HAITI :
LA PREMIERE ETAPE FRANCHIE, PLACE AUX MESURES POUR LE DEVELOPPEMENT DE NOTRE
PAYS
JEAN-ROBERT
JEAN-NOEL
31 MARS 2017
Dans notre
dernier article, on attendait le Président J. Moise au tournant. Il a bien négocié avec le
Parlement la ratification de son premier ministre, Dr Jack Guy Lafontant et de
son gouvernement. Très certainement le prix payé pèse lourd dans la balance.
Des inconnus au gouvernement, si l’on fait exception de deux ou trois
cas ; il en est de même pour les directeurs généraux, même si, à ce
niveau, on a beaucoup plus de têtes connues, des anciens ministres et autres.
Par contre, au sein de son cabinet particulier, les conseillers sont tous des
gens connus. Le gouvernement est donc maintenant en place. Tout s’est passé
avec une rapidité étonnante, à la manière de Donald Trump, le président américain.
Tout ceci a pris un mois et quelques jours de négociation avec le Parlement qui
s’est révélé très gourmand en la circonstance. Maintenant, place aux actions et
mesures concrètes pour le développement d’Haïti!
L’agriculture
est la rampe de lancement des missiles de développement de l’Administration
Moïse, tout au moins sur le papier. Dans le budget 2016-2017 de 121.95 Mrds de
gourdes[1] (1.9
Mrds d’USD en septembre 2016), préparé par l’administration Privert et visant
un taux de croissance du PIB de 2.2%, le secteur agricole n’a été crédité que de 7 Mrds de HTG
(5.7% du budget). Il faut rappeler que le taux de croissance de la population
est de 2.5%[2],
donc, avec un tel budget, Haïti ne fait que s’enfoncer dans la pauvreté.
Des
investissements de 20 Mrds d’USD pour les 5 prochaines années (?)
Par
conséquent, la première mesure à adopter par le nouveau gouvernement devrait être la rectification et l’augmentation
du budget, tout en créditant le secteur
agricole de 10% de ce nouveau budget
rectificatif. Quel devrait être le montant de ce budget rectificatif à 6 mois
de la fin de l’exercice 2016-2017? C’est au gouvernement de décider en
fonction des voies et moyens dont il dispose. L’idéal serait de passer à un
budget de 3 Mrds d’USD pour le second semestre, en se donnant les moyens de le
financer et la capacité de l’absorber. Est-ce possible ? La balle est
dans le camp du gouvernement.
En tout cas,
pour les exercices à venir et jusqu’à l’horizon
2022, il faudrait coûte que coûte des investissements atteignant 20 Mrds de
dollars américains au total pour les 5
prochaines années, pour amorcer le développement du pays. « À titre de comparaison, la Jamaïque,
qui a moins de trois millions d’habitants, dispose d’un budget de cinq
milliards de dollars américains; la République dominicaine a un budget de plus
de 10 milliards de dollars pour une population de près de 10 millions
d'habitants. Haïti va dépenser moins de deux milliards de dollars pour ses plus
de 10 millions d’âmes [3]», selon Kesner Pharel, pour l’exercice
en cours. Un budget de 4 milliards de dollars américains par
année pour Haïti, c’est donc le minimum qu’on pourrait se permettre pour être
pris au sérieux.
Parallèlement,
tout en luttant drastiquement contre la corruption et en maintenant un bon
niveau de stabilité, condition sine qua non
pour attirer les investisseurs haïtiens et étrangers, il faudrait :
(i) une politique de population ramenant à 1% la croissance de la population,
avec accent particulier sur la santé, l’eau potable/assainissement et
l’éducation, (ii) une politique économique visant 8 à 12 % de croissance du PIB,
avec accent particulier sur l’agriculture/environnement, l’agro-industrie, le
maillage routier national, l’énergie, le tourisme, (iii) une bonne gouvernance,
avec accent particulier sur la déconcentration administrative, la
décentralisation, le dialogue/la grande concertation nationale et la réforme de
l’Etat et des collectivités territoriales
Le grand sud,
une priorité pour les 5 prochaines années (?)
A côté de ces
mesures, il y a certaines urgences à gérer. L’ouragan Matthew a très
sérieusement heurté le grand sud. La situation, selon un sénateur de la Grande
Anse, est catastrophique et pourrait déboucher sur une grande famine. La
campagne agricole d’Hiver n’a pas été bien planifiée et n’a donc pas donné les
résultats escomptés. A titre d’exemple, l’Agr Pascal Pecos Lundy a soulevé le
cas de Port-à-Piment où la situation est vraiment grave. Il faut donc faire
quelque chose de spécial pour le grand
sud durant la campagne agricole de printemps. Or on est déjà en plein dans la
campagne de Printemps. Et le budget n’est pas encore rectifié. Il faut donc
trouver un mécanisme pour venir au secours du grand sud durant cette campagne,
d’autant que la saison pluvieuse a déjà débuté dans certaines zones du pays.
Dans deux mois, ce sera le début de la saison cyclonique. On sait que la zone
la plus exposée du pays historiquement c’est le grand sud.
Il y a donc
nécessité de lui accorder une attention particulière. Le gouvernement devrait
en faire une priorité pour les 5 prochaines années. Et des instructions
devraient être données à tous les secteurs d’en faire leur priorité durant le
quinquennat ; des moyens devraient être mis à leur disposition ou
canalisés vers cette zone. Dans le cadre d’un budget décentralisé, cette
préoccupation gouvernementale devrait se traduire clairement. De même, le
budget rectifié 2016-2017 devrait en tenir compte.
En 2022, le
grand sud devrait au moins retrouver son niveau d’avant le passage de Matthew.
C’est vital pour le pays et ce sera un indicateur de réussite ou d’échec du
quinquennat de Jovenel Moïse. D’où la nécessité pour l’administration Moïse de
bien gérer ses relations avec la communauté internationale, la principale pourvoyeuse
de fonds en matière de financements du développement (APD ou aide publique au
développement), si l’on fait exception de l’apport de la diaspora
(consommation).
Affirmer la
personnalité d’Haïti sur le plan diplomatique (?), en appliquant la
formule CCI prônée par Jovenel
Après le refus
du Président Jovenel Moïse de renouveler le mandat de Gustavo Gallon comme
expert indépendant de droit de l’homme des Nations Unies pour Haïti, après la
prise de position vigoureuse d’Haïti en faveur du Venezuela et à l’encontre de
l’OEA et des Etats Unis, et après la visite de Michelle Bachelet, la présidente
du Chili, et des promesses de coopération bilatérale, Haïti semble vouloir
affirmer sa personnalité sur le plan diplomatique sans se courber au diktat de
la communauté internationale, tout au moins par rapport à l’évolution de la
situation durant ces deux dernières semaines.
Il faut noter
que, depuis la prestation de serment du Président, le 7 février 2017, il y a
une valse diplomatique qui se joue en Haïti. Tout de suite après son
investiture, il a rencontré les chefs de délégation présents. Par la suite, d’autres
diplomates sont venus ainsi que les représentants des bailleurs de fonds. Quant
aux représentants des bailleurs de fonds évoluant en Haïti, non seulement la
plupart ont déjà rencontré le Président de la République, mais aussi elles font
le tour des ministères et sont prêts à revoir leur portefeuille en fonction des
priorités du gouvernement.
Une fois de
plus, Haïti doit savoir où elle va et l’ensemble des secteurs doivent suivre
les directives du gouvernement pour avoir le même langage ou la même référence
normative interne (RNI). C’est capital pour ne pas tomber dans le piège de
faire ce que les bailleurs nous dictent au lieu de négocier avec eux nos
propres programmes et projets suivant un agenda national ou tout au moins
gouvernemental. Il faut noter que les bailleurs ont la suite dans les idées
contrairement à l’Etat Haïtien qui change de politiques à chaque changement
de ministres. D’où la nécessité d’appliquer la formule proposée par le
Président J. Moïse : « Continuer, corriger et innover » que j’appellerais
« CCI ou cadre de coopération avec l’internationale», en ce qui a
trait à nos relations avec la communauté internationale.
Vers « une
Haïti fière, digne, prospère et souveraine »
Ainsi, si
vraiment l’administration Moïse s’appuyait sur le secteur agricole comme la
locomotive de la croissance en lui dotant d’un budget de 2 Mrds USD
correspondant à 10% du budget du
quinquennat (?), en développant des
politiques publiques susceptibles d’amorcer réellement le développement du pays,
en prenant des mesures pour combattre la corruption et pour stabiliser le pays,
et en appliquant la formule CCI prônée par Jovenel , en particulier dans nos relations avec la communauté
internationale, Il serait possible pour Haïti de réduire sa dépendance alimentaire
vis-à-vis de l’extérieur en 2022 (40% au lieu de 52% actuellement), de se rapprocher des objectifs de développement
durable (ODD) à l’horizon 2030, et de contempler la vision d’un pays émergent à
l’horizon 2040. Cette administration pourrait s’enorgueillir d’avoir fait œuvre
qui vaille et ensemble on dirait, en paraphrasant le Président Jovene Moïse,
que : « Notre génération » a fait « tous les sacrifices
nécessaires pour restituer à ce pays le statut qui est le sien dans le concert
des nations : une Haïti fière, digne, prospère et souveraine [4]».
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