HAITI :
DU SPIRITUEL AU CULTUREL ET A L’ECONOMIQUE
JEAN
ROBERT JEAN-NOEL
27 FEVRIER
2013
Le mois de Février
2013 a vu : (i) le Président Obama prononcer son discours sur l’Etat de
l’Union aux USA avec des orientations très claires de politiques internes et
externes pour les 4 prochaines, (ii) le Pape Benoit XVI annoncer sa démission historique au
Vatican, du jamais vu dans l’histoire vaticane moderne, (iii) le pays haïtien
retomber dans son train-train quotidien (yon pa kita yon pa nago) surtout en
politique où l’on n’arrive pas jusqu’à
présent à mettre en place cet énième conseil électoral provisoire en vue de la
réalisation prochaine des élections municipales et sénatoriales,(iv) le
Gouvernement réussir son Carnaval National au Cap-Haïtien (v) M. Ficher, le
Chef a. i de la MINUSTAH, déclarer Haïti n’est pas encore « open for
business », (vi) les Chefs d’Etat et de Gouvernement répliquer, lors du 24e Sommet de la CARICOM et à travers l’un d’entre eux, « Haïti is
open for business » comme en
réponse à Mr Ficher, (vii) le Sénat Haïtien invalider l'exécution de tous les permis d'exploitation déjà signés entre l'Etat Haïtien et les compagnies minières (viii) l'ex-Président Jean Claude DUVALIER, se présenter en personne à la Cour d'Appel de Port-au-Prince, le 28 Février 2013, et répondre aux interrogations de cette cour en présence des journalistes haïtiens et étrangers et des centaines de partisans de l'Ex-Président chantant en dehors de la salle d'audience "maché pran yo Duvalier, kon yo wè Duvalier Kè a yo soté". Lesquels de ces points approfondir et sous quel
titre pour donner une certaine cohérence à l’article de ce mois? En fonction
des trois points retenus, le titre le plus cohérent est « Haïti, du
Spirituel au culturel et à l’économique ». Il sera donc fait (1) un
plaidoyer pour profiter de l’esprit Kita Nago, (2) une analyse du carnaval
décentralisé comme prétexte de développement, (3) un coup d’œil sur le 24e
Sommet de la CARICOM en Haïti. Le texte s’agonisera avec des conclusions
appropriées en relation avec les thématiques traitées et dans l’esprit de KITA
NAGO.
1.
Plaidoyer
pour profiter de l’esprit de KITA NAGO
KITA NAGO était l’événement du mois de
Janvier 2013. La majorité des élites haïtiennes n’ont pas saisi le sens profond
d’un tel phénomène. Certains ont osé dire, dans les coulisses, que KITA NAGO a
eu son succès grâce à la période carnavalesque. Heureusement qu’il existe des
fous comme Kerlens Tilus, Marc- Antoine Noël, comme les invités de Ramasse de
Radio Caraïbes, comme Robert Paret et comme moi au sein de la classe moyenne
pour expliquer le sens de cette énergie positive, de ce symbole de solidarité,
de ce souffle spirituel qui a traversé, durant
les 27 premiers jours de l’année 2013, les masses haïtiennes et, à
travers elles, le peuple haïtien dans son ensemble . Je profite de l’occasion
pour féliciter une fois de plus les initiateurs de KITA NAGO comme Harry
Nicolas, Smoye Noisy, Me Alphonse, Nesmy Manigat, etc qui ont pensé, réalisé et
accompagné le mouvement sur le terrain, ainsi que les CASEC, Maires, les
parlementaires, les Délégués départementaux comme celui de l’Ouest, les
ministres comme celui de l’Agriculture, qui ont favorisé et même porté KITA
NAGO, et aussi le Premier Ministre qui a décoré les initiateurs du mouvement.
Il faut remercier aussi les médias traditionnels ainsi que les gens sur les
medias sociaux comme Facebook, les médias en ligne qui en ont parlé, écrit et
diffusé les images. Et après ?
Je comprends difficilement qu’un
événement, qui a mobilisé autant de représentants d’institutions comme les
Collectivités Territoriales concernées, le Parlement, l’Exécutif, la société
civile et les médias, n’ait pas eu la suite grandiose attendue ou, du moins je
l’espère, pas encore. N’oubliez pas, il n’a pas fallu des millions pour
réaliser un tel exploit, seulement une vision, une bonne stratégie et de la
solidarité à toute épreuve des masses haïtiennes qui ont fait leur cette
initiative et ont décidé de l’amener jusqu’au bout avec une énergie frisant la
possession collective de l’Esprit Positif qui se manifeste toujours en des
moments les plus inattendus chez l’Haïtien. Profitons du momentum. Comme en
1803, faisons de 2013 avec le phénomène KITA NAGO le point de départ pour
lancer la nouvelle Haïti. Relisez SVP mon texte y relatif : http://jrjean-noel.blogspot.com/2013/01/haiti-kita-nago-on-pa-kita-ou-nago-ou.html .
Classe moyenne, faites vous violence, lisez le dernier texte de Marc-Antoine
Noël : http://lesmeilleurstextes.blogspot.com/2013/02/la-classe-moyenne-haitienne-et-le.html .
A noter que cette énergie positive se manifeste aussi durant les périodes
carnavalesques, ce vaste mouvement culturel qui nous prend à la gorge
annuellement et bi-annuellement avec ce gouvernement.
2.
Le
Carnaval National Décentralisé comme prétexte de développement
Du spirituel au culturel il n’y a qu’un
pas. Le Carnaval National des Cayes a été un événement culturel exceptionnel.
Après la trêve port-au-princienne du Carnaval des fleurs de juillet 2012, le
cap carnavalesque de 2013 a été mis par le Gouvernement sur le Cap-Haïtien. Du
Sud au Nord du pays, le même parcours que KITA NAGO, simple coïncidence ou
connexion spirituelle ? En tout cas, même annoncée tardivement, cette
initiative de réaliser le carnaval décentralisé au Cap cette fois-ci a permis
de mettre les bouchées doubles pour améliorer la route Gonaïves-Cap-Haïtien (100
km) en un temps record, de réparer les rues du Cap-Haïtien, de réaliser des
travaux d’infrastructures au Cap et dans la zone du Nord, plusieurs tronçons de
route dont celui de Cap-Labadie, Milot, pour ne citer que ceux-là, ont été
améliorés, réparés, réhabilités et/ou construits. Il en a été de même pour le
réseau électrique. Tout a été fait pour la réussite de cet événement culturel.
Même le Ministère de l’Agriculture s’est mis de la partie de manière différente
cette année, en favorisant la disponibilité, durant la période de cet événement
culturel, de produits agricoles frais pour approvisionner les hôtels, la
population capoise qui a reçu beaucoup de visiteurs à résidence dans les
maisons familiales à cause du manque de structures hôtelières pour recevoir
autant de personnes en même temps.
Un succès non « aloral » et le cap sur Gonaïves
Quant au carnaval lui-même, c’était
globalement un succès. On peut déplorer certaines imperfections et certaines
décisions du Pouvoir vis-à-vis de certains groupes. Toutefois, on ne peut pas
dire que ce carnaval a été « aloral » comme cette meringue si
populaire qui n’a pu défiler et qui a fait couler beaucoup de salive. En termes
d’organisation, c’était bon, mais il faudra encore
améliorer : « Cent fois sur le métier, remettez votre
ouvrage » disait l’autre. En tout cas, la nouvelle ministre de la culture
n’a pas attendu le dernier moment pour annoncer le lieu du prochain événement
culturel carnavalesque, le cap est mis sur Gonaïves, dans l’Artibonite, au centre du pays, avec la réalisation du
carnaval des fleurs à Port-au-Prince dans l’Ouest comme d’habitude en Eté
prochain.
Le carnaval 2014 comme prétexte pour améliorer le développement des
Gonaïves
C’est l’occasion pour cette ville aux
grands boulevards comme Descahos, Avenue des Dattes, avenue de Bienac, aux rues
très larges surtout au centre ville, aux infrastructures urbaines fraichement
réhabilitées ou en en cours de réhabilitation avec la firme Estrella, de
déposer son cahier de charge auprès du Gouvernement MARTELLY-LAMOTHE, en
utilisant le carnaval 2014 comme prétexte pour améliorer son développement. La
ville de l’Indépendance a certes beaucoup bénéficié de l’Etat (Alexandre,
Préval et Martelly). Sur un dossier de 941 M USD concernant le transport,
l’agriculture et l’environnement, ce qui est réalisé jusqu’ici ne représente
pas 50% des fonds prévus : http://jrjean-noel.blogspot.com/2009/06/haiti-gonaives-des-solutions-la-mesure.html.
La rivière La Quinte est recalibrée pour véhiculer plus de 1000 m3 /s
en cas de crues normales ; les ponts à Mapou et à Gaudin sont recalibrés en
conséquence et reconstruits ; le drainage urbain a été repris ; les
rues sont réhabilités ou en phase de l’être ; les travaux de protection de
l’environnement sont en cours dans le cadre du Projet PIA sur une partie du
vaste Bassin Versant de La Quinte (70,000 ha), les travaux d’irrigation aussi.
Quelques éléments du cahier de charge des Gonaïves
Mais on est encore très loin de ce qui a
été projeté. Il faudra (i) consolider la berge droite de La Quinte pour
protéger la ville en cas de crues exceptionnelles, (ii) reprendre le passage à
gué qui mène à Souvenance, haut lieu du
Vodou, (ii) améliorer la berge gauche en
la décalant de la berge droite d’au moins 1 m pour favoriser l’évacuation des
surplus d’eau sur Savane Désolée (Zone
tampon) en cas de cyclones de la
dimension de Jeanne et d’Annah qui ont favorisé l’inondation de la ville en
2004 et en 2008, (iii) favoriser la circulation des surplus d'eau des deux cotés de
la route nationale au niveau de la Savane Désolée (risque de rupture de la digue
que constitue le corps de chaussée de la Nationale No 1), (iv) prolonger jusqu’à la mer le travail
d’élargissement de La Quinte (si non risque d’inondation de Raboteau et des
marais salants), (v) draguer la mer au niveau du Quai des Gonaïves, (vi) récupérer
l’ancien Quai de SEDREN susceptible de recevoir les bateaux de fort tonnage,
(vii) recalibrer et revêtir totalement les drains de ceinture de Biénac et de l’ODPG
pour canaliser les surplus d’eau qui pourraient s’échapper de la rivière La
Quinte, (viii) Réhabiliter les systèmes d’irrigations qui arrosent la basse
plaine des Gonaïves (2500 ha) et la plaine de Bayonnais (3000 ha), (ix)
Réhabiliter les routes internes et les routes vers les villes environnantes
pour mieux accéder aux plages à l’Ouest de la ville et pour éviter l’isolement de
la ville en cas d’inondation comme par le passé , (x) accélérer les travaux au
niveau des sous-bassins ayant une incidence directe sur la ville des Gonaïves. Cet
événement culturel de 2014 pourrait servir de base pour relancer l’économie de la
zone.
Parlons maintenant de la communauté économique de la Caraïbe, plus connue sous le nom de CARICOM, en particulier du 24e sommet qui a eu lieu en Haïti.
Parlons maintenant de la communauté économique de la Caraïbe, plus connue sous le nom de CARICOM, en particulier du 24e sommet qui a eu lieu en Haïti.
3. Le 24e sommet de la CARICOM
en Haïti.
Du lundi 18 au mardi 19 février 2013,
à Port-au-Prince, 11 chefs d’Etat et de gouvernement et une centaine de
délégués ont participé au 24e sommet de la CARICOM en Haïti, qui
assure la présidence tournante de la communauté caribéenne depuis janvier 2013. Le président Michel Martelly a procédé
ce lundi à l’ouverture du 24e Sommet de la CARICOM, à Port-au-Prince. Le chef
de l’Etat a dit souhaiter que ce sera l’occasion pour les pays de la région, de
délibérer sur des problèmes cruciaux, notamment celui de la circulation des
biens et des personnes. Les discussions porteront
notamment sur la stabilité financière, la stratégie commerciale, le
renforcement de la lutte contre la criminalité au sein de la CARICOM et
l’introduction du français comme langue officielle et de travail de l’organisation.
Le Président a déclaré : « Aujourd’hui Haïti doit être perçue et traitée comme une opportunité
pour la région. Nous représentons un marché de 10 millions d’habitants,
des atouts naturels insoupçonnables et un riche patrimoine culturel qui peuvent
fournir une contribution à la santé de nos économies ». Pour cela, selon le
Président, « les échanges commerciaux intercommunautaires n’arriveront pas à
atteindre un niveau de croissance acceptable » sans la libre circulation des concitoyens haïtiens dans la communauté de la Caraïbe.
D’où la nécessité pour l’économie
haïtienne d’être soutenue par des investissements productifs, de se mettre en
règle avec le régime communautaire par l’harmonisation des lois nationales aux
normes communautaires, de lutter contre la criminalité transnationale et le
trafic de la drogue organisé qui
constituent également un handicap au développement durable et de
s’unir dans le cadre d’un renforcement de la coopération pour contrer les malfaiteurs
qui n’hésitent pas à mettre en péril le système économique haïtien en créant
des perturbations politiques dans le pays. Le Président Martelly a profité du
24e Sommet pour, selon le Journal le Matin,
« faire un plaidoyer en faveur du financement des actions visant à
résoudre les problèmes environnementaux auxquels sont confrontés les petits
pays et ceux de la CARICOM en particulier. Aussi, fait-il remarquer que le
caractère urgent que revêtent les actions pour atténuer les risques dans ce
secteur. La désignation de l’année 2013 comme année de l’environnement en Haïti
traduirait ses inquiétudes et sa volonté de voir atterrir des programmes pour
réduire la vulnérabilité. » Plus loin, selon le Matin : « Haïti doit profiter pleinement de son intégration dans la CARICOM », a
martelé le Président, qui a mis l’accent sur l’énorme potentiel d’Haïti, en ce
qui a trait à l’agriculture, notamment dans la production des légumineuses et
l’artisanat qui constituent une spécialité nationale.
Selon le Secrétaire Général de la
CARICOM, Irwin Larocque : « la force et la résilience du peuple
haïtien sont une source d’inspiration qui nous encourage d’aller vers l’avant
dans les 4 prochaines années ».Et le Premier ministre de Sainte Lucie, Kenny
Davis Anthony, d’ajouter à propos de l’indépendance haïtienne : «Sans la
liberté haïtienne, nous ne serions pas libres».
Comme il est de mise en de pareils
cas, le 24e Sommet s’est soldé par une déclaration finale où il est
consigné l’ensemble des points discutés durant le sommet qui s’est réalisé avec
la participation du Ministre de la justice des USA. Ce qui n’est pas une mince
affaire si on le regarde sous l’angle de la sécurité régionale et de la lutte
contre le trafic de la drogue, et pourquoi pas du contrôle politique et
économique de ce petit marché certes, mais oh combien important en
nombre (OEA,ONU)?
En guise de conclusion, Haïti a été en avance sur le monde
par sa révolution anti-esclavagiste réussie en 1804. Le monde esclavagiste de l’époque
ne le lui avait pas pardonné. Elle a durement payé le pot cassé d’une telle
initiative, au point de se retrouver aujourd’hui en queue du classement mondial
en tout. Nous nous sommes enfermés dans notre attitude défaitiste (yon pa kita,
yon pa nago) depuis le parricide commis par la plupart d’entre nous. Nous nous
enfonçons dans notre subconscient encouragés par les autres et par nous-mêmes à
répéter et agir selon le concept « depi nan Guinen, neg ap trayi
neg ». Nous nous en faisons un mode de vie qui se conjugue au quotidien.
Malgré notre devise « Union fait la force », nous préférons mille
fois agir de manière individuelle et souvent clanique au détriment de la
collectivité, et ce, malgré les leçons tirées de la lutte pour
l’indépendance qui continuent d’inspirer
les autres mais pas nous. A partir du phénomène KITA NAGO, des périodes
carnavalesques, de Rara, nous nous retrouvons comme par enchantement. Ces
phénomènes spirituel et culturel expriment notre vraie nature, mettent en
exergue cette solidarité collective, ce bouillon culturel, cette spiritualité
qui s’empare de la collectivité haïtienne à chaque fois et qui retombe en
sommeil au fond de nous jusqu’à la prochaine occasion. Profitons-en pour jeter
les bases de notre développement humain, socio-culturel, environnemental,
infrastructurel, économique et politique. N’est-ce pas le moment pour Haïti,
avec l’esprit KITANAGO, de passer du spirituel au culturel et à
l’économique ? C’est le chemin à suivre pour notre développement. C’est
notre chemin de salut! Que Dieu nous vienne en aide!!!
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