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vendredi 8 février 2019

LA DEGRINGOLADE DE LA GOURDE ENTRE L’ENTENTE NATIONALE ET LE RAPPORT DE LA CSA/CA SUR PETROCARIBE, AVEC UNE VISION : HAITI PAYS EMERGENT EN 2040 ET LE PAYS PHARE DU MONDE EN 2054


LA DEGRINGOLADE DE LA GOURDE ENTRE L’ENTENTE NATIONALE ET LE RAPPORT DE LA CSA/CA SUR PETROCARIBE, AVEC UNE VISION : HAITI PAYS EMERGENT EN 2040 ET LE PAYS PHARE DU MONDE EN 2054

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

7 FEVRIER 2019

En ce début du mois de Février 2019 et durant tout le mois de Janvier 2019, les faits saillants s’articulent autour de (i) l’entente nationale, (ii) la dégringolade de la gourde, (iii) le rapport Petrocaribe, (iv) l’atelier du conseil de la Société civile de la BID (CONSOC) sous le thème : « Vers une gestion durable et responsable des déchets solides en Haïti » et (v) l’accession à la place de No 1 mondial de Naomi OSAKA d’origine haïtienne à l’âge de 21 ans, qui « a  remporté avec brio son 2ème titre en Grand Chelem.», selon un tweet du Président Jovenel Moïse. Quant au fait saillant no 4, la durabilité et la responsabilité sont une approche « dekabes » pour répéter un encadreur des groupes de base de Cité Soleil. Savez-vous que, selon Dr Lacour de l’Université Quisqueya, la transformation des déchets solides dans la seule zone métropolitaine de Port-au-Prince, pourrait générer 200 millions dollars américains l’an. Maintenant, essayons d’analyser en profondeur les trois autres faits saillants selon le titre retenu pour cet article « LA DEGRINGOLADE DE LA GOURDE ENTRE L’ENTENTE NATIONALE ET LE RAPPORT DE LA CSA/CA SUR PETROCARIBE, AVEC UNE VISION : HAITI PAYS EMERGENT EN 2040 ET LE PAYS PHARE DU MONDE EN 2054 ».


L’Entente Nationale (Dialogue Politique)/Pacte de gouvernabilité

En dépit des menaces de l’opposition dite démocratique et populaire, l’année 2018 s’est achevée dans un calme relatif. La fête de l’indépendance aux Gonaïves  du 1er Janvier 2019 s’est réalisée en présence de toutes les hautes autorités nationales, en particulier le Président de la République, qui a été contraint de ne pas participer à la cérémonie du 18 Novembre 2018 au Cap-Haïtien. L’un des points dominants de cette fête  a été le souhait de nous voir nous entendre entre nous, l’entente nationale, le dialogue national. L’homélie du Mgr Péan, le discours du Maire Latortue des Gonaïves et le discours du Président Moïse en parlent.  Il faut rappeler que le pouvoir en place a proposé un document de pacte de gouvernabilité dont la présentation n’a pas eu l’aval de la plupart des grands ténors politiques comme le RDNP, la FUSION, l’OPL, et encore moins le secteur dit démocratique et populaire, plus connu sous le nom de l’opposition radicale.

Selon Le Nouvelliste  du 28 Janvier 2019[1]« Il n’y avait pas que les partis politiques de l’opposition radicale à avoir boudé le forum de Céant sur le Pacte de gouvernabilité le mardi 22 janvier 2019. Le PHTK, le parti politique de Jovenel Moïse, et les partis proches du pouvoir avaient boycotté aussi le lancement officiel du dialogue initié par le Premier ministre. »

« Le PHTK, la plateforme VERITE, la KID, le KONA, la plateforme G18, ALLAH … sont toutes des organisations proches du pouvoir et sont représentées d’une façon ou d’une autre au sein du gouvernement. Pourtant, elles ont boudé l’invitation du Premier ministre à participer au forum sur le Pacte de gouvernabilité visant à trouver une solution à la crise politique. »


« Le président a demandé au Premier ministre de poursuivre le dialogue jusqu’au 7 février, date à laquelle Jovenel Moïse annonce qu’il va lancer le dialogue. Les partis de l’aile dure de l’opposition qui ne jurent que par la démission du président de la République tels que Fanmi Lavalas, Pitit Desalines, le secteur dit démocratique et populaire et l’opposition modérée comme la Fusion, le RDNP, entre autres, ont boudé le premier forum du Premier ministre ». Le Nouvelliste, https://lenouvelliste.com/article/197484/oui-jai-parle-avec-le-president-jovenel-moise-confirme-me-andre-michel

A l’analyse, on est parti vers un dialogue de sourds, Haïti n’étant pas l’élément fondamental de ce processus. Nos politiciens ne font que défendre leur chapelle politique, leur clan au détriment du pays. L’opposition politique ne jure par la démission du Président qui lui semble être loin  d’être satisfait du processus en cours. Cette situation d’incertitude politique influe sur le fonctionnement global du pays, en termes d’insécurité, de troubles sociaux et du pourrissement de la situation économique lié au taux d’inflation et à la dégringolade de la gourde par rapport au dollar.

La dégringolade de la gourde et le  taux d’inflation, un cocktail explosif

Depuis les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018, la gourde qui se dépréciait a connu une accélération que plus d’uns  qualifient de dégringolade de la gourde par rapport au dollar. Cette dégringolade de la gourde qui accuse 82-85 HTG pour 1 USD[2] actuellement s’est heurtée à une inflation de plus de 15% pour le mois de janvier 2019. Ce cocktail explosif peut provoquer une explosion sociale à la moindre étincelle. Cette situation se traduit par une cherté de la vie qui touche toutes les couches sociales, en particulier les plus vulnérables. Les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), lancés au début de décembre 2018, semblent ne pas aller au-delà de la fin de l’année. Malgré les travaux de rénovations urbaines dans certaines villes comme Carrefour, Tabarre, Croix-des-Bouquets, Gonaïves, etc., on ne sent pas la ferveur liée aux travaux HIMO en général. Les équipes qui travaillent dans la mise en place des caniveaux opèrent en petit nombre et de manière sporadique et par intermittence. On dirait un manque de quelque chose, planification et financement. Il s’ensuit un manque  d’emplois, un manque de circulation monétaire. Entre temps avec la hausse continue des prix des produits de première nécessité, la vie devient chaque jour plus difficile et intenable.

Pour la plupart des économistes, cette situation s’explique par le manque de production nationale dans le pays ou encore par l’accroissement de la population et le déficit budgétaire enregistré. C’est l’explication classique. Mais qu’est-ce qui explique cette hausse continue, cette dégringolade de la gourde journellement? La meilleure explication vient du Dr Labossière, la spéculation. Cette explication est approfondie  par Valéry Numa qui pense que c’est un petit groupe qui décide de cette augmentation journalière, parce que tout cela échappe au contrôle de la banque centrale (BRH). Car le taux moyen journalier de référence de la BRH est établi à partir des taux moyens fixés par les banques commerciales qui ont l’entière liberté de fixer leur taux de change journalier. De plus, malgré la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, même si on veut acquérir le dollar au taux du jour, on ne le trouve pas au niveau des banques commerciales. Pour les plus chanceux, il faudrait attendre une semaine pour pouvoir acquérir une quantité substantielle de dollars américains. L’économiste Fritz Jean prévoit un tsunami économique si rien n’est fait pour stopper la dégringola de la gourde. Le retour du budget au gouvernement par la Chambre Basse est un « mauvais signal ». Et les mesures annoncées par la BRH ne donneraient pas de résultats selon plus d’uns et même l’Etat d’urgence économique déclaré par le pouvoir en place le 5 Février 2019 ne semble pas  rencontrer l’adhésion de la majorité (manque de confiance dans les dirigeants). Il faudrait donc s’attendre au pire d’autant que l’opposition politique radicale annonce des mouvements contre le pouvoir en place à travers le pays pour le 7  Février 2019. Une partie des petrochallengers dit appuyer les manifestations prévues ainsi qu’un certain nombre de partis politiques qualifiés de modérés. Le bilan est lourd 2 morts, des blessés, voitures incendiées, des casses au niveau des façades des entreprises, des maisons privées, attaques de commissariats et des policiers. C’était prévisible depuis la soumission du rapport petrocaribe au Sénat et le surchauffe des esprits qui s’en est suivi.

Le Rapport Petrocaribe de la  Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA)

Avec la soumission du rapport partiel de Petrocaribe par la CSC/CA au Sénat le 31 janvier 2019, la situation semble se compliquer davantage. Essayons d’abord de dégager l’essentiel des données du rapport avec l’aide du Nouvelliste et du rapport lui-même.

On lit dans le rapport : « Selon les données obtenues du BMPAD, du 5 mars 2008, date de réception de la première cargaison de pétrole, au 14 avril 2018, date de réception de la dernière, au total 219 cargaisons totalisant 43,9 millions de barils de carburant ont été livrés et commercialisés en Haïti. À ceci s’ajoutent six[3] (6) cargaisons d’asphalte et trois (3) cargaisons de mazout, donnant lieu à une accumulation de ressources disponibles de 4,237,598,789. 12 USD répartis comme suit :
§  portion comptant à payer au Venezuela dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours : 1,978,802,105.56 USD; 
§  portion financement disponible pour l’État haïtien et remboursable sur une période comprise entre dix-sept (17) et vingt-cinq (25) ans : 2,258,796,683.56 US (tableau 1) »
Tableau 1 : Estimation des ressources générées par le programme Petrocaribe de mars 2008 à avril 2018
CARGAISON
PORTION FINANCEMENT EN $US
PORTION COMPTANT
EN $US
TOTAL
EN $US
Carburant
2 252 974 036,59
1 969 071 812,30
4 222 045 848,89
Asphalte
1 951 056,74
3 138 581,76
5 089 638,50
Mazout
3 871 590,23
6 591 711,50
10 463 301,73
Total des ressources générées de 2008 à 2018
2 258 796 683,56
1 978 802 105,56
4 237 598 789,12
Source : Rapport d’importation de pétrole (2008 à 2018) du BMPAD corroboré par les factures des cargaisons de pétrole de PDVSA

Le tableau 2 fait une répartition des résolutions par présidence et gouvernements signataires. Il en est  de même pour le budget par résolution, la révision du budget ainsi que les montants effectivement transférés par la BMPAD.

Tableau 2 : Montant budgétisé par résolutions et par gouvernement
Résolutions
Présidence
Gouvernement signataire
Budget par résolution en $US
Budget révisé après affectations et désaffectations $US
Montants transférés par le BMPAD
no 1
20/09/2008
PRÉVAL
Michèle DUVIVIER PIERRE-LOUIS
$ 197 560 000,00
$ 197 560 000,00
$197560 00,00
no 2
11/02/2010
PRÉVAL
Jean Max BELLERIVE
$ 163 287 848,00
$ 157 719 896,18
$157 719 896,18
no 3
24/08/2010
PRÉVAL
Jean Max BELLERIVE
$ 107 400 000,00
$  94 597 097,69
$  94 357 661,45
no 4
12/05/2011
PRÉVAL
Jean Max BELLERIVE
$ 108 799 883,00
$ 96 923 836,14
$  96 923 836,14
no 5
28/02/2012
MARTELLY
Garry CONILLE
$ 234 956 000,00
$210 303 222,68
$210 303 222,68
no 6
18/07/2012
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$130 000 000,00
$96 195 625,80
$  96 195 625,80
no 7
21/12/2012
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$ 374 800 000,00
$329 386 735,04
$329 386 735,05
no 8
11/12/2013
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$ 210 967 318,33
$164 517 228,97
$164 517 228,97
no 9
23/07/2014
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$ 141 778 568,00
$71 215 839,38
$71 215 839,38
no 10
10/09/2014
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$  29 697 201,29
$7 000 000,00
$7 000 000,00
no 11
15/04/2015
MARTELLY
Evans PAUL
$  254 423 560,00
$47 525 624,19
$ 47 525 624,90
no 12
22/07/2015
MARTELLY
Evans PAUL
$ 193 055 824,56
$174 308 966,07
$101 010 358,99
no 13
06/01/2016
MARTELLY
Evans PAUL
$ 58 169 108,56
$58 169 108,56
$  16 204 383,67
no 14
28/09/2016
PRIVERT
Enex J. JEAN-CHARLES
$ 33 268 729,00
$33 268 729,00
$  15 984 874,63
Total



2 238 164 040,74
1 738 691 909,70
1 605 905 287,84
Sources : Résolutions du Conseil des Ministres publiées dans le Moniteur, Numéro Extraordinaire (compilations des Textes relatifs aux Fonds Petrocaribe 2006 -2018) du 24 octobre 2018 et Rapports des transferts du BMPAD.

Une première remarque qui saute aux yeux par rapport aux deux premiers rapports de Latortue et  de Beauplan, le montant global des résolutions est de 2.24 milliards de USD, le budget revisé est de 1.7 milliards tandis que les montants transférés par BMPAD sont de 1.6 milliards de dollars américains. Ces montants concernent trois (3) présidents, six (6) premiers ministres, la majorité des ministres, des directeurs généraux, des cadres supérieurs, des administrateurs des ministères (comptables, contrôleurs, payeurs) et la grande majorité des firmes privées opérant en Haïti.

Selon  le Nouvelliste  du 31 Janvier 2019[4] : « la Cour s’était donnée pour objectif d’auditer tous les projets issus des 14 résolutions »

Toujours rapporté par le Nouvelliste : « La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) tient à souligner à l’encre forte dans ce rapport que certaines infractions relèvent du champ de compétence d’autres institutions établies par la loi. De ce fait, elle n’entend pas se substituer à d’autres instances administratives et juridictionnelles »


« Ce n’est donc pas à la CSCCA qu’incombe la responsabilité de se prononcer sur les infractions liées au blanchiment de capitaux, l’enrichissement illicite, la passation illégale des marchés publics, la surfacturation, les pots-de-vin, les commissions illicites, le trafic d’influence, le népotisme ou de réprimer les infractions y relatives. Il s’agit d’infractions qui relèvent de la compétence d’autres institutions », lit-on dans ce rapport qui évoque des difficultés rencontrées par la CSC/CA.


Les détails fournis dans le rapport petrocaribe mettent en évidence l’ampleur de la fraude et l’implication des parties prenantes à quatre niveaux, les présidents et les premiers ministres au niveau des résolutions, les ministres et les Directeurs Généraux au premier niveau, les directeurs de directions, administrateurs, et hauts cadres au second niveau, les firmes privées (exécution et supervision), les cadres moyens au troisième niveau. A noter que le rapport ne condamne personne et ne mentionne que les faits, certains avec des erreurs grossières.

« Dans le cadre de la présente mission d’audit, la CSCCA a regroupé les irrégularités constatées en trois (3) catégories : les irrégularités administratives ; les irrégularités réglementaires et aux bonnes pratiques de gestion ; les irrégularités ayant causé des préjudices au projet et à la communauté », a expliqué la CSC/CA.

La graduation des irrégularités permet de comprendre que les plus graves sont celles « ayant causé des préjudices au projet et à la communauté. Par exemples, l’attribution d’un contrat sans appel d’offres ; les contrats conclus en situation d’urgence sans justification pertinente ; les projets ne respectant pas un ou plusieurs des paramètres initiaux que constituent la nature et l’ampleur des travaux, l’estimation des coûts et l’échéancier ; l’attribution des projets sans avoir recours à des critères précis et évaluables objectivement ; le non-suivi des étapes clés liées à la saine gestion de projets. »,lit-on dans le rapport d’audit de la CSC/CA qui souligne que « les travaux d’audit se sont articulés autour de quatre axes, soit la gestion de projet, le processus d’octroi des contrats, l’exécution des travaux et la fermeture du projet ». « Toutefois, nous avons présenté les résultats par institutions afin de circonscrire les responsabilités des uns et des autres », a insisté la CSC/CA


Le rapport fait état de beaucoup d’irrégularités, de non-respect des procédures administratives et de passation de marchés publics. Le rapport indexe beaucoup de personnes sans les condamner et n’a pipé mot sur les institutions de contrôle comme le Parlement, la CSCCA, l’ULCC, l’UCREF, qui auraient dû intervenir annuellement sur ce dossier au lieu de laisser la situation s’empirer sur une période aussi longue,  ce qui aurait évité au pays  la situation actuelle. Or ce qui se passe dans le cas du dossier petrocaribe est monnaie courante en Haïti. Le dossier petrocaribe n’est qu’un élément d’un ensemble beaucoup plus grand.

En effet le budget de l’Etat est d’environ 2 milliards de dollars américains l’an sur la période de 2008 à 2018, soit environ 20 milliards de dollars avec des poussières. Si on enlève les dépenses courantes qui avoisinent 60 à 70%, les 30 à 40% restant sont des dépenses d’investissements, qui, en principe, devraient suivre les procédures appliquées à Petrocaribe et qui ne l’ont pas été à la lettre dans la plupart des cas.

Toujours est-il que dans le cas qui nous concerne, l’Etat Haïtien a officiellement porté plainte. Le procès Petrocaribe, qui s’ensuivrait, si procès il y en aura, devrait marquer un tournant dans la lutte contre la corruption en Haïti, ce fléau responsable de notre manque développement et fait de nous le pays le plus pauvre de la terre actuellement selon le dernier rapport de la banque mondiale.   

En guide conclusion, l’aggravation de la situation globale est liée en particulier à la situation politique caractérisée par une profonde division entre nos politiciens pour la prise du pouvoir politique au profit de leur clan respectif sans penser à notre pays qui est en train de péricliter au point de devenir le pays le plus pauvre de la terre. La corruption qui symbolise le système que nous avons mis en place en 1806 nous pète à la figure avec le dossier petrocaribe. La situation économique désastreuse actuelle qui est la résultante de notre mode de fonctionnement de 1806 à aujourd’hui, est attribuée au seul régime PHTK pour les besoins de la cause, alors qu’elle est issue du système mis en place après la mort de Dessalines.

Le 17 Octobre 2018, le cri de nos jeunes de petrochallengeurs ayant mobilisé autour du slogan « kot kob petrokaribe a » a été de changer le système, mais le 18 Novembre nos politiciens se sont arrangés pour recentrer le slogan sur la démission du Président Jovenel Moïse. Ce qui a affaibli le mouvement axé autour de petrocaribe et donné un second souffle à l’administration Moïse pour proposer le dialogue politique, l’entente nationale dans le cadre  d’un pacte de gouvernabilité à partir des contacts avec l’opposition politique dans son ensemble, d’où l’accalmie de la fin de l’année du mois de décembre 2018 et du mois  de Janvier 2019, ponctuée de banditisme et de tuerie de policiers en services, de la dégringolade de la gourde. Le  forum sur le pacte de gouvernabilité boudé par la plupart des partis politiques ainsi que la soumission au Sénat du rapport sur petrocaribe par la CSC/CA sont les principaux éléments déclancheurs alliés à la cherté de la vie du retournement de la situation contre Jovenel Moïse dont la démission est réclamée par l’ensemble de l’opposition et certains petrochallengers. Le traumatisme créé par les événements des 6,7.8 Juillet 2018 a refait surface et forcé la population, tout au moins au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince à se terrer chez elle ce jeudi 7 Février 2019, avec raison si l’on se réfère au bilan partiel de la Police Nationale.

Il nous faut donc nous entendre entre nous sans exclusive,  pour (i) avoir la stabilité nécessaire, (ii) prendre les mesures drastiques pour arrêter la dégringolade de la gourde et la ramener à un niveau acceptable et stable, (iii) réaliser le procès petrocaribe, (iv) s’entendre sur la signification du concept changement du système, à partir d’un équilibre parfait entre les 3 pouvoirs d’Etat (« équilatéralité » du système, avec le pouvoir judiciaire au sommet du triangle équilatéral), (v) Mettre en place le nouveau système et (vi) amorcer le développement du pays en vue d'en faire un pays émergent en 2040 et le pays phare du monde en 2054, l’année de notre 250e anniversaire de l’indépendance. C’est la vision, c’est l’immense tâche qui nous attend, sommes-nous en mesure de l’accomplir ? Commençons dès maintenant !!!



[2] 82.75 HTG pour 1 USD officiellement.
[3] Bien que les informations fournies par le BMPAD indiquent la réception de six (6) cargaisons d’asphalte, la Cour a tout de même constaté que le site internet du BMPAD fait mention d’un total de sept (7) cargaisons d’asphalte réceptionnées au 31 mars 2014.

lundi 31 décembre 2018

HAITI : BILAN 2018 ET PERSPECTIVES 2019, DE PETROCARIBE A LA STAGNATION DE LA PAUVRETE VERS UNE ENTENTE NATIONALE POUR CHANGER LE SYSTÈME ET AMORCER LE DEVELOPPEMENT DU PAYS, AVEC OU SANS JOVENEL (?)


HAITI : BILAN 2018 ET PERSPECTIVES 2019, DE PETROCARIBE A LA STAGNATION DE LA PAUVRETE VERS UNE ENTENTE NATIONALE POUR CHANGER LE SYSTÈME ET AMORCER LE DEVELOPPEMENT DU PAYS, AVEC OU SANS JOVENEL (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 DECEMBRE 2018
Revu le 2 JANVIER 2019

L’année 2018 s’achève. C’est l’heure du bilan. C’est aussi le moment de dégager les perspectives pour l’année 2019, une année électorale,  qui s’annonce plutôt difficile et beaucoup plus agitée que 2018, une année d’entropie politique avec Petrocaribe comme prétexte, élément perturbateur du statuquo  et catalyseur de mobilisation sociale et politique, avec, comme objectif, le procès petrocaribe, le changement du  système haïtien et, pour l’opposition politique radicale, la chute du Président Jovenel Moïse. D’où le titre de cet article : Haïti : bilan 2018 et perspectives 2019, de petrocaribe à la stagnation de la pauvreté vers une entente nationale pour changer le système et amorcer le développement du pays, avec ou sans Jovenel (?).

    1.   FAITS SAILLANTS DE L’ANNÉE 2018 ET FAITS SAILLANTS DU MOIS DÉCEMBRE 2018 

Un ensemble de faits politiques, sociaux et économiques ont marqué l’année et le mois de décembre 2018. Ces faits sont pour la plupart des irritants, des éléments perturbateurs de la vie politique et économique. Certains faits, comme le dossier petrocaribe, nous forcent à prendre conscience de l’ampleur d’un fléau, la corruption, qui a des effets néfastes sur le développement du pays.

1.1   Faits saillants de l’année 2018

Le principal fait marquant de l’année 2018 est sans conteste le dossier petrocaribe. Depuis le commencement de l’année jusqu’à sa fin, ce dossier s’est révélé une constante de la vie politique et sociale d’Haïti. Au début, il était utilisé par l’opposition politique  pour déstabiliser le pouvoir en place, le rapport du Sénateur Beauplan aidant.

Occulté par la stratégie caravane du changement étendue sur tout le pays à partir de février 2018, Petrocaribe va supplanter tous les autres faits, y incluse la caravane, après les évènements de 6, 7 et 8 juillet 2018 dus à la hausse ratée des cours du carburant en Haïti. Ces événements ont marqué un tournant dans l’administration Moïse qui a dû changer de Premier Ministre, Céant a remplacé Lafontant.

Le remplacement de Lafontant par Céant, qui est un fait politique marquant, n’a pu empêcher la grande manifestation du 17 octobre 2018 pour le procès petrocaribé organisé par les petrochallengers infiltrés par les politiciens radicaux qui exigent, contrairement aux petrochallengers, le départ du Président Jovenel Moïse, très  affaibli par les événements des 6,7 et 8 juillet 2018. Avant le 17 octobre et entre le 17 octobre et 18 Novembre 2018, une série d’actions liées au banditisme, attisées par les politiciens de tous bords, a envenimé la situation globale du pays, en causant des pertes en vies humaines (Ex:La Saline,71 morts selon les organismes des droits humains). 17 octobre 2018 a marqué un tournant dans la vie du pays en exigeant le changement du système haïtien.

Malheureusement, les politiciens radicaux, dans leurs soucis de récupérer le pouvoir à tout prix au détriment de l’actuelle administration, ont bousillé l’élan des petrochallengers, en essayant de récupérer le dossier petrocaribe à des fins politiques lors des manifestations programmées pour le 18 novembre 2018. Ote-toi que je m’y mette. La politique a une fois de plus, une fois de trop, occulté le dossier petrocaribe. Les politiciens l’utilisent à des fins politiques, au point de démobiliser momentanément les petrochallengers. Les tentatives de mobilisations politiques contre le pouvoir en place sans les petrochallengers ont jusqu’à date piteusement échoué. Depuis les événements des 6,7, 8 juillet 2018, les manifestations des 17 octobre et 18 novembre 2018, le pouvoir en place est en mode dialogue, mais l’opposition radicale et ses alliés ne jurent que par la démission du Président.

1.2   Faits saillants du mois décembre 2018

La Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA), en charge du dossier petrocaribe, traine les pieds et accuse les cadres de l’Etat du ministère de l’agriculture et de l’institut national de formation professionnelle (INFP) de faire obstacle à son travail. Ce qui est faux. Des cadres de l’Etat sont stigmatisés par méchanceté car j’ai vu des dossiers mis à disposition de la CSC/CA qui datent d’avant la lettre du 4 décembre 2018 adressée à la Primature. Est-ce une manœuvre pour expliquer le retard éventuel du rapport promis pour janvier 2019? Est-ce autre chose encore plus grave?

Le lancement des travaux HIMO à Port-au-Prince par le Premier Ministre lui-même. Ces travaux, qui généreront 50,000 emplois et couteront 2 milliards de gourdes, s’étendront sur l’ensemble du pays, selon le PM Céant. Certains ministères et certaines mairies  commencent déjà avec la mise en œuvre de ces travaux. Il faudrait seulement éviter que ces travaux HIMO soient exécutés comme des woy-woy favorisant l’enrichissement d’un petit groupe par rapport à la grande majorité nécessiteuse.

Une fois de plus, pour les 76 ans de  la consécration du pays d’Haïti à notre Dame, l’église catholique a organisé une manifestation grandiose à Port-au-Prince. Des chants religieux  à partir d’un char musical ont accompagné la foule immense qui reprenait les refrains joyeusement. Une fois de plus l’église catholique a montré sa force de frappe.

Le remplacement du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, Me Ocname Daméus, devrait permettre au barreau de Port-au-Prince de reprendre du service, car c’était l’une des exigences des avocats de cette juridiction en grève depuis trois mois, paralysant ainsi les instances judiciaires de cette juridiction et privant ainsi les justiciables de la distribution de la justice. Ce remplacement devrait favoriser la résolution de cette crise dans la grande crise du pays.

Radio et Télé Kiskeya a été la proie des flammes, le  21 décembre 2018. Cet incendie a commencé dans une autre maison à côté de la radio. Faute de le circonscrire, il s’est propagé et a ravagé la station. C’est une perte énorme pour le secteur médiatique. Radio Kiskeya c’est le prolongement de Radio Haïti en quelque sorte. Regarder bruler un tel patrimoine faute de l’intervention à temps des sapeurs-pompiers témoigne de la fragilité de l’Etat. Les visites de sympathie du Premier Ministre et du Président de la République leur permettront de prendre conscience de l’état du dénuement du pays en matière de lutte contre l’incendie ( manque d'eau, de ressources humaines qualifiées, de moyens, etc.) et de prendre des dispositions pour qu’un tel drame ne se reproduise désormais en Haïti. L'aide de l'Etat est refusée par les dirigeants de la radio, mais une commission de solidarité s'est constituée pour récupérer les fonds pour la reconstruction de la station.

La Noël a été fêtée à Pétion Ville, le 23 Décembre,  et au Champs de Mars à Port-au-Prince, le 24 Décembre 2018. La Tour de 2004, construite par le Président JB Aristide, a été magnifiquement décorée (jeux de lumières).  Il serait profitable pour le pays que l’administration actuelle achève cette œuvre magnifique et remarquable qui domine Port-au-Prince, selon le principe de la continuité de l’Etat. Il faut noter que cette Tour 2004 a passé l’épreuve du tremblement de terre du 12 janvier 2010 sans grands dommages, contrairement aux autres édifices de l’Etat comme le Palais National, le Palais Judiciaire (reconstruit entre temps), et le Palais Législatif.


       2. BILAN DE L’ANNÉE 2018 : LA STAGNATION DE LA PAUVRETE


2.1. Perspectives visées et résultats obtenus

Dans le bilan de l’année dernière, on s’est référé à l’IHSI, en particulier les comptes économiques de 2017, en termes de conclusion :« Enfin, tenant compte des goulots d’étranglement spécifiques auxquels l’économie a dû faire face en 2017, toutes choses égales par ailleurs, l’année 2018 devrait être plus prometteuse. Cependant, il ne faut pas non plus perdre de vue que le pays, étant situé sur la trajectoire des cyclones, a besoin d’un plan de contingence adéquat pour atténuer considérablement l’impact distributif négatif des déréglementations climatiques. En tout cas, l’atteinte de l’objectif de 3.9% de croissance du PIB en 2018 passera, entre autres, par la relance effective et garantie des activités agricoles, la redynamisation du secteur des bâtiments et travaux publics et l’amélioration continue du climat des affaires.». Le budget de 144 milliards et 200 millions de gourdes (2.3 milliards d’USD) n’a pas permis la mise en œuvre de l’ensemble des actions sectorielles prévues.

Dans les comptes économiques 2018 de l’IHSI, intitulés par la Direction des Statistiques Economiques (DES), Performance mitigée de l’économie en 2018, voici comment la situation économique du pays est présentée : « L’économie haïtienne n’a pas pu atteindre l’objectif de croissance de 3.9% visé par les autorités au début de l’année, notamment dans la loi de finances de l’exercice fiscal 2017-2018. Même la révision, par la suite, de 2.4% fixée en tenant compte de l’évolution des deux premiers trimestres de l’exercice n’a pas été réalisée. En effet, selon les estimations préliminaires, le Produit Intérieur Brut (PIB) a crû, en termes réels, de 1.5%. Une hausse supérieure à celle de l’année dernière (1.2%) mais, à peine égale au taux de croissance démographique naturelle (1.5%).


Tableau 1: Produit interieur brut par secteur  

Cette performance de l’économie ne permet pas de réduire la pauvreté car le taux de croissance de l’économie est pratiquement le même que celui de la population. C’est la stagnation de la situation de pauvreté du pays. Il nous faudrait une croissance économique beaucoup plus forte pour juguler la pauvreté. Pour cela, il faudrait augmenter le niveau d’investissement et le niveau de budget du pays. Il se poserait alors le problème du financement du budget. Avant d’arriver au nouveau budget 2018-2019, regardons l’explication fournie par l’IHSI.

2.2. Analyse des résultats sur le plan économique

« Contrairement à l’année fiscale 2017 qui a été grandement perturbée, à la fois, par des catastrophes naturelles (cyclone Matthew, autres inondations) et des turbulences socio-politiques (crise électorale, installation et départ du gouvernement de transition, longue période d’incertitude précédant l’installation des nouvelles autorités, mouvements de grève des syndicats, etc.), les agents économiques ont pu bénéficier, pendant les neuf premiers mois de l’exercice, d’un climat plutôt favorable aux affaires. Effectivement, les « hostilités » n’ont commencé qu’au dernier trimestre de l’année fiscale à partir des émeutes des 6, 7 et 8 juillet. De plus, en 2018, le pays a été évité par les grandes intempéries qui, habituellement, impactent le secteur agricole avec des effets distributifs négatifs sur les autres branches d’activité économique. »

Tableau 2 : PIB et SES COMPOSANTES
PIB ET SES COMPOSANTES EN SEPTEMBRE 2018
PREVISIONS ECONOMIQUES
2013
2014
2015
2016
2017
2018
DEFINITIVES
SEMI DÉFINITIFS
ESTIMÉES
ESTIMÉES
ESTIMEES
ESTIMEES
PIB EN MILLIARDS HTG
15017
15 439
15 626
15 853
16039
16277
Taux de croissance réel
4.2%
2.8%
1.2%
1.5%
1.2%
1.5%
Secteur primaire
4.6%
-1.4%
-5.4%
3.0%
0.8%
1.0%
 Secteur secondaire
9.0%
5.5%
3.2%
0.8%
1.0%
1.1%
Secteur tertiaire
5.0%
3.6%
2.9%
1.2%
0.9%
1.1%

Source : IHSI- Septembre 2017- Tableau reconstitué par l’Auteur de l’Article à partir des comptes économiques de l’IHSI  et le tableau de septembre 2016 du MEF

Quand on regarde le tableau de référence reconstitué par l’auteur, même si les résultats de cette année sont meilleurs par rapport à 2017, la performance de l’économie est très en deçà de 2013 et 2014 et est la même qu’en 2016. On est donc très loin de la performance idéale de l’économie haïtienne par rapport au taux de croissance de la population. On ne fait donc que produire la pauvreté ou s’y maintenir.  Maintenant, voyons avec IHSI la performance de l’économie secteur par secteur, en tenant compte des composantes de la croissance, toute modeste qu’elle soit.

«Secteur primaire. « Ainsi, avec 3.3 milliards de gourdes constantes la branche Agriculture, bénéficiant des effets positifs de l’absence de cyclones et d’inondations majeures a pu, malgré la persistance de certains problèmes structurels, afficher une certaine hausse, en volume, de 1.0% de sa valeur ajoutée. Ce résultat serait plus probant si (1) il n’y avait pas un arrêt prématuré en juin de la saison pluvieuse qui avait bien démarré dès les mois de mars et d’avril, au cours de la campagne agricole de printemps, et si (2) on n’avait pas accusé des retards dans la distribution des intrants, car la réception tardive des semences a mis à mal les agriculteurs[1]. »

Secteur secondaire. « De leur côté, menées essentiellement par les fabrications de produits alimentaires et de boissons (1.0%) et celles des Textiles, Habillement et Cuirs (1.4%), les Industries Manufacturières ont globalement crû d’environ 1.1%. Parmi les autres secteurs ayant le plus contribué à la hausse du PIB, on retient le secteur des Bâtiments et Travaux Publics (2.1%) qui a fortement été supporté par les travaux d’infrastructure effectués dans certaines régions du pays[2]. » Dans ce secteur, la croissance est surtout supporté par le secteur Travaux publics, ce qui est normal si on se réfère à l’extension de la caravane sur l’ensemble du pays (routes, rénovations urbaines et logements sociaux, etc.)

Secteur tertiaire. « En dépit des événements de juillet, les résultats des trois premiers trimestres ont permis au secteur Commerce de garder la tête sur l’eau avec une hausse de 1.1%. »

Composantes de la croissance. « Vue sous l’angle de la demande globale, la croissance du PIB a été tirée par l’ensemble de ses composantes. Dopée, entre autres, par l’augmentation (13.0%) de la masse salariale des employés permanents de l’Administration Publique[3] et la hausse de plus de 18.0% de l’envoi de fonds des travailleurs de la diaspora[4], la Consommation Finale, en termes réels, a augmenté de 1.2%. Pour sa part, soutenu notamment par le volet public, l’Investissement Global a crû, en volume, de 2.3%. A ce propos, il convient de noter que selon les chiffres publiés dans le Tableau des Opérations Financières de l'Etat (TOFE), les montants relatifs aux Projets d’Investissement Public ont quasiment doublé en 2018 avec une hausse de 99%. Enfin, malgré les émeutes enregistrées au quatrième trimestre de l’année, les exportations se sont mieux comportées en 2018 qu'en 2017 avec une croissance, en volume, de 2.0%. En témoigne l’augmentation de 11.3% des exportations des produits d'assemblage, contre une chute de 5.1% en 2017[5]. »

Inflation et taux de change. « En ce qui concerne les prix à la consommation, l’inflation continue de se maintenir à deux chiffres avec une moyenne annuelle de 14.3%, inférieure à celle de l’année dernière 14.6%. Une évolution tendancielle un peu cohérente avec celle du taux de change, puisque selon les données publiées par la BRH, la parité de la gourde par rapport au dollar en moyenne annuelle pour l'année 2018 (65.4 gourdes pour un dollar) est légèrement inférieure à celle de 2017 qui se chiffrait à 65.6 gourdes pour un dollar. Il ne faut pas oublier que c’est surtout à partir des mois de juillet et d'août que le taux de change a véritablement dérapé en 2018. ».

 Cette analyse de la performance de l’économie par l’IHSI est la plus conforme à la réalité haïtienne du moment, surtout en regard de la situation politique et sociale du pays, en particulier après les événements de 6, 7 et 8 juillet 2018.


2.3. 1. Analyse de la situation sur le plan  politique

La situation s’est vraiment détériorée à partir des événements de juillet 2018. Depuis le 12 septembre 2017, avec le budget 2017-2018 comme prétexte, la présidence de J. Moïse rentre dans une période de turbulence ; la publication du rapport Beauplan sur petrocaribe indexant directement l’entrepreneur J. Moïse, devenu  Président de la République, a redonné de la vigueur à l’opposition radicale conduite à l’époque par Jean Charles Moïse et les Sénateurs de l’opposition (Beauplan, Cassi, Cheramy et Pierre).  Durant les trois premiers mois de l’exercice 2017-2018, cette turbulence politique a mis à mal la présidence de J. Moïse, réclamant tout simplement la mise à pied du Président.

L’accalmie de décembre 2017 et durant la période carnavalesque a permis à la présidence de se réconcilier avec le pouvoir judiciaire (déclaration maladroite du Président à Paris), de  lancer la caravane sur l’ensemble du pays à partir de février 2018 et au gouvernement de signer un accord de six mois avec le FMI, qui sera à la base de l'augmentation des cours du carburant en juillet 2018. Le dossier petrocaribe continue d’alimenter le mécontentement vis-à-vis du pouvoir en place, d’autant que le Sénateur Latortue, principal auteur du 1er rapport petrocaribe, a dû céder la présidence du Sénat  à Joseph Lambert, tout en embrassant à nouveau le dossier petrocaribe  comme cheval de bataille et s’acharnant sur le pouvoir en place, une sorte d’opposition qui ne dit pas son nom et menée intelligemment sur base de conférences de sensibilisation, de dossiers potentiels de corruption impliquant au premier chef les proches du pouvoir dont la dernière personne en date a été l’épouse du Chef de l’Etat (Dossier ONI).

Ce calme, qui a précédé la tempête des 6,7,8 juillet 2018, on va le retrouver après les manifestations du 18 novembre 2018, où la politique va occulter le dossier petrocaribe  pour la première fois depuis les événements de juillet 2018. Cette entropie politique sera accompagnée d’un regain du banditisme comme il est de mise en de pareil cas. Comme on l’a vu plus haut, la situation va provoquer le dérapage du taux de change, l’instabilité politique avec le changement du gouvernement et d’un certain nombre de ministres. L’appel au dialogue du Président va se heurter à l’intransigeance de l’opposition radicale avec ses deux branches, l’une conduite par Michel André et Lavalas et l’autre par Jean Charles Moïse (division potentielle entre les opposants au pouvoir en place).

Le Parlement est devenu un champ de bataille politique, laissant de côté son travail de légiférer, au point que le bilan parlementaire est plutôt maigre pour ne pas dire inexistant.  Ce même constat reste valable pour le pouvoir judiciaire en termes de bilan, mais aussi en termes d’initiatives pour faire avancer la justice dans le pays.

Les travaux HIMO visant une sorte d’apaisement social semblent porter ses fruits. Pour combien de temps ? En tout cas, le gouvernement croit dur comme fer que le dialogue politique se fera et pourra se faire malgré le refus catégorique de l’opposition radicale de s’asseoir avec le Président, puisque, comme préalable à tout dialogue, celui-ci doit mettre sur la table sa démission. Processus de dialogue politique encouragé par Religion pour la Paix. Va-t-on vraiment vers cette entente entre nous ?

      3. PERSPECTIVES 2019 : VERS UNE ENTENTE NATIONALE POUR CHANGER LE SYSTÈME ET AMORCER LE DEVELOPPEMENT

« Les perspectives de croissance pour l’exercice fiscal 2018-2019 s’annoncent particulièrement difficiles en raison notamment de la fragilité de la situation socio-politique  qui risque de plomber considérablement l’économie. A cet égard, s’il n’y a pas un effort qui est fait de part et d’autre pour placer les intérêts supérieurs de la nation au-dessus de tout, l’objectif de croissance de 2.8% envisagé pour l’année fiscale 2019 restera un vœu pieux, car il requiert la contribution de chacun des secteurs de la vie nationale, » a prédit l’IHSI dans sa dernière sortie des comptes économique de décembre 2018.

Dans ce budget 2018-2019 de 172.83 milliards de gourdes, schématisé par le Group Croissance qui en a fait toute une étude détaillée, analysée par Le Nouvelliste du 17 décembre 2018, le secteur économique se taille la part du lion avec 33.1%, le secteur social avec 21.2%, le secteur politique avec 14.8%, le secteur culturel avec 1.5%, le pouvoir judiciaire avec 1%, le pouvoir législatif avec 3.4%, les organismes indépendants avec 2.5%, les autres interventions publiques + services de la dette avec 22.5%, et les services +intérêts et amortissements avec 12.5% du budget. Il faut noter que les autres interventions publiques viennent en 2e position avec 22.5%. Dans ce budget il est prévu 90.93 milliards de gourdes (52.6%) de dépenses courantes et 81 milliards de gourdes (46.8%) de dépenses d’investissements, dont 62 milliards de gourdes pour les programmes et projets d’apaisement social. (voir figure suivante réalisée par le Group Croissance)




Avec le taux actuel du dollar par rapport à la gourde (1 USD=77 HTG), le budget indexé au dollar correspond à 2.24 milliards de dollars américains. C’est pratiquement le même budget que l’année dernière. Et si le dollar continue de s’apprécier par rapport à la gourde, Haïti aura toutes les peines du monde à gérer les effets négatifs de la cherté de la vie, vu le volume de nos importations. Ce qui pourrait déboucher sur des émeutes difficilement contrôlables au cas les protagonistes politiques ne trouveraient pas un terrain d’entente pour mener à bien la barque du pays. Le dialogue politique deviendrait un impératif pour réaliser le procès petrocaribe, changer le système politique et amorcer le développement du pays avec nos maigres moyens. Une fois de plus, la balle est dans le camp de nos hommes politiques, la grande concertation nationale avec comme objectif Haïti d’abord et avant tout, ou la bataille pour le pouvoir en obtenant la démission ou le déchoucage de Jovenel au profit de l’opposition? Vive le 215e  anniversaire de notre pays et bonne fête de l’indépendance à tous les Haïtiens et Haïtiennes !



[1] 1:Ministère de l'Agriculture(MARNDR)
[2]  Ministère de l'Economie et des Finances (MEF)
[3]  Tableau des Opérations Financières de l'Etat  du MEF
[4] Tableau de la Balance des Paiements de la BRH
[5]  Banque de la République d'Haïti (BRH)