HAITI : INSECURITE. QUE CELA CESSE !
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2019
Face à la situation d’insécurité globale du pays, la Police Nationale d’Haïti
(PNH), l’une des principales victimes des bandits (pas une semaine sans l’assassinat
d’un policier), a tenté d’appréhender le bandit notoire Anel Joseph dans l’Artibonite,
le jeudi 4 avril 2019. Cette opération s’est soldée par un échec cuisant.
Depuis, les bandits, se sentant réconfortés, ont opté pour des actes
spectaculaires et meurtriers (la prise du commissariat de Petite-Rivière de l’Artibonite
et surtout le dernier en date (le mercredi 24 Avril 2019) : le massacre de
Carrefour Feuille de 8 morts par la bande à Tije). Ce massacre a révolté la
majorité des haïtiens. Clarens Renois a lancé une grève générale pour le 29
avril 2019, très peu suivie, et la PNH a repris le commissariat de Petite
Rivière, occupé Grand-Ravine, le fief de Tije et a neutralisé ce dernier à Delmas 83, le 29
avril 2019. Il était temps.
Durant tout ce mois d’avril 2019, la situation globale du pays s’est
détériorée à tous les points de vue. L’insécurité aidant, le pays fonctionne au
ralenti. L’économie est en chute libre. Le taux de change s’envole (86 HTG pour
1 USD), l’inflation est à 17% sinon plus, la vie devient de plus en plus chère,
les familles haïtiennes de la masse et des couches moyennes sont aux abois, d’autant
que l’Etat n’arrive plus à payer à temps, et, quand bien même il donne quelque
chose, c’est, ces derniers temps, un mois sur deux ou sur trois. Vraiment, c’est
une situation intenable et on ne peut plus explosive.
Jusqu’à présent, on n’a pas encore de Premier Ministre ratifié. Jean
Michel Lapin, le PM nommé est dans le doute, selon un article du Nouvelliste.
Les 8 partis politiques modérés, en négociation avec le Président Jovenel Moïse,
voudraient mettre sur le tapis le poste de premier ministre car ils redoutent
que l’actuel PM nommé ne soit une copie conforme de Jack Guy Lafontant, une
sorte de jouet entre les mains du Président. Ce qui expliquerait l’échec de ces
négociations.
D’un autre côté, le Parlement ne parait pas si pressé de ratifier le PM
Jean Michel Lapin qui y a déjà déposé ses pièces pour analyse. Il a d’autres
chats à fouetter comme la question d’insécurité. Senateur Sénatus est monté au créneau
pour dénoncer les liens, tout au moins téléphoniques, entre le bandit notoire,
Anel Joseph, et le Sénateur de l’Artibonite, Gracia Delva de AYITI AN ACTION (AAA), que ce parti vient de
disgracier. Selon toujours le Sénateur Sénatus, un ex-député de la zone métropolitaine
de Port-au-Prince aurait reçu hebdomadairement 400,000 HTG de la part des bandits,
contrôlant le Marché de Croix-des-Bossales et qu’il aurait approvisionnés en
munitions.
Ces révélations du Sénateur, responsable de la commission Justice et
Sécurité au Sénat, viennent confirmer les rumeurs selon lesquelles la plupart
de nos hommes politiques sont de connivence avec les bandits. L’interview de
Clarens Renois avec Wendell Theodore sur Radio Métropole à l’émission le Point
du 30 Avril 2019 va dans le même sens de l’utilisation de notre jeunesse comme
bandits par la plupart de nos politiciens. Il a qualifié l’arène politique haïtienne
de « jungle » où tous les coups bas sont permis. En poussant l’analyse
un peu plus loin, il a qualifié le pays
de jungle où l’on s’entredéchire à tous les niveaux et dans tous les secteurs
de la vie nationale, la presse, le secteur privé, pour ne pas les citer.
Devant un tel tableau hideux où politique et banditisme s’entremêlent, l’économie
ne peut pas bien se porter. La situation que nous vivons est donc le résultat
de nos turpitudes, en particulier politiques. Nos hommes politiques, dans leur
lutte pour le pouvoir, ont tout simplement sacrifié le pays haïtien. Tous les
secteurs du pays en pâtissent. En particulier les secteurs économique et
social. La reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar
américain nous asphyxie. Couplée à l’inflation, nous n’arrivons pas à manger à
nos faims, l’insécurité alimentaire qui a déjà envahi une bonne partie de la
population frappe très fortement à la porte des couches moyennes, pour la
plupart au bord de la faillite.
La semaine de la finance du Group Croissance, dont le thème cette année
a été consacré au financement de l’agri-tourisme a permis de diagnostiquer les
faiblesses de l’agriculture et du tourisme dans la conjoncture actuelle. Les
investissements consentis dans le secteur agricole sont des sacrifices
consentis par les paysans en particulier. Le secteur reçoit très peu d’investissement
du système bancaire haïtien, pour ne pas dire des investissements quasi nuls.
Pourtant ce secteur, leader du secteur primaire, avec ses 22.01%[1]
du PIB global en 2018, demeure l’un des secteurs-clés de l’économie, pour ne
pas dire le secteur-clé. Le choix de la banque centrale d’y accorder plus d’importance
(Circulaire 113) est le meilleur pour sa
stratégie pro-croissance et le changement de paradigme prôné par l’actuel
Gouverneur, Jean Baden Dubois. En y associant le tourisme, en choisissant le
thème : « financer l’agri-Tourrisme en Haïti », vu « de
la mer à la montagne » par l’actuelle Titulaire du ministère du tourisme,
le Group Croissance a permis de toucher du doigt la plaie de ce secteur touristique
sacrifié par nos politiciens.
Pour le tourisme qui bénéficie d’un préjugé favorable en matière de
financement du système bancaire, la situation n’est pas meilleure, surtout
après l’opération « pays lock », chère à nos politiciens qui
voudraient changer le système en bloquant le pays durant plus de 10 jours en
février 2019. Le résultat, le tourisme en a pris un sacré coup. C’est un
secteur au bord de la faillite, selon Valery Numa, entrepreneur et
journaliste. Richard Buteau est en train
de renvoyer le personnel de ses hôtels, faute de clients. Decaméron, Moulin sur
Mer, les deux hôtels les plus huppés de la Côte des Arcadins, souvent en proie
à des actes de banditisme, fonctionnent au ralenti. Combien de temps, ils vont
pouvoir tenir ?
Est-ce que nos hommes politiques ont pensé réellement au pays, en
lançant des manifestations violentes, en faisant des déclarations incendiaires,
en encourageant pratiquement les bandits à mettre le pays à feu et à sang sous
prétexte de vouloir changer le système, de faire le procès petrocaribe, d’améliorer
les conditions de vie des haïtiens, mais en réalité pour pousser l’autre dehors
et prendre sa place tout en profitant du système (ôte-toi que je m’y mette) ? Si l’on en croit les propos de Clarens
Renois, qui a lancé le mot d’ordre de grève du 29 Avril 2019, certains
politiciens de l’opposition radicale auraient demandé à des casseurs de leur
clan de mettre le pays à feu et à sang pour mettre tout cela sur son dos, juste
parce qu’il a osé lancer un mot d’ordre de grève contre l’insécurité et sans
demander le départ du Président de la République. Si ses propos s’avéraient, pourrait-on
faire confiance à ces politiciens qui nous rabâchent les oreilles en nous
faisant croire qu’ils aiment le pays et qu’ils veulent changer le système ?
Rien n’est moins sûr.
L’insécurité va de paire avec nos politiciens. Ils s’en servent pour
accéder au pouvoir et s’y maintenir. En période électorale et de troubles
politiques, il y a toujours une montée de l’insécurité. Depuis l’annonce des
élections pour 2019, la situation d’insécurité qui a culminé à partir de 6,7 et 8 juillet 2018, s’est
aggravée jusqu’à atteindre le pic d’aujourd’hui, qui a forcé la PNH à sortir le
grand jeu (Reprise du Commissariat de Petite Rivière, contrôle de Grand Ravine,
neutralisation de Tije). La PNH doit maintenir le cap et mettre hors d’état de
nuire tous les bandits et la justice doit sévir contre tous les individus de
connivence avec eux, sans parti pris. Que ça soit du pouvoir et/ou de l’opposition,
du secteur public et/ou du secteur privé. Haïti a besoin de paix et elle est
fatiguée d’enterrer ses fils et filles à cause de nos irresponsabilités. Que
cela cesse !!!
[1] BRH Présentation du Gouverneur Jean Baden Dubois à la Semaine de la
Finance du Group Croissance Avril 2019.
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