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jeudi 1 février 2024

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMIN (43) ? LE MONDE, LA GUERRE EN UKRAINE ET STAGNATION SUR LE TERRAIN, LA GUERRE ISRAELO-HAMAS ; HAITI, LA MEME RANGAINE ET CETTE FOIS-CI GUERRE CIVILE OU ENTENTE(?)

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMIN (43) ? LE MONDE, LA GUERRE EN UKRAINE ET STAGNATION SUR LE TERRAIN, LA GUERRE ISRAELO-HAMAS ; HAITI, LA MEME RANGAINE ET CETTE FOIS-CI GUERRE CIVILE OU ENTENTE(?)

 

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 JANVIER 2024

 

 Sur le plan international, l’année 2023 est dominée par la guerre Russo-Ukrainienne avec ses dizaines de milliers de morts, de blessés et de disparus, ses pertes matérielles et ses diverses conséquences sur les deux pays et sur le monde. A partir d’octobre 2023, la Guerre Israélo-Hamas, avec des pertes de tout genre, vient compliquer la situation au Moyen-Orient, avec des risques d’escalades et leurs conséquences désastreuses sur le monde entier. Ces deux guerres et d’autres poches de conflits qui mettent face à face l’Occident et ses alliés ainsi que l’Est global avec la Russie et la Chine comme leaders, sont en train, à la suite du Covid-19, de refaçonner le monde en une multipolarité qui étend ses tentacules, avec en particulier des répercussions sur l’Afrique et Haïti. Il faut souligner aussi la domination de Trump sur l’actualité 2023 aux USA et la possibilité d’un nouveau duel Biden vs Trump et ses répercutions éventuelles sur notre pays Haïti.

 

En Haïti , 2023, que j’espérais être l’année de redémarrage d’Haïti[1] sans aucune donnée objective, s’est achevée comme elle avait commencé dans la confusion et l’incertitude, le kidnapping donc l’insécurité globale (I) ; les sanctions internationales contre certaines personnalités politiques et économiques sans suite au niveau national donc impunité (I), même si certains juges ont émis des mandats par-ci par-là contre certaines personnalités plutôt politiques fin d’année 23 et début 24 ; les multiples rencontres entre les politiciens sous contrôle international soit en Haïti, soit à l’étranger, sans aucun résultat, donc instabilité politique (I). Les trois (I) dominent la situation Haïtienne. Cette situation très complexe, confuse et incertaine pourrait déboucher sur une guerre civile en Haïti au cas où une entente entre nous ne serait pas trouvée rapidement, ou encore une intervention de l’international comme en 1915. D’où le titre de cet article : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMIN (43) ? LE MONDE, LA GUERRE EN UKRAINE ET STAGNATION SUR LE TERRAIN, LA GUERRE ISRAELO-HAMAS ; HAITI, LA MEME RANGAINE ET CETTE FOIS-CI GUERRE CIVILE OU ENTENTE(?) ».

 

I.        SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

 

Comme souligné à l’introduction de cette 43e chronique, les trois grands événements qui ont dominé en 2023 et qui persistent encore en début de 2024 demeurent (i) la guerre Russo-Ukrainienne, (ii) la guerre Israélo-Hamas et (iii) la saga D. Trump avec très probablement un nouveau duel Biden vs Trump. Il y a certes d’autres événements comme ce qui se passe en Afrique (Mali, Burkina Faso et Niger). Essayons de synthétiser ces trois événements.

 

1.1.            Guerre Russo-Ukrainienne

 

Le mois de février 2024 nous rappelle les deux années de guerre entre la Russie et l’Ukraine. La contre-offensive ukrainienne de l’été a échoué. Le pays qui est à l’offensive actuellement c’est la Russie, mais vraiment avec peu de gains importants de territoires. Depuis que la Russie s’est repliée sur le Donbass après avoir tenté vainement de prendre Kiev, la capitale de l’Ukraine, en 2022, la guerre d’attrition s’est concentrée au niveau de cette zone en grande partie dominée par elle depuis 2014.  La Russie considère qu’une grande partie de ces territoires appartient désormais à la grande Russie. Les quatre (4) Oblasts Donets, Louhansk, Zaporijia et Kherson font partie intégrante de la Russie, sans compter la péninsule de Crimée annexée depuis 2014. Ce que conteste l’Ukraine. Donc la guerre fait toujours rage dans ces zones, en particulier dans le Donbass. Le front s’étend sur plus de 1000 km.

 

Au cours de l’année 2023, en plus de la guerre d’attrition dans le Donbass, très consommatrice, d’hommes (+250,000), de matériels (+15,000) et de ressources financières, les deux états utilisent beaucoup de drones et de missiles balistiques (Russie). Les frappes à distance de la Russie touchent toutes les parties de l’Ukraine avec des dégâts au niveau des infrastructures militaires et surtout civiles, causant des pertes dans la population civile ukrainienne. Fort souvent, les frappes russes visent délibérément les infrastructures civiles pour mettre à genoux la population ukrainienne surtout en Hiver, les privant d’eau potable, d’électricité, de services hospitaliers et autres, sans compter les nombreuses pertes en vies humaines.

 

Ces derniers temps, l’Ukraine a agi de la même manière à Belgorod en Russie, ce qui n’est pas à son honneur. D’une manière générale, l’Ukraine vise les infrastructures militaires. Après avoir forcé la Russie à s’éloigner le plus loin possible au niveau de la Mer Noire (20 navires russes coulés depuis le 24 février 2022 et en Crimée à partir des drones navals et des missiles d’origine européennes et américaines et dans les territoires occupés, l’Ukraine utilise ses propres moyens pour frapper la Russie dans la profondeur à des distances de plus de 1000 km, détruisant des objectifs militaires, des infrastructures de stockage de munitions, de carburants, des infrastructures de transports, de la logistique, des infrastructures d’approvisionnements. Ce qui oblige la Russie à faire des détours plus longs pour approvisionner ses troupes dans les territoires occupés. Malgré tout en matière de munitions, l’économie de guerre a permis à la Russie d’avoir beaucoup plus de disponibilités en termes de munitions et de matériels militaires et grâce aussi à l’aide de certains alliés comme la Corée du Nord et l’Iran.

 

 Contrairement à l’Ukraine qui a vu ses ressources diminuer à cause de manque de moyens mis à disposition par les occidentaux. Les Républicains sont réticents à accorder des crédits à l’Ukraine tandis que Victor Urban de la Hongrie, ami personnel de Poutine, a longtemps empêché l’Union Européenne de décaisser 50 milliards d’Euros pour l’Ukraine jusqu’à récemment encore. Les F16 promis à l’Ukraine par l'Occident arrivent à compte-gouttes. Heureusement que la France commence à envoyer certains missiles de précision comme le SCALP, l’équivalent du STORM SHADOW britannique. En tout cas, ce qui est en train de se mettre en place montre clairement que cette guerre va encore durer longtemps.

  

1.2.            Guerre Israélo-Hamas

 

L’autre guerre qui occulte celle de l’Ukraine c’est la guerre Israélo Ukrainienne. C’est une guerre terrible. C’est vrai que le Hamas a attaqué les personnes sans défense et a tué et pris en otage 1500 Israélien, la riposte d’Israël est à mon avis un peu démesurée, plus de 25,000 morts dont des enfants dans la population palestinienne en 4 mois de guerre et ça continue. La destruction d’une bonne partie de Gaza City et de la Bande de Gaza en général où vivent plus de 2 millions de palestiniens. Comme je l’ai dit dans une vidéo, de victime Israël est devenu bourreau.

 

Emu dans un premier temps pour les Israéliens, le monde est en train de changer de camp, ce qui a donné lieu à des manifestations anti-israéliennes dans plusieurs grandes villes du monde et même aux USA. Le premier ministre d’Israël refuse un cessez le feu réclamé par la majorité du monde. L’Afrique du Sud a même porté plainte au Tribunal International contre Israël, ce pays victime de génocide durant la 2e guerre mondiale est à son tour accusé de génocide par un pays avec lequel il a de bons rapports commerciaux et autres. Il est vrai aussi que l’Afrique du Sud, ce pays ami aussi de la Russie dans le cadre des BRICS, n'a pas levé le petit doigt quand la Russie a été accusée de génocide dans sa guerre sale contre l’Ukraine.

 

Cette guerre a des conséquences très désastreuses sur le monde, sur le commerce mondial en particulier. En effet, les Houtis du Yémen, sous contrôle uranien, attaquent les navires marchands qui traversent la Mer Rouge avant de franchir le Canal de Suez. Ce qui oblige la plupart d’entre eux à éviter cet itinéraire dangereux (baisse de 45% du commerce mondial) pour aller contourner l'Afrique jusqu’en bas (Afrique du Sud) avant de remonter l’Océan Atlantique vers l’Afrique du Nord et la Méditerranée. Ce parcours fait perdre beaucoup de temps et d’argent.

 

De plus, l’occident est obligé de prendre des mesures drastiques contre « ces terroristes » dont des frappes ciblées américaines et britanniques sur des bases au Yémen. Une base américaine située en Jordanie à la frontière avec la Syrie a été attaquée avec des drones, tuant 3 jeunes soldats américains et blessant une vingtaine d’autres. Biden a nommément accusé l’Iran et promet une réponse. Il y a donc risques d’escalades. Et notre cher ami Trump en a profité pour accuser Biden de faible.

 

1.3.            2024, Elections américaines, un probable duel des gérontes Biden vs Trump

 

Trump a occupé tout l’espace médiatique américain durant toute l’année 2023 et en ce début d’année 24. Il a beaucoup de démêlés avec la justice. Il est inculpé dans plusieurs affaires et est condamné récemment à payer 83.3 millions de dollars dans une des affaires. D’autres l’attendent au tournant. Pourtant, à chaque inculpation, il devient plus populaire au point de gagner le caucus de l’IOWA et les primaires de New Hampshire sans efforts et rallier derrière lui presque tous les autres candidats, sauf une, Nikki Haley. Il ne lui reste qu’à battre sa dernière adversaire pour obtenir l’investiture républicaine. Un duel Biden vs Trump se défile de plus en plus à l’horizon. Une victoire de Trump risque une aggravation de la situation mondiale liée à son attitude autocratique et de la situation haïtienne, ce « shithole Country », susceptible avec d’autres pays « d’empoisonner le sang américain », selon Trump.

 

II.      SITUATION AU NIVEAU D’HAITI

 

Au cours de l’année 2023, j’ai pleuré la disparition de deux êtres très chers, ma femme, Marie- Andrée F. Jean-Noël (mai 2023) et ma sœur ainée, ma seconde mère, Marie-Rose J.N. Thermil (juin 2023). Au début de cette année 2024 (18 janvier), c’était le tour de mon très cher professeur de sociologie rurale, mentor, collaborateur et ami, Bernard Ethéart, un patriote avec lequel j’ai mené, et aussi avec d’autres, le combat pour le développement d’Haïti. Tous mes proches-là sont partis sans voir le renouveau d’Haïti. Notre pays s’enfonce dans une sorte de catastrophe qui se renouvelle encore plus grave à chaque fois, en particulier au cours de l’année de malédiction de 2023 et l’année de la catastrophe annoncée de 2024. Heureusement, il y a canal Massacre, canal de la dignité et de l’espoir qui, malgré l'insécurité globale, continue son petit bonhomme de chemin (KPK: Kanal Pap Kanpe).

 

2.1.            Insécurité globale

 

Bien avant la disparition du président assassiné crapuleusement, M. Jovenel Moïse, Haïti était déjà dans un cycle infernal d’insécurité. Elle s’est aggravée depuis juillet 2021 jusqu’à date. Ariel Henry qui gouverne le pays depuis, avec la bénédiction de la communauté internationale, n’a jusqu’à présent respecté aucun des points de son mandat, remanier la constitution, la mise en place d’un Conseil électoral, l’organisation d’une consultation populaire sur la constitution et l’organisation des élections générales, naturellement tout ceci en menant une lutte sans merci contre l’insécurité pour ne pas dire contre le terrorisme.  Au contraire, après plus de 30 mois au pouvoir, il se perd dans des accords et désaccords qui ont exacerbé la situation d’insécurité, au point que la zone métropolitaine de Port-au-Prince est à 80% sous le contrôle des bandes armées qui sèment la terreur au niveau de cette zone et aussi au niveau de l’Artibonite.

 

Une véritable tragédie

Ces bandes armées pillent, kidnappent, violent, s’emparent des propriétés privées et surtout tuent la population et les policiers pour le plaisir (+ 8000 morts et blessés selon l’ONU), accaparent des bâtiments publics (50 commissariats), des institutions publiques et privées (Palais de Justice, écoles, etc.). Plus de 200,000 habitants de la zone métropolitaine sont sans abri et se retrouvent sur des places publiques ou dans des institutions publiques, sans compter les habitants au niveau de la plupart des villes du Bas-Artibonite. Ce qui poussent la plupart des Haïtiens à s’installer dans d’autres régions plus calmes du pays, dans d’autres pays soit clandestinement, soit dans le cadre du programme Biden (+90,000 personnes à date). On ne compte pas les Haïtiens qui sont en République Dominicaine, dans les Antilles, en Amérique Latine, en particulier ces derniers temps au Nicaragua et qui sont disparus en mer ou dans des forêts denses de l’Amérique Latine, une véritable tragédie. Fort souvent sous l’œil indifférent du gouvernement d’Ariel Henry et de ce qui reste de la justice haïtienne.

 

2.2.            Impunité

 

Kiyès ki touye Lanperè

Il faut avouer que l’impunité n’est pas l’apanage de ce gouvernement. C’est une constante de l’histoire haïtienne. En effet, depuis l’assassinat crapuleux de l’Empereur Jean Jacques Dessalines, le 17 octobre 1806, le fondateur d’Haïti, l’impunité s’est installée dans le pays, Kiyès ki touye Lanperè (Qui a tué l’Empereur ?) se répètent les Haïtiens jusqu’à date. Mais ces derniers temps, cette impunité apparait au grand jour et prend de l’ampleur depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, le 5e chef d'Etat assassiné dans le pays depuis 1806. Les gangs, disons plutot les terroristes agissent en toute impunité. Ils se permettent de filmer leurs forfaits sachant que personne ne peut leur demander de comptes. Ils font des menaces publiques et les mettent à exécution.

 

Car la justice fait partie du système depuis 1806

Il faut préciser que ces bandes armées ne sont pas un phénomène spontané. C’est tout un construit qui remonte à des temps immémoriaux. Mais depuis le début du processus de démocratisation à partir du départ de Jean Claude Duvalier (1986), elles sont encouragées par l’appareil étatique à se mettre en place et agir pour le compte des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis. Il en a été de même pour les oppositions politiques et divers secteurs des affaires dont les secteurs obscurs de la drogue. La justice a dû fermer les yeux sur beaucoup de cas de corruption, d’assassinat, de magouilles, etc. Car la justice fait partie du système mis en place depuis 1806. Rappelons l’assassinat de l'Empereur, de Salnave et du grand Journaliste Jean Léopold Dominique.

 

C’est le monde à l’envers

Regardons actuellement comment est traité le dossier de Jovenel Moïse en Haïti. Alors que, sur le plan international, aux USA, voyons l’orientation des condamnations des différentes personnes tant haïtiennes qu’étrangères impliquées dans cet assassinat crapuleux. Faisons la comparaison avec l’orientation que donne la justice haïtienne. Elle vise surtout certains proches de la victime comme son chef de la Police, certains anciens ministres, et sa femme Mme Martine Moïse, victime collatérale de cet assassinat crapuleux avec un bras cassé qui a nécessité  plusieurs interventions chirurgicales pour un semblant de fonctionnement normal. Pourtant un mandat d’amener est émis à son encontre par le juge instructeur, alors que certaines personnes du gouvernement actuel dont les noms sont cités dans des rapports de la police judiciaire et des organisations haïtiennes des droits de l’homme, du FBI et de la grande presse américaine après des enquêtes minutieuses, et qui ont fait des menaces directes contre l’ex-président, ne sont même pas inquiétées. C’est le monde à l’envers. Cette orientation semble être beaucoup plus politique.  

 

2.3.            Instabilité politique

 

C’est l’instabilité politique qui a conduit à l’assassinat du président Moïse, avec l’implication directe ou indirecte des oppositions politiques, des secteurs des affaires, de la drogue, de l’internationale. C’est pourquoi on parle de crime transnational impliquant au premier chef les Haïtiens, les Colombiens (commando), les USA et la République Dominicaine. Jovenel Moïse s’est attaqué au système. Il en est victime.  Depuis 1986, le système haïtien est très sérieusement ébranlé par la constitution de 1987 qui dispose de beaucoup d’éléments positifs pour lui tordre le coup. En voulant le changer en douceur, la constitution de 1987 a créé un déséquilibre en accordant trop de pouvoir au Législatif par rapport aux deux autres entités de l’Etat, à savoir l’Exécutif et le Judiciaire. Le système s’est donc réadapté par rapport à cette nouvelle donne, en jouant à fond la carte parlementaire pour capturer l’Etat et continuer ses magouilles et approfondir l’écart entre une élite corrompue et la masse. Dans un article publié[2] en pleine période de « pays lock » (2019), j’ai schématisé[3] ce déséquilibre et proposé un système équilatéral avec une répartition égale des trois pouvoirs d’Etat.

 

De la publication de cet article à date, la situation politique s’est considérablement dégradée surtout après l’assassinat du président Moïse et la prise de pouvoir par Ariel Henry tiré de l’opposition politique modérée et qui a fait alliance avec la branche de l’opposition radicale en la personne de Me André Michel, la principale figure de cette branche radicale de l’opposition qui a hérité en la personne de Ricard Pierre, l’homme qui a cassé, avec 3 autres sénateurs, les mobiliers du Sénat,  le ministère de la planification, l’un des ministères-clé du pays. L’instabilité politique s’est traduite par une sorte d’inaction masquée par des négociations sans fin, favorisant la perpétuation de cette équipe au pouvoir et le règne grandissant de bandits armés.

 

Le phénomène « Bwakale » est donc étouffé

Comme le peuple souffre, il a réagi contre les bandits par un phénomène appelé « Bwakale » où il a entrepris d’éliminer de manière violente certains bandits. Automatiquement, la communauté internationale et le gouvernement haïtien, jusque-là indifférents au sort du peuple haïtien, la grande victime de ces malfrats, s’offusquent et le gouvernement prend des mesures pour casser le mouvement. Le phénomène « Bwakale » est donc étouffé. Et les bandits qui étaient paniqués au point de chercher refuge dans certaines villes et villages de province, ont repris confiance et ont continué leurs exactions contre le peuple.

 

Une véritable dictature sanguinaire des bandits

Entre temps, nos politiciens indifférents au sort du peuple et la communauté internationale continuent leur semblant de négociation pour une solution durable à l’haïtienne laissant le champ libre aux bandits qui se pavanent en régnant sur des territoires qui s’agrandissent tous les jours. Ils deviennent de plus en plus riches et s’octroient des fonctions régaliennes de l’Etat comme percevoir des « taxes », décidant quand et où intervenir et même du droit de vie ou de mort sur le peuple. Ils ont établi une véritable dictature sanguinaire.

 

Tentative de paralysie du BSAP

Les Américains, pour une raison ou une autre, ont relâché l’ex-sénateur élu (et privé de son mandat), Guy Philippe après 6 ans dans leur geôle. Ce dernier aussitôt débarqué au pays a changé la donne politique en se constituant en révolutionnaire et en catalyseur des diverses parties prenantes anti Ariel Henry. Le Pouvoir pris de panique qui plaçait en douceur ses pions au sein de l’administration, accélère le processus en nommant des maires, des délégués au niveau des départements et arrondissements prenant fait et cause pour Guy Philippe, révoque le directeur général des aires protégées et intime l’ordre au BSAP, cette force dont la mission primaire est de sécuriser les aires protégées mais qui s’est faite une popularité en se tenant en face des forces dominicaines pour défendre la construction du canal Massacre contestée par Luis Abinader, le président dominicain, et en prenant position pour Guy Philippe.

 

2.4.            Canal Massacre, « canal de la dignité et de l’espoir »

En septembre 2023, les habitants de Ouanaminthe et de Ferrier ont décidé de reprendre la construction du canal Massacre suspendu depuis l’assassinat du président Moïse. Malgré l’opposition du président Abinader qui a adopté vis-à-vis d’Haïti une série de mesures disproportionnées pour un simple canal de capacité de 1.5 m3/s. Ces mesures ont eu pour effets immédiats de galvaniser les Haïtiens qui se sont arrangés sans l’appui du gouvernement pour mener à bien la construction du canal.

Le canal devient un enjeu politique

Actuellement, l’ouvrage de prise en rivière est pratiquement achevé. Les mesures adoptées par Abinader ont favorisé le renforcement d’une solidarité à toutes épreuves des Haïtiens autour du canal, qualifié de Canal de la dignité et de l’espoir. Au dernier moment, le gouvernement s’est manifesté pour apporter son appui dans la reconstruction du canal. Cet appui qui est d’ailleurs naturel, a fait polémique car la politique politicienne s’est mêlée de la question. Normalement, la construction de tous ouvrages de cette envergure relève exclusivement de l’Etat. Malheureusement, vu que ce gouvernement n’avait pris aucune mesure pour continuer la construction depuis plus de 2 ans, les paysans ont compris qu’ils étaient de leur devoir de prendre les choses en main.

Et c’est ce qu’ils ont fait et les politiciens se sont mêlés de la partie pour nuire au gouvernement en place déjà décrié. Le canal devient un enjeu politique. Et la plupart des politiciens de l’opposition ont payé de leur présence sur le canal, une petite visite par-ci, par-là, peut-être d’autres contributions (?). En tout cas, ce canal a forcé certains techniciens, profitant de l’engouement du canal, à proposer le montage d’un dossier sérieux pour Haïti et aussi pour l’agriculture. En tout cas, le canal nous redonne de l’espoir pour une autre Haïti, peut-être pas en 2024 mais pour plus tard sans faute.


III.    CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

L’année 2023, que j’ai qualifiée de l’année de redémarrage d’Haïti dans mon bilan 2022 et perspective 2023, s’est révélée une année catastrophique sur le plan personnel, pour Haïti et aussi pour le monde. Elle semble se prolonger en 2024 avec la disparition de mon très cher ami Bernard Ethéart, avec le 21e mois de la guerre Russo-Ukrainienne et le 4e mois de la guerre Israélo-Hamas, avec les dizaines de milliers de morts et de blessés dénombrés et les risques d’escalades au niveau mondial, et avec les milliers de morts et de blessés recensés et la catastrophe annoncée en Haïti pour l’année 2024.

En effet, au niveau mondial, les guerres Russo-Ukrainienne et Israélo-Hamas provoquent à elles deux plus de 250,000 morts et blessés, des pertes en matériels énormes chiffrés à des centaines de milliards de dollars américains, un réarmement mondial tous azimuts. On parle de course aux armements, la Russie parle d’économie de guerre, les budgets de défenses augmentent considérablement dans presque toutes les grandes et moyennes puissances mondiales au détriment de tout le reste. Le commerce international est très perturbé baisse de 45% au niveau de la Mer Rouge donc du Canal de Suez. L’économie mondiale va en subir les conséquences, ralentissement, inflation, insécurité globale, insécurité alimentaire, l’agriculture en paiera le prix, les démocraties mondiales seront affaiblies au profit des autocraties en favorisant la prise de pouvoir par des régimes autoritaires ou tout au moins à caractère autoritaire, ou encore avec basculement vers la droite comme en Pologne, en Suède, en Italie. L’année 2024 sera l’année de tous les dangers pour le monde et pour Haïti surtout avec la possible prise de pouvoir par Trump aux USA.

Chez nous en Haïti, avec la domination de l’insécurité globale et ses répercussions sur l’ensemble du pays, en termes d’aggravation de la longue crise politique, de la décroissance de l’économie (-1.9%) pour la 5% année consécutive, de l’insécurité alimentaire (50% de la population), Taux de change autour de 131.54 G pour 1 dollar, Taux d’inflation élevé, l’année 2024 sera encore plus terrible par rapport à 2023. Car, si la guerre civile annoncée devient réalité, alors là Haïti sera, peut-être, libérée d’une certaine manière, mais à quel prix ? Ne serait-il pas mieux de s’entendre pour une transition en douceur du pouvoir ? Alors Guerre civile ou Entente ? A moins que cette fois-ci la communauté Internationale se mêle de la partie pour nous aider réellement et non pour préserver ses intérêts mesquins vis-à-vis de ce pays qui l’a forcée à modifier son système d’exploitation de l’homme par l’homme. Attendons voir !

lundi 6 février 2023

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (34) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (11) ET SES INCERTITUDES ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, ENCORE DES INCERTITUDES

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (34) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (11) ET SES INCERTITUDES ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, ENCORE DES INCERTITUDES

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 FEVRIER 2023

              Dans mon bilan 2022 et perspectives 2023[1], j’avais prévu  « des incertitudes qui perdurent », malgré la petite voix qui m’incitait à croire que l’année 2023 serait « l’année de redémarrage d’Haïti ». Cette 34e chronique est encore consacrée à l’interrogation, Haïti et le Monde à la croisée des chemins (?). Elle n’est plus liée au covid-19 définitivement mis de côté, sauf en cas d’informations qui en vaillent la peine. Elle est liée actuellement, au niveau mondial, à la guerre en Ukraine (11), et, en Haïti, à l’instabilité politique et ses dérivées, l’insécurité et l’impunité. Au cours de ce mois de Janvier 2023, les signes s’orientent beaucoup plus vers des incertitudes tant en Ukraine qu’en Haïti. En effet, la guerre en Ukraine est partie pour durer, avec une possible escalade impliquant plus à fond l’OTAN, tandis qu’en Haïti, les gangs passent à une vitesse supérieure, assassinant plus d’une quinzaine de policiers et une vingtaine de civils, continuent leurs forfaits en termes de kidnappings, de pillages, de viols et défient tout simplement le gouvernement en place. D’où le titre de  cette 34e chronique : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (34) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (11) ET SES INCERTITUDES ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, ENCORE DES INCERTITUDES.»

              Dans cette chronique, on passera en revue 1) la situation au niveau mondial avec accent particulier sur (i) la guerre en Ukraine et (ii) quelques éléments de la politique américaine. 2) On s’attardera sur la situation d’Haïti, avec accent particulier sur : (i) le chaos lié à l’instabilité politique, l’insécurité ; (ii) le programme humanitaire de Biden et la ruée vers l’eldorado américain ; (iii) la situation économique du pays à la lumière des grands rendez-vous de Kesner Pharel. 3) On achèvera cette chronique en dégageant  des conclusions et des perspectives plutôt sombres pour Haïti à la lumière des turbulences du mois de janvier 23.

            1.     SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

1.1. La guerre en Ukraine[2]

Le 24 Janvier 2023 marque le 11e mois de cette guerre et amorce le 12e mois. A date, la situation est très complexe et difficilement explicable. La guerre d’attrition se concentre sur le Donbass avec un certain avantage pour la Russie qui a repris la ville minière de Soledar, tente de prendre la ville  de Vouhledar (15,000 habitants avant la guerre) et grignote des territoires autour de Bakhmouth. C’est une dynamique qui change de camp, grâce, en partie, à la massification de l’armée russe (mobilisation de nouveaux conscrits). Environ 300km2 gagnés au cours du mois de janvier par la Russie.

C’est vrai que Vouhledar est une petite ville, mais elle a une importance stratégique. C’est un nœud ferroviaire, une sorte de voie d’accès d’alimentation et d’approvisionnement entre Donetsk  (Route H20, T0509) et vers la Crimée. L’Ukraine frappe à distance les nœuds et ponts ferroviaires favorisant l’approvisionnement par la Russie de ces zones en armes, munitions et hommes. Tandis que la Russie continue de bombarder à distance toutes les grandes villes d’Ukraine, Kiev, Kharkiv, Zaporijia, Kherson, Odessa, etc. C’est un travail systématique de destruction d’un pays, sans épargner les infrastructures civiles, les installations électriques et d’eau potable, les complexes résidentiels et autres. Tout cela se fait à l’aide de drones et missiles de croisière tirés depuis  des  bases militaires de la Russie et des bateaux de guerre.

Par rapport à la résilience ukrainienne, la Russie a dû se rabattre sur ces méthodes peu orthodoxes et condamnables par les lois de la guerre. L’Ukraine a sollicité et obtenu de l’Occident des armes un peu plus sophistiquées pour se protéger et continuer de résister. Aux dernières nouvelles, les pays de l’occident commencent à fournir, même en retard, des chars de guerre modernes sollicités depuis belle lurette. Ce qui indispose les dirigeants russes, qui promettent de les détruire. Dans le cas d’un dérapage russe ou d’une  défaite de l’Ukraine (?), l’OTAN serait prête à une « confrontation directe » avec la Russie.

A un moment donné, la dynamique était du côté ukrainien, l’Occident aurait dû en profiter pour fournir à l’Ukraine les moyens sollicités pour bousculer davantage les Russes et les forcer, face à une possible défaite, à négocier. Malheureusement, l’Occident a trop tergiversé au début et même pendant la guerre, car paralysé par les menaces nucléaires russes.

La Russie en a profité pour entreprendre quatre actions plutôt cohérentes : (i)   mobiliser 300,000 conscrits et même plus, (ii) annexer officiellement les territoires conquis, les 4 régions de Donetks, de Louhans, de Zaporijia et de Kherson, (iii) obtenir des partenaires comme l’Iran, la Corée du Nord, les armes et munitions dont elle a besoin pour intensifier ses bombardements à distance de l’Ukraine, en particulier des infrastructures clés de l’Ukraine, bâtiments militaires et surtout bâtiments civiles comme les centrales électriques, les ouvrages de transport, d’irrigation et d’eau potable, et, enfin, (iv) se réorganiser (massification des troupes au niveau de ses frontières et des frontières de la Biélorussie avec l’Ukraine et aussi à l’intérieur des territoires occupés, en vue de reprendre la dynamique et même d’envisager une contre-offensive d’envergure visant, tout au moins dans le discours, ses objectifs de départ, à savoir la prise de Kiev, le changement de régime (dénazification) et le démantèlement de l’armée ukrainienne.

Dans le cas d’une victoire russe, envisageable à partir de la nouvelle dynamique en faveur des russes, l’Occident décide de franchir  une nouvelle étape, en promettant et en fournissant des armes de plus en plus sophistiquées à l’Ukraine, des chars modernes allemands, des chars modernes américains, des missiles longue portée (150 km)[3] et possiblement des avions[4]français et de chasse F16 américains (?), et en envisageant une « confrontation directe » entre l’OTAN et l’Ukraine ; car, selon Zelenski, Poutine ne se contenterait pas de prendre l’Ukraine, mais envisagerait de retrouver les frontières de l’URSS, donc de repousser les frontières actuelles de l’OTAN. Tout ceci appuyé par les déclarations à peine voilées de Poutine[5]  et confortées par les déclarations de Lavrov[6] vis-à-vis de la Moldavie. D’où des incertitudes par rapport à une escalade plutôt sérieuse pouvant déboucher sur une troisième guerre mondiale. 

1.2. Quelques éléments de la politique américaine

Ce qui pousse l’administration américaine, malgré la prise effective de la Chambre Basse(Le Congrès) par les républicains, à intensifier son aide à l’Ukraine et à renforcer ses liens avec l’Europe et l’OTAN pour, à partir de la guerre en Ukraine, affaiblir la puissance russe. La visite de Zelenski aux USA suivie de celle de Macron, le président français, a favorisé cette intensification et ce renforcement de la politique américaine vis-à-vis de l’Ukraine et de l’Europe.

30,000 migrants en provenance de 4 pays latino-américain et caribéen

 Sur le plan interne, Biden, malgré ses démêlés en relation avec des documents « top secret » trouvés chez lui et les dispositions de la justice pour jeter la lumière sur cette affaire, multiplie des initiatives au niveau social et infrastructurel et innove en matière de politique migratoire, en mettant en place un programme humanitaire, visant 30,000 migrants par mois durant 2 ans, le reste de son 1er mandat, en provenance de 4 pays, Venezuela, Nicaragua, Cuba et Haïti. Ce programme devrait permettre à l’administration Biden de refouler, sans aucune forme de procès, tous les migrants en provenance de ces pays et qui ne respectent pas les critères liés à ce programme humanitaire de 2 ans.

A noter que ce programme fait suite à un programme similaire qui permettait à l’administration Biden de recevoir 30,000 vénézuéliens par mois. A noter aussi que mensuellement, environ 15,000 haïtiens tentent leur chance de rentrer illégalement aux USA, en particulier au niveau des côtes de la Floride, Keys et Miami. Ce programme permettrait à l’administration Biden de réduire le nombre d’illégaux au niveau de la frontière américaine, tout au moins ceux en provenance de ces 4 pays. En effet, l’administration Biden n’aura à recevoir que 7,500 migrants/mois/pays, soit un total de 30,000 migrants/mois. Les adversaires républicains ne pourront plus claironner cette histoire de barrière libre vis-à-vis des immigrants, tolérée par l’administration Biden, qui pourrait appliquer les mesures de refoulement systématique mises en place par les républicains sous l’administration Trump.

Le survol du territoire américain par un « ballon espion » chinois 

Pourtant, à la faveur du survol du territoire américain par un « ballon espion » chinois, les républicains n’ont pas hésité une seconde à solliciter la démission de Joe Biden et Kamala Harris, à cause de la non-protection des frontières terrestres et aériennes des USA. Sous les conseils des militaires américains, le ballon a été abattu sur l’Océan Atlantic, près de Caroline du Nord, pour éviter des dégâts collatéraux. A la faveur de cet événement, on a appris que l’espace aérien américain a été violé trois fois par des ballons chinois sous l’administration Trump, sans aucune réaction publique de l’administration. Une remarque, en cas de démission de Biden et de Harris, c’est le speaker de la chambre basse qui aurait hérité du pouvoir, Kevin McCarthy. De là à demander la démission de l’administration actuelle, il n’y avait qu’un pas. Les républicains l’ont franchi mais sans succès.

7600 faux diplômes d’infirmiers fournis par une école en Floride

Alors que le FBI vient de démanteler un réseau de fraudeurs haïtiens qui, à travers des instituts de nursing (écoles de sciences infirmières), ont vendu 7600 faux diplômes pour plus de 100 millions de dollars américains à raison de 16,000 USD/diplômes, dans l’Etat de la Floride, plus de 2000 haïtiens ont déjà obtenu leur approbation pour rentrer aux USA dans le cadre du programme humanitaire de Biden. 25 responsables[7] de ces 3 écoles sont condamnés à 20 ans de prison et une note est passée aux 50 États américains pour procéder à la révocation de ces faux diplômés. Ce dossier a été traité par un procureur américain d’origine haïtienne, Mackenzie Lapointe PHD, récemment nommé par Biden en septembre 2022.  Une note de recrutement d’infirmières pour le système de santé en Floride fait mention clairement : « Pas d’Haïtiens ». Tous les haïtiens de cette branche de métier paient pour les fraudeurs. La note est bien salée pour Haïti. 

        2.     SITUATION AU NIVEAU D’HAITI

La situation haïtienne en ce mois de janvier 2023 n’est pas  différente  des cinq derniers mois de l’année 2022. On dénote une détérioration de la situation liée à l’instabilité politique et ses corollaires, l’insécurité et l’impunité. On sent de plus en plus la mainmise des gangs sur la zone métropolitaine de Port-au-Prince et de la zone du Bas-Artibonite, qui, jusqu’à date, opère en toute impunité. Quant aux haïtiens, ils perdent de plus en plus d’espoir et considèrent le programme humanitaire comme une bouée de sauvetage. Cela se comprend vu la situation socioéconomique catastrophique  du pays.

(i)                  Le chaos, l’instabilité politique et l’insécurité généralisée

Le brin d’espoir lié en partie à l’accord du 21 décembre 2022 tarde à se concrétiser. Le Haut Conseil de Transition (HCT), qui devrait jouer un rôle clé, connait des difficultés de concrétisation. En tout cas, aux dernières nouvelles, il est installé. L’insécurité est montée d’un cran et les gangs se donnent à cœur joie dans l’assassinat de policiers, une quinzaine au total depuis le début du mois de janvier, avec une grande accélération à la fin du mois. La vie des policiers ne tient qu’à un fil (commissariats envahis par bandits GranGrif, exemples de Liancourt en janvier, Petite Rivière en l’année 2022 ; Commissariat démoli par Gang Vitelhomme, l’exemple de Pernier). Je me rappelle cette petite phrase d’Evans Paul, ex-premier ministre et leader politique, «  la durée de vie d’un bandit est d’environ une semaine ». La tendance est inversée maintenant avec beaucoup plus d’acuité. En effet, c’est celle d’un policier qui dure une semaine et même moins, si on se réfère au mois de janvier 2023.

On a dénombré l’année dernière 54 cas d’assassinat de policiers, et pour le seul mois de janvier, 14 cas d’assassinat de policiers, Radio Métropole parle d’une vingtaine de cas. Si cette tendance se maintient, l’année 2023 sera terrible pour cette entité régalienne, la seule force vraiment impliquée dans la guerre contre les gangs, la communauté internationale étant réticente par rapport à l’armée d’Haïti. Tous les spécialistes haïtiens de la question sont d’accord, le dossier d’insécurité tel qu’il se présente est un cas militaire et non de police. Comme certains membres de la police nationale d’Haïti (PNH) semblent de connivence avec des groupes de gangs et même partiellement inféodés de Gangs (Fantom-509), on ne comprend pas cette réticence de la communauté internationale, qui, en connaissance de cause, est en train d’envisager une force d’intervention militaire en Haïti, sous l’obédience de l’ONU, malgré la grande réticence de certains pays à envoyer des troupes en Haïti, sauf Jamaïque et Salvador. En attendant, un avion de la « Royal Air Force » du Canada a sillonné le ciel haïtien soit-disant pour identifier les zones de localisation des bandits et informer la PNH. Pourquoi ne pas renforcer l’armée d’Haïti pour lui permettre de se colleter à les bandits ? Parallèlement, les actions des bandits et autres problèmes connexes poussent les haïtiens à rêver au programme humanitaire de Biden et à se ruer vers l’eldorado américain.

(ii)                Le programme[8] humanitaire de Biden[9] et la ruée vers l’eldorado américain

Le Programme humanitaire est bien réel et plus de 2000 haïtiens sont déjà qualifiés, sans oublier les cubains majoritairement qualifiés et les nicaraguayens. Pour avoir accès à ce programme, il suffit d’avoir un sponsor qualifié, c’est-à-dire quelqu’un qui réalise annuellement entre 18,000 et 30,000 USD. Deux ou plusieurs personnes peuvent se mettre ensemble pour sponsoriser un migrant haïtien ou plusieurs, dépendant de leurs capacités financières et de leur situation par rapport aux services de fiscalité américaine (IRS). Les haïtiens investissent le service d’immigration pour obtenir leur passeport à raison de plus de 4000 par jour. Ceci crée un désordre énorme au niveau des bureaux d’immigration à travers le pays. Les téléphones des haïtiens vivant aux USA grésillent à longueur de journée à cause des coups de fil des haïtiens de l’intérieur à la recherche de sponsors. C’est la ruée vers l’eldorado américain à la recherche d’un mieux-être. 

(iii)               La situation économique du pays à la lumière des grands rendez-vous de Kesner Pharel

Cette fuite des haïtiens à la recherche d’un mieux-être est directement liée à la situation socioéconomique et politique du pays. C’est pourquoi, dans ma dernière chronique, j’avais écrit : « la crise politique et ses dérivées débouchent sur le retour du choléra, la crise de carburant, le blackout, le manque d’accès à l’eau potable, l’aggravation de la situation économique, la vie chère, l’inflation de 47.2% (oct. 22), la récession économique pour la 4e année consécutive où le PIB a encore chuté à (-1.7%) en 2022 ».  La situation s’est encore détériorée en décembre 2022 : « Le taux d’inflation en décembre 2022 par rapport à décembre 2021 a atteint le niveau de 48.3% et s’est rapproché du niveau de 3% (2.9%) en décembre 22 par rapport au mois de novembre 2022, selon le dernier rapport de l’IHSI » a twitté l’économiste Kesner Pharel. Il a conclu son tweet ainsi : « Une détérioration continue du pouvoir d’achat de la majorité des Haïtiens ».

Le budget initial de 2022-2023 de 267.5 Mrds de gourdes tient compte de la situation économique actuelle et propose des solutions en relation avec la sécurité alimentaire (Filet de sécurité sociale, Agriculture, tourisme, etc.). En effet, « De septembre 2022 à février 2023, quelque 19000 personnes sont estimées en catastrophe (phase 5 du cadre intégré de classification de l’insécurité alimentaire ou l’IPC). 18% de la population analysée, soit environ 1,8 million de personnes sont classées en phase 4 de l’IPC (urgence) et 29% (environ 2 900 000 personnes) en phase 3 (crise), soit 48% de la population dans le besoin d’une action urgente. » Selon la Commission Nationale de Sécurité Alimentaire, CNSA, rapportée par DEVHaïti.

Quand on écoute les interviews des grands rendez-vous économiques de Pharel, avec le ministre des Finances, Michel Patrick Boisvert[10], avec le gouverneur de la Banque Centrale, Jean Baden Dubois[11], avec l’éditorialiste du Nouvelliste, Frantz Duval[12], avec le représentant du secteur privé, Pierre Marie Boisson[13], on comprend mieux ce qui s’est passé en matière politique et économique en 2022, et, avec eux, on perçoit mieux ce qui pourrait se passer à l’avenir, en particulier en 2023. A mon humble avis, tout professionnel évoluant en Haïti ou qui s’intéresse à la problématique haïtienne devrait écouter chaque année ces interviews.

3        3.     CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie connaitra sa première année. Du train où ça va, cette guerre va durer longtemps. L’année 2023 sera décisive. L’Otan a intérêt à soutenir l’Ukraine pour stopper la Russie. Dans le cas contraire, la Russie n’attendra pas longtemps avant d’annexer une autre ancienne république soviétique. Le monde donc va continuer à subir les conséquences de cette guerre, en particulier l’Ukraine et la Russie, mais aussi l’Occident et notre grand voisin américain, le leader de l’occident. Et la situation catastrophique haïtienne se verra empirée, elle restera le théâtre d’affrontement, au sein de l’ONU, entre la Russie et la Chine d’un côté et les USA, le Canada et la France de l’autre.

En effet, Haïti, qui se débattait avec ses démons de division, ses crises multiformes et multidimensionnelles, aura à subir les conséquences de ce qui se passera dans le monde et surtout aux USA. De plus sur le plan interne, on s’achemine beaucoup plus vers un affrontement entre les protagonistes politiques que vers une entente qui atténuerait les effets négatifs de l’instabilité politique. L’insécurité, qui en est un corolaire, est montée à pic ces derniers jours et semble subir une accélération à l’approche du 7 février 2023.

Je voudrais comme à mes habitudes regarder avec optimisme l’avenir immédiat de mon pays. Du train où ça va, je préfère attendre les deux prochains mois pour voir si les lignes vont bouger. Un diplômât dominicain, C. Gabriel affirme que « 70% du territoire haïtien est contrôlé par les gangs ». Quand on regarde la configuration du pays, en particulier les points clés des routes d’accès à l’ensemble du territoire, on a tendance à lui donner raison, même quand, à l’intérieur des grandes zones, on jouit encore d’une relative liberté.

Je reste persuadé que, et, avec moi, 69% de la population haïtienne, Haïti ne pourra pas sortir de ce bourbier sans un appui musclé de la communauté internationale. Et la solution à la problématique haïtienne passera forcément par une proposition collective haïtienne en termes de programme d’urgence et de long terme appuyée par la communauté internationale. C’est la porte de salut pour Haïti ! Mais quand commencera-t-on?