro-croissance et le changement de paradigme prôné par l’actuel Gouverneur, Jean Baden Dubois. En y associant le tourisme, en choisissant le thème : « financer l’agri-Tourrisme en Haïti », vu « de la mer à la montagne » par l’actuelle Titulaire du ministère du tourisme, le Group Croissance a permis de toucher du doigt la plaie de ce secteur touristique sacrifié par nos politiciens.

Pour le tourisme qui bénéficie d’un préjugé favorable en matière de financement du système bancaire, la situation n’est pas meilleure, surtout après l’opération « pays lock », chère à nos politiciens qui voudraient changer le système en bloquant le pays durant plus de 10 jours en février 2019. Le résultat, le tourisme en a pris un sacré coup. C’est un secteur au bord de la faillite, selon Valery Numa, entrepreneur et journaliste.  Richard Buteau est en train de renvoyer le personnel de ses hôtels, faute de clients. Decaméron, Moulin sur Mer, les deux hôtels les plus huppés de la Côte des Arcadins, souvent en proie à des actes de banditisme, fonctionnent au ralenti. Combien de temps, ils vont pouvoir tenir ? 

Est-ce que nos hommes politiques ont pensé réellement au pays, en lançant des manifestations violentes, en faisant des déclarations incendiaires, en encourageant pratiquement les bandits à mettre le pays à feu et à sang sous prétexte de vouloir changer le système, de faire le procès petrocaribe, d’améliorer les conditions de vie des haïtiens, mais en réalité pour pousser l’autre dehors et prendre sa place tout en profitant du système (ôte-toi que je m’y mette) ?  Si l’on en croit les propos de Clarens Renois, qui a lancé le mot d’ordre de grève du 29 Avril 2019, certains politiciens de l’opposition radicale auraient demandé à des casseurs de leur clan de mettre le pays à feu et à sang pour mettre tout cela sur son dos, juste parce qu’il a osé lancer un mot d’ordre de grève contre l’insécurité et sans demander le départ du Président de la République. Si ses propos s’avéraient, pourrait-on faire confiance à ces politiciens qui nous rabâchent les oreilles en nous faisant croire qu’ils aiment le pays et qu’ils veulent changer le système ? Rien n’est moins sûr.


L’insécurité va de paire avec nos politiciens. Ils s’en servent pour accéder au pouvoir et s’y maintenir. En période électorale et de troubles politiques, il y a toujours une montée de l’insécurité. Depuis l’annonce des élections pour 2019, la situation d’insécurité qui a culminé  à partir de 6,7 et 8 juillet 2018, s’est aggravée jusqu’à atteindre le pic d’aujourd’hui, qui a forcé la PNH à sortir le grand jeu (Reprise du Commissariat de Petite Rivière, contrôle de Grand Ravine, neutralisation de Tije). La PNH doit maintenir le cap et mettre hors d’état de nuire tous les bandits et la justice doit sévir contre tous les individus de connivence avec eux, sans parti pris. Que ça soit du pouvoir et/ou de l’opposition, du secteur public et/ou du secteur privé. Haïti a besoin de paix et elle est fatiguée d’enterrer ses fils et filles à cause de nos irresponsabilités. Que cela cesse !!!





[1] BRH Présentation du Gouverneur Jean Baden Dubois à la Semaine de la Finance du Group Croissance Avril 2019.

dimanche 31 mars 2019

LE TEMPS DU DESIR PAR RAPPORT AU TEMPS DE REALISATION DES ACTIONS, LA LECON A RETENIR



LE TEMPS DU DESIR PAR RAPPORT AU TEMPS DE REALISATION DES ACTIONS, LA LECON A RETENIR
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MARS 2019

La France, comme Haïti, confronte des moments très difficiles, avec les gilets jaunes d’un côté et les petrochallengers de l’autre et les tentatives de récupération politique par les extrémistes des deux côtés. D’où les casses enregistrées lors des manifestations de rue dans les deux pays. En effet, E Macron et J. Moïse sont des outsiders arrivés au pouvoir sur la base de promesses électorales assez intéressantes et mêmes innovantes. Ils ont accédé au pouvoir par voie élective aux dépens des politiciens traditionnels en 2017, respectivement en Mai  et Février 2017, en suscitant beaucoup d’espoir chez les habitants  de leur pays respectif. Malheureusement, le temps du désir par rapport au temps de réalisation des promesses ne concorde pas avec l’attente des populations française et haïtienne, qui veulent tout, tout de suite. Ce qui se traduit par une sorte de ras le bol, exploité à merveille par les adversaires/ennemis politiques de ces deux jeunes Présidents.

Macron a mis en place un gouvernement avec un premier ministre. Ensemble, ils font face et Macron propose un débat national  et un ensemble de mesures pour faire face à la crise. Le débat se fait à tous les niveaux. La France est en mode débat.

Moïse sacrifie un premier ministre, Jack Guy Lafontant, compose avec un 2e premier ministre de l’opposition politique modérée, Jean Henry Céant, qu’il a dû renvoyer après un vote de censure de la Chambre basse.  Bien avant les mouvements de l’opposition politique, il avait lancé les états généraux sectoriels de la nation avec un comité de pilotage et un comité technique qui a fait un travail remarquable, malheureusement non exploité à date, l’a prolongé ou l’a remplacé par un comité de dialogue politique inclusif de 7 membres dont un n’a jamais pris siège. Parallèlement, un ensemble de mesures est annoncé mais l’administration n’a pas les moyens de sa politique. Haïti est en mode pré-dialogue avec la présence du M. J. Moïse encore à la tête du pouvoir exécutif, malgré les efforts de l’opposition politique pour l’évincer.

Dans les deux cas, c’est l’impatience des populations qui est mise à l’épreuve. Ce phénomène s’observe dans plusieurs endroits à travers le monde. Les gens veulent tout, tout de suite et présurent leur administration pour des résultats immédiats, oubliant que l’Etat, dans tous les pays du monde, fonctionne à un rythme plutôt lent à partir des moyens disponibles  provenant en majeure partie des taxes et impôts.

La France, qui est un pays industrialisé, un parmi les 7 pays les plus riches de la planète, vit depuis 12 ans avec un déficit budgétaire, donc elle vit à crédit apprend-on lors des séances de débat organisées par l’Elysée. Nous ne connaissons pas le niveau de déficit budgétaire de la France. Par contre, Haïti a connu, selon les économistes, un déficit budgétaire record, autour de 25 milliards de gourdes  pour l’exercice écoulé (2017-2018). Ce déficit continue de s’aggraver au cours de l’exercice 2018-2019. Ce qui a conduit à un taux d’inflation de 16 % en janvier 2019 et de 17% en février 2019. Avec le taux de change de 1 USD pour approximativement 80 HTG, la population haïtienne connait une situation très difficile et explosive qui a expliqué l’explosion sociale des 6,7 et 8 juillet 2018, du 17 octobre 2018, du 18 novembre 2018 et surtout du phénomène «  pays lock » du 6 au 17 février 2019, avec le rapport de la Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratifs (CSC/CA) sur le dossier petrocaribe comme prétexte. Cette explosion sociale a finalement abouti à la mise à pied du PM Céant par la Chambre Basse après un conflit ouvert avec le Président Jovenel Moïse.
Laissons là les éléments de comparaison avec la France et concentrons-nous sur la situation haïtienne caractérisée par toutes sortes d’insécurité découlant de la situation politique/gouvernementale (banditisme politique[1] dans l’ensemble du pays, en particulier Chalon à Miragoâne, Saint Médard/  (Arcahaie), Saint-Marc, Savien (Petite Rivière de l’Artibonite), Mirebalais, Carrefour Milot, etc. l’insécurité sociopolitique (instabilité gouvernementale, changement de premiers ministres, de ministres) , l’insécurité alimentaire (accès difficiles aux produits alimentaires pour environ 40% de la population), l’insécurité économique et financière (incapacité des masses et des couches moyennes à faire face à leurs besoins, appauvrissement lié à l’inflation et au taux de change de la gourde par rapport au dollar) , l’insécurité environnementale (déboisement, fatras, sècheresse, inondation), l’insécurité infrastructurelle (routes bloquées, barricades enflammées, tranchées recouvertes de carton et de terre[2], bâtiments non normés,  manque/absence de bâtiments publics).
Cette situation que nous vivons actuellement en Haïti traduit le ras le bol de la population par rapport aux promesses non tenues par le premier mandataire de la nation, qui, il faut le rappeler, n’a pas cesser de faire des promesses partout il passe à travers le pays, même après son accession à la première magistrature de l’Etat, malgré le diagnostic très sérieux de son premier PM, Jack Guy Lafontant, qui a affirmé avoir trouvé le pays sans le sou. Ce qui aurait dû dissuader le Président de continuer à faire des promesses d’autant que la communauté internationale s’est cantonnée, depuis la prise du pouvoir de M. Moïse, dans une position de « wait and see », pas d’accord avec le gendarme FMI durant toute la première année de la nouvelle administration; au cours de la 2e année (février 2018), un accord très exigeant a été trouvé mais n’a pas suivi de décaissements.
La mise en œuvre partielle de cet accord en juillet a débouché sur les événements de 6,7 et 8 juillet 2018 suite à l’annonce et au retrait de la hausse des cours du carburant, avec toutes les conséquences que l’on sait (Renvoi du PM Jack Guy Lafontant, la rentrée en scène des petrochallengers, les manifestations de rue du 17 octobre 2018 axées en grande partie sur le « changement du système » et la démission du Chef de l’Etat, celles du 18 novembre en grande partie récupérées par l’opposition politique (de bonne guerre) et orientées vers la démission du chef de l’Etat. Il a fallu l’intervention du département d’Etat américain pour sauver l’administration Moïse-Céant.
Après un certain calme en décembre 2018 et en janvier 2019, le rapport de la CSC/CA sur le petrocaribe (31 janvier 2019), l’opération « pays lock » déclenchée par l’opposition politique va mettre en évidence le conflit entre le Président et son PM jusqu’à l’évincement de ce dernier et son remplacement ad intérim  par son ministre de la culture, Jean Michel Lapin, tout de suite après un accord-surprise de 229 M de dollars américains entre l’administration et le FMI, accord gelé après le renvoi du PM Céant. On est donc revenu à la case départ.
Pourquoi avoir choisi d’évincer Céant et déboucher sur le gel de l’accord avec le FMI, avec le WAIT and See de la Communauté Internationale, donc s’enfoncer la tête dans l’eau financièrement, avec le risque de la reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar? C’est à croire qu’il était plus important politiquement pour le président Moïse d’étouffer son PM, qui, selon les rumeurs, aurait été de connivence avec une frange de l’opposition pour évincer le Président.  Si cette information s’avérait, il aurait fallu accuser le PM. En tout cas, la position de M. Jean Charles Moïse, affirmant que le renvoi de Céant favoriserait l’unité au sein de l’opposition politique pour aboutir à la « taboula Rasa » semble confirmer cette connivence du PM avec une frange de l’opposition. Toujours est-il que la politique avait pris le pas sur l’économique. Le Président a donc tranché en renvoyant le PM et en hypothéquant l’accord avec le FMI, ne serait-ce que momentanément.
Le mini-sommet géopolitique avec le Président américain, Donald Trump, et d’autres leaders de la Caraïbe dont le Président Medina de la République Dominicaine, semble le conforter politiquement et pourrait avoir des retombées économiques pour Haïti.  Même si les dossiers petrocaribe et de crimes de La Saline ont l’appui de 104 parlementaires américains qui écrivent au Département d’Etat Américain pour mener une enquête sur ces deux dossiers d’Haïti, ils ont même suggéré d’impliquer la commission inter-américaine des droits de l’homme[3] dans cette enquête. Cette nouvelle a encouragé l’opposition radicale à tabler sur le 29 mars 2019, jour du 32e anniversaire de la Constitution de 1987, pour renverser le Président Moïse. Malheureusement, en dépit des efforts de l’opposition en générale et de l’opposition radicale en particulier, les manifestations de rue n’ont pas fait recette, si l’on se réfère aux manifestations récentes, en particulier l’opération « pays lock ».
 En tout cas, aux Gonaïves, le 29 Mars, mises à part quelques écoles, tout a fonctionné. Toutefois, entre L’Etère et St Marc, il y a eu au moins trois barricades enflammées qui ont perturbé la circulation, jamais trop dense dans ces circonstances.  Sur une échelle plus grande, ces traces de pneus enflammés sur la Nationale No 1, remontant aux événements de 6,7,8 juillet, du 17 octobre, du 18 novembre 2018, et du 6-17 février 2019 (« pays lock »), abiment la Nationale No 1, et ces traces de pneus risquent d’abimer davantage les principales artères du pays à la prochaine saison pluvieuse. D’où la nécessité pour l’Etat de procéder à la réparation de ces traces de pneus, conséquences de nos turpitudes politiques.
Parlant de politique, le Président a tenté sans succès de rencontrer l’ex-président Aristide. Rappelons que le parti d’Aristide n’a jamais reconnu l’élection de Jovenel Moïse à la présidence. Maryse Narcisse, la candidate malheureuse du Parti, tenait à rappeler cela au grand public. De là à expliquer le refus d’Aristide de rencontrer Jovenel Moïse, il n’y  a qu’un pas. A ce qu’il parait ce refus ne découragerait pas le Président Moïse, qui, même dans l’impasse, n’entend pas abandonner le processus de dialogue, selon Eric Jean Baptiste du RDNP qu’il a rencontré au Palais National[4].
Il est vrai que toutes ces histoires nous ramènent aux multiples promesses non tenues par le candidat et le Président Moïse. Pour être honnête, aux promesses partiellement tenues, car à deux ans d’une présidence de 5 ans, dans un pays sans le sou où tout est prioritaire, et sans l’appui financier de la communauté internationale, il aurait été difficile sinon impossible de les tenir toutes. Toutes les actions identifiées et chiffrées dans les divers documents n’auraient pas dû être présentées comme des promesses au peuple haïtien par le Président Moïse après sa prise de fonction, car le diagnostic de son premier PM était on ne peut plus clair. Comme suggéré dans le document de synthèse des plans d’action départementaux, le budget national n’aurait pas pu financer toutes les actions prévues, il aurait fallu sélectionner les actions les plus urgentes et entreprendre en partie la mise en œuvre de certaines actions[5], tout au moins les initier, en laissant le soin aux gouvernements à venir de les terminer selon le principe même de la continuité de l’Etat.
Dans cet ordre d’idées, la promesse d’électricité 24/24 en 24 mois aurait dû être évitée, même si le travail effectué par l’ANARSE (Autorité Nationale de régulation du secteur énergétique) aurait permis de penser qu’une telle prouesse pourrait se réaliser si tous les moyens étaient disponibles. C’est cette annonce qui, entre autres choses,  a permis à l’opposition de traiter le Président de « menteur », et qui a incité le peuple à le ridiculiser. Alors que cette même annonce sans fixer un délai de 24 mois, aurait enchanté le grand public, car tout le monde sait que sans électricité, le pays ne pourra pas faire ce bond en avant attendu par tous les haïtiens avec impatience.
Si un pays industrialisé comme la France n’arrive pas à concilier le temps du désir par rapport au temps de réalisation, voire pour la petite Haïti, avec son économie maigrichonne. Il serait nécessaire et indispensable pour nos politiciens de ne plus prendre leur désir pour la réalité et d’éviter de promettre ce qu’ils ne peuvent donner sous peine d’être traités de menteurs par la population. La leçon, il faut toujours se donner d’abord les moyens de sa politique.