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samedi 30 mai 2009

HAITI : INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET PROJETS

HAITI : INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET PROJETS

Jean Robert JEAN-NOEL

Port-au-Prince, le 22 mai 2009

Cet article sur la corruption constitue le quatrième d’une série qui a démarré en septembre 2007 (réf. Le Nouvelliste : Lutte contre la corruption, nécessité de protection spéciale pour le Président Préval, septembre 2007). Deux autres articles, l’un en novembre 2008 (indice de perceptions de la corruption et toi) et, l’autre en mars 2009, (indice de perceptions de la corruption et institutions, voir www.jrjean-noel.blogspot.com et « Haïti en Marche », avril 2009) ont été consacrés à cette thématique. Ces articles demeurent un véritable plaidoyer pour la lutte anti-corruption et la nécessité d’éviter d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption, sachant que ces perceptions à la base de l’indice sont établies à partir des enquêtes menées surtout auprès de nous-autres Haïtiens. Ce dernier article de la série s’inscrit donc dans la même démarche. Il est écrit aussi à la faveur de la conférence de Washington du 14 avril 2009 où Haïti s’est engagée à mener à bien un certain nombre de programmes d’actions inscrits dans le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), dans le Post Desaster Need Assessment (PDNA) et dans le rapport Collier, à la faveur du discours du 18 mai 2009 du Président de la République, qui incite le pays à se battre pour asseoir son indépendance économique, suite à son indépendance politique acquise de haute lutte en 1804, actuellement fragilisée à cause de la forte dépendance économique du pays par rapport à l’aide externe à hauteur de 60% (2008-2009), et à la faveur de la nomination de Bill Clinton comme « Emissaire Spécial des Nations Unies pour Haïti », en dépit de la présence de la MINUSTHA et du « Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU », Mr Anabi. Car, à mon humble avis, tout ceci a un lien quelconque avec la réputation de corruption d’Haïti, en particulier avec la perspective de réduire au maximum ce fléau dans les projets en relation avec le DSNCRP.

Pour mieux appréhender le phénomène de corruption au sein des projets, essayons de passer en revue les projets à travers le temps en Haïti, en nous basant sur les modes d’exécution qui se sont modifiés au fur et à mesure jusqu’au mode actuel généralisé à travers les unités de coordination de projets (UCP), et cette tendance timide (Banque Mondiale, 2009) à le remplacer par l’appui budgétaire tout en conservant la gestion par résultat à travers des structures permanentes de l’Etat. Mais le phénomène de corruption perçu et/ou réel, qui constitue un obstacle sérieux à la mise en œuvre de cette nouvelle théorie, s’est révélé et se révèle l’une des principales contraintes au développement du pays basé, ces derniers temps, sur l’approche projets et son corollaire la gestion dirigiste et participative de projets.

La gestion de projets par l’Etat

Depuis plus de soixante (60) ans, l’Etat a fait le choix d’opérer par projets. Exécutés dans un premier temps à travers des structures étatiques normales, ministères, directions centrales, les projets vont bien vite se faire à travers des organismes de type ODVA (Organisme de développement de la Vallée de l’Artibonite). C’est ainsi que l’Etat, en référence à l’ODVA, va tenter de réaliser le développement du pays à travers des organismes régionaux de développement, d’où les nombreux OD, ODPG (Organisme de développement de la Plaine des Gonaïves), ODNO (organisme de développement du Nord-Ouest), ODN (Organisme de développement du Nord), et les nombreux DRI, DRIP (développement régional intégré de Petit-Goâve), etc. Parallèlement à ces organismes pratiquement autonomes, on a enregistré aussi des projets qui s’exécutaient à l’intérieur des structures permanentes des ministères dont les choix des Directeurs relevaient généralement des relations politiques, d’amitiés ou de circonstances. Ces projets ont utilisé principalement le mode d’exécution en régie et ont été plutôt dirigistes. Plus de cinquante (50) de projets de développement allaient être dénombrés, en 1999, par Jean André Victor. En dépit des résultats obtenus dans la plupart de ces programmes, on suppose que le phénomène de corruption ait été présent et ait été à la base des cuisants échecs enregistrés dans la plupart des cas. Toujours est-il que l’Etat, durant ces vingt dernières années et sous la pression des bailleurs de fonds (BF), a généralisé l’introduction des approches participatives et des Unités de coordination de projets (UCP) en son sein, en gardant ses prérogatives de choix des Directeurs dans un premier temps, et en acceptant de se courber aux conditionnalités d’appel à la concurrence par la suite.

La gestion des projets à travers des unités placées au sein des structures étatiques

La généralisation des UCP au sein des ministères n’est pas le fait du hasard. Elle résulte des nombreuses conditionnalités imposées à Haïti par les bailleurs de fonds pour respecter les règles de transparence et permettre à ces derniers de contrôler plus strictement les fonds mis à disposition. Parmi les conditionnalités, en plus de la généralisation des UCP et des approches participatives, on a relevé aussi la généralisation des manuels d’opération (MO), des règles de passation de marché, de l’assistance technique obligatoire soit de manière permanente, soit de manière ponctuelle, de quoi exercer un contrôle strict sur la gestion de l’ensemble et drainer une partie des fonds vers l’extérieur. Il faut noter que les UCP se retrouvent aussi au sein des ONG internationales particulièrement. Si au sein des projets de l’Etat, elles sont en général dirigées par les haïtiens, au sein des ONG et agences internationales, elles sont en général administrées par les étrangers avec l’apport bien sur de cadres haïtiens. De plus, elles utilisent principalement le mode d’exécution par appel d’offres (AO). Toutes ces informations sont fournies au grand public pour lui faire comprendre que le contrôle de la corruption au sein des projets n’est pas exclusivement une affaire haïtienne. Que le projet s’exécute au sein des structures étatiques, des ONG et/ou agences internationales, il est astreint aux mêmes règles de transparence. Alors pourquoi cette perception de corruption au sein des projets, surtout ceux exécutés par l’Etat ? Avant de tenter une explication par rapport à cette perception globale, attardons nous un peu sur les projets dans le DSNCRP.

Les projets en cours dans le cadre du DSNCRP

Les 1060 projets actuellement en cours dans le DSNCRP incluent les projets exécutés au sein des structures étatiques et les projets exécutés par les ONG et agences internationales. Ils s’exécutent pour la grande majorité par les UCP et, en terme pilote, on prévoit d’en réaliser à travers des structures étatiques avec une approche appui budgétaire et la gestion par résultats. Ils sont regroupés en six (6) programmes par le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) dans le cadre d’un « plan d’investissements prioritaires du DSNCRP ». Les six programmes (Mai 2009) se déclinent comme suit :

(i) le programme d’infrastructures économiques (route, électricité, aéroport, agriculture, environnement, tourisme, commerce, industrie) regroupant 191 projets totatilisant 39 milliards de gourdes haïtiennes (39 Mrds de GHT) ;

(ii) le programme d’infrastructures sociales (éducation, santé, communication, sport) regroupant 96 projets totatilisant 4.8 Mrds de GHT ;

(iii) le programme d’infrastructures administratives (administrations centrale et territoriale) regroupant 72 projets totatilisant 2.9 Mrds de GHT ;

(iv) le programme de renforcement et de fonctionnement de l’Etat ( appui à l’investissement, aménagement du territoire, développement urbain, appui à l’Etat, mise en place de structures administratives, protection sociale, équipements, formation, encadrement et appui aux groupements et associations, études de plans, de programmes et projets) regroupant 649 projets totatilisant 72.26 Mrds de GHT ;

(v) le programme d’appui direct à la production (intensification agricole, appui à la production, transformation et commercialisation des produits agricoles, appui au développement économique des filières, et transfert de technologie) regroupant 82 projets totatilisant 5.1 Mrds de GHT, et

(vi) le programme de reconstruction de l’économie haïtienne (interventions spécifiques et urgentes, réparation des dommages causés par les intempéries, ressources nécessaires à la restauration des services de base à la population) regroupant 58 projets totatilisant 48.7 Mrds de GHT.

Ces programmes totalisent 172.75 Mrds de GHT ou 4.32 Mrds de USD, ce qui dépasse le montant prévu (3.86 Mrds USD) pour la mise en œuvre du DSNCRP originel, très certainement à causes des actions liées aux intempéries qui y sont incluses. Une fois mis au courant de ces informations, les gens du grand public, qui ne peuvent que très partiellement vérifier les résultats de ces investissements, ont tendance à verser dans des commentaires négatifs, parce que ne sentant pas les effets directs de ces investissements sur eux-mêmes et, de plus, parce que encouragés par la plupart des élites politiques, économiques et intellectuelles, qui se révèlent, le plus souvent, irresponsables en la matière.

La perception de la corruption du public par rapport aux projets

Cette perception négative du grand public finit par nuire à l’image du pays. Encouragée par nos élites qui ont pris cette mauvaise habitude d’accusation sans preuve, la perception du grand public par rapport aux projets n’est pas fondée. Le niveau de corruption dans les projets est forcément faible, surtout dans les projets dits durables financés par la communauté internationale (CI). Ces projets subissent les contre coups des projets d’urgence où, en général, le niveau de corruption est plus élevé, à cause de la gestion de l’urgence en tant que telle, de la faiblesse des dossiers d’exécution, du manque de contrôle et de supervision, de l’allègement des procédures d’octroi des marchés. Cette perception est due aussi au manque de communication et de transparence dans les projets principalement. L’information politique prédomine dans tous les pays du monde ; mais, en Haïti, on est littéralement submergé d’informations politiques. Depuis le départ de Mario Dupuy, on a comme l’impression que le pays souffre du « syndrome de Mario Dupuy ». Les gouvernements, qui se sont succédé au pouvoir depuis le 29 février 2004, souffrent d’un criant déficit de communication. Ils n’osent pas parler de leurs réalisations et encore moins des réalisations des agences et ONG internationales qui n’interviennent en Haïti qu’avec l’aval de l’Etat et en regard des accords signés entre l’Etat et la communauté internationale. Le grand public a tendance à dissocier les actions de l’Etat par rapport aux actions des ONG qui sont généralement bien perçues. Or les actions sont, en principe, complémentaires et s’exécutent dans un cadre défini par l’Etat, en l’occurrence, le DSNCRP. Un seul exemple suffit à illustrer cette perception, le PRODEP. En effet, le PRODEP est un projet de l’Etat financé par la Banque Mondiale (BM) à travers le Bureau de Monétisation, mais exécuté par le CECI et la PADF. Pour le grand public, c’est un bon projet du CECI ou de la PADF où le phénomène de corruption est très, très faible, car impliquant directement les populations concernées dans la gestion directe des fonds. La réalité au sein de ce programme est travestie parce que les gens ignorent le contrôle exercé par l’Etat et le bailleur, en l’occurrence la BM, et le perçoivent comme un projet non étatique.

La réalité au sein des projets et le contrôle exercé par l’Etat et les bailleurs de fonds

Il est clair que la perception du grand public par rapport au phénomène de corruption au sein des projets est erronée. En effet, dans les projets dits durables, les règles de transparence sont suffisamment rigides pour tordre le cou aux velléités de corruption. Les nombreuses procédures en vigueur, les nombreuses conditionnalités de départ, le contrôle interne et externe, la supervision, sont autant d’éléments non à la portée du grand public et qui réduisent le phénomène de corruption au sein des projets. L’Etat et les BF se sont mis d’accord pour exercer un contrôle strict des fonds mis à disposition des projets, et les UCP ont pour obligation de se faire auditer chaque année et d’exercer un contrôle interne journalier des fonds mis à leur disposition. A noter que les fonds sont débloqués au fur et à mesure de l’état d’avancement des activités et après soumission et vérification des pièces justificatives, mais jamais d’un seul coup comme on a tendance à le croire. Ce qui est ignoré du grand public.

La nécessité d’éviter d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption par ignorance

Il faut noter qu’actuellement toute l’ossature du développement d’Haïti se base sur le DSNCRP avec les 1060 projets qui totalisent 4.32 milliards d’USD et qui s’exécutent essentiellement à travers les UCP. Le passage à l’appui budgétaire pour l’exécution des actions à travers les structures permanentes de l’Etat avec en prime le renforcement de celui-ci n’est pas pour demain, justement à cause de la persistance de cette perception négative liée à la corruption. A partir de ces considérations, il est du devoir des institutions, des citoyens informés et des responsables de projets d’expliquer, encore et toujours, au grand public les mesures en vigueur pour combattre la corruption au sein des projets. Car c’est à ces personnes du grand public qu’on s’adresse quand on veut mener des sondages pour établir l’indice de perceptions de la corruption en Haïti. Il est donc de la responsabilité des élites de ce pays, qui est nôtre, et surtout de la Presse d’éviter de colporter des informations non vérifiées et susceptibles de nuire à l’image de notre pays et de chaque Haïtien en particulier. En agissant ainsi, nous contribuons tous à offrir une meilleure image de nous-mêmes et de notre chère Haïti. Agir mal par ignorance est pardonnable, agir mal en connaissance de cause est malhonnête donc condamnable !

vendredi 17 avril 2009

HAITI : DU G20 A LA CONFERENCE DES BAILLEURS DE WASHINGTON, RESULTATS (324 M USD) ET PERSPECTIVES.

HAITI : DU G20 A LA CONFERENCE DES BAILLEURS DE WASHINGTON, RESULTATS (324 M USD) ET PERSPECTIVES.

Jean Robert JEAN-NOEL

16 avril 09

Le capitalisme est en crise. La mondialisation aussi. Cette « mondialisation, qui, selon Raymond Barre, ne signifie pas autre chose que la compétition généralisée ». Qui dit compétition dit recherche du profit maximum au détriment de tout le reste, surtout au détriment de l’homme et de la nature. L’exploitation outrancière par cette forme de mondialisation de ces deux ressources naturelles a conduit au carrefour d’aujourd’hui qualifié de « crise totale » par Mohamed BELAALI . Face à cette situation désastreuse, caractérisée par la désorientation des places financières, la panique des institutions, la baisse du profit et de la croissance, la hausse du chômage et de la misère, le saccage de la nature et la menace d’extinction de l’espèce humaine , les Grands de ce monde, principaux bénéficiaires de cette mondialisation, ont décidé d’élargir le G7 au G20. C’est ainsi qu’en novembre 2008, à Washington, eut lieu la première réunion du G20 avec un Président américain sortant, Mr Georges Bush. Et la deuxième rencontre de ce G20 a été fixée pour le 2 avril 2009, à Londres. Elle a bien eu lieu mais, cette fois-ci, avec panache, essentiellement à cause de la présence du nouveau Président des USA, Mr Barack Hussein Obama, le grand communicateur qui veut promouvoir une nouvelle image de l’Amérique et qui a qualifié de « tournant » cet évènement, auquel propos le Président Français, Mr Nicolas Sarkozy, a précisé qu’ « une page du capitalisme a été tournée, à Londres ».
Alors, qu’en est-il exactement ? Et en quoi ce G20 intéresse-t-il la pauvre Haïti, le Pays le plus pauvre de l’Hémisphère occidental ? Justement essayons de répondre à ces interrogations, en nous basant sur le communiqué final de la rencontre du G20, en passant en revue les diverses conférences des bailleurs de fonds sur Haïti et leurs résultats, en analysant les attentes du Gouvernement Haïtien par rapport à cette énième conférence, et en dégageant certaines perspectives qui pourraient contribuant au développement durable de notre pays.

Les solutions proposées par le G20 de Londres face à la crise financière mondiale.
Les solutions proposées sont consignées dans le communiqué final signé par les chefs d’Etat et de Gouvernement. C’est un document assez long avec 29 points d’engagement. Nous n’allons pas nous attarder sur l’ensemble du document mais sur certains aspects jugés en relation avec les pays pauvres comme Haïti. Tout en ayant à l’esprit le cas d’Haïti comme pays pauvre, parlons un peu du G20 et les solutions proposées en relation directe avec la crise financière.


Le G20 de Londres et les solutions envisagées
Le G20, ci-devant le G7, est le groupe des 20 pays les plus industrialisés qui partagent « 90% de la richesse mondiale ». Ils se répartissent sur l’ensemble de la planète : L’Europe en compte six (6), l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume Uni, l’Union Européenne et le Russie ; l’Amérique cinq (5) : les USA, le Canada, le Mexique, le Brésil et l’Argentine; l’Asie sept (7) : la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite et la Turquie ; l’Afrique un (1) :l’Afrique du Sud, et l’Océanie un(1) : l’Australie. Ce sont ces pays qui se sont penchés, ce 2 avril, à Londres, sur la situation de crise financière mondiale créée par la plupart d’entre eux, en particulier les USA, mais qui ont accepté collectivement de s’engager à la résoudre à partir de ce communiqué, cette déclaration d’intention.

Le résumé des solutions et le clin d’œil aux pays à faible revenu
Pour faciliter la compréhension rapide du communiqué final du G20, essayons de regrouper les 29 points d’engagement en six grands objectifs stratégiques ou axes stratégiques (i) rétablir la croissance et l’emploi, (ii) renforcer la surveillance et la règlementation, (iii) renforcer les institutions financières mondiales, (iv) résister au protectionnisme et promouvoir le commerce mondial et l’investissement, (v) garantir une croissance juste et durable pour tous, et (vi) respecter les engagements pris.
En dehors de ces grands axes, le G20 prévoit, entre autres, de mettre à la disposition des institutions financières, en particulier le FMI, plus de 1 Mds de USD en termes d’avance, de droits de tirages spéciaux (DTS), de vente de réserve d’or, d’éliminer les secrets bancaires et les paradis fiscaux par la mise en place des listes noire, grise ou blanche en fonction du niveau d’opacité et de transparence des pays dans lesquels les fonds sont placés, fournir 50 Mds de dollars à l'appui de la protection sociale et la sécurité alimentaire, pour accroitre le commerce et garantir le développement dans les pays à faible revenu, utiliser des ressources supplémentaires de ventes de réserves d'or du FMI et des excédents de recettes de l’ordre de 6 milliards de dollars supplémentaires en termes de financement concessionnel et souple pour les pays les plus pauvres au cours des prochains 2 à 3 ans, soutenir l'emploi en stimulant la croissance, investir dans l'éducation et la formation, et par le biais de politiques actives du marché du travail, en se concentrant sur les plus vulnérables.
Toutes ces informations glanées ça et là dans le communiqué final du G20 visent en partie les pays les plus pauvres victimes de la crise financière comme Haïti et sont articulées autour des mesures pour aider ces pays à affronter la crise avec le maximum de chance de s’en sortir.
Quant aux commentaires par rapport à ce G20, ils sont légion. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement composant le G20 sont optimistes, tandis d’autres commentateurs, comme Jean Eric René , sont plutôt pessimistes et ce dernier écrit qu’ « il s’agit d’un palliatif visant à lui (au système économique mondial) assurer une mort lente et douce, mais non d’une mesure curative ». Quant à nous autres non initiés aux lettres fines de l’économie, nous pensons qu’il faudrait prendre à la lettre les engagements du G20 et en tirer le maximum, en attendant la mort lente et douce du système. Pour cela, il faut profiter de chaque occasion dont celle de la Conférence des bailleurs de fonds (BF) de Washington sur Haïti avec la participation des institutions de Brettons Wood, de l’ONU, de l’OEA, de l’UE, de la BID, et des donateurs bilatéraux, et celle du Sommet des Amériques du 17 au 19 avril 09, à Trinidad and Tobago, avec 34 Chefs d’Etat et de Gouvernement dont Mr Obama, le Président de la première puissance économique mondiale, et Mr Préval, le Président du pays le pauvre de l’Hémisphère occidental, les deux premiers et plus anciens pays indépendants de l’Amérique. Ironie de l’histoire ! En attendant de nous attarder sur la Conférence de Washington, faisons un peu d’histoire eu égard aux conférences des BF sur Haïti à partir de 2004.

Les conférences des BF sur Haïti de 2004 à aujourd’hui
La Conférence des BF sur Haïti qui a lieu ce 14 avril 09, à Washington, n’est sans aucun doute ni la première ni la dernière sur notre pays. Bien avant 2004, on a enregistré des conférences sur Haïti, à titre d’exemple, citons les accords de Paris (1994) qui, selon Kern Delince , avaient prévu plus de 1 milliard de USD d’aide pour Haïti.
De juin 2004 au 14 avril 2009, Haïti et les BF se sont mis d’accord pour organiser un ensemble de conférences, certaines pour des levés de fonds et d’autres pour le suivi et l’ajustement des actions.
Sous le Gouvernement de transition, les 19 et 20 juillet 2004, il y eut la conférence de Washington sur le Cadre de coopération intérimaire (CCI) qui s’est soldée par des promesses de fonds de l’ordre de 1.4 milliards de USD y inclus des fonds déjà promis sous les Gouvernement de Préval I et d’Aristide II de l’ordre de 450 M de USD ; la conférence de Cayenne (mars 2005) en Guyane qui était une sorte de conférence de suivi de Washington et qui s’est soldée par 380 projets et 750 M d’euros de promesses ; la conférence de Montréal de 16 et 17 juin 2005 où il était question de sécurité, du processus électoral et de l’avancement du CCI en général , et la conférence de Bruxelles en novembre 2005, en Belgique, axée sur quatre (4) thèmes : les élections, le sécurité, la mise en œuvre du CCI et l’économie, et des priorités comme le document stratégique de réduction de pauvreté intérimaire (DSRPI), la création d’emplois temporaires, le financement des partis politiques, l’appui budgétaire, l’accompagnement des nouveaux élus, enfin le document stratégique de réduction de pauvreté définitif (DSRPD) ou programme de long terme appelé à remplacer le CCI. Ces conférences permirent de débloquer pour des projets plus de 900 M de USD dont environ 300 M étaient réellement engagés sur le terrain par le Gouvernement de transition, au point que, dans le document de référence de la conférence de Port-au-Prince élaboré par le nouveau Gouvernement issu des urnes et installé, le 9 juin 2006, il a été spécifié, en annexe 2, que 1.3 milliards d’USD de projets étaient en cours.
Sous le Gouvernement issu des urnes, on a dénombré deux conférences si l’on fait exception de la conférence de Brasilia de mai 2006, la conférence de Port-au-Prince du 25 juillet 2006 a permis des promesses de fonds de l’ordre de 750 M d’USD sur les 545 M d’USD sollicités par le GOH avant la conférence. Cette valeur devait permettre au Gouvernement, qui avait présenté un programme de 5 ans de 7.1 milliards d’USD avec huit (8) grands chantiers, de couvrir ses besoins jusqu’en septembre 2007. La conférence de Madrid a eu lieu, le 30 novembre 06, en Espagne, et s’est largement appuyée sur la déclaration de Paris pour introduire la notion de « coresponsabilité » ou de « responsabilité partagée » entre le GOH et la communauté internationale (CI). C’était la dernière conférence de l’ère du CCI qui allait être remplacé par le Document Stratégique National pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) en octobre 2007. Cette stratégie nécessite 3.86 milliards USD pour sa mise en œuvre. La conférence sur le DSNCRP, programmée pour le 25 avril 2008 en vue de récolter des fonds complémentaires de 2 milliards d’USD , a dû être renvoyée sine die à cause des émeutes dites de la faim. C’est cette conférence qui est reprise, ce 14 avril 2009, à Washington.

La conférence de Washington, les attentes du Gouvernement Haïtien (GOH)
Organisée par la Banque interaméricaine de développement (BID) et le GOH, la conférence a pour thème « Vers un nouveau paradigme de coopération en faveur de la croissance et de nouvelles perspectives ». Elle a réuni les dirigeants de 28 pays donateurs et organisations multilatérales qui ont discuté des priorités pour Haïti et des mesures à prendre pour accroître l'efficacité de l'aide et la coordination entre les donateurs.
Dans un message à la nation avant son départ pour la Conférence, la Première Ministre, Mme Pierre-Louis, a fait part de ses attentes, soit 125 M d’USD en appui budgétaire complémentaire pour l’année fiscale 2008-2009. Dans le document de référence discuté à la rencontre préparatoire d’Ottawa de mars 2009, il a été question d’actions pour les deux prochaines années de l’ordre de 500 M d’USD. Mais, notre Première Ministre n’en n’avait pas parlé. Toutefois, en énumérant les actions prévues et priorisées, on a compris que le GOH aurait besoin de cette valeur pour le financement de ces actions. Elles se déclinent en quatre grandes catégories (i) La réduction de la vulnérabilité aux désastres naturels, (ii) La relance économique, (iii) Le maintien de l’accès aux services de base, et (iv) La stabilité du cadre macroéconomique. « L'agriculture, les infrastructures, l'éducation, la santé, les risques et désastres, sont les différents secteurs ciblés par les autorités haïtiennes et pour lesquels des programmes et projets seront présentés » a déclaré la Première Ministre quelques jours avant son départ pour Washington.

La barre placée trop bas par le GOH mais des perspectives plutôt heureuses pour le pays
Si on se réfère aux autres conférences passées, c’est pour la première fois qu’un GOH a sollicité des montants aussi bas. Certes, la crise financière mondiale incite à la prudence, mais, face au momentum actuel vis-à-vis d’Haïti, au travail de lobbying de Ban Ki Moon, au communiqué du G20 et ses bonnes intentions vis-à-vis des pays à faible revenu et vulnérables, on n’a pas compris cette position du GOH. En tout cas, les promesses de fonds (324 M d’USD) faites à l’issue de la conférence de Washington sont nettement au-delà des attentes du GOH, même s’il faudrait mettre un bémol par rapport au montant alloué à l’appui budgétaire inférieur aux 125 M sollicités. Ce qui permettra, tout de même, au pays, qui a déjà 3 milliards d’USD de projets en cours (déclaration finale de la conférence), avec l’effacement de 1 milliards d’USD de la dette à partir de juin 2009, et subséquemment une diminution du service de la dette de l’ordre de 48 M d’USD/an (Le Matin 15/04/09), de contempler son avenir immédiat avec un certain optimisme.
En effet, Haïti, selon la Première Ministre, pourra (i) créer 150000 emplois sur une période de deux ans, (ii) réhabiliter et mettre en valeur 6000 ha de terre dans le Nord et le Nord-est, 12000 ha dans la vallée de l’Artibonite et 5000 ha dans la Plaine des Cayes, (iii) réhabiliter la route Carrefour Joffre/Gros Morne/Port-de-Paix, la route St Marc/Cap-Haïtien et la route Miragoâne/Nippes, (iv) Réduire la vulnérabilité des villes comme Gonaïves, Cabaret, Léogane et Jacmel, (v) améliorer les services de base (santé, éducation, eau potable), (vi) rendre disponible l’électricité pour l’implémentation des usines et les activités scolaires nocturnes.
Avec un ensemble de dossiers disponibles ou en phase de finalisation, le DSNCRP (3.86 Mds USD), le PDNA (800 M USD), le Maillage routier National , la politique de relance du secteur agricole , le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN), le programme d’urgence pré-cyclonique 2009 (16.3 M USD), le document d’orientation pour la protection des Gonaïves (941 M USD), le rapport Collier, pour ne citer que ceux-là, Haïti dispose de suffisamment d’atouts, qui pourraient rentrer dans un plan global de 25 ans, avec l’apport éventuel et souhaitable des gens de la société civile (SC), du secteur privé (SP), de la diaspora et de la communauté internationale (CI), pour aller tester les bonnes intentions du G20 et de la frange de la CI déjà acquise à notre cause. Pour cela, il nous faut renoncer à nos vieux démons de division, de corruption, de dénigrement de nous-mêmes et, surtout, du déchoucage, en vue de nous mettre ensemble pour regarder dans une seule direction, le développement durable de notre pays, en agissant simultanément et sérieusement sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique et la politique (gouvernance). Kote sa nou pa ka fè la ?

mercredi 1 avril 2009

HAITI: INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET INSTITUTIONS

Dimanche 29 mars 2009


HAITI: INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET INSTITUTIONS


Jean Robert JEAN-NOEL


Mon dernier texte de novembre 2008 sur la corruption faisait appel à la conscience citoyenne des haïtiens et haïtiennes. Je l’avais écrit à la faveur des gorges chaudes qui se faisaient autour des 197 M de USD décaissés par le Gouvernement haïtien suite au passage des quatre cyclones qui avaient saccagé Haïti en moins d’un mois (mi Aout-début septembre 2008). J’avais mis en garde contre cette manie haïtienne d’accusation sans preuve, d’anticipation négative, de critiques destructives qui ont pour effet d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption de notre pays. Dans ce nouvel article, je m’adresse à nos institutions.


Le scandale de l’ONA et les institutions impliquées

En effet, depuis ces derniers jours, on ne parle que de corruption à la faveur du scandale de l’Office National d’Assurance Vieillesse qualifié d’ « ONAgate ». Le rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) sur cette affaire fait des vagues, en impliquant pêle-mêle la plupart des membres du Parlement pour des subventions reçues de l’ex-Directeur de l’ONA, actuellement en prison, certains médias comme Radio Kiskeya qui a protesté en remettant en question le « sérieux » du rapport. Certains articles en circulation sur le net donnent toute une liste de personnalités impliquées dans ce scandale. Gary Victor, dans un article sur Le Nouvelliste en relation avec le scandale de l’ONA, se questionne, comme pour nous faire prendre conscience de la profondeur du phénomène de corruption, sur le fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales qui aurait dû à date accumuler des milliards de gourdes. Ce fonds, on le sait, est administré seul par le Gouvernement à travers le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales contrairement à ce qui a été prévu lors de la création de ce fonds par la loi du 26 mai 1996. Très peu de gens savent comment ce fonds est administré et à quoi il sert réellement. On pourrait multiplier à l’infini les exemples de fonds ou de taxes créés pour favoriser le développement de ce pays mais qui sont utilisés à d’autres fins. Ces valeurs sont détournées de leurs objectifs premiers sans aucune explication de la part des autorités en charge de leur gestion.


Le détournement de fonds est-il toujours de la corruption ?

L’ONA n’a pas été créé pour subventionner les festivités carnavalesques encore moins à travers des députés et sénateurs. Il y a eu détournement de fonds. Par ignorance ou par souci de corrompre ? La plupart des responsables haïtiens n’ont jamais lu les lois, décrets, arrêtés et règlements intérieurs en relation avec les institutions qu’ils dirigent. Comme nul n’est sensé ignorer, encore moins les responsables. Donc, ils sont coupables de mauvaise gestion par détournement des fonds mis à leur disposition donc punissables mais sont-ils pour autant corrompus ? On peut détourner des fonds par ignorance mais en les dépensant pour des actions utiles à la société. Là pourrait-on parler de corruption ? Je ne pense, c’est mon avis. Mais en détournant les fonds et en les utilisant à des fins personnelles pour s’enrichir ou enrichir ses acolytes, on est tout simplement corrompu ou corrupteur. Dans le cas de Radio Kiskeya par rapport à l’ONA avec des contrats de publicité en bonne et due forme, si l’on en croit Marvel Dandin, Directeur Général de la Radio, on ne peut parler ni de détournement de fonds ni de corruption, à moins que les règlements internes de l’ONA, et la loi interdisent la publicité pour cette institution. Dans ce cas bien précis, c’est la responsabilité du Directeur Général de l’ONA et non celle de la Radio Kiskeya qui est une entreprise commerciale. Il en est de même pour les subventions aux parlementaires. Par contre, si les parlementaires ont utilisé la valeur mise à leur disposition par le Directeur de l’ONA à des fins personnelles, ils sont des corrompus et sont punissables par la loi pour corruption. Et l’ULCC a le devoir et le droit de pousser l’investigation jusqu’au bout. L’enquête une fois aboutie et révélant des cas flagrants d’utilisation de l’argent à des fins personnelles ou illicites, l’ULCC pourra parler de corruption et inciter la justice à agir.


Les Institutions ayant pour devoir de combattre la corruption

Pour combattre la corruption, l’Etat s’est donné des outils en termes d’institutions, de lois, de règlements, des structures de planification, d’exécution, de contrôle et de suivi/évaluation. Les trois pouvoirs de l’Etat sont organisés pour se contrôler mutuellement, tout au moins sur le papier. La Constitution de 1987 (22 ans aujourd’hui) donne les moyens de contrôle nécessaires à l’Etat pour tordre le cou à la corruption. En plus du contrôle mutuel des trois pouvoirs, la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) peut intervenir et assurer un contrôle strict au niveau de l’ensemble des trois pouvoirs. En introduisant la participation dans la gouvernance du pays, la décentralisation avec la mise en place des collectivités territoriales du département à la section communale en passant par la commune et une structure délibérative et de contrôle à chaque niveau, elle oblige la transparence au sein de l’ensemble des institutions tant au niveau central que décentralisé. Ce mécanisme complexe qu’est le nouvel Etat d’Haïti prévu par la Constitution de 1987 n’a jamais été mis en place, parce que l’ancien Etat, basé sur des mécanismes centralisés de corruption, résiste de toutes ses forces et de sa longue expérience d’enrichissement illicite de groupuscules gravitant autour du symbole de l’Etat traditionnel, le Président, pour empêcher la mise en place de l’autre.

Remarquez que, malgré la mise en place de l’UCREF, de l’ULCC, le renforcement de la CSCCA, le décret sur la passation de marché et la mise en place de la commission nationale de passation de marché (CNPM), la corruption persiste et se fait visible de temps à autre par des scandales soit au niveau du Parlement, du Pouvoir Judiciaire, de l’Exécutif, et aussi dans le secteur privé et des ONG. Toutes les institutions évoluant dans le pays disposent de moyens de se contrôler et sont assujetties à des contrôles internes et externes périodiques. Les accords et conventions signés par l’Etat avec la Communauté Internationale (CI) lui donnent droit pour orienter, contrôler et superviser les actions menées par les ONG et le secteur privé dans le pays quelle qu’en soit la source de financement. Ces accords et conventions permettent à la CI d’exercer aussi en retour un droit de contrôle. Donc, les mécanismes pour combattre la corruption existent. Ce qui manque c’est la volonté de le faire. Tant au niveau de l’Etat qu’au niveau de la CI.


La manifestation de la corruption en Haïti : le clientélisme

L’Etat et la CI savent très bien que le pays ne dispose pas de beaucoup de cadres ayant le niveau maitrise ou doctorat. Ce n’est pas étonnant que dans les appels d’offres (AO), les critères de choix tournent autour de ces critères. Alors qu’il suffisait de mettre ces critères en y ajoutant les mots « ou équivalent » pour avoir beaucoup plus de gens à participer et à ne pas à déclarer l’AO infructueux ni à ne favoriser que le petit cercle restreint de ses amis parfois basés au pays, à l’extérieur ou fraichement revenus au pays sans aucune connaissance ou aucune expérience du pays ou des institutions pour lesquelles ils sont appelés à travailler et ne parlant parfois ni le français ni le créole. Ces recrutements sont certes faits sur la base d’appels d’offres mais souvent ils sont truqués. C’est une forme de clientélisme. Il faut mettre rapidement un bémol pour ne pas donner l’impression que tous les AO sont truqués.

Il en est de même fort souvent pour le recrutement des firmes, des ONG. Les critères choisis écartent le plus souvent les firmes et ONG haïtiennes même pour des travaux de moyenne importance. Quand ces critères permettent de recruter les firmes et ONG haïtiennes, ils visent le plus souvent la même catégorie ayant l’habitude de travailler avec l’Etat et la Communauté internationale. Fort souvent, ces critères ne favorisent pas l’émergence d’institutions haïtiennes même comme sous traitantes. A force de traiter avec les mêmes, on multiplie les risques de clientélisme et de corruption.

De toute manière, ces deux exemples sont nettement meilleurs que le choix direct des cadres techniques et des firmes sur la base d’amitié, de clientélismes politiques, claniques, de militantisme. Cette tendance à l’appel d’offre généralisé est déjà un pas décisif vers le combat contre la corruption. Elle prendrait son plein effet au moment où l’Etat et le CI comprendraient la nécessité d’avoir des critères qui favorisent tout le monde et surtout qui sont incitatifs à l’utilisation optimum des cadres haïtiens, des firmes haïtiennes, des ONG haïtiennes, ne serait-ce que comme sous-traitants dans un premier temps. Les règles de transparence devraient prévaloir en tout temps et devraient répondre aux besoins d’Haïti d’abord et non à ceux de la CI. Car si cette façon de faire n’évolue pas dans le sens du développement du pays haïtien, en favorisant l’émergence des cadres et institutions haïtiennes compétents jusqu’à atteindre la masse critique, Haïti ne se développera jamais et sera toujours sous la dépendance de la CI.


Autres formes de manifestation de la corruption : le vol, la duplication

Le développement d’Haïti passe aussi par le combat contre certaines formes de manifestation de la corruption comme le vol, la duplication. Le clientélisme favorise le vol. Certains responsables auraient exigé et exigeraient, selon les rumeurs, 10, 15, 20 et même 30% du coût global des actions. Dans le cas où cela se révélerait vrai, ce serait tout simplement du vol. A cela, il faudrait ajouter les vols orchestrés par les responsables directs des actions et les vols courants (les plus détectables) opérés par le personnel moyen et le petit personnel. Tous ces vols se situeraient autour de 40% des coûts globaux des actions. Avec de telles pertes comment pourrait-on parler de développement d’un pays ?

De plus, la duplication au niveau des zones d’intervention et de terrain est monnaie courante, surtout au niveau de l’humanitaire et des urgences. On a relevé plusieurs cas où des intervenants présentent comme leurs les travaux effectués par un ou d’autres intervenants. Cela s’est produit dans plusieurs endroits du pays, Gonaïves, Cabaret, Belladère, etc., parfois avec la complicité des responsables locaux de l’Etat ou des collectivités locales. Il faut noter aussi que certains intervenants, qui se respectent, font la démarcation entre ce qu’ils ont trouvé et ce qu’ils réalisent. En tout cas, la présentation des travaux des autres avec pièces justificatives et photos à l’appui n’est tout simplement que du vol.


L’augmentation de l’indice de perceptions de la corruption

Avec des institutions qui ne font pas correctement leur travail de combat contre la corruption et des manifestations de la corruption connues et dénoncées sous formes de rumeurs sans se donner la peine de bien les documenter, les institutions haïtiennes et celles de la communauté internationale favorisent l’augmentation de l’indice de perceptions de la corruption. On croirait même qu’Haïti et ses partenaires prennent un malin plaisir à voir le pays parmi les derniers dans le tableau de Transparency International. Quand on regarde de près les outils à la disposition de l’Etat et de la CI, on comprend très mal qu’il n’y ait pas un meilleur contrôle de la corruption en Haïti. Le combat contre la corruption devrait être mené sous tous les fronts au niveau des citoyens mais aussi et surtout au niveau des institutions. Pour cela il faudrait des hommes et des femmes dignes de ce nom à intégrer ces institutions pour appliquer les lois contre la corruption et en forger d’autres. Il y va du développement durable de ce coin de terre où il est encore possible de faire quelque chose de grandiose. C’est ta responsabilité, ma chère sœur ou mon cher frère, au sein de cette institution qui t’accueille ou que tu diriges. Ne te trouve pas d’excuse. N’oublie jamais que les institutions ne valent que par les personnes qui les intègrent !

vendredi 27 mars 2009

CONFERENCE DES BAILLEURS D'HAITI DU 25 JUILLET 06 ET LA CAPACITE D'ABSORPTION D'HAITI

Cher lecteur,

A la veille de la Conference des bailleurs d'avril 2009 sur Haiti a Washington, je reprends ce texte qui a ete publie en 2004 et repris en 2006. Cet texte retrouve sur Pikliz.com est rapatrie sur JEAN ROBERT JEAN-NOEL pour etre publie a nouveau et permettre aux lecteurs, qui ne maitrisent pas les procedures de passation de marche et qui ne comprennent pas bien les mecanismes et les multiples conditionnalites qui empechent a Haiti d'absorber les fonds mis a sa disponsition, de se familliariser avec ces jargons et d'en demeler les ficelles. Le souci de l'auteur est de mettre le lecteur dans le bain pour lui permettre de suivre le processus aboutissant a la Conference des Bailleurs de Washington d'avril 2009.

Cette conference qui a ete avortee en avril 2008 a cause des emeutes dites de la faim, se referera tres certainement au Document Strategique National pour la croissance et la reduction de la pauvrete (DSNCRP) (3.8 millards USD) qui a remplace le Cadre de Cooperation Interimaire (CCI) en octobre 2007, au Post Desaster Needs Assesment (PDNA) (800 millions USD) commendite par le systeme des Nations Unies apres le passage des cyclones sur Haiti, et puisera tres certainement quelques elements du rappot Collier en termes de vulnerabilte du pays, de creation d'emplois, de relance de l'economie. On espere que la ville des Gonaives ne sera pas oubliee , d'autant qu'un rapport d'orientation de 941 millions USD sur le controle des crues normales et exceptionnelles et l'accessibilite a la ville vient d'etre produit par une commission interministerielle ad hoc sur Gonaives (CIG) qui a propose des solutions de court, moyen et longs termes sur une periode globale de 25 ans avec une approche bassin versant et peripherique. Ce rapport coordonne par le Ministere de l'agriculture est en possession du Gouvernement. A partir de ce rapport, le Gouverment a produit un rapport d'urgence pre-cyclonique 2009 de 600 millions de GHT incluant Gonaives, Cabaret,Leogane et Jacmel.

Il faudra se battre pourque les vrais problemes du pays ne soient pas occultes au cours de cette conference.En attendant, bonne lecture!


Conference des bailleurs du 25 Juillet 06 et la capacite d'absorption d'Haiti








Par Jean Robert JEAN-NOEL

jobyand@yahoo.com

Port-au-Prince, le 30 juillet 2006

Cet article est inspiré de l’article du 3 août 2004 écrit sur le même thème en relation avec le CCI. Il est adapté pour se colleter à la Conférence du 25 juillet 06 à Port-au-Prince qui s’est soldée par les promesses de la communauté internationale (CI) de 750 M USD vis-à-vis du Gouvernement d’Haïti (GOH), soit 138% par rapport aux 545 M USD sollicités par le GOH (réf. document de travail du GOH, annexe 2). C’est incontestablement un succès pour le Gouvernement (GOH) Préval Alexis. Ces fonds, qui seront décaissés sur une période allant de juillet 2006 à septembre 2007, nouvelle date de clôture du CCI adapté, viendront s’ajouter au montant de 1.3 milliards USD de programmes et projets en cours, selon le même document. Le GOH dispose donc pour cette période de 2.05 milliards USD pour la mise en œuvre d’une partie de son programme quinquennale estimé à 7.1 milliards de USD, soit environ 28% de ses besoins globaux en financement. A ces fonds, il faudrait ajouter les recettes fiscales et douanières estimées au bas mot pour la même période à 20 milliards de GHT ou 500 M USD. Ce qui ferait un montant global 2.55 milliards de USD, soit plus de 35% des besoins globaux. Et ceci sans les 1.3 milliards USD de la diaspora haïtienne attendus pour la même période et qui vont essentiellement à la consommation! Le GOH est plutôt bien parti.

Haïti aura donc à absorber sur cette même période plus de 3.8 milliards de dollars américains. Pour les 1.3 milliards de la diaspora, on ne se fait pas trop de soucis, on en a l’habitude, la nourriture, l’éducation des enfants, les vêtements, les constructions individuelles, le loisir, etc. Ce qui nous préoccupe, c’est surtout l’absorption des dons et des prêts (2.05 Milliards de USD) avec leurs conditionnalités, les procédures variées d’un bailleur à un autre, le manque de capacité institutionnelle de notre pays et cette réputation fondée de corruption de notre pays.

Haïti et l’aide internationale

Notre Pays est un habitué de l’aide internationale. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et avec la création de l’ONU, Haïti a reçu et reçoit l’aide internationale sous toutes ses formes, assistance technique (AT), dons, prêts, nourritures, vêtements, médicaments, etc. De 1946 à nos jours, Haïti a mis en œuvre plus d’une soixantaine de projets de développement dans les domaines d’infrastructures routières, agricoles, scolaires, sanitaires, etc. La durée de vie de ces projets est de 7 ans en moyenne. Rares sont ceux-là qui sont exécutés de manière satisfaisante en terme de qualité, dans les délais impartis et avec les coûts prévus, les trois éléments fondamentaux de la performance globale. Malgré la présence de l’international en terme d’assistance technique qui absorbe le plus souvent plus de 10% du budget global des projets, les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants. En témoignent le niveau de développement de notre pays, la situation actuelle de la dette externe (1.3 milliards USD environ) et le service de la dette qui devient un lourd fardeau pour l’économie nationale. A titre d’exemple, selon Kern Delince (l’insuffisance de développement en Haïti), de 1980 à 1989 le service de la dette se chiffre à 383 millions de USD, soit en moyenne 42.5 millions/an. Rappelons pour mémoire que les accords de Paris (1994) avaient prévu plus de 1 milliard de USD d’aide pour Haïti, ce qui a alourdi le service de la dette. Il faut craindre que la Conférence de Port-au-Prince, qui prévoit 750 M USD, et le Milliard du GOH de transition en phase d’engagement sur le terrain actuellement, ne produise pas les mêmes effets (alourdissement de la dette). D’où nécessité d’insister auprès de la Communauté internationale pour l’annulation de la dette. Ce serait une contribution plus qu’appréciable au développement d’Haïti.

Les procédures des bailleurs de fonds

La conférence de Port-au-Prince a permis à Haïti de bénéficier de beaucoup de promesses d’argent provenant de plusieurs bailleurs de fonds multilatéraux (BM, BID, UE, FIDA…) et bilatéraux (USA, Canada, France, Allemagne…). Les procédures sont très variées d’un bailleur à un autre. Ce qui mettra l’Administration dans un tourbillon de procédures assez complexes et différentes qui nécessitent toute une gymnastique de la part des pouvoirs publics pour arriver à manœuvrer correctement vis à vis de chaque bailleur. Ce tourbillon va considérablement retarder la mise en œuvre du programme. D’où nécessité de mise en application de la déclaration de Paris, ne serait-ce qu’au niveau de l’harmonisation des procédures, d’autant que Haïti s’est dotée de procédures actualisées avec le décret sur la passation de marché de décembre 2004.

Par exemple, les procédures de décaissement sont très compliquées, certains bailleurs donnent une avance de démarrage et se contentent de renflouer les comptes sur présentation de pièces justificatives et rapports d’avancement par le Gouvernement Haïtien (GOH), et, ceci à hauteur des dépenses effectuées. Ce processus met très souvent plus de deux (2) mois pour aboutir, et ce, si Haïti ne tombe pas sous le coup de la suspension des dons et des prêts pour non paiement du service de la dette. D’autres donnent une avance pour le fonctionnement de la cellule chargée de l’exécution des projets qu’ils renflouent au fur et à mesure de l’avancement des projets, et assurent directement le paiement des entreprises engagées par le Gouvernement. On peut trouver d’autres exemples de procédures. Notre propos n’est de démontrer la variété des procédures mais d’attirer l’attention sur la nécessité d’arriver à une certaine harmonisation des procédures. Pourquoi ne pas demander aux autres bailleurs d’adopter par exemple les procédures de la Banque Monde (BM) ?

Le manque de capacité institutionnelle d’Haïti et la corruption

Les Bailleurs de fonds sont très procéduriers par rapport à notre pays parce que c’est leur façon de fonctionner mais aussi et surtout parce que Haïti a un manque criant de capacité institutionnelle et est l’un des pays les plus corrompus de la terre. L’incapacité institutionnelle de notre pays à absorber l’aide internationale n’est plus à démontrer. A part l’Unité Centrale de Gestion (UCG) qui a permis à notre Pays d’absorber 50 millions de USD en 18 mois avec les compliments de la Banque Mondiale (BM), on a toujours eu des difficultés à absorber correctement l’aide internationale. Avant UCG et après UCG, Haïti, avec l’appui des institutions internationales, a essayé pendant plus de 50 ans de se structurer à travers l’approche projet dans l’intention avouée de renforcer l’Etat. Malheureusement, les structures de projets créées pour pallier à la situation n’ont réussi qu’à désarticuler un peu plus les structures étatiques et à créer des divisions au sein de l’administration publique. Dans de rares cas où l’on a enregistré des résultats plus ou moins satisfaisants, les structures ont été vite démantelées sous la pression conjuguée de la jalousie et de la corruption, parfois avec la complicité de ceux-là qui sont appelés à les institutionnaliser et à multiplier ces structures plutôt efficaces. Et le pays périclite sous le regard impuissant des honnêtes gens et de ses rares compétences éprouvées. Sans un inventaire sérieux des expériences réussies et un nettoyage sans complaisance de l’administration publique en mettant en place les hommes qu’il faut à la place qu’il faut et sans la création et le renforcement de structures au sein de l’Administration centrale, déconcentrée et décentralisée susceptibles de redynamiser l’Etat, le Programme du GOH restera un beau rêve inachevé , les haïtiens contempleront tous ces millions annoncés et continueront bon gré mal gré à mal utiliser le milliard annuel de la diaspora haïtienne. Pour ce faire, l’Etat devra être compétitif par rapport à la concurrence en termes de salaires et autres avantages (assurances, espaces décents de travails, dépolitisation de l’administration, etc.).

Les procédures de passation de marchés

En outre, à coté de l’incapacité institutionnelle et la corruption, il faudra aussi insister sur les procédures de passation de marchés qui, si elles sont différentes d’un bailleur à l’autre en termes de montants, de délais, de procédures de non objection, etc., demeurent universellement admises par tous les bailleurs, surtout l’appel à la concurrence, communément appelé appel d’offres (AO). C’est un processus plutôt long. Dans le passé, on a enregistré des processus d’appel d’offres s’étalant sur plus de six (6) mois avant d’être en plus déclarés infructueux. On a même dépassé ce délai dans le cas d’appel d’offres international. Peut-être qu’avec ce nouvel instrument que s’est dotée Haïti sous le GOH de transition, on arriverait à réduire les délais.

Voyons un peu, il faut préparer les termes de référence (TDR), avoir la non objection du bailleur, lancer l’appel d’offre (AO) dans les journaux, constituer une commission d’analyse avec parfois l’approbation préalable du bailleur, analyser les offres, soumettre le rapport d’analyse, obtenir la non objection du bailleur et adjuger l’offre, négocier le contrat avec l’adjudicataire, organiser la cérémonie de signature, signer les contrats en présence des médias, et tout un autre processus avant le démarrage effectif des activités. Voilà. On me rétorquera qu’avec des gens compétents, c’est une affaire de trois (3) mois maximum, mais où trouver tous ces gens compétents pour des programmes et projets de 7 milliards de USD, ne serait-ce que pour les travaux d’infrastructures ? A noter que l’AO peut être national ou international avec des procédures adaptées à chaque cas et des délais plus longs selon le cas.

Conclusion

On pourrait pousser l’analyse plus loin encore. Mais notre intention n’est pas d’alarmer les gens, c’est plutôt d’attirer l’attention des décideurs sur les nombreuses difficultés qui pourraient entraver la mise en œuvre du Programme du GOH, qui ,signalons en passant, est encore en phase d’élaboration. En particulier, il faut noter notre incapacité à absorber l’aide internationale, mis à part le cas de l’UCG qui d’ailleurs ne concernait que deux bailleurs de fonds (BM et BID). Il est donc clair que la capacité d’absorption d’Haïti de l’aide internationale passe obligatoirement par le renforcement des capacités institutionnelles de notre pays tant au niveau central qu’au niveau local, par l’allègement et l’harmonisation des procédures des bailleurs de fonds, le combat contre la corruption sans complaisance, la recherche des compétences et la formation, etc. Le CCI adapté et le programme du GOH en phase d’élaboration, demeurent le cadre idéal pour commencer avec la mise en application de ces suggestions. Comme disait l’autre, il n’est pas nécessaire d’avoir réalisé de grandes choses, il suffit de les avoir tentées. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre uniquement de les tenter, il faut les réaliser. Car nous n’avons plus de temps, si nous voulons laisser notre position du seul PMA de la région durant les 25 prochaines années. N’est-ce pas Mr le Ministre de l’économie et des finances ? Le GOH n’osera pas dire comme l’autre : « à l’impossible, nous sommes tenus ». Mais quand même : « espwa fe viv ».