HAITI, DE BETISE
POLITIQUE EN BETISE POLITIQUE, IL FAUT SORTIR DE L’IMPASSE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
27 OCTOBRE 2013
Aux USA, notre grand voisin du Nord, c’est
le « shutdown » lié à un accord entre démocrates et républicains sur
le budget et sur le rehaussement du plafond de la dette. Selon le journal, Le
Point, « Au terme d'un
psychodrame de trois semaines, les Etats-Unis ont finalement trouvé un accord
budgétaire qui permet la réouverture des administrations fédérales et évite le
défaut de paiement en rehaussant le plafond de la dette » (Réf. http://www.lepoint.fr/editos-du-point/nicolas-baverez/le-shutdown-permanent-24-10-2013-1747508_73.php). Cette crise, temporairement résolue, a
un coût économique important. En effet, « Sur le plan économique, le coût
de la fermeture des administrations fédérales est estimé à 24 milliards
USD ». Sur le plan politique, la crise a affaibli les deux camps, les
républicains un peu plus. Le 15 janvier 2014 et le 7 février 2014, qu’est-ce
qui se passera aux USA ? Car la solution trouvée n’est que temporaire.
Mais ils l’ont trouvée.
En Haïti, pas de solution. On a
reconduit le budget 2012-2013. On n’a pas senti une préoccupation sérieuse de
la part des protagonistes pour négocier le budget 2013-2014. L’année passée, à pareille époque, c’étaient les catastrophes naturelles
(Isaac et Sandy). Cette année, c’est l’instabilité politique. Ce sont les deux
maux qui rongent le pays. La situation politique semble se compliquer. La douane est en grève. La vie de Jean Mona Metellus, l'animateur vedette de RANMASE, serait menacée, selon le Ministère de la Justice. L’opposition
se radicalise et se positionne de plus en plus pour le départ du Président
Martelly l’accusant de tous les maux de la terre et organisant des manifestations
anti-pouvoir Martelly. Beaucoup de gens parmi les plus sensés commencent à se
rallier, en silence, à cette vision de
mise à pied du chef de l’Etat. Acculé, ce dernier a mis en place toute
une stratégie de rencontres individuelles des partis politiques et des hommes
politiques. Le 17 octobre 2013, il a lancé un appel au « dialogue » tout
en profitant de ses visites de terrain pour des manifestations pro-martellistes
pour montrer sa popularité.
En fait, quel est le problème ?
Tout a commencé avec une non
acceptation de la plupart des bien-pensants du personnage Martelly, un chanteur
devenu président, un « vagabond »,
et avec une incompréhension de ce dernier
du système politique haïtien et des limites du rôle et des responsabilités d’un
président sous l’’egide de la Constitution de 1987. Le Président est élu avec
seulement 3 parlementaires. Il n’a pas su composer avec le Parlement qui était dominé
par l’INITE (Réf.
http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/04/inite-et-martelly-ou-le-changement-dans.html ). Le Sénateur Moïse
Jean-Charles, qui avait ses entrées au Palais sous la présidence du président
Préval, avait voulu rencontrer le Président au Palais sans prendre rendez-vous.
Le Président avait mal géré ce malentendu. D’où une inimitié sans borne du
Sénateur vis-à-vis du Président. Depuis, le Sénateur a tout tenté pour
renverser le Président (l’accusant de posséder une autre nationalité, les manifestations
anti-Martelly, etc.). Par la suite, la presse, qui n’était pas trop en odeur de
sainteté avec le Président depuis la campagne électorale, a profité d’un écart
de langage de ce dernier pour en faire une carte marquée. Le plus grave des
actes posés par l’administration Martelly demeure jusqu’à date l’arrestation du
Député Bélizaire. Ce qui lui a valu une menace de mise en accusation par la
Haute Cour de justice (Réf.http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/11/et-si-lexecutif-et-le-parlement-se.html). Toujours est-il, le
Président Martelly a pu construire une majorité fragile pour faire passer ses
deux premiers ministres (Conille et Lamothe après l’échec de Rouzier et de
Gousse). Depuis lors, et surtout après le départ de Latortue et de Lambert du
Sénat, « les dinosaures » selon le mot de Daly Valet, la situation
entre le Parlement et l’Exécutif ne s’est jamais vraiment éclaircie jusqu’à
cette radicalisation constatée ces derniers mois, et ce, malgré leur présence
comme conseillers politiques du Président Martelly.
Jusqu’en juillet 2013, pour l’opposition,
il était question d’ « élection ou démission ». En effet, l’opposition
prêtait au Président l’intention de ne pas vouloir organiser les élections
sénatoriales et des collectivités territoriales en 2013 alors que ces élections
auraient du s’organiser en 2011 (?). Depuis le mois de septembre, l’observateur
averti sent une pourriture de la situation politique basée sur l’intention
prêtée au Président de déclarer la caducité du Parlement le 2e lundi
de janvier 2014. Ce qui a poussé un groupe de la Société civile (Réf. Le
Nouvelliste du 16 octobre 2013 : « Pour le respect de nos acquis
démocratiques et constitutionnels ») et non des moindres à prendre position
contre une pareille éventualité en se basant sur des interprétations de la loi
électorale de 2008 par d’éminents juristes consultés par ce groupe. Et le 17
Octobre, parallèlement aux diverses manifestations officielles entourant cette
date, l’opposition a organisé deux grandes manifestations, au Cap et à
Port-au-Prince, pour demander la démission du Chef de l’Etat. Me André Michel,
jusque-là fugitif, s’est fait acclamer au Cap comme une sorte de défi au
pourvoir du Président Martelly. C’est du « sérieux » a déclaré l’un de
nos meilleurs analystes pour qualifier les deux manifestations de l’opposition.
La « Religion pour la Paix »,
qui a sorti le Président du pétrin de la double nationalité (accusation du
Sénateur Moïse JEAN-CHARLES), est venue une fois de plus à la rescousse pour
éviter une aggravation de la situation politique, en favorisant une rencontre entre le Président de la République et les
Présidents de la Chambre basse et du Sénat. Il faut rappeler que le Sénateur
William Jeanty des Nippes avait déjà averti lors de la résolution prise par les
Sénateurs pour prolonger le mandat de la plupart d’entre eux jusqu’en 2015 qu’il
aurait fallu une entente sur la question avec l’exécutif. Il a fait abstention
lors de ce vote de ses paires. Actuellement, ce qu’il a prôné est en train d’être
mis en œuvre par la « Religion pour la Paix ». Comme quoi, il faut
toujours arriver à des limites extrêmes avant de sentir la nécessité de faire
quelque chose (le déchoucage le plus souvent, l’entente très rarement).
De bêtise politique en bêtise politique
En tout cas, la situation s’est
aggravée avec l’arrestation « en violation flagrante de la constitution »
de Me André Michel, selon l’opposition, qui a valu au pays une journée de
manifestation anti-gouvernementale, et sa libération forcée par un groupe de
parlementaires qui le soustrait « des griffes de l'arbitraire ».
Radio Métropole en fait un compte rendu détaillé (Réf. http://metropolehaiti.com/metropole/full_poli_fr.php?id=22845).
Et l’administration Martelly-Lamothe voit dans cet
acte des Sénateurs «de dérives sans précédent dans l’histoire haïtienne ».
L’acte des Sénateurs est avant tout politique, ce sont des amis politiques qui
viennent à la rescousse d’un ami en difficulté, a expliqué un analyste
politique. Si ce raisonnement est correct, tout est donc politique depuis le
début, l’accusation contre la femme du Président et son fils par les deux
jeunes avocats opposants politiques farouches au régime Martelly, la mort du
juge Joseph, juge d’instruction constitué sur cette affaire, l’accusation du
juge Belizaire contre André Michel et consorts, l’arrestation et la libération
de ce dernier dans les conditions que l’on sait. Ainsi, de bêtise
politique en bêtise politique, nous allons droit dans le mur et tête baissée en
plus. La démission (le déchoucaje) du Président gagne de plus en plus de
terrain par rapport aux élections. Et, à la fin, c’est le pays qui en paie le
pot cassé (taux de croissance faible, manque d’investissement, manque d’emplois,
manque de développement). Le gouvernement américain par la voix de Joe Biden,
dans une conversation téléphonique avec le Président Martelly, le mercredi 23
octobre 2013, semble opter pour le maintien du Parlement et les élections
contrairement aux protagonistes haïtiens.
Que faire pour sortir de l’impasse ?
Dans son
discours du 17 octobre 2013, le Président de la République a fait appel à un « dialogue
fécond et constructif pour la défense des valeurs et des intérêts partagés ».
Plus loin « Je tends une main fraternelle à tous mes concitoyens afin que
nous communions dans l’amour d’Haïti ». Quand on entend les discours de l’opposition,
c’est l’amour du pays qui est mis en avant aussi. Sur le plan du discours, c’est
donc Haïti d’abord et avant tout. En ce sens, il est possible de trouver un
consensus minimum pour sauver ce qui peut être encore sauvé, en mettant de coté nos
intérêts mesquins et de clans, et en mettant l’emphase sur l’intérêt du pays,
le seul vrai intérêt pour lequel on devrait se battre politiquement, surtout
avec ce qui se passe en République Dominicaine (décision de la Cour
Constitutionnelle dominicaine : http://www.jrjean-noel.blogspot.com/2013/09/haiti-la-tourmente-politique-et-savane.html).
En tant
que citoyen responsable, aimant charnellement mon pays et ayant de très mauvais
souvenirs des périodes de déchoucage, je me permets de faire ces propositions
aux principaux protagonistes de la crise et de l’impasse actuelle :
(i)
L’engagement
ferme du Président de ne pas déclarer caduc le Parlement le 2e lundi de janvier
2014, le plus rapidement que possible (discours à la Nation).
(ii)
La convocation de
la Chambre basse à l’extraordinaire par
le Président pour le vote de la loi électorale dans les mêmes termes que le
Sénat.
(iii)
La reprise du
processus électoral enclenché par le Président du CTCEP à partir du vote de la
loi électorale.
(iv)
L’arrêt de toute
hostilité de l’opposition vis-à-vis du Président, sans exclure une opposition
constructive et critique.
(v)
La poursuite du
dialogue entre l’Exécutif, le Parlement, avec la participation en plus des
partis politiques, de la Société civile et
du Secteur Privé des Affaires
(vi)
La presse
parlée, écrite et télévisée s’engagera, sans contrainte aucune, à travailler
dans le sens d’un apaisement global de la situation, en se concentrant sur des
sujets socio-économiques et environnementaux, juste pour nous donner une chance
de nous en sortir par nous-mêmes et au profit de notre pays, notre mère à tous
et à toutes.
Ainsi, nous sortirons de l’impasse actuelle et
notre pays nous en sera éternellement reconnaissant. C’est peut-être trop nous
demander, nous qui sommes beaucoup plus enclins à nous battre pour des
broutilles du pouvoir qu’à nous entendre en vue de développer notre pays. En
tout cas, cette fois-ci, montrons à tous de quoi nous sommes capables
réellement en tant que dignes héritiers de nos ancêtres ! Je vous en supplie !
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