Rechercher dans ce blog et le WEB

Affichage des articles triés par pertinence pour la requête Lutte contre la corruption. Trier par date Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par pertinence pour la requête Lutte contre la corruption. Trier par date Afficher tous les articles

jeudi 6 novembre 2008

HAITI:INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET TOI

Port-au-Prince, le 1er novembre 2008

HAITI : L’INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET TOI

Jean Robert JEAN-NOEL

Haïti est un pays corrompu. Quand on pense Haïti, on pense corruption. Depuis la naissance de ce pays dans la douleur, la corruption est la seule constante qui a traversé toute son histoire. Le père fondateur d’Haïti fut victime de la corruption car il voulut une certaine équité pour ce pays, répartir mieux la richesse de ce pays exsangue après la terrible guerre de l’indépendance. Après sa mort, la corruption s’est installée en maitre. Malgré certaines éclaircies tout le long de notre histoire de peuple, le système mis en place en 1806 se perpétue en se renouvelant. Certes, on a eu de présidents honnêtes, mais ils ont du tolérer la corruption autour d’eux et pactiser avec le système pour gouverner. Ce qui se traduit aujourd’hui par une forme de culture de la corruption et explique en grande partie notre sous développement actuel. Et ce n’est pas étonnant que, lorsque le monde s’est donné cet outil, « l’indice de perceptions de la corruption », pour mesurer ce phénomène, notre pays se soit classé le plus corrompu ou parmi les plus corrompus de la terre. Alors, qu’en est-il exactement ? Et pourquoi Haïti se retrouve-t-elle parmi les derniers.

Depuis 1995, l'ONG Transparency International publie chaque année un indice de perceptions de la corruption[1] (CPI) classant les pays selon le degré de corruption perçu dans un pays. L'indice est élaboré à l'aide d'enquêtes réalisées auprès d'hommes d'affaires, d'analystes de risques et d'universitaires résidant dans le pays ou à l'étranger.

Sur la base des enquêtes menées depuis 2002 jusqu’en 2007 par cette ONG, Haïti s’est retrouvée à la 89e place sur 102 pays enquêtés en 2002, à la 131e place sur 133 pays en 2003, à la 155e place sur 159 pays en 2005, à la 163e sur 163 pays en 2006 et à la 177e sur 179 pays enquêtés en 2007. Les places occupées par notre pays sont établies sur la base de perceptions et rien d’autre.

Le lecteur doit souligner le mot perceptions. Cet indice est donc établi à partir des perceptions de la corruption de diverses catégories enquêtées. Ces perceptions sont fonction d’une certaine réalité. La perception n’est pas forcement la réalité vraie si je peux me permettre ce pléonasme. Le Président Préval parlant de la corruption en septembre 2008, a essayé de l’expliquer ainsi. Certaines personnes étaient d’accord avec lui et d’autres non. Ce qui est sur, c’est que nous tous nous sommes responsables de la perception générale que les autres se font de notre pays, en particulier de l’insécurité, du kidnapping et de la corruption. Certes, il est établi que notre pays est corrompu ; on en prend pour preuves, « le procès de la consolidation » sous le gouvernement de Nord Alexis au début du 20e siècle, « le procès des timbres » sous le gouvernement de Jean Claude Duvalier dans les années 1970, les enquêtes menées sous le gouvernement d’Alexandre/Latortue (2004/2006). Mais la place occupée par Haïti aujourd’hui est beaucoup plus liée à l’image projetée par nous autres, haïtiens, à notre façon d’opérer et à nos pratiques quotidiennes de gestion.

Haïti s’est donnée de bons outils de gestion ; elle dispose d’un arsenal législatif assez intéressant dans tous les domaines mais les gouvernements successifs ne l’appliquent. La Constitution de 1987 est venue avec des innovations, pourtant on ne se donne pas la peine de prendre des lois d’application. Et quand on s’est donné la peine d’en rédiger quelques unes, on les met au rencart. Où est-ce qu’on peut aller avec de pareilles pratiques. De plus, nous avons une perception très négative de nous-mêmes. Nous dénigrons tout le temps nos frères et sœurs. Nous les écartons parce qu’ils sont sérieux et compétents. Nous les critiquons négativement aussi pour les mêmes raisons. Nous sommes en admiration pour les gens qui ont acquis leur fortune de manière douteuse. Mais nous inventons des histoires vraisemblables pour faire passer nos frères et sœurs honnêtes, sérieux, compétents pour des vagabonds, des corrompus, des dilapideurs. Qui pis est, les vrais corrompus et les corrupteurs sont heureux de voir leurs frères et sœurs honnêtes et compétents pris pour cibles à leur place et se moquent d’eux en sourdine. Voilà notre réalité.

Cette réalité là est encore plus triste quand nous nous faisons complices de l’étranger, en inventant des histoires abracadabrantes sur nos frères et sœurs sans preuves sérieuses juste en faisant travailler notre imagination et en amalgamant. Nous agissons par jalousie, par méchanceté et surtout par souci de destruction. Prenons l’exemple des dernières mesures annoncées par le nouveau gouvernement Préval/Pierre-Louis. Après le passage sur Haïti des cyclones FAY, Gustav, Hanna et Ike, qui ont achevé de mettre à plat notre économie, le gouvernement, face à l’hésitation et à la lenteur de la communauté internationale et face à l’ampleur de la catastrophe, a décidé de déclarer l’état d’urgence pour une quinzaine de jours et a décaissé dans la foulée environ 200 M USD.

Pour engager cette somme durant une quinzaine de jours, il a fallu utiliser des procédures célères comme les contrats de gré à gré. Nous commençons par douter de notre capacité à l’engager, puisque nos chers amis de la communauté internationale parlent tout le temps de notre manque de capacité d’absorption, sans jamais évoquer les multiples conditionnalités et les procédures de plus en plus contraignantes et non harmonisées d’un bailleurs à un autre (JEAN-NOEL, 2004, 2006, in Le Nouvelliste). La somme une fois engagée, au lieu d’attendre les résultats dans les prochains mois, nous critiquons le processus au lieu de féliciter le gouvernement pour avoir engagé à temps l’argent. En outre, nous spéculons sur les noms des personnes qui vont s’enrichir, nous parlons de magouilles. Comme il est de mise en de pareils cas, nous faisons des amalgames. Si un tel est l’ami d’un tel et que ce dernier a eu un contrat de gré à gré, l’autre va faire son beurre, car c’est un prête-nom. Naturellement, nous profitons de la circonstance pour salir la réputation d’honnêtes gens. Et qui pis est, nous augmentons par le fait même l’indice de perceptions de la corruption par rapport à notre pays et ne nous étonnons pas si, en 2008 et en 2009, il se retrouvera à la dernière place.

Cet article, je l’ai écrit pour toi, mon frère haïtien, ma sœur haïtienne. Ne détruis pas l’image de ton pays, n’accuse pas ton frère ou ta sœur sans preuve. Si tu veux participer à la lutte contre la corruption, commence par éviter d’opiner sur ce phénomène sans bien le connaitre. Sais-tu que, par exemple, quand tu ne paies pas tes impôts, quand tu profites de ta position dans l’appareil étatique ou dans le secteur privé, la société civile ou même au niveau de la communauté internationale, pour obtenir des contrats incompatibles à ta fonction surtout quand tu es à la fois juge et partie, tu es un corrompu ? Toi aussi, ma sœur ? Que tu sois fonctionnaire, employé, cadre, parlementaire, ministre, président, la corruption, dépendant de son ampleur et ses conséquences, est un délit et/ou un crime. Lutter contre elle est d’abord une question d’étique et aussi un devoir de citoyen. Ah ! Tu ne savais pas. Eh bien, commençons la lutte maintenant, en remettant en question notre façon d’agir par rapport à nous-mêmes et par rapport à notre pays. Et Haïti en bénéficiera très largement : la corruption va reculer, l’indice de perceptions va baisser drastiquement, l’investissement va augmenter et le développement va se mettre en route.

Ne te sens pas visé personnellement, mon cher, même si tu es frappé en pleine poitrine. Tu dois noter et retenir que quand je parle de toi, je parle aussi de moi, n’est-ce pas? Pour paraphraser à l’envers l’autre, ce grand auteur du siècle de la lumière, celui de Louis XIV. Sans rancune, mon ami (e)!
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_perceptions_de_la_corruption

dimanche 30 septembre 2018

HAITI : PETROCARIBE VS CEANT


HAITI : PETROCARIBE VS CEANT
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 SEPTEMBRE 2018
Revu le 1er Oct 2018

Après les émeutes des 6,7 et 8 Juillet 2018 suite à la hausse ratée des cours du carburant en Haïti, on s’attendait à des décisions drastiques de la part du pouvoir en place, la mise à pied du Premier Ministre (PM) Lafontant, la révocation du Chef de la Police Nationale d’Haïti (PNH), la mise en place d’un gouvernement d’austérité et inclusif. Tout de suite après les émeutes, le dossier PETROCARIBE a pris de l’ampleur à partir d’une campagne intensive sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. Cette intensification de la campagne anticorruption  dans les médias a occulté tout le reste, y inclus le processus de ratification du PM Jean Henry Céant par le Parlement. PETROCARIBE a donc pris le pas sur Céant.

Un gouvernement HIMO
Sans entrer dans une analyse fine, il est clair que les décisions arrêtées sont très en deçà des espérances du peuple haïtien. Mise à part la démission du gouvernement (GOH) de Jack Guy Lafontant, le Chef de la PNH n’a pas été ébranlé, le gouvernement du PM Céant (GOH), s’il est un tantinet inclusif, est loin d’être un gouvernement d’austérité. Avec 22 ministres et 5 secrétaires  d’Etat, c’est beaucoup plus  un GOH de création d’emplois que je qualifierais de gouvernement HIMO. On s’attendait à un gouvernement de 12 ministres au maximum. L’ancien ministre de l’éducation nationale, Nesmy Manigat, en a fait tout un plaidoyer et moi-aussi, en termes de réduction du nombre des ministres. Malheureusement, il n’en est rien.

Très certainement, les négociations avec les alliés (anciens et nouveaux) ont été plus que difficiles, sans oublier le Parlement. Il a fallu peut-être trouver des places pour tout ce beau monde. C’est ce qui expliquerait le temps mis pour la présentation de l’énoncé de politique au Parlement par le PM Céant, avec la certitude d’y avoir une majorité confortable pour la ratification de sa politique générale. En tout cas, l’énoncé de politique générale du PM Céant a été confortablement voté par les deux branches du Parlement. Une fois de plus, l’intérêt public a été sacrifié au profit de l’intérêt politique. PETROCARIBE aidant, les analystes ont passé à pieds joints sur cet état de fait.

Kote Kob Petwokaribe-a
En effet, PETROCARIBE a occupé et occupe le devant de la scène au cri de « kote kob petwokaribe a ». C’est le cri du pays tout entier, c’est le cri d’une bonne partie de la diaspora haïtienne. Les manifestations de rue se multiplient avec des tentatives de casse au début. Heureusement, elles sont vite redevenues pacifiques. Aucun leader. C’est un mouvement citoyen contre la corruption en Haïti. Après l’exposition des photos des indexés dans les deux rapports du Sénat au Champs de Mars, cela devient une sorte d’amalgame ; tout le monde y passe, même les principaux auteurs des deux rapports des commissions sénatoriales.

Dans le discours d’investiture du nouveau GOH Céant, le Président de la République a insisté sur ce dossier[1]. Le nouveau Premier Ministre également. L’Etat s’engage à faire la lumière sur ce dossier. Les institutions étatiques (CSCCA, ULCC, UCREF) se sont fait entendre et ont promis d’y donner suite, en réclamant des moyens pour des études approfondies du dossier. La rue, qui ne fait pas confiance à ces institutions, demande des comptes et veut un procès tout de suite. Dans cet imbroglio, l’Etat doit agir vite et bien pour éviter les débordements.

D’ailleurs, profitant de la situation, les bandits se font entendre à Village de Dieu, un Sénateur a failli perdre la vie, Ti Rosemond, ce superbe ex-footballeur de l’Aigle Noir, devenu entraineur de football depuis, a perdu la sienne. Arcahaie, Chabanne/Petit-Goâve, Chalon/Miragoâne bloquent les Nationales No 1 et 2 selon l’humeur des bandits ; très récemment, Gressier, profitant d’une question de litige terrien, a bloqué la Nationale 2 paralysant quatre (4) départements géographiques, le Sud-Est, les Nippes, le Sud et la Grande-Anse. Ces exemples traduisent un malaise dans le pays, en particulier au niveau de l’Ouest et de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

Quelques éléments clés de la politique générale du PM CEANT
C’est vrai que l’effet Céant n’a pas pu occulter PETROCARIBE, mais le nouveau Premier Ministre a compris qu’il faut agir vite et bien. Dans son énoncé de politique, il a su tenir compte des priorités du Président : (i) Réformer l’Etat et maintenir la stabilité sociale ; (ii) Transformer Haïti en une destination d’investissement ; (iii) Augmenter la production agricole ; (iv) Construire les infrastructures énergétiques ; (v) Renforcer les infrastructures hydrauliques et sanitaires ; (vi) Améliorer les infrastructures  et la qualité de l’éducation; (vii) Promouvoir la stabilité à l’aide des projets sociaux.

En plus de ces priorités, aucun autre aspect essentiel de la vie nationale n’est négligé. Chaque thème est, pour la plupart, succinctement diagnostiqué, et fait l’objet de réponses appropriées par secteur/domaine. La stratégie de la caravane du changement est retenue comme cadre de mise en œuvre, d’imbrication et d’intégration des actions.

Il faut citer, entre autre, la lutte contre la corruption avec le dossier PETROCARIBE comme cheval de bataille et le renforcement des institutions étatiques pour améliorer l’administration publique, la déconcentration administrative et rendre la décentralisation effective; les aspects sociaux et économiques comme l’éducation (infrastructures et qualité) du préscolaire à l’enseignement supérieur, la santé (infrastructures sanitaires et la qualité des soins de santé), les affaires sociales et le Travail (les filets de protection sociale, la création d’emplois), la lutte contre la pauvreté  (59% de la population) et la pauvreté extrême (25% de la population) en 2013, les infrastructures routières, hydroagricoles, la culture, le tourisme, l’environnement avec la mise en place des centres germoplasmes, l’énergie 24/24 avec les micro centrales intelligentes, les kits solaires  (kay Pam Klere) , les ressources minérales, la diaspora, l’économie (1.7%  en moyenne de croissance de l’économie depuis 2010, 2.1% pour 2018 avec une projection de 4% pour 2019); les affaires étrangères, la planification et la coopération externe pour la redynamisation du cadre de coordination de l’aide au développement (CAED) en vue d’un dialogue permanent avec nos partenaires techniques et financiers pour faciliter l’investissement dans le pays, les aspects politiques : l’état de droit, la justice, l’organisation des élections de 2019, etc.

73e Session de l’assemblée générale des Nations Unies et l’énoncé de politique générale
Dans ce même ordre d’idées, le Président Moïse a repris, à la 73e  session de l’Assemblée générale des Nations Unies,  certains thèmes soulevés par l’énoncé de politique générale du PM CEANT comme la lutte contre la corruption, les actions chiffrées[2] à entreprendre en relation avec ses sept (7) priorités dont l’énergie avec la construction d’un réseau de distribution (400 M USD), l’éducation (15,000 salles de classe), la santé (122 centres de santé au niveau des sections communales), l’agriculture (450,000 ha pour 675 M USD), eau potable (220 M de m3 pour 300 M USD) , etc, dont le montant global est 2,8 Mrds d'USD. A son retour au pays, le 28 septembre 2018, le Président a été accueilli par les officiels du GOH à l'aéroport international, Toussaint Louverture, pour un bilan à la nation de sa participation à la 73e assemblée. La communauté internationale mettra-elle ces moyens à la disposition d'Haiti, Ne serait-ce que partiellement?

Moyens pour le procès PETROCARIBE, HIMO et le développement
En tout cas, le GOH CEANT n’a pas les moyens de sa politique. Le budget 2017-2018 a été rectifié mais ne correspond pas aux besoins financiers des actions prévues dans la politique générale. Ce 30 septembre 2018 marque la fin de l’année fiscale. Le budget 2018-2019 doit être repris et adapté à la politique générale du nouveau Premier Ministre, en particulier aux 7 axes prioritaires du Président, découlant des dix plans départementaux établis dans le cadre de la stratégie de la caravane du changement. A cela, il faudra ajouter les fonds pour l’organisation des élections de 2019 et pour l’approfondissement et le procès du dossier PETROCARIBE. Le gouvernement CEANT qui s’engage à donner suite à ce dossier, devra, coute que coute, trouver les moyens financiers pour organiser ce procès en toute transparence sous peine de se retrouver totalement occulté par ce dossier qui empoisonne l’administration Moïse. De plus, la situation actuelle du pays exige des actions urgentes de la part du nouveau gouvernement comme, entre autre, un vaste programme de création d’emplois, la haute intensité de main d’œuvre (HIMO), à travers tout le pays, pour l'apaisement social, et  des actions sectorielles durables visant de faire d'Haiti un pays émergent à partir de 2030. C'est bien beau, mais il faut les moyens!

  


samedi 30 mai 2009

HAITI : INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET PROJETS

HAITI : INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET PROJETS

Jean Robert JEAN-NOEL

Port-au-Prince, le 22 mai 2009

Cet article sur la corruption constitue le quatrième d’une série qui a démarré en septembre 2007 (réf. Le Nouvelliste : Lutte contre la corruption, nécessité de protection spéciale pour le Président Préval, septembre 2007). Deux autres articles, l’un en novembre 2008 (indice de perceptions de la corruption et toi) et, l’autre en mars 2009, (indice de perceptions de la corruption et institutions, voir www.jrjean-noel.blogspot.com et « Haïti en Marche », avril 2009) ont été consacrés à cette thématique. Ces articles demeurent un véritable plaidoyer pour la lutte anti-corruption et la nécessité d’éviter d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption, sachant que ces perceptions à la base de l’indice sont établies à partir des enquêtes menées surtout auprès de nous-autres Haïtiens. Ce dernier article de la série s’inscrit donc dans la même démarche. Il est écrit aussi à la faveur de la conférence de Washington du 14 avril 2009 où Haïti s’est engagée à mener à bien un certain nombre de programmes d’actions inscrits dans le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), dans le Post Desaster Need Assessment (PDNA) et dans le rapport Collier, à la faveur du discours du 18 mai 2009 du Président de la République, qui incite le pays à se battre pour asseoir son indépendance économique, suite à son indépendance politique acquise de haute lutte en 1804, actuellement fragilisée à cause de la forte dépendance économique du pays par rapport à l’aide externe à hauteur de 60% (2008-2009), et à la faveur de la nomination de Bill Clinton comme « Emissaire Spécial des Nations Unies pour Haïti », en dépit de la présence de la MINUSTHA et du « Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU », Mr Anabi. Car, à mon humble avis, tout ceci a un lien quelconque avec la réputation de corruption d’Haïti, en particulier avec la perspective de réduire au maximum ce fléau dans les projets en relation avec le DSNCRP.

Pour mieux appréhender le phénomène de corruption au sein des projets, essayons de passer en revue les projets à travers le temps en Haïti, en nous basant sur les modes d’exécution qui se sont modifiés au fur et à mesure jusqu’au mode actuel généralisé à travers les unités de coordination de projets (UCP), et cette tendance timide (Banque Mondiale, 2009) à le remplacer par l’appui budgétaire tout en conservant la gestion par résultat à travers des structures permanentes de l’Etat. Mais le phénomène de corruption perçu et/ou réel, qui constitue un obstacle sérieux à la mise en œuvre de cette nouvelle théorie, s’est révélé et se révèle l’une des principales contraintes au développement du pays basé, ces derniers temps, sur l’approche projets et son corollaire la gestion dirigiste et participative de projets.

La gestion de projets par l’Etat

Depuis plus de soixante (60) ans, l’Etat a fait le choix d’opérer par projets. Exécutés dans un premier temps à travers des structures étatiques normales, ministères, directions centrales, les projets vont bien vite se faire à travers des organismes de type ODVA (Organisme de développement de la Vallée de l’Artibonite). C’est ainsi que l’Etat, en référence à l’ODVA, va tenter de réaliser le développement du pays à travers des organismes régionaux de développement, d’où les nombreux OD, ODPG (Organisme de développement de la Plaine des Gonaïves), ODNO (organisme de développement du Nord-Ouest), ODN (Organisme de développement du Nord), et les nombreux DRI, DRIP (développement régional intégré de Petit-Goâve), etc. Parallèlement à ces organismes pratiquement autonomes, on a enregistré aussi des projets qui s’exécutaient à l’intérieur des structures permanentes des ministères dont les choix des Directeurs relevaient généralement des relations politiques, d’amitiés ou de circonstances. Ces projets ont utilisé principalement le mode d’exécution en régie et ont été plutôt dirigistes. Plus de cinquante (50) de projets de développement allaient être dénombrés, en 1999, par Jean André Victor. En dépit des résultats obtenus dans la plupart de ces programmes, on suppose que le phénomène de corruption ait été présent et ait été à la base des cuisants échecs enregistrés dans la plupart des cas. Toujours est-il que l’Etat, durant ces vingt dernières années et sous la pression des bailleurs de fonds (BF), a généralisé l’introduction des approches participatives et des Unités de coordination de projets (UCP) en son sein, en gardant ses prérogatives de choix des Directeurs dans un premier temps, et en acceptant de se courber aux conditionnalités d’appel à la concurrence par la suite.

La gestion des projets à travers des unités placées au sein des structures étatiques

La généralisation des UCP au sein des ministères n’est pas le fait du hasard. Elle résulte des nombreuses conditionnalités imposées à Haïti par les bailleurs de fonds pour respecter les règles de transparence et permettre à ces derniers de contrôler plus strictement les fonds mis à disposition. Parmi les conditionnalités, en plus de la généralisation des UCP et des approches participatives, on a relevé aussi la généralisation des manuels d’opération (MO), des règles de passation de marché, de l’assistance technique obligatoire soit de manière permanente, soit de manière ponctuelle, de quoi exercer un contrôle strict sur la gestion de l’ensemble et drainer une partie des fonds vers l’extérieur. Il faut noter que les UCP se retrouvent aussi au sein des ONG internationales particulièrement. Si au sein des projets de l’Etat, elles sont en général dirigées par les haïtiens, au sein des ONG et agences internationales, elles sont en général administrées par les étrangers avec l’apport bien sur de cadres haïtiens. De plus, elles utilisent principalement le mode d’exécution par appel d’offres (AO). Toutes ces informations sont fournies au grand public pour lui faire comprendre que le contrôle de la corruption au sein des projets n’est pas exclusivement une affaire haïtienne. Que le projet s’exécute au sein des structures étatiques, des ONG et/ou agences internationales, il est astreint aux mêmes règles de transparence. Alors pourquoi cette perception de corruption au sein des projets, surtout ceux exécutés par l’Etat ? Avant de tenter une explication par rapport à cette perception globale, attardons nous un peu sur les projets dans le DSNCRP.

Les projets en cours dans le cadre du DSNCRP

Les 1060 projets actuellement en cours dans le DSNCRP incluent les projets exécutés au sein des structures étatiques et les projets exécutés par les ONG et agences internationales. Ils s’exécutent pour la grande majorité par les UCP et, en terme pilote, on prévoit d’en réaliser à travers des structures étatiques avec une approche appui budgétaire et la gestion par résultats. Ils sont regroupés en six (6) programmes par le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) dans le cadre d’un « plan d’investissements prioritaires du DSNCRP ». Les six programmes (Mai 2009) se déclinent comme suit :

(i) le programme d’infrastructures économiques (route, électricité, aéroport, agriculture, environnement, tourisme, commerce, industrie) regroupant 191 projets totatilisant 39 milliards de gourdes haïtiennes (39 Mrds de GHT) ;

(ii) le programme d’infrastructures sociales (éducation, santé, communication, sport) regroupant 96 projets totatilisant 4.8 Mrds de GHT ;

(iii) le programme d’infrastructures administratives (administrations centrale et territoriale) regroupant 72 projets totatilisant 2.9 Mrds de GHT ;

(iv) le programme de renforcement et de fonctionnement de l’Etat ( appui à l’investissement, aménagement du territoire, développement urbain, appui à l’Etat, mise en place de structures administratives, protection sociale, équipements, formation, encadrement et appui aux groupements et associations, études de plans, de programmes et projets) regroupant 649 projets totatilisant 72.26 Mrds de GHT ;

(v) le programme d’appui direct à la production (intensification agricole, appui à la production, transformation et commercialisation des produits agricoles, appui au développement économique des filières, et transfert de technologie) regroupant 82 projets totatilisant 5.1 Mrds de GHT, et

(vi) le programme de reconstruction de l’économie haïtienne (interventions spécifiques et urgentes, réparation des dommages causés par les intempéries, ressources nécessaires à la restauration des services de base à la population) regroupant 58 projets totatilisant 48.7 Mrds de GHT.

Ces programmes totalisent 172.75 Mrds de GHT ou 4.32 Mrds de USD, ce qui dépasse le montant prévu (3.86 Mrds USD) pour la mise en œuvre du DSNCRP originel, très certainement à causes des actions liées aux intempéries qui y sont incluses. Une fois mis au courant de ces informations, les gens du grand public, qui ne peuvent que très partiellement vérifier les résultats de ces investissements, ont tendance à verser dans des commentaires négatifs, parce que ne sentant pas les effets directs de ces investissements sur eux-mêmes et, de plus, parce que encouragés par la plupart des élites politiques, économiques et intellectuelles, qui se révèlent, le plus souvent, irresponsables en la matière.

La perception de la corruption du public par rapport aux projets

Cette perception négative du grand public finit par nuire à l’image du pays. Encouragée par nos élites qui ont pris cette mauvaise habitude d’accusation sans preuve, la perception du grand public par rapport aux projets n’est pas fondée. Le niveau de corruption dans les projets est forcément faible, surtout dans les projets dits durables financés par la communauté internationale (CI). Ces projets subissent les contre coups des projets d’urgence où, en général, le niveau de corruption est plus élevé, à cause de la gestion de l’urgence en tant que telle, de la faiblesse des dossiers d’exécution, du manque de contrôle et de supervision, de l’allègement des procédures d’octroi des marchés. Cette perception est due aussi au manque de communication et de transparence dans les projets principalement. L’information politique prédomine dans tous les pays du monde ; mais, en Haïti, on est littéralement submergé d’informations politiques. Depuis le départ de Mario Dupuy, on a comme l’impression que le pays souffre du « syndrome de Mario Dupuy ». Les gouvernements, qui se sont succédé au pouvoir depuis le 29 février 2004, souffrent d’un criant déficit de communication. Ils n’osent pas parler de leurs réalisations et encore moins des réalisations des agences et ONG internationales qui n’interviennent en Haïti qu’avec l’aval de l’Etat et en regard des accords signés entre l’Etat et la communauté internationale. Le grand public a tendance à dissocier les actions de l’Etat par rapport aux actions des ONG qui sont généralement bien perçues. Or les actions sont, en principe, complémentaires et s’exécutent dans un cadre défini par l’Etat, en l’occurrence, le DSNCRP. Un seul exemple suffit à illustrer cette perception, le PRODEP. En effet, le PRODEP est un projet de l’Etat financé par la Banque Mondiale (BM) à travers le Bureau de Monétisation, mais exécuté par le CECI et la PADF. Pour le grand public, c’est un bon projet du CECI ou de la PADF où le phénomène de corruption est très, très faible, car impliquant directement les populations concernées dans la gestion directe des fonds. La réalité au sein de ce programme est travestie parce que les gens ignorent le contrôle exercé par l’Etat et le bailleur, en l’occurrence la BM, et le perçoivent comme un projet non étatique.

La réalité au sein des projets et le contrôle exercé par l’Etat et les bailleurs de fonds

Il est clair que la perception du grand public par rapport au phénomène de corruption au sein des projets est erronée. En effet, dans les projets dits durables, les règles de transparence sont suffisamment rigides pour tordre le cou aux velléités de corruption. Les nombreuses procédures en vigueur, les nombreuses conditionnalités de départ, le contrôle interne et externe, la supervision, sont autant d’éléments non à la portée du grand public et qui réduisent le phénomène de corruption au sein des projets. L’Etat et les BF se sont mis d’accord pour exercer un contrôle strict des fonds mis à disposition des projets, et les UCP ont pour obligation de se faire auditer chaque année et d’exercer un contrôle interne journalier des fonds mis à leur disposition. A noter que les fonds sont débloqués au fur et à mesure de l’état d’avancement des activités et après soumission et vérification des pièces justificatives, mais jamais d’un seul coup comme on a tendance à le croire. Ce qui est ignoré du grand public.

La nécessité d’éviter d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption par ignorance

Il faut noter qu’actuellement toute l’ossature du développement d’Haïti se base sur le DSNCRP avec les 1060 projets qui totalisent 4.32 milliards d’USD et qui s’exécutent essentiellement à travers les UCP. Le passage à l’appui budgétaire pour l’exécution des actions à travers les structures permanentes de l’Etat avec en prime le renforcement de celui-ci n’est pas pour demain, justement à cause de la persistance de cette perception négative liée à la corruption. A partir de ces considérations, il est du devoir des institutions, des citoyens informés et des responsables de projets d’expliquer, encore et toujours, au grand public les mesures en vigueur pour combattre la corruption au sein des projets. Car c’est à ces personnes du grand public qu’on s’adresse quand on veut mener des sondages pour établir l’indice de perceptions de la corruption en Haïti. Il est donc de la responsabilité des élites de ce pays, qui est nôtre, et surtout de la Presse d’éviter de colporter des informations non vérifiées et susceptibles de nuire à l’image de notre pays et de chaque Haïtien en particulier. En agissant ainsi, nous contribuons tous à offrir une meilleure image de nous-mêmes et de notre chère Haïti. Agir mal par ignorance est pardonnable, agir mal en connaissance de cause est malhonnête donc condamnable !

jeudi 7 décembre 2023

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (42) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (18-19), STAGNATION DE LA CONTRE-OFFENSIVE DE L’UKRAINE ; GUERRE ISRAELO-HAMAS ; HAITI : CANAL MASSACRE, INSECURITE ALIMENTAIRE ET INSECURITE GLOBALE.

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (42) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (18-19), STAGNATION DE LA CONTRE-OFFENSIVE DE L’UKRAINE ; GUERRE ISRAELO-HAMAS ; HAITI : CANAL MASSACRE, INSECURITE ALIMENTAIRE ET INSECURITE GLOBALE.

6 DECEMBRE 2023

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

Durant ces mois d’octobre et de novembre 2023, la situation tant au niveau d’Haïti qu’au niveau mondial a connu des évolutions plutôt tristes, la guerre des gangs en Haïti, surtout au niveau de Carrefour/Mariani, de Cité Soleil, de Solino, etc. ; en plus de la guerre en Ukraine, il faut dorénavant compter avec la guerre Israélo-HAMAS. Cette dernière occulte celle de l’Ukraine et crée des conditions plutôt favorables pour la Russie, même si le sommet Biden/Xi Jinping, en Californie, a beaucoup décrispé la situation au niveau mondial. Heureusement, au niveau d’Haïti, le canal Massacre demeure au centre de l’actualité malgré les exactions des gangs et l’indifférence de nos politiciens tant au niveau du pouvoir qu’au niveau des oppositions. Pourtant avec l’arrestation de Joseph Félix Badio, présenté comme le cerveau de l’assassinat crapuleux de Jovenel Moïse, et les sanctions internationales contre la plupart de nos politiciens et de nos hommes d’affaires les plus-en-vue et les plus connus, tout ce beau monde aurait dû regarder avec beaucoup plus d’intérêt la situation du pays haïtien victime de leurs magouilles pour la capture de l’Etat. Il n’en est rien. C’est encore l’instabilité politique, l’insécurité et l’impunité. D’où le titre de cette 42e chronique : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (42) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (18-19), STAGNATION DE LA CONTRE-OFFENSIVE DE L’UKRAINE, GUERRE ISRAELO-HAMAS ; HAITI : CANAL MASSACRE, INSECURITE ALIMENTAIRE ET INSECURITE GLOBALE ».

1.   LA SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

 

1.1.             La guerre Israélo-Hamas détrône l’Ukraine[1]

L’attaque surprise de Hamas le 7 octobre 2023 contre des jeunes israéliens qui s’amusaient dans le désert au sud de la Bande de Gaza, a fait plus de 1300 morts et des otages. Les combattants du HAMAS qui ont bien préparé leur coup à l’insu du service secret israélien, le MOSAD, se sont réfugiés dans la Bande de Gaza, un territoire palestinien de 385 km2, en particulier dans des tunnels, des galeries de centaines de km réalisés sous des bâtiments administratifs et des centres hospitaliers et scolaires, qui ont mis en grande difficulté l’armée israélienne dans sa riposte. Ce qui a donné lieu à des milliers de victimes palestiniennes dont plus de 15,000 morts civiles selon le Hamas, au point qu’un haut fonctionnaire de l’ONU aurait évoqué la notion de crimes de guerre, d’autres dirigeants utilisent le vocable génocide. De victime Israël est passé à l'état de bourreau. Dans les pays occidentaux qui soutiennent Israël, il a été enregistré des manifestations monstres en faveur des Palestiniens, sans compter celles enregistrées dans les pays arabes.

Il est à noter que cette attaque du Hamas n’est pas le fruit du hasard. L’Iran qui contrôle le HAMAS palestinien, le HEZBOLLAH libanais et le Yemen, et aussi allié de la Russie, y est très certainement pour quelque chose.  Cela explique en partie le contentement de Vladimir Poutine et sa position face à ce nouveau conflit qui, alliance oblige, force les USA à disperser ses ressources et ses forces sur un autre front autre que l’Ukraine et aussi tout l’Occident. En effet, les USA et l’Occident ont dû porter main forte à Israël, en déployant des forces navales dans la zone, en actionnant leurs bases au niveau de la zone de conflit, pour intimider les puissances propalestiniennes de la zone, en particulier l’Iran et ses alliés, le Yemen, la Syrie. D’autant que l’une des puissances régionales, la Turquie, a pris fait et cause pour les Palestiniens et a eu des pourparlers avec l’Iran sur ce conflit et condamne sans ambages Israël.

Israël, tout en opérant au niveau de Gaza City, encerclée et pénétrée, a dû surveiller et répliquer contre le Hezbollah libanais au Nord et les activistes syriens à l’Est en frappant certaines bases et au moins deux aéroports en Syrie, et en se protégeant des drones et missiles seul et avec l’aide des Américains. On comprend dans ces conditions que tout cela est favorable à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine abandonnée par ses alliés occidentaux et n’ayant pas suffisamment de moyens propres pour combattre la grande Russie dont l’économie de guerre tourne à plein régime avec l’aide des coréens du nord, de l’Iran et de celle indirecte de la Chine et de la Turquie, commerce bilatéral oblige.

1.2.             La guerre en Ukraine stagnation ou échec de la contre-offensive ?

Par rapport à notre dernière rubrique, on n’enregistre pas de changements trop significatifs, sinon une certaine assurance de la part de la Russie avec le déclenchement de la guerre israélo-HAMAS. LUkraine, en particulier la contre-offensive ukrainienne, a pu produire certaines brèches, mais, jusqu’à date, pas de percées. La guerre d’attrition se concentre toujours dans le Donbass. Les deux armées se neutralisent. La Russie s’est permise de contre-attaquer et de reprendre certaines localités. Dans cette partie de l’Ukraine, les deux armées perdent beaucoup d’hommes, la Russie un peu plus. Il faut noter que la Russie a l’avantage du nombre avec ses plus de 150 millions d’habitants et sa doctrine militaire qui n’accorde pas trop d’importance à la vie des soldats, elle peut se permettre de sacrifier beaucoup de soldats pour atteindre certains objectifs militaires jugés cruciaux (la prise de Bakhmuth par exemple). 

C’est pourquoi, elle lance plusieurs contre-offensives dont la plus connue est celle d’Avdiivka et autres qui engloutissent environ 900 soldats par jour selon la presse occidentaleCe que ne peut se permettre l’armée ukrainienne pour deux raisons : premièrement, ce n’est pas dans sa doctrine, et de deux c’est une armée qui se bat à l’occidental, mais aussi avec des réflexes soviétiques. 

Avec des pertes enregistrées depuis le lancement de la contre-offensive, on sent une sorte d’essoufflement, et l’interview sincère du Général Valery Zaloujny[2], le chef d’Etat-Major ukrainien, avec le journal anglais, The Economist, vient confirmer cet état de fait.   De plus, face au manque de ressources humaines dans l’armée ukrainienne et des difficultés à recruter de jeunes hommes, l’Ukraine se défend comme elle peut avec les moyens dont elle dispose, la production de drones navals et de drones kamikazes (50,000/mois). Les propos tenus par le général Zaloujny ne sont très rassurants pour le camp ukrainien. Malgré les propos du président Zelensky en contradiction avec ceux du général, la presse occidentale commence à s’interroger sur un éventuel échec de l’Ukraine.

Les rivalités entre Zelensky et le général Zaloujny, très populaire et qui pourrait se déclarer candidat aux prochaines élections dans le cas où elles se tiendraient en 2024 tel que prévu par la Constitution et dont Zelensky pourrait évoquer l’état de guerre pour ne pas les organiser, apparaissent au grand jour et pourraient affaiblir l’armée ukrainienne.

Les USA et l’Occident, qui soutiennent, à coup de milliards d’USD et de matériels, les efforts de guerre de l’Ukraine face à la Russie, concentrent actuellement leurs efforts dans la protection d’Israël. Toute une armada de l’armée américaine est envoyée dans la zone du conflit, pour dissuader les ennemis d’Israël, en particulier l’Iran, le patron du HAMAS et aussi du Hezbolla libanais (au nord d’Israël) mieux équipés en matériels et en hommes grâce à l’appui de l’Iran.

2.   LA SITUATION AU NIVEAU D’HAÏTI

D’un autre côté, Haïti  se range derrière le Canal Massacre qui fait la une de l’actualité, malgré l’arrestation de Badio, le principal suspect dans l’assassinat crapuleux du président Jovenel Moïse, malgré les multiples sanctions internationales à l’encontre de la plupart des politiciens et hommes d’affaires, malgré le 1er Sommet Arabie Saoudite/CARICOM auquel a pris part le premier ministre Ariel Henry, malgré le retour au pays après 6 ans d’emprisonnement aux USA de l’ex-sénateur Guy Philippe, le principal instigateur de terrain de la révolte militaire contre le président Aristide en 2004 et qui est bien accueilli par les populations de la Péninsule sud d’Haïti.

2.1.             Le Canal Massacre la solidarité continue

La ferveur des Haïtiens tant en Haïti que dans la diaspora ne faiblit pas. Les travaux continuent de plus bel au niveau du canal, en particulier au niveau de la prise principale. Les murs latéraux en béton armé prolongés par des murs en gabions sont à un stade avancé ainsi que le seuil en rivière. A distance, les travaux semblent de qualité. Et ce, malgré les tensions palpables entre l’armée dominicaine et la population de la zone, malgré l’ouverture de la frontière du coté dominicain et restée fermée du coté haïtien sur demande d’une bonne partie de la population. Ce qui fait perdre des dizaines de milliers de dollars aux dominicains et exige beaucoup de sacrifices de la part des Haïtiens qui s’approvisionnent généralement en République Dominicaine pour leurs besoins primaires et autres (+1.8 Mrds d'USD/An).

Cette détermination haïtienne face aux décisions unilatérales et exagérées de la part du gouvernement dominicain a surpris la partie dominicaine. Abinader, le président dominicain, se retrouve dans ses petits souliers et pourrait payer très cher ses décisions précipitées contre Haïti pour la continuation des travaux sur un simple canal de 1.5 m3/s, alors que, du coté dominicain, ils en ont déjà réalisé 11 prises sur la rivière Massacre. Non seulement la République Dominicaine a déjà porté plainte contre Haïti au niveau de l’OEA et d’autres instances régionales, mais aussi a envoyé au niveau de l’Union Européenne (UE) une délégation de haut niveau sur ce dossier. A noter que l’UE est l’un des financeurs des actions au niveau de la zone frontalière entre les deux pays. L’OEA a visité la RD et Haïti. L’ex-premier ministre britannique, Tony Blair, sollicité par le gouvernement haïtien pour jouer un rôle d’intermédiaire entre les deux pays, a déjà visité la RD. 

Normalement, eu égard à notre connaissance de ce dossier, c’est le gouvernement haïtien (GH) qui aurait dû porter plainte conte la RD avec des chances sérieuses de confondre cette dernière. Malheureusement, le GH est beaucoup plus préoccupé par des problèmes de son maintien au pouvoir que par ce dossier fédérateur du canal massacre qui fait l’unanimité chez tous les Haïtiens.

2.2.             Sur le plan politique, le statu quo

Comme je l’ai constaté dans ma dernière chronique[3], « Rien ne bouge sur le plan politique malgré la dernière tentative de la CARICOM, malgré les bruits de bottes de l’armée kenyane. Les positions restent figées. Ariel Henry et son équipe restent sur leur position, tandis que les opposions font pareil. Haïti demeure le cadet de leurs soucis. « Je me maintiens », dit l’un ; « ôte-toi que je m’y mette », dit l’autre. Même s’ils ne le disent pas de cette manière, c’est ce qu’on ressent dans leurs attitudes, comportements et propos. On dirait qu’ils ne voient pas ce qui se passe autour d’eux, dans notre pays qui meurt à petit feu à cause des bandits en particulier. »

Il est bruit que la CARICOM, l’ONU et d’autres entités internationales continuent de mettre la pression sur la classe politique haïtienne pour trouver un consensus le plus rapidement possible. Une délégation kenyane a séjourné en Haïti et a eu des discussions avec le PM Henry. On a comme l’impression que la communauté internationale voudrait trouver un consensus politique avant l’arrivée de la mission de l’ONU prévue pour le début de l’année 2024. Des rumeurs persistantes parlent d’un draft d’accord entre les protagonistes politiques haïtiens. Le vrai problème demeure l’exigence préalable d'une partie de l’opposition politique, l'éviction du PM Henry. Ce qui nous ramène au problème de départ qui a conduit à l’assassinat du président Moïse : « Ote-toi que je m’y mette ».

Il est clair que la communauté internationale ne voudrait plus d’une autre transition. Elle veut aller le plus vite possible aux élections générales. Il se pose le problème du mandat du PM Henry qui, selon le dernier accord, devrait prendre fin le 7 février 2024 par le transfert du pouvoir aux élus issus d’élections générales dans le pays. Or rien n’a été fait en ce sens, pas de mise en place de conseil électoral, pas de nouvelle constitution/ou d’amendements à l’actuelle constitution et naturellement pas de consultation populaire y relative, et en fin de compte pas de nouvelles élections. Qui nous garantit que tout cela va se faire au cours de 2024 avec un Ariel Henry toujours au pouvoir ? Dans le cas où Henry devrait partir, comment le remplacer ? En l’absence de provision constitutionnelle, par un tweet de la communauté internationale ? Et les gangs dans tout ça ?

2.3.             Le règne des bandits, leurs exactions et la guerre des gangs

Les Gangs ne chôment pas. Ils continuent de kidnapper, de piller, de violer, de tuer, d’élargir leurs territoires et surtout de s’entretuer. Les gangs de Port-au-Prince par exemple se battent au niveau de Carrefour/Mariani, de Cité Soleil, de Solino, de Tabarre et Croix-des-Bouquets. Plusieurs membres et chefs de gangs sont tombés. C’est la même chose au niveau de Mariani, de Carrefour, de Martissant, de Bélair, et aussi de Tabarre dans le camp de Vitelhomme.

Quant aux Gangs de l’Artibonite, ils font des exactions terribles sur la population de la zone, agissant comme ceux de la zone métropolitaine mais ne se battent entre eux; ils détournent des camions de marchandises, violent et tuent des jeunes filles qui refusent de céder à  leurs avances sexuelles et même de coucher avec eux sous pression. Le Haut et le Bas Artibonite exigent l’intervention de la Police Nationale pour neutraliser ces gangs. Des manifestations de protestation sont organisées le 5 décembre aux Gonaïves et à Saint-Marc pour demander à M. Paul Menard, le commandant de la PNH au niveau du département de l’Artibonite, de prendre ses responsabilités, et lancent des appels au gouvernement et au commandant en chef de la PNH de fournir les moyens au responsable de l’Artibonite pour éradiquer les gangs au niveau de ce département, le principal grenier du pays.

2.4.             La situation de l’insécurité alimentaire tend à s’aggraver

Ces gangs tant au niveau de l’Ouest que de l’Artibonite, les deux plus grands départements du pays et mieux équipés en périmètres irrigués, réduisent considérablement la capacité de ces départements à produire suffisamment d’aliments pour le pays et empêchent la libre circulation des produits agricoles d’une zone à une autre. Ce qui augmente le niveau d’insécurité alimentaire dans le pays (plus de 5 M de personnes), d’autant que, avec le conflit avec la RD, la situation de l’insécurité alimentaire tend à s’aggraver. On ne sait pas ce qui va se passer. On sait que la force multinationale aura du pain sur la planche.

Pour Guy Philippe, le problème de l’insécurité globale pourrait se résoudre en 90 jours. La PNH et l’Armée d’Haïti pourraient trouver une solution durable à ce problème. Lui il est prêt si la population lui fait confiance et accepte de l’accompagner dans cette aventure. Il ne pense pas que la communauté internationale (le blanc) puisse faire grand'chose par rapport à cette problématique. Selon l'ancien rebelle de 2004, seuls les Haïtiens sont en mesure de résoudre définitivement la problématique de l’insécurité globale avec les forces de l’ordre du pays, à savoir l’Armée d’Haïti et la Police Nationale d’Haïti (PNH). Et enfin, Guy Philippe croit dur comme fer que le Kenya n’est pas capable de résoudre ce problème d’insécurité.

2.5.             Le Kenya viendra-t-il ou pas ?

Si l’on se réfère à la délégation kényane  qui a séjourné en Haïti ces derniers jours, tout serait fin prêt pour démarrer la mission au début de l’année 2024. Dans ces conditions, on dirait que les problèmes de moyens à mettre à dispositions du Kenya par la communauté internationale seraient résolus ainsi que ses problèmes internes. En tout cas, attendons voir ce qui va se passer. Pour nous qui suivons ce qui se passe au Kenya avec la Cour Suprême qui doit se prononcer définitivement sur le dossier Haïti, ainsi que la position de l’opposition politique de ce pays vis-à-vis du dossier, on aurait tendance à croire que rien n’est gagné d’avance.

Haïti devra donc se préparer pour bien gérer cette énième intervention de la communauté internationale à son avantage en s’organisant pour avoir un bon dossier de développement de notre pays qui tienne compte des aspects d’urgence, de relèvement et de développement.

3.   CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

 Une fois de plus, un petit problème de santé ne m’a pas permis  de produire à temps cette 42e chronique. Comme à mes habitudes, dans ces circonstances, et pour me faire pardonner, j’ai fait un certain nombre de vidéos en vue d’analyser les faits les plus saillants de cette période de deux mois tant au niveau mondial qu’au niveau national.

Au niveau mondial, malgré la rencontre, en Californie, entre les représentants des deux plus grandes puissances actuelles, à savoir les USA et la Chine, la guerre israélo-Amas et la guerre russo-ukrainienne occupent l’actualité internationale, avec une nette domination de la première, parce que c’est Israël et parce qu’aussi et surtout c’est le chouchou des américains et de l’Occident. Cette guerre fait des milliers de morts civiles. L’attaque surprise du Hamas du 7 octobre, a fait plus de 1300 victimes, tandis que la réponse Israélienne en a fait plus de 15,000 selon le Hamas. En tout cas, cette guerre pourrait embraser tout le Moyen-Orient au cas où une solution durable ne se pointerait pas à l’horizon le plus rapidement possible.

   Quant à la guerre russo-ukrainienne, la situation n’évolue pas de manière significative par rapport au mois de septembre 23. Peut-être en termes d’augmentation du nombre de morts des deux côtés. On a parlé de 900 morts par jour du côté russe, en particulier à Avdiivka, ce qui nous rappelle la bataille de Bakhmuth. On suppose que, eu égard aux confidences du Général Jaloujny à The Economist, un journal anglais, le nombre de morts du côté ukrainien est très significatif, peut-être pas au même niveau que celui des Russes.  Ce qui est sûr, c’est que les territoires sous contrôle russe pourront être difficilement récupérables par les ukrainiens ; donc la guerre sur ces territoires, particulièrement  au niveau du Donbass, pourra durer longtemps encore et consacrera la suprématie des drones comme la principale arme de cette guerre et des  guerres futures.

En Haïti, le Canal Massacre occupe toujours le devant de la scène. Les travaux avancent assez bien sous le label KPK (Kanal La Pap Kanpe), surtout au niveau de la prise principale. Les dominicains ont porté plainte à l’OEA contre le gouvernement haïtien  et envoient une délégation de haut  niveau à l’Union Européenne pour plaider leur cause en relation avec la construction du canal. Une délégation de l’OEA a été en République Dominicaine et ensuite en Haïti. Le Premier Ministre Ariel Henry a, en marge du Sommet Arabie Saoudite-CARICOM, sollicité l’appui de l’ex-Premier Ministre anglais, Tony Blair, pour une médiation entre Haïti et la République Dominicaine. Qu’adviendra-t-il de tout cela ?

En attendant, la situation politique n’a connu officiellement aucune évolution malgré l’insistance de la CARICOM pour trouver un consensus entre les protagonistes politiques haïtiens, en vue de la mise en place d’un gouvernement de consensus, l’élargissement du Haut Conseil de Transition, la mise en place du Conseil Electoral Provisoire, l’organisation des consultations populaires eu égard à la constitution, et l’organisation des élections générales dans le pays. Certaines entités de l’opposition restent sur leur position : le départ préalable d’Ariel Henry. Les gangs de leur côté mettent le pays à feu et à sang dans l’Ouest et dans l’Artibonite. Et le Kenya n’arrive pas à point pour prendre la tête de la force multinationale qui viendrait combattre les gangs, à cause des problèmes internes  et des moyens qui tardent à se mettre en place par la communauté internationale.

En attendant, le pays haïtien périclite sous le poids d’une insécurité alimentaire touchant plus de 5 millions de personnes, d’une insécurité globale qui pousse plus de 90,000 personnes à quitter le pays dans le cadre du programme Biden, et aussi des milliers d’autres par avion vers le Nicaragua, programme suspendu par les Américains et doublé de mesures drastiques contre les organisateurs de ces voyages. Sans compter ceux-là qui continuent de prendre de frêles embarcations vers des cieux plus cléments.

Tout cela sous le regard indifférent de nos politiciens dont les plus connus sont sous sanctions internationales et/ou menacés d’emprisonnement par les enquêtes de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), et le petit groupe restant se bat pour le maintien et l’accès à tout prix aux broutilles du pouvoir politique. Y-a-t-il de l’Espoir pour Haïti ?