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lundi 30 juin 2025

HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS NO 56 : La force supplante-t-elle le droit ? Crises sécuritaires et recompositions internationales en Juin 2025

HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS NO 56 : La force supplante-t-elle le droit ? Crises sécuritaires et recompositions internationales en Juin 2025 

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL 

30 JUIN 25 

Regards croisés sur la scène globale et la tourmente haïtienne 

Le mois de juin 2025 s’inscrit dans une séquence historique où la complexité des rapports internationaux se conjugue à l’intensité des crises régionales. Partout, la tentation de la puissance s’impose, reléguant la diplomatie et le droit international à l’arrière-plan. Haïti, plongée dans une spirale de violence inédite, se voit à la fois miroir et symptôme des dérèglements globaux. Dans cet article, nous vous proposons une exploration détaillée des dynamiques à l’œuvre, des scènes diplomatiques tumultueuses du G7 et de l’OTAN ([1], [2], [4], [7], [10]), aux drames quotidiens vécus par la population haïtienne ([12]), en passant par la rupture du « filet de sécurité » offert par la diaspora ([13], [14], [15]). Une analyse approfondie de six pages pour mesurer la portée de ce mois de juin 2025 charnière. 

Première partie : Un ordre international fragilisé 

La prééminence de la puissance sur le dialogue 

Depuis le début du mois de juin 2025, les tensions s’exacerbent sur plusieurs fronts. L’escalade militaire entre Israël et l’Iran, soutenue par une politique américaine offensive ([6], [8]), domine les manchettes. Les frappes aériennes et cyberattaques se multiplient, alors que la communauté internationale peine à imposer des cessez-le-feu durables. L’ONU, affaiblie par les vétos croisés de ses membres permanents, constate son impuissance et voit son autorité contestée. 

Au cœur de cette crise, la logique du « fait accompli » prévaut : la recherche de la stabilité par l’écrasement de l’adversaire supplante le dialogue. Les puissances régionales se dotent de nouvelles technologies militaires — drones, systèmes antimissiles, capacités cybernétiques ([9]) — et les alliances se recomposent au gré des intérêts stratégiques. Le Conseil de Sécurité, autrefois garant du droit international, apparaît relégué à un rôle consultatif, spectateur d’un monde en mutation. 

Crise ukrainienne et enlisement du conflit 

La guerre russo-ukrainienne, toujours sans issue malgré les innombrables tentatives de médiation, illustre la faillite des mécanismes classiques de résolution des conflits. En juin 2025, la ligne de front demeure figée autour du Dniepr, tandis que les pertes humaines et matérielles s’alourdissent. Les bombardements quotidiens sur Kharkiv, Odessa et le Donbass suscitent une vague de réfugiés vers l’Union européenne. Les sanctions économiques, accentuées ce mois-ci par l’embargo sur les hydrocarbures russes, contribuent à la récession mondiale, tandis que les marchés agricoles et de l’énergie sont profondément déstabilisés ([3]). 

Du côté ukrainien, la mobilisation générale atteint 400 000 effectifs, avec un recours croissant à la conscription féminine. Les drones de surveillance américains, opérant depuis la Pologne et la Roumanie, offrent un avantage tactique à Kyev, mais la défense aérienne russe, modernisée, inflige des pertes croissantes aux infrastructures civiles. Les agences humanitaires alertent sur la pénurie de médicaments et la multiplication des déplacés internes, dont le nombre dépasse 12 millions en juin 2025 ([5]). 

Le G7 au Canada : Priorités redéfinies 

Le sommet du G7, tenu à Ottawa du 7 au 10 juin 2025, a recentré le débat international sur les enjeux de sécurité collective ([1]). La lutte contre la prolifération des armes nucléaires, la sécurisation des approvisionnements stratégiques et la gestion des flux migratoires dominent l’agenda. La question du climat, bien que réaffirmée comme priorité à long terme, passe au second plan, éclipsée par l’urgence des crises sécuritaires. 

Les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur un plan d’aide d’urgence à l’Ukraine de 35 milliards d’euros, financé en partie par la saisie des actifs russes à l’étranger ([4], [5]). Cette mesure, inédite par son ampleur, divise les opinions publiques et suscite des tensions diplomatiques, notamment avec la Chine et l’Inde, qui dénoncent une violation du droit international des investissements. Le Canada, hôte du sommet, défend un renforcement de l’architecture multilatérale, mais les divergences internes affaiblissent la portée des engagements pris ([3]). 

L’OTAN à Rotterdam : L’Alliance sous pression 

Le sommet de l’OTAN, organisé à Rotterdam du 24 au 26 juin, témoigne de la volonté des membres de renforcer leur dispositif militaire ([1], [2], [7], [11]). Un objectif ambitieux est fixé : atteindre collectivement 5 % du PIB consacré à la défense d’ici 2035. À ce jour, seuls 11 États sur 32, dont la Pologne (4,7 %) et les Pays-Bas (4,1 %), respectent déjà le seuil des 2 %. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni annoncent des hausses budgétaires sur 10 ans, tandis que l’Espagne et l’Italie réclament une « adaptation progressive » pour éviter la casse sociale. 

Les discussions portent sur la modernisation des arsenaux, la mutualisation des stocks (hausse de plus de 30 % en un an) et l’intégration des technologies de rupture, telles que l’intelligence artificielle et la robotique de défense ([9], [11]). L’absence remarquée des partenaires asiatiques, invités mais non présents, révèle les limites de l’extension de l’Alliance hors de ses frontières traditionnelles ([10]). La solidarité affichée envers l’Ukraine – 35 milliards d’euros supplémentaires pour l’aide militaire et humanitaire – reste fragile, contestée par plusieurs membres qui craignent un enlisement à long terme. 

Sur le plan politique, la déclaration de Donald Trump, qui plafonne la contribution américaine à 3,5 % du PIB et promet une ligne dure envers l’Iran ([6], [8]), alimente débats et incertitudes sur la cohésion transatlantique. Les divergences internes, exacerbées par la campagne américaine à mi-mandat, fragilisent l’unité du bloc occidental ([7]). 

Deuxième partie : Haïti dans la tourmente sécuritaire 

L’extension de la violence armée 

En juin 2025, la crise sécuritaire en Haïti atteint un niveau sans précédent. Les bandes armées, historiquement concentrées à Port-au-Prince, étendent désormais leur emprise à des villes comme Mirebalais, La Chapelle ou encore Saint-Marc (?). Les hôtels sont réquisitionnés de force, les véhicules détournés à Tabarre ou à Croix-des-Bouquets, et la criminalité s’organise selon un schéma quasi-militaire, avec des réseaux de commandement structurés et des ramifications jusque dans la diaspora ([12]). 

La peur s’est installée durablement : couvre-feux non officiels, enlèvements quotidiens, attaques armées sur les routes nationales. Selon les chiffres du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), plus de 4 000 personnes ont été tuées ce seul mois de juin, tandis que 160 000 déplacés internes vivent dans des conditions précaires, fuyant les quartiers assiégés. L’économie informelle, pilier de la survie urbaine, s’effondre sous le poids de l’insécurité, et les services de base – électricité, santé, éducation – sont au bord de l’asphyxie ([12]). 

Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) , présidé par Fritz Jean, tente d’initier un dialogue national, mais la légitimité de ses membres est continuellement contestée. Les forces de police, mal équipées et sous-payées, sont débordées. L’intervention de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), sous mandat de l’ONU mais pilotée par le Kenya, tarde à se déployer sur le terrain. Les réseaux humanitaires alertent sur la montée des violences sexuelles et l’effondrement du système scolaire ([12]). 

Les dynamiques économiques et sociales 

La dégradation sécuritaire a un impact direct sur l’économie. Les transferts de la diaspora, qui représentaient 30 % du PIB en 2024, reculent de 18 % en juin 2025, en raison des difficultés à transférer des fonds et des inquiétudes relatives à la stabilité bancaire ([12], [13]). Les investissements étrangers se contractent, tandis que les entreprises locales ferment boutique ou délocalisent vers la République dominicaine. Le taux de chômage flambe, atteignant 70 % chez les jeunes de moins de 25 ans dans les zones urbaines. 

Face à cette crise, la résilience communautaire s’organise : multiplication des réseaux de solidarité, mise en place de corridors humanitaires, initiatives populaires pour la distribution de vivres et médicaments. Cependant, ces efforts restent insuffisants pour pallier l’ampleur de la catastrophe. Les ONG tirent la sonnette d’alarme sur l’insécurité alimentaire, qui touche désormais près de 60 % des ménages haïtiens, soit 7 millions de personnes ([12]). 

Gouvernance et perspectives politiques 

Le Conseil Présidentiel de Transition peine à construire un consensus autour d’un calendrier électoral ([12]). Les négociations avec les partis d’opposition, les organisations de la société civile et les représentants religieux s’enlisent. La communauté internationale, partagée entre le soutien à la transition et la crainte d’un chaos prolongé, multiplie les missions exploratoires. Aucun accord ne se dessine sur la réforme constitutionnelle, pourtant indispensable pour restaurer la légitimité des institutions. 

Les municipalités, privées de ressources, voient leur capacité de gestion réduite à néant. La population, désabusée, participe très peu aux consultations publiques. La défiance envers les élites politiques atteint un sommet historique, tandis que la polarisation idéologique s’accentue autour des questions de sécurité et de justice sociale ([12]). 

Troisième partie : La diaspora haïtienne face à la rupture du « filet de sécurité » 

Fin du Statut de Protection Temporaire aux États-Unis 

Le 27 juin 2025 marque un tournant pour la diaspora haïtienne aux États-Unis. L’administration Trump décide de mettre officiellement fin au Statut de Protection Temporaire (TPS) dont bénéficiaient près de 500 000 Haïtiens depuis le séisme de 2010 ([13], [15]). Cette mesure, validée par la Cour suprême malgré la mobilisation d’organisations civiques et des élus progressistes ([14]), impose le choix entre une régularisation coûteuse et incertaine ou un retour forcé dans un pays en crise profonde ([13], [15]). 

Les associations de défense des droits dénoncent une décision inhumaine, qui risque d’exacerber la crise humanitaire haïtienne ([13], [14], [15]). Les familles, souvent installées depuis des décennies, se voient menacées d’expulsion alors que les conditions de retour sont dramatiques : absence de logements, de travail, d’accès aux soins. La communauté internationale, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en tête, appelle à la solidarité et à la recherche de solutions durables pour éviter une tragédie migratoire ([15]). 

Impact sur la société et l’économie haïtiennes 

La perspective d’un retour massif de migrants pose des défis colossaux. Le gouvernement haïtien, déjà dépassé par la gestion de la crise interne, n’a ni les ressources financières ni les structures d’accueil adaptées ([12], [13], [15]). Les transferts de fonds, dont dépend la majorité des ménages, risquent de s’effondrer, privant le pays d’un soutien vital. Les risques de tensions sociales, de criminalité accrue et de conflits intercommunautaires sont réels, accentuant la fragilité de l’État ([13], [15]). 

Quatrième partie : Enjeux humanitaires et géopolitiques croisés 

Le rôle des acteurs internationaux 

Les organismes multilatéraux (ONU, OEA, Caricom) multiplient les initiatives pour soutenir Haïti. En juin 2025, l’ONU adopte une résolution ad hoc pour renforcer la coopération humanitaire et sécuritaire, mais les moyens restent limités face à l’ampleur de la crise ([12]). La Caricom, en lien avec le Brésil et le Canada, propose une médiation régionale, mais peine à obtenir l’adhésion des principaux protagonistes haïtiens. La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement débloquent des fonds d’urgence destinés à la santé, à l’éducation et à la reconstruction, mais l’insécurité complique les opérations de terrain ([12]). Les organisations humanitaires internationales s’alarment de l’augmentation des attaques contre leur personnel et de la difficulté à acheminer l’aide dans les zones les plus touchées ([12]). 

La recomposition des alliances régionales et mondiales 

La crise haïtienne, dans un contexte de recomposition géopolitique globale, intéresse aussi bien les États-Unis que l’Union européenne, la Chine ou la Russie ([13], [15]). Chacun tente d’influencer la transition en cours pour préserver ses intérêts stratégiques et sécuritaires. Le déploiement de la MMSS, initiative soutenue par le Kenya, s’inscrit dans une logique nouvelle d’africanisation de la gestion des crises caribéennes, rompant avec la tradition d’intervention occidentale ([12]). 

Au plan régional, les relations entre Haïti et la République dominicaine se tendent, la question migratoire devenant un sujet explosif. Les échanges commerciaux chutent, alors que la frontière se militarise pour contenir les flux de réfugiés ([12]). Les organisations de la société civile appellent à une approche inclusive et à la reconstruction d’une coopération transfrontalière basée sur le respect des droits humains ([12], [13]). 

Conclusions et perspectives 

Pour le monde 

Juin 2025 restera comme un mois révélateur de la crise du multilatéralisme et de la montée des logiques de puissance. L’illusion d’une sécurité fondée sur la seule force s’estompe face à la persistance de l’instabilité mondiale ([1], [3], [6], [8]). La nécessité de repenser la gouvernance internationale, en réhabilitant le dialogue et le respect du droit, s’impose comme l’enjeu majeur des prochaines années. 

Pour Haïti 

La restauration de la sécurité en Haïti passe par une refondation profonde des institutions, une lutte implacable contre l’impunité et la relance de l’économie locale ([12], [13], [15]). Les solutions imposées de l’extérieur ne sauraient suffire : seule une appropriation nationale, associant toutes les composantes de la société, permettra de sortir de l’ornière. La solidarité internationale, pour être efficace, doit s’appuyer sur une écoute active des besoins haïtiens et sur un partenariat respectueux des droits fondamentaux ([12], [13], [15]). 

Références 

[1] Communiqué final du sommet de l’OTAN, 25 juin 2025. 

[2] Rapport OTAN 2025 sur les dépenses de défense. 

[3] Analyses économiques CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), juin 2025. 

[4] Déclaration conjointe des membres de l’OTAN sur le soutien à l’Ukraine, 24 juin 2025. 

[5] Reuters, « UK to fund Ukrainian air defense with frozen Russian assets », 24 juin 2025. 

[6] Conférence de presse de Donald Trump, Rotterdam, 25 juin 2025 (retranscription Maison Blanche). 

[7] Politico Europe, « NATO summit: Trump’s mixed messages on spending », 26 juin 2025. 

[8] The Washington Post, « Trump’s Hiroshima analogy draws backlash », 25 juin 2025. 

[9] Rapports du Defense Intelligence Agency (DIA) et de l’AIEA, mai–juin 2025. 

[10] Le Monde, « Sommet de l’OTAN : les partenaires asiatiques boudent Rotterdam », 23 juin 2025. 

[11] OTAN Briefing, « Enhancements to collective defense logistics », 26 juin 2025. 

[12] Déclarations du Conseil de Transition Présidentiel haïtien, 20–28 juin 2025. 

[14] haitianbridgealliance.org/haitian-bridge-alliance-applauds-attorney-generals-and-civil-rights-organizations-challenging-trump-administrations-termination-of-tps-for-haitian-nationals-in-court/?utm_source=chatgpt.com 

samedi 31 mai 2025

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS NO 55 : TRUMP, LES DECRETS ET LES FRACTURES GLOBALES – HAÏTI ENTRE PRESSIONS EXTERIEURES ET CHAOS INTERIEUR

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS NO 55 : TRUMP, LES DECRETS ET LES FRACTURES GLOBALES – HAÏTI ENTRE PRESSIONS EXTERIEURES ET CHAOS INTERIEUR

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 MAI 2025

 

Mai 2025 s'achève sur une note de turbulences géopolitiques et de crises internes profondes. Le président Donald Trump, dans son second mandat, a intensifié ses politiques controversées, tant sur le plan intérieur qu'extérieur. Son voyage au Moyen-Orient et ses décrets exécutifs ont suscité des débats mondiaux. Parallèlement, Haïti continue de faire face à des défis internes majeurs, notamment une insécurité persistante et des débats houleux autour d'une nouvelle constitution. Cet article examine ces dynamiques en deux parties : d'abord, l'impact des actions de Trump sur le monde et Haïti ; ensuite, la situation intérieure haïtienne.

Avant de vous plonger dans l’analyse de la situation mondiale et en Haïti, notez ceci : Paris Saint Germain a battu l’Inter de Milan 5-0 et est devenue la 2e équipe française à gagner la Champions League après l’équipe de Marseille.

 

I. LE MONDE SOUS L'OMBRE DE TRUMP : DECRETS, DIPLOMATIE ET REPERCUSSIONS

1.1.            Une diplomatie transactionnelle au Moyen-Orient

 Du 13 au 16 mai 2025, le président Trump a effectué une tournée au Moyen-Orient, visitant l'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis. Ce voyage a été marqué par la signature de contrats économiques et militaires d'une valeur de plus de 2 000 milliards de dollars, renforçant les liens entre les États-Unis et ces monarchies du Golfe. Cependant, cette approche axée sur les transactions économiques a suscité des critiques, notamment en raison de l'absence de discussions substantielles sur les droits de l'homme et les conflits régionaux, comme la situation à Gaza. [1]

1.2.          Le conflit Russo-Ukrainien et la position de Trump

Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, débuté en 2014 avec l'annexion de la Crimée par la Russie et intensifié par la guerre dans le Donbass, demeure un point de tension majeur sur la scène internationale. En mai 2025, le président Trump a adopté une position ambivalente sur cette crise. D'une part, il a exprimé son soutien verbal à l'Ukraine, affirmant l'importance de respecter la souveraineté territoriale et critiquant l'agression russe. D'autre part, son administration n'a pas pris de mesures concrètes pour renforcer l'aide militaire et économique à l'Ukraine, préférant se concentrer sur des accords économiques avec la Russie. Cette approche a été perçue comme un signe de faiblesse par les alliés européens et a suscité des inquiétudes quant à l'engagement des États-Unis en faveur de la sécurité en Europe. Il faut noter que Moscou bombarde l’Ukraine sans relâche et, malgré les répliques ukrainiennes sur des cibles militaires en Russie, en particulier à Moscou, agace Trump qui qualifie Putin de « fou » et de « jouer avec le feu » sur son Truth Social.

1.3. Décrets exécutifs : une redéfinition de la politique américaine

En mai 2025, le président Trump a signé plusieurs décrets exécutifs controversés. L'un d'eux a suspendu les entretiens pour les visas étudiants dans les ambassades américaines, affectant des milliers d'étudiants internationaux et suscitant des inquiétudes quant à l'impact sur l'enseignement supérieur aux États-Unis. [2] Un autre décret a mis fin au financement fédéral du National Public Radio (NPR), une organisation de radiodiffusion publique américaine qui produit et diffuse des programmes d'information et culturels, et Public Broadcasting Service (PBS), un réseau de télévision publique américain qui propose une grande variété de programmes éducatifs, culturels et de divertissement. Ce décret a provoqué une action en justice de la part de NPR, qui considère cette mesure comme une atteinte à la liberté de la presse. [3]

 Par ailleurs, l'administration Trump a proposé de reclasser de nombreux employés fédéraux en tant que travailleurs "à volonté", facilitant leur licenciement. Cette mesure, critiquée pour sa politisation potentielle de la fonction publique, pourrait avoir des implications profondes sur la gouvernance et l'efficacité des agences fédérales. [4]

1.4. Répercussions pour Haïti : entre pressions migratoires et soutien conditionnel

Les politiques migratoires renforcées de l'administration Trump ont des implications directes pour Haïti. La suspension des visas étudiants et les mesures strictes en matière d'immigration affectent les Haïtiens cherchant à étudier ou à migrer aux États-Unis. De plus, bien que les États-Unis aient exprimé leur soutien à la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti, ce soutien reste conditionnel et limité, laissant le pays dans une situation précaire. [5]

II. HAÏTI FACE A SES DEMONS INTERNES : INSECURITE ET DEBATS CONSTITUTIONNELS

2.1. Insécurité persistante : une lutte sans fin

Haïti continue de faire face à une insécurité généralisée, avec des gangs armés contrôlant de vastes zones, notamment à Port-au-Prince.

Haïti continue d'être en proie à une insécurité persistante marquée par des actes de violence fréquents et des troubles sociaux. Malgré les efforts déployés par les autorités pour renforcer la sécurité, les gangs criminels et les milices armées maintiennent leur emprise sur plusieurs régions du pays. La population haïtienne, confrontée à des conditions de vie extrêmement difficiles, cherche des moyens de subsistance et de sécurité dans un contexte de crise.

Entre janvier et mars 2025, au moins 1 617 personnes ont été tuées dans des violences impliquant des gangs, des groupes d'autodéfense et les forces de sécurité.

Bien que des opérations de sécurité aient été menées, les résultats restent limités, et la population continue de vivre dans la peur.

Les tensions politiques internes sont exacerbées par les pressions extérieures et les réponses inadaptées aux besoins de la population haïtienne, notamment en matière de sécurité, d'éducation et de développement économique. Chaque décision politique, qu'elle soit prise localement ou à l'international, a des répercussions profondes sur la stabilité du pays et le quotidien de ses habitants.

Les débats constitutionnels ajoutent une couche supplémentaire de complexité à la situation en Haïti. Le gouvernement haïtien a proposé une réforme constitutionnelle visant à renforcer l'exécutif et à moderniser les structures de gouvernance. Cependant, ce projet suscite des controverses. Les critiques soulignent le manque de transparence du processus, l'absence de consultation populaire et les risques de dérive autoritaire. De plus, le coût élevé de cette réforme avec cette architecture très lourde issue de la réforme proposée, dans un contexte de crise économique, est jugé inapproprié par de nombreux observateurs.

2.2. Réforme constitutionnelle : espoirs et controverses

Le gouvernement haïtien propose une réforme constitutionnelle pour moderniser la gouvernance. Elle prévoit 1 gouverneur, 2 sénateurs par département, 1 député par arrondissement, 1 maire par commune, ainsi qu'un président, un premier ministre et des ministres au gouvernement central. Cette nouvelle structure entend faire de la commune la plus petite entité administrative du pays. Sera-t-elle efficace pour Haïti?

En dépit de l'insécurité et des débats constitutionnels en cours, Haïti montre des signes de résilience et de résistance. La population haïtienne, malgré les difficultés, continue de faire preuve d'une incroyable détermination à surmonter les défis quotidiens. Les organisations locales et internationales travaillent sans relâche pour apporter un soutien humanitaire, améliorer les conditions de vie et promouvoir des solutions durables.

D'un autre côté, la réforme constitutionnelle suscite espoirs et controverses. Certains voient dans cette réforme une chance de moderniser le système politique, de renforcer l'exécutif et d'instaurer une gouvernance plus efficace. D'autres, cependant, craignent que cette réforme n'ouvre la porte à une centralisation excessive du pouvoir (?) et à des dérives autoritaires. Il est donc crucial que ce processus soit mené de manière transparente et inclusive, avec une véritable consultation populaire.

Le projet de réforme constitutionnelle est emblématique des défis auxquels Haïti est confronté. Alors que certaines voix y voient une opportunité de modernisation et de renforcement de l'exécutif, d'autres dénoncent les risques de centralisation du pouvoir et de dérive autoritaire. Les débats sont vifs, et la nécessité d'une consultation populaire transparente devient de plus en plus pressante. Dans un contexte mondial et haïtien de crise économique aiguë, le coût de cette réforme est également source de préoccupations.[6]

Le dialogue entre les différents acteurs politiques et la société civile est essentiel pour trouver un consensus et éviter une polarisation qui pourrait aggraver la situation. La communauté internationale a également un rôle important à jouer en soutenant des initiatives de développement et en encourageant des réformes justes et équitables.

Dans ce contexte complexe, la population haïtienne continue d'espérer des jours meilleurs. Les efforts pour renforcer la sécurité, améliorer l'éducation et promouvoir le développement économique doivent être poursuivis avec détermination. Haïti, avec son histoire riche et sa culture vibrante, mérite de trouver la paix et la stabilité nécessaires pour construire un avenir prospère.

Cependant, ce projet suscite des controverses. Les critiques soulignent le manque de transparence du processus, l'absence de consultation populaire et les risques de dérive autoritaire. De plus, le coût élevé de cette réforme, dans un contexte de crise économique, est jugé inapproprié par de nombreux observateurs. [7]

 

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Le mois de mai 2025 illustre les défis complexes auxquels le monde et Haïti sont confrontés.

C'est dans ce contexte complexe et incertain que les enjeux contemporains d'Haïti doivent être compris. Les décisions prises à l'international, particulièrement par les États-Unis, ont des répercussions profondes sur la réalité haïtienne.

Les actions du président Trump redéfinissent la politique américaine, avec des implications mondiales, tandis que Haïti lutte pour sa stabilité interne.

Les relations entre Haïti et les États-Unis sont également marquées par une histoire tumultueuse, où les interventions politiques, économiques et militaires ont souvent laissé le pays dans une situation de dépendance et de fragilité. Les récentes mesures de l'administration Trump ne font que renforcer cette dynamique, mettant en lumière les défis migratoires et sécuritaires auxquels Haïti doit constamment faire face.

Malgré ces obstacles, des acteurs locaux et internationaux continuent de travailler pour la stabilité et le développement du pays, cherchant à équilibrer la nécessité de réforme et la réalité des pressions extérieures. Alors que Haïti se bat contre ses démons internes, notamment l'insécurité et les débats constitutionnels, il est essentiel de comprendre l'impact des décisions internationales sur son avenir.

Face à ces défis, une approche concertée, transparente et inclusive est essentielle pour construire un avenir plus stable et prospère.

Cependant, il est impératif que la communauté internationale comprenne et soutienne les efforts de stabilisation et de développement en Haïti. Des initiatives collaboratives, tant au niveau régional qu'international, pourraient offrir une lueur d'espoir dans cette lutte acharnée pour la paix et la prospérité.

Annexe : Références

[1] "Why the Trump Administration Is Pausing New Student Visa Interviews at Embassies Across the World", Time, 28 mai 2025. [URL]

[2] "NPR sues Trump administration over funding cuts it says violate first amendment", The Guardian, 27 mai 2025. [URL]

[3] "Trump's Middle East Trip: Here Are All The Major Deals Signed", Forbes, 15 mai 2025. [URL]

[4] "Top Russian security officer accuses U.S. of destabilizing global order", Reuters, 10 mai 2025

Cet article de Reuters aborde les accusations portées par un haut responsable de la sécurité russe contre les États-Unis. Selon lui, les actions américaines visent à déstabiliser l'ordre mondial, créant des tensions géopolitiques et économiques à une échelle sans précédent. L'article analyse les implications de ces accusations pour la politique internationale tout en présentant les réactions des divers acteurs mondiaux.

[5] "Europe grapples with migrant crisis amid new wave of arrivals", BBC News, 20 avril 2025

BBC News rapporte les défis auxquels l'Europe est confrontée en raison d'une nouvelle vague de migrants. Cet article examine les mesures prises par les pays européens pour gérer cette crise humanitaire, ainsi que les divergences politiques internes qui en découlent. Des témoignages de migrants et des réponses des gouvernements européens sont également inclus pour offrir un portrait complet de la situation actuelle.

[6] "China's economic growth slows down as trade tensions with the U.S. persist", CNN, 5 mars 2025

Cet article de CNN se penche sur le ralentissement de la croissance économique de la Chine, attribué en grande partie aux tensions commerciales persistantes avec les États-Unis. Il explore les stratégies adoptées par la Chine pour surmonter ces défis, les impacts sur le marché global, et les prévisions économiques à long terme. Des avis d'experts économiques et des données chiffrées viennent renforcer l'analyse.

[7] "Ongoing climate change discussions: A global perspective", National Geographic, 22 janvier 2025

National Geographic offre une perspective globale sur les discussions en cours concernant le changement climatique. Cet article met en lumière les efforts internationaux pour combattre les effets du changement climatique, les accords et les désaccords entre les nations, ainsi que les initiatives locales innovantes. Il présente également des études scientifiques récentes et des projections futures concernant l'état de l'environnement.

Ces articles permettent de comprendre les enjeux internationaux actuels et les perspectives de différents acteurs mondiaux sur des questions cruciales telles que la sécurité, l'immigration, l'économie et l'environnement.

mercredi 21 mai 2025

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS NO 54 : HAÏTI ET UKRAINE, DEUX NATIONS EN QUETE DE RESILIENCE

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS NO 54 : HAÏTI ET UKRAINE, DEUX NATIONS EN QUETE DE RESILIENCE

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

21 MAI 2025

 

Haïti et l'Ukraine, bien que géographiquement séparées et très éloignées l’une de l’autre, se trouvent toutes deux dans une situation critique : l'une en proie à une crise de gouvernance prolongée, l'autre confrontée à une guerre d'agression sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces nations ont un défi commun : reconstruire un État fonctionnel basé sur la sécurité, la gouvernance et le développement.


·       Sécurité : chaos intérieur et guerre totale


En Haïti, la sécurité intérieure est gravement compromise, avec plus de 80 % de la capitale contrôlée par des groupes armés [1]. Les citoyens vivent dans la peur constante des kidnappings, des violences et des extorsions. La Mission multinationale de soutien à la sécurité, attendue depuis 2023, rencontre des difficultés de déploiement en raison de la complexité de la situation locale et de la résistance rencontrée [2]. L’Ukraine, quant à elle, subit une guerre totale initiée par la Russie en février 2022. Malgré les bombardements quotidiens et les pertes humaines, la mobilisation civile et militaire demeure solide, soutenue par l'aide militaire occidentale [4]. Les familles ukrainiennes sont prises entre l'évacuation et la survie, tandis que les soldats font preuve de bravoure malgré les conditions extrêmes.


·       Reconstruction : urgence humanitaire et projet de refondation


En Ukraine, bien que les infrastructures vitales soient ciblées, l'État continue de fonctionner. Le gouvernement envisage une reconstruction à long terme estimée à plus de 524 milliards de dollars [5], incluant la réparation des routes, des écoles, des hôpitaux, et des réseaux énergétiques endommagés. La mise en place de plateformes anticorruption [6] vise à assurer que les fonds de reconstruction soient utilisés efficacement. Haïti, malgré ses défis, a instauré un Conseil présidentiel de transition (CPT) en 2024, chargé de restaurer les services de base tels que l'approvisionnement en eau potable, l'électricité, et les soins médicaux, et d'organiser des élections crédibles [7]. La population haïtienne espère que ces efforts permettront de revigorer l'économie et de stabiliser le pays après des années de turbulences. Toutefois, cet espoir fait chaque jour face à des doutes liés à l’incapacité du CPT à mater les bandits, pour ne pas dire les terroristes, et à gouverner ce qui reste du pays sous son contrôle.
 
·       Gouvernance : entre fragilité et volonté de réforme


Haïti est en situation de "collapsus institutionnel" [8]. Le système judiciaire est paralysé, incapable de traiter les affaires courantes, les tribunaux étant souvent fermés ou sous contrôle de factions armées. Le parlement dysfonctionnel et ne parvenant pas à légiférer pendant longtemps n’existe plus, et la présidence vacante depuis 2021 laisse le pays sans direction claire [9], même si depuis l’assassinat du président Moïse et l’épisode assez long d’Ariel Henry, l’on s’accommode d’un CPT à 9 Têtes à la présidence. En revanche, l'Ukraine maintient une certaine cohésion démocratique sous la loi martiale. La société civile reste attentive aux questions de corruption [10], et des réformes structurelles sont entreprises malgré la guerre, notamment pour renforcer la transparence et l'efficacité de l'administration publique.


Conclusion


Face à la guerre et au désordre, l'Ukraine et Haïti représentent deux formes extrêmes de crise mais aussi de résilience. Une solidarité internationale adaptée est cruciale pour permettre à ces deux nations de retrouver un cadre de paix, dignité et gouvernance responsable. Le soutien logistique, financier et humanitaire doit être renforcé pour aider ces pays à surmonter leurs défis respectifs et à bâtir un avenir plus stable pour leurs citoyens.

 

Références

 1. ONU, Rapport sur la situation sécuritaire en Haïti, mars 2024 

2. Le Monde, « La force multinationale tarde à se mettre en place », avril 2024 

3. Kyiv Independent, « Ukraine: état des forces armées », février 2025 

4. Politico Europe, « Western arms support to Ukraine », mars 2025 

5. Banque mondiale, Reconstruction of Ukraine: Investment Plan, 2024 

6. Transparency International Ukraine, rapport 2023 

7. Radio Métropole, « Conseil de transition investi », avril 2024 

8. International Crisis Group, Haïti : l’impasse sécuritaire, 2023 

9. Le Nouvelliste, « Haïti sans président ni parlement », juillet 2023 

10. OCCRP, « Fighting corruption amid war », décembre 2024

mercredi 30 avril 2025

HAÏTI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS 53 : LA POLITIQUE TARIFAIRE DE TRUMP, LA GUERRE SINO-AMERICAINE ET HAÏTI : LA CRISE S’AGGRAVE

 

HAÏTI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS 53 : LA POLITIQUE TARIFAIRE DE TRUMP, LA GUERRE SINO-AMERICAINE ET HAÏTI : LA CRISE S’AGGRAVE

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 AVRIL 2025

Alors qu’avril s’achève dans un climat mondial tendu, Haïti semble plus que jamais prise dans un engrenage tragique où les conflits géopolitiques se mêlent aux dérives internes. Tandis que la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis atteint une intensité sans précédent, les conflits armés persistent en Ukraine et à Gaza, et la scène haïtienne continue de s’enliser dans une spirale de violence et de désintégration politique.

Cette chronique propose un double regard : d’abord, sur les lignes de fracture internationales qui redessinent les équilibres mondiaux ; ensuite, sur les répercussions concrètes pour Haïti, de plus en plus reléguée dans les angles morts de la solidarité internationale.


Une guerre économique aux conséquences globales

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a relancé une politique tarifaire agressive contre la Chine. JEAN-ROBERT JEAN-NOEL TV y a consacré un ensemble de vidéos explicatives sur YOUTUB. En avril 2025, les droits de douane sur les importations chinoises ont atteint un niveau record de 145 %, dans ce que Washington qualifie de « guerre commerciale réciproque ». Pékin a immédiatement riposté, mais l’impact se fait sentir bien au-delà des deux capitales.

L’économie chinoise est entrée en contraction, avec un indice PMI manufacturier tombé à 49, son plus bas niveau depuis 2023. En Chine, près de neuf millions d’emplois manufacturiers sont désormais menacés. Aux États-Unis, les ménages subissent une hausse moyenne de 1 243 dollars de dépenses liées aux taxes douanières. Les analystes du FMI anticipent une baisse de 1 % du PIB américain, et de 3,5 % pour la Chine d’ici la fin de l’année¹.

Cette confrontation économique a des effets collatéraux sur l’ensemble des marchés mondiaux, y compris sur les pays les plus vulnérables, qui subissent les contrecoups d’une instabilité commerciale persistante et d’un affaiblissement du multilatéralisme.


Gaza, Ukraine : crises humanitaires à répétition

Alors que les projecteurs médiatiques se concentrent sur les rivalités de grandes puissances, les conflits armés ne faiblissent pas. À Gaza, la situation a basculé dans l’horreur. Depuis deux mois, un blocus total a transformé l’enclave en cauchemar humanitaire : plus de 5,4 millions de personnes sont en insécurité alimentaire aiguë, dont 6 000 dans une phase « catastrophique » selon le Programme Alimentaire Mondial. Les prix ont explosé : un sac de farine se vend aujourd’hui 100 dollars. Et malgré les appels de l’ONU, près de 3 000 camions de l’UNRWA restent bloqués aux frontières².

En Ukraine, la guerre se poursuit dans une forme d’absurde banalisation. Fin avril, Moscou a décrété un cessez-le-feu unilatéral de 48 heures, suscitant plus de scepticisme que d’espoir³. À cette violence s’ajoute une perte symbolique majeure : la mort du pape François, figure morale d’envergure mondiale. Elle laisse un vide spirituel dans un monde qui semble de plus en plus privé de repères éthiques.


Le Canada à la croisée des chemins

Dans ce paysage mondial incertain, les élections fédérales canadiennes d’avril 2025 ont constitué un autre tournant. Le Parti libéral de Mark Carney a remporté 168 sièges, manquant de peu la majorité absolue estimée à 173. La défaite de Pierre Poilievre dans sa propre circonscription a surpris, mais témoigne d’un électorat polarisé, influencé par les tensions commerciales avec Washington et les débats sur l’immigration⁴. Le Canada, partenaire clef d’Haïti, se retrouve dans une posture politique nouvelle, mais encore incertaine quant à ses priorités diplomatiques régionales.


Haïti : l’abandon international sur fond de chaos intérieur

Pendant que les puissances redéfinissent leurs équilibres, Haïti s’enfonce dans le silence assourdissant de la désintégration. Le Conseil Présidentiel de Transition, mis en place en 2024(tout juste un an), peine à gouverner. Les décisions manquent de transparence et d’efficacité. Le pays, sans gouvernement effectif, est à la merci d’une violence de plus en plus organisée.

La Mission de Sécurité Multinationale (MSS), placée sous l’égide des Nations unies, s’enlise. Seuls 416 soldats kényans ont été déployés sur les 2 500 promis, et moins de 20 % du budget de 600 millions de dollars est actuellement financé⁵. Pire encore, la mission semble cantonnée à des zones symboliques – palais national, aéroport – sans impact réel sur les quartiers contrôlés par les gangs.


La République des gangs

Dans l’espace laissé vacant par l’État, les gangs se sont imposés comme puissance de facto. À Port-au-Prince, ils taxent désormais l’eau potable – 80 % de la ville dépend des camions-citernes – et interceptent jusqu’à 30 % de l’aide humanitaire. Dans le Centre et l’Artibonite, leur emprise sur des villes comme Mirebalais a provoqué l’effondrement de la production agricole, avec une baisse de 70 % des récoltes de riz, et une flambée des prix de 340 % en un an⁶.

Leur financement est transnational : en 2024, plus de 1,2 million de dollars ont été perçus en rançons, et près de 90 % des armes saisies proviennent des États-Unis, via la Floride. On estime leur budget annuel à plus de 500 millions de dollars. Les réseaux sociaux sont leur principal outil de propagande et de recrutement. Des vidéos diffusées sur TikTok ou WhatsApp servent à enrôler les jeunes : 15 % des 50 000 membres actifs des gangs sont des enfants⁷.


Haïti, orpheline du monde ?

La communauté internationale semble avoir tourné la tête. Absorbés par les crises sino-américaines, les États-Unis ont réduit leur aide bilatérale à Haïti de 62 % depuis 2023. L’Union européenne, quant à elle, consacre 73 % de son budget humanitaire à l’Ukraine⁸. La diplomatie caribéenne est atone, et le Brésil, autrefois actif dans la région, reste silencieux.

Pendant ce temps, les Haïtiens se mobilisent, protestent, résistent. Le 31 mars, deux religieuses ont été assassinées à Mirebalais – un choc national. Les églises, les écoles, les hôpitaux sont ciblés. Et pourtant, dans les rues, des milliers de manifestants réclament encore un retour à l’ordre, une rupture avec l’impunité, un espoir.


Une urgence humanitaire et morale

Haïti n’est pas seulement un pays en crise : elle est un révélateur. De l’indifférence des grandes puissances. Du recul du droit international. De la faillite morale d’un ordre mondial incapable de répondre à la souffrance des plus vulnérables.

Alors que le monde est à la croisée des chemins, Haïti incarne ce que nous risquons de perdre si nous renonçons à la solidarité, à la justice, à la responsabilité collective. Ce ne sont pas seulement des institutions à reconstruire : c’est un tissu social, une dignité nationale, une humanité partagée.


Notes

  1. FMI – Rapport économique régional sur les Amériques, avril 2025.
  2. Programme Alimentaire Mondial (PAM), communiqué du 26 avril 2025.
  3. Al Jazeera, "Russia declares unilateral ceasefire in Ukraine", 28 avril 2025.
  4. CBC News, résultats électoraux fédéraux, 28 avril 2025.
  5. ONU – Briefing sur la Mission MSS, avril 2025.
  6. Observatoire Agricole Haïtien, rapport du 15 mars 2025.
  7. Human Rights Watch, "Haïti : jeunesse en otage", rapport 2025.
  8. Commission Européenne – DG ECHO, budget humanitaire 2025.

 

samedi 29 mars 2025

HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS No 52 : USA DOS À DOS AVEC SES ALLIÉS, HAÏTI S'ENFONCE DANS SES TOURMENTES

 

HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS No 52 : USA DOS À DOS AVEC SES ALLIÉS, HAÏTI S'ENFONCE DANS SES TOURMENTES

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

29 MARS 2025

Le monde est actuellement témoin d'une réorganisation géopolitique majeure, où les alliances traditionnelles des États-Unis sont mises à rude épreuve. Alors que le conflit en Ukraine persiste, des signes de rapprochement entre Washington et Moscou font surface, remettant en question l'engagement américain envers ses partenaires européens [1]. Parallèlement, les mesures controversées de Donald Trump – notamment la pression sur les alliés pour une augmentation de leur contribution à l'OTAN – suscitent des tensions au sein du bloc occidental [2].

Le sommet de Paris du 27 avril 2025, rassemblant 31 nations pour discuter du soutien à l'Ukraine, a illustré ces dissensions. Certains pays européens commencent à exprimer un ras-le-bol face à la politique américaine, alors que la crise économique et militaire s'intensifie [3]. Ajoutons à cela le scandale du "Signal Gate", une fuite d'informations stratégiques qui expose la vulnérabilité des États-Unis et remet en cause leur leadership mondial [4].

En Haïti, la situation ne cesse d'empirer. En ce 29 mars 2025, jour du 38e anniversaire de la Constitution de 1987, le pays continue de souffrir des trois "I" : Instabilité politique, Insécurité, et Impunité [5]. Les promesses de stabilisation et de développement peinent à se concrétiser alors que les gangs armés renforcent leur contrôle sur des zones stratégiques du territoire [6].

A.          SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

        Les États-Unis et leurs Alliés : Une Fracture Grandissante

La guerre en Ukraine et le repositionnement américain

 Après plus de trois ans de conflit, les États-Unis, avec la prise de fonction de Trump, promesse de campagne oblige, adoptent une approche plus pragmatique, cherchant à éviter une escalade prolongée. En 2024, l'aide militaire à l'Ukraine a été réduite de 20 %, et Trump, après le clash avec Zelensky le 28 février au bureau ovale, a « aveuglé l’Ukraine » en coupant les renseignements satellitaires qui ont permis des avancées russes sur Koursk, tandis que la Russie et les États-Unis ont entamé des discussions discrètes sur un possible accord [7]. Ce revirement stratégique s'explique par la sympathie de Trump vis-à-vis de Poutine, par une fatigue croissante de l'opinion publique américaine face aux dépenses militaires excessives et par la nécessité pour Washington de concentrer ses efforts sur la concurrence avec la Chine. De plus, l’augmentation du budget militaire chinois de 7,2 % en 2025 pousse les États-Unis à redéfinir leurs priorités géopolitiques en Asie [8]. Il faut noter aussi que la philosophie de Trump « Amérique d’abord et Partout » l’a poussé à adopter un ensemble de mesures contre les alliés de l’Amérique, dont le Mexique, le Canada, l’Union Européenne et son revirement en faveur de la Russie, l’ennemie de l’Occident, a convaincu le reste de l’occident, en particulier la France, à réagir en organisant le Sommet de Paris.

Le sommet de Paris du 27 avril 2025 et ses implications

Cette réunion internationale a mis en évidence les divergences croissantes entre les États-Unis et certains de leurs alliés européens. Tandis que Washington s’aligne de plus en plus sur le narratif de la Russie par rapport à l’Ukraine, plusieurs pays européens, dont la France, le Royaume Uni et l’Allemagne, renforcent leurs liens face à la politique Amérique de Trump. Le sommet a également révélé des fractures internes au sein de l'UE, certains États appelant à une politique plus autonome vis-à-vis des États-Unis [9]. La France et ses alliés du Sommet se sont mis d’accord sur « Une force de réassurance » pour garantir la sécurité de l’Ukraine en cas d’un cessez-le-feu et d’un accord de paix russo-ukrainien. Surtout avec les conséquences du scandale du « Signal Gate » qui secoue l’Amérique.

Le scandale du "Signal Gate" et ses conséquences :

La révélation d'une fuite massive de données classifiées, impliquant des informations sensibles sur la stratégie militaire américaine et ses relations diplomatiques, a porté un coup dur à l’image des États-Unis. Le chef de l’occident, l’Amérique, perd un peu de sa superbe à cause de la complaisance et de l’incompétence de ses plus hauts dirigeants. Cette crise a renforcé la méfiance des alliés européens et exposé les fragilités du renseignement américain [10].

Et comment va Haïti par rapport à la mouvance géopolitique mondiale ?

B.           SITUATION AU NIVEAU D’HAITI

 Haïti au 29 Mars 2025 : Une Crise qui Perdure

Instabilité politique et Impunité

Le Conseil Présidentiel de Transition, mis en place pour stabiliser le pays et actuellement dirigé par Fritz Alphonse JEAN, est confronté à des luttes internes et à des difficultés de gouvernance. Aucune avancée significative n’a été réalisée pour organiser des élections crédibles [11], si ce n’est la préparation par le CEP du processus référendaire et électoral mis en avant par le président de cette entité, M. Patrick Saint Hilaire. Les partis politiques restent fragmentés, et les négociations pour la mise en place d'un gouvernement de consensus n'ont abouti à aucun accord concret, alimentant la défiance populaire. L'impunité des élites politiques et économiques continue d’alimenter la colère des citoyens, tandis que la justice demeure inefficace pour sanctionner les actes de corruption et de violence [12]. Qu’en est-il du processus référendaire et électoral ?

Le processus référendaire et électoral  

Face à la pression nationale et internationale, le gouvernement de transition a annoncé un calendrier préliminaire pour un référendum constitutionnel suivi d’élections générales. Toutefois, les obstacles logistiques, financiers et sécuritaires compromettent la tenue effective de ces scrutins. L’ONU et d'autres partenaires internationaux tentent de structurer une mission d'observation électorale, mais les défis restent nombreux, notamment l'accès aux zones contrôlées par les gangs et la garantie d’un scrutin transparent [13]. Les propos de M. Saint Hilaire à Télé Métropole semblent plutôt rassurants et sont conditionnés, entre autres, par la question sécuritaire.

Insécurité et avancée des gangs

Les gangs armés contrôlent plus de 60 % du territoire haïtien, rendant toute intervention de l'État difficile. Le nombre d’enlèvements a augmenté de 35 % par rapport à 2024, avec plus de 1 200 cas signalés au premier trimestre 2025 [14]. Des zones autrefois considérées comme sûres, telles que Thomassin, Kenscoff et la zone de Paco, sont désormais sous la menace constante des gangs. La tentative d'attaque de Grand Griffe sur Petite-Rivière de l'Artibonite illustre l'expansion de ces groupes armés bien au-delà de la zone métropolitaine de Port-au-Prince [15].

C.           CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

              1.           Conclusions

L’analyse menée dans cette 52e rubrique, démarrée avec la crise du Covid, sur le thème « Haïti et le Monde à la croisée des chemins » sous forme d’interrogation, s’oriente de plus en plus vers un nouvel ordre mondial depuis la prise de pouvoir par Trump aux USA. Cette Amérique d’Abord et partout humilie ses alliés de l’occident et les menace de sanctions beaucoup plus fortes que celles des ennemis de l’occident comme la Russie et la Chine. Le cas de l’Ukraine illustre très bien le revirement de l’Amérique qui a voté contre l’Ukraine à l’Assemblée de l’ONU et entrainant Haïti dans son sillage. L’Europe commence à prendre des mesures pour se renforcer tant sur le plan économique que militaire pour réduire sa dépendance vis-à-vis des USA.

Quant à Haïti, en plus de sa crise multiforme et multidimensionnelle interne, elle devra faire face à certaines mesures prises par Donald Trump, dont la masse déportation, la fermeture de l’USAID, les mesures contre le TPS, contre le programme Biden. De plus, les répercussions des politiques de Trump sur le monde affecteront grandement Haïti.

2.           Perspectives

2.1        Perspectives Mondiales pour Avril et au-delà

Évolution des alliances internationales avec des repositionnements stratégiques des grandes puissances

L’Europe pourrait se détourner progressivement des États-Unis pour renforcer ses propres capacités de défense [16]. Ce scénario renforcerait l’autonomie stratégique du continent, mais soulèverait des défis logistiques et budgétaires considérables. D’ailleurs, un rapport du FMI en 2025 indique que les budgets de défense des pays européens devront augmenter de 15 % pour assurer une indépendance militaire crédible [17].

2.2        Perspectives pour Haïti

L’urgence d’un consensus politique pour garantir la mise en place d’un gouvernement stable

 Sans un accord national, le pays risque une implosion politique et sociale [18]. Des initiatives locales et internationales tentent de favoriser le dialogue, mais les rivalités entre factions politiques entravent tout progrès. De plus, la communauté internationale conditionne l’aide financière à la mise en place d’institutions électorales crédibles [19]. Avec la persistance des effets des 3 « I » Instabilité politique, Insécurité et Insécurité, l’avenir d’Haïti s’annonce encore plus sombre. Attendons voir.

Références

1)      Statistiques de l'aide militaire américaine à l'Ukraine en 2024-2025.

2)      Impact du "Signal Gate" sur la sécurité nationale des États-Unis.

3)      Évolution du budget militaire des pays de l’OTAN entre 2020 et 2025.

4)       Analyse de l’insécurité en Haïti et son impact sur l’économie locale.

5)      Rapport des Nations Unies sur la situation humanitaire en Haïti (Mars 2025).

6)      Étude du FMI sur l’impact économique de la guerre en Ukraine.

7)       Perspectives géopolitiques et économiques de l’UE face aux tensions internationales.

8)       État des négociations sur le processus référendaire et électoral en Haïti.

9)       Carte des zones contrôlées par les gangs en Haïti (2025).

10)  Interview de Patrick Saint-Hilaire sur le processus électoral.

11)  Recommandations pour la stabilisation politique en Haïti.

12)  Réduction de 20 % de l’aide militaire américaine à l’Ukraine en 2024.

13)  Discussions discrètes entre les États-Unis et la Russie sur un possible accord.

14)  Augmentation du budget militaire chinois de 7,2 % en 2025.

15)  Nombre d’enlèvements en Haïti au premier trimestre 2025 (augmentation de 35 % par rapport à 2024).

16)  Taux de contrôle des gangs sur les zones métropolitaines en Haïti.

17)  Fractures internes au sein de l'UE suite au sommet de Paris du 27 avril 2025.

18)  Impact des mesures de Donald Trump sur les alliés de l'OTAN.

19)  Impact de la crise sécuritaire en Haïti sur les déplacements internes (plus de 200 000 personnes déplacées en 2025).