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mercredi 2 mars 2022

COVID-19- HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ?(24), INVASION RUSSE DE L’UKRAINE, INCLUSION VS EXCLUSION EN HAITI OU LE RISQUE DE CONTINUITE DANS L’INSTABILITE POLITIQUE (2)

 

COVID-19- HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ?(24), INVASION RUSSE DE L’UKRAINE, INCLUSION VS EXCLUSION EN HAITI  OU LE RISQUE DE CONTINUITE DANS L’INSTABILITE POLITIQUE (2)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1er MARS 2022

 

Dans notre dernière chronique no 23, consacrée à la thématique « Covid-19, Haïti et le Monde à la Croisée des Chemins (?), nous avons analysé la bataille de l’inclusion par rapport à l’exclusion et poser l’interrogation liée au risque de continuité dans l’instabilité politique[1]. Dans cette chronique de février 2022, la 24e consacrée à la même thématique, nous conservons, en référence aux événements survenus, le même titre, si l’on fait exception de l’invasion russe de l’Ukraine. Effectivement, en Haïti, mise à part la conférence des bailleurs du 16 février 22 sur la reconstruction de la Péninsule Sud d’Haïti, certains événements survenus au cours de ce mois de février vont dans le sens de l’instabilité sociopolitique, entre autres : (i) l’échec des négociations entre les tenants de l’accord de Montana et ceux de l’accord de la Primature ; (ii) les manifestations des ouvriers du secteur de la sous-traitance pour l’augmentation du salaire minimum à 1500 G/jour ; et (iii) le kidnapping d’un ensemble de personnalités et les attaques des bandits contre les passagers innocents au niveau de Martissant.

              Cette chronique passera en revue la situation au niveau mondial, avec accent sur le coronavirus et l’invasion de la Russie de l’Ukraine, s’attardera sur la situation haïtienne, avec accent sur certaines thématiques soulignées plus haut, et se terminera sur des conclusions appropriées.

A.      SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

La situation au niveau mondial est dominée par la guerre en Ukraine et ses conséquences immédiates sur le monde et le covid-19 est relégué au second plan.

Le coronavirus semble s’affaiblir

Dans cette conjoncture mondiale difficile et délétère, on entend parler très peu de la pandémie mondiale. Du coup, on a l’impression que le virus disparait de la circulation. La vérité, c’est que le Covid-19 est bien là mais occulté par les bruits de guerre. En effet, à date, la quantité de personnes contaminées se chiffre à 437,287,331 et les cas de mortalité à 5,958,817 au niveau mondial[2] ; tandis qu’en Haïti les cas de contamination s’élèvent à 30,342 et les cas de mortalité à 820. A noter donc 1125 cas de contamination et 34 cas de mortalité de plus par rapport au mois dernier.

Les USA sont toujours en première position suivis de l’Inde, du Brésil, de la France en pleine période de passe sanitaire, de la Grande Bretagne où la Reine Elizabeth II  est contaminée, et de la Russie en pleine guerre avec l’Ukraine, pratiquement encerclée mais offrant une résistance admirable face aux forces nettement supérieures de la Russie au niveau de la Capitale Kiev.

La Russie envahit l’Ukraine et Zelensky s’est révélé « le Churchill de l’Ukraine »

Le président de la Russie (17.125,191 km2) Vladimir Putin, a décidé d’envahir, pour la « dénazifier », sa voisine de l’Ouest, l’Ukraine (603,628 km2) dont le président Volodymyr Zelensky est trop pro-occidental, trop pro- Union Européenne et trop pro-OTAN (le traité de l’Atlantique Nord). Estimant que son pays est en danger par rapport à la présence trop rapprochée de l’OTAN dans certains pays ayant fait partie, récemment encore, de l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes (URSS), ou, dans un temps plus ancien, de l’Empire Tsariste, pour la plupart, il l’a très bien fait comprendre aux occidentaux, en particulier aux USA, leur chef de fil et plus grand rival de la Fédération de Russie en tant que superpuissance militaire et qu’il n’accepterait jamais que l’Ukraine fasse partie de l’OTAN (Réf. Son discours[3] avant le déclenchement des hostilités). Même après avoir annexé la Crimée en 2014, une partie de l’Ukraine, ce qui lui a valu les sanctions des Occidentaux, et même en incitant les zones de  l’Est de l’Ukraine à rentrer en rébellion  contre Kiev, il n’a pas été pris au sérieux, jusqu’à ce que l’invasion devienne inévitable. L’intensification de la navette diplomatique depuis plus d’un mois n’a rien donné. Actuellement, la Russie est en pleine guerre  avec l’Ukraine et son président Zelensky , qui a refusé une offre des USA d’être exfiltré : « Pas besoin d’un taxi, mais d’armes », s’est révélé « le Churchill de l’Ukraine », selon le mot d’un ancien général français, Vincent Déporte[4], qui pense que Putin  « ne peut pas sortir gagnant de ce conflit ». La frappe de kharkiv par l’armée russe en plein centre-ville est selon Zelensky « un crime de guerre ». « En envahissant l’Ukraine, Vladimir Putin s’est tiré une balle dans le pied», selon Antoine Arjakovsky, spécialiste de la Russie et de l’Ukraine.

Conséquences de la guerre sur le monde et sur Haïti et crainte d’une 3e guerre mondiale

Les Occidentaux ont dû recourir à des sanctions économiques qui affectent énormément la bourse de Moscou (chute de 30-40%, marché fermé actuellement) et certaines banques  russes (au bord de la banqueroute). Quant aux oligarques russes, ils ont déjà perdu 160 Mrds d’USD depuis le début de la guerre. Si au niveau de la Russie la situation continue de se détériorer au point de pousser le gouvernement à emprisonner plus de 6000 manifestants, en Ukraine, c’est l’exode vers l’Ouest. Plus de 660,000 réfugiés ont été enregistrés, selon l’ONU, la majorité en Pologne voisine et aussi dans les pays limitrophes. « Les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires ont publié aujourd’hui des appels de fonds d’urgence coordonnés pour un montant total de 1,7 milliard de dollars afin de fournir une assistance humanitaire aux populations en Ukraine et aux réfugiés dans les pays voisins ». Ce, pour faire face à la crise humanitaire liée à cette invasion russe. Il faut noter que 141 pays de l’Assemblée Générale de l’ONU ont voté contre l’agression russe de l’Ukraine. Il ne saurait être autrement d’autant que la force de dissuasion nucléaire russe est mise en alerte par Vladimir Putin.  Cette menace de la Russie est prise très au sérieux, surtout en fonction de ce qui se passe sur le terrain. Comme on ne sait pas trop jusqu’où peut aller Putin, le monde est très préoccupé par sa menace d’utilisation de l’arme  nucléaire. Depuis 1962, crise de missiles à Cuba, c’est la situation la plus dangereuse que vit le monde. Cela pourrait déboucher sur la 3e guerre mondiale.

En attendant, les bourses  sont globalement à la baisse. Le baril de pétrole avoisine les 100 USD. Aux USA, en particulier en Georgia, le gallon de gazoline est autour de $3.5. Au canada, aux USA, la vie devient de plus en plus chère (aggravation de l’inflation). Pour les pays comme Haïti, où la situation est déjà si compliquée,  il va y avoir des répercussions  d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que l’augmentation  des cours du carburant?

B.      SITUATION AU NIVEAU D’HAÏTI

La situation délétère haïtienne est certes occultée par la guerre en Ukraine, où le président Biden y a consacré plus d’une quinzaine de minutes dans son discours sur l’Etat de l’Union[5] et a promis  de nouvelles sanctions contre la Russie, mais elle demeure très préoccupante et catastrophique. Mise à part la conférence des bailleurs du 16 février 22 sur la reconstruction de la Péninsule Sud d’Haïti, et aussi les bandes carnavalesques à travers plusieurs villes du pays (5 morts et des bléssés à Desdunes) , toutes les nouvelles en provenance d’Haïti laissent voir un présent catastrophique, caractérisé par le règne quasi absolu des bandits,  et présager un avenir d’incertitudes liées à l’ouragan politique, cette entropie politique, cette instabilité politique, responsable de tous nos maux.

La conférence des bailleurs du 16 février 2022 pour la reconstruction du grand Sud

La conférence des bailleurs a eu lieu en présentiel et virtuel, avec la participation de l’ensemble des bailleurs de fonds du pays, tant multilatéraux que bilatéraux. Par rapport aux besoins d’Haïti, exprimés dans le PDNA 2021, équivalant à près de 2 Mrds d’USD, notre pays n’a pu obtenir des promesses que pour 30% de ses besoins (600 M d’USD) sur une période de 4 ans, contrairement à ce qui s’est passé en 2010, après le tremblement de terre où, lors de la conférence de New-York du 31 mars 2010, notre pays a pu obtenir des promesses correspondant à 86% ((9.9 Mrds d’USD) de ses besoins de l’époque (11.5 Mrd d’USD). En tout cas, c’est déjà une bonne chose que c’est la première fois que l’on a eu une conférence des bailleurs  sur Haïti depuis le 31 mars 2010. Malheureusement, le contexte ne se prête pas à des travaux de reconstruction au niveau de la Péninsule Sud du pays, isolée par les bandits de Martissant.

La nécessité d’une entente entre Montana et Primature : « Un Etat Inclusif »

Pourtant les protagonistes de la crise, les tenants de l’Accord de Montana et ceux de l’Accord de la Primature se chamaillent sur des détails insignifiants au lieu de se mettre ensemble pour négocier une sortie de crise pour Haïti et non pour leur clan respectif. En réalité, tout ce qui se joue c’est tout simplement la prise du pouvoir ou le maintien au pouvoir. Il ne faut pas oublier que la majorité de ces protagonistes d’aujourd’hui étaient des alliés d’hier dans la bataille pour le renversement de Jovenel Moïse. Actuellement, le président Moïse ayant été assassiné depuis près de huit mois, tel clan se croit plus légitime pour continuer ce qui a été entamé, et tel autre pour mener la « transition de rupture » et aboutir à la « rédemption du pays ».

Pour y parvenir, il faut exclure l’autre, alors que, par rapport à la situation délétère du pays, exacerbée par cette polarisation politique donnant lieu à cette crise du kidnapping et de la gangstérisation quasi généralisée du pays, il faudrait une entente entre nous, un vrai dialogue inter-haïtien sans exclusion aucune. Ce qui serait donc plus sage pour tout le monde et pour notre pays, c’est la recherche de l’inclusion. Tout le monde dit vouloir changer le système de prédation et de capture de l’Etat par un petit groupe de profiteurs, mis en place depuis l’assassinat de Dessalines, le 17 octobre 1806, et qui s’est perpétué en se renouvelant  au fil des ans, malgré les assauts répétés contre ce système honni.

 Ce système d’exclusion a une telle capacité de se reproduire et de s’adapter que même la constitution de 1987, qu’on croyait naïvement être en mesure de lui tordre le cou, n’a fait que favoriser « une transition circulaire », pour répéter Pierre Raymond Dumas, et une capture beaucoup plus restreinte de l’Etat par les oligopoles constitués de quelques familles. La bataille pour mettre en place un « Etat Inclusif », passe par la mise en place d’un système inclusif axé sur le peuple dans toutes ses composantes comme tenant et aboutissant du processus de développement d’Haïti. C’est donc la bataille de l’inclusion par rapport à l’exclusion. D’où la nécessité d’inclusion et de fusion des deux accords pour déboucher sur ce système et cet Etat inclusifs.

Nous avons tous intérêt à nous battre pour l’érection de cet Etat Inclusif. C’est ce type d’Etat qui nous permettra de bien intégrer les masses, en réduisant considérablement les inégalités socioéconomiques. Les manifestations des ouvriers du secteur de la sous-traitance pour l’augmentation du salaire minimum à 1500 G/jour trouvent leur origine dans le fonctionnement de cet « Etat prédateur » qu’il faudra à tout prix changer. Cette exploitation abusive des masses ne pourra cesser  que par l’érection de cet « Etat Inclusif ».

Le phénomène de l’insécurité globale

C’est aussi le mode de fonctionnement de cet «Etat Prédateur » qui est à la base de l’insécurité globale qui ronge le pays haïtien. A un moment donné de la durée, nos élites politiques et économiques avaient senti la nécessité, pour préserver leurs intérêts mesquins et claniques, d’utiliser une bonne partie des masses urbaines et même rurales. C’est ainsi qu’a débuté le phénomène du banditisme et du gangstérisme. Ces gangs ont fini par prendre conscience de leur importance, de leur force de frappe et se sont autonomisés pour se servir eux-mêmes. Ils se sont infiltrés dans toutes les sphères du pouvoir, de l’opposition et du secteur privé, pour capturer une partie du butin national. D’où le phénomène de kidnapping.

Et le kidnapping d’un ensemble de personnalités et les attaques des bandits, au cours de ce mois de février 2022, contre les passagers innocents au niveau de Martissant ne s’expliquent pas autrement. Comment expliquer le kidnapping et la libération contre rançon de l’ancien doyen de l'Institut National d'Administration de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI), Gérard Dorcely, actuel recteur de l’Université de Port-au-Prince, qui vit dans sa ferme dans le fief des 400 Mawozo depuis des lustres, et qui est censé être connu de tous ces jeunes gens constituant ce groupe de bandits, à moins qu’il ait été kidnappé par un autre gang ? Comment expliquer le kidnapping et la libération contre rançons (au pluriel) du pasteur Lochard Rémy, chanteur émérite et connu de toute la population haïtienne? Comment expliquer les tirs de ces bandits sur des bus, des véhicules remplis de passagers innocents dont le seul péché est d’être obligés de vaquer à leurs occupations en passant par ces zones dangereuses ? Comment expliquer le kidnapping de la fille du bien connu « Père Lebrun » et de sa non libération jusqu’à date, malgré le paiement de la forte rançon exigée ?

 Toutes ces interrogations traduisent notre impuissance face à un phénomène qui nous met à genoux et nous fait craindre des lendemains incertains et peut-être beaucoup plus terribles, surtout si l'instabilité politique s'aggrave à la faveur de cette guerre entre la Russie et l'Ukraine.

C.       CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

    Le monde pourrait basculer dans une escalade irréversible avec cette histoire de guerre en Ukraine. C’est vrai que le coronavirus semble perdre du terrain et pourrait muter à nouveau. Par contre, la guerre vient à peine de commencer. On sait quand on rentre en guerre, mais on ne sait jamais quand cela se termine. On sait aussi que la guerre coûte toujours la vie à beaucoup de personnes dans les deux camps, cause des dégâts toujours importants et se répercute sur des pays qui ne font pas partie directement de cette guerre.  "Le fait qu'un dictateur russe ait envahi un pays étranger a un coût sur toute la planète, a  affirmé le président américain Joe Biden dans son premier discours sur l’Etat de l’Union.

    Très certainement, notre pays va payer les contrecoups de cette guerre. Elle aura  des répercussions sur notre vie de tous les jours et viendra aggraver la situation délétère que nous vivons actuellement. Les fameux amis d’Haïti ont d’autres chats à fouetter car préoccupés par les efforts de guerre à soutenir. Nous serons donc seuls face à nos problèmes. Ce serait peut-être une bonne chose qui faciliterait une certaine entente inter-haïtienne sans trop d’influence du blanc, qui est suspecté de jeter de l’huile sur le feu depuis les tristes paroles du président Franklin D. Roosevelt.

    Actuellement, le pays se débat dans une sorte d’insécurité chronique et globale qui se traduit par un minimum de 5 à 6 cas de kidnapping par jour. Cette industrie, qui appauvrit en particulier la classe moyenne et les masses, est très florissante en Haïti. En effet, à la faveur de cette longue crise politique, l’insécurité globale s’amplifie, pousse vers l’exil, vole, viole et tue. On dirait que nos politiciens, qui ne sont jamais victimes directement de l’insécurité globale, s’en foutent et n’établissent pas de relation de causes à effets entre l’instabilité politique et l’insécurité globale d’où découle le phénomène du kidnapping.

    C’est pourquoi nous restons persuadés qu’une entente entre les protagonistes politiques enverra un signal fort aux gangs. Comme quoi, les forces de l’ordre auraient beaucoup plus de temps pour s’occuper des bandits. Il serait donc sage que les protagonistes politiques se mettent à se battre  ensemble pour l’inclusion de l’ensemble des fils et filles du pays dans la bataille pour le changement du système haïtien et la mise sur pied d’un « Etat Inclusif ».

    Dans le cas contraire, le pays continuera à péricliter au grand dam de la majorité silencieuse, des patriotes souffrant dans leur âme et dans leur cœur la déchéance de ce coin de terre  qui a fait l’histoire, en ayant réussi la seule révolution d’esclaves des temps modernes, en s’étant mis ensemble pour la réaliser. Dans cette bataille pour la survie de cette nation, il faudra inclure tout le monde. Nos politiciens pourront prêcher par l’exemple en trouvant un terrain d’entente entre eux.  Et Haïti sortira renforcée de cette crise multiforme, multidimensionnelle en instituant un système inclusif axé, entre autres, sur l’éducation comme pilier principal de l’édifice national, et servant de socle  à  cet « Etat Inclusif » rêvé par la plupart d’entre nous.

    La bataille de l’inclusion par rapport à l’exclusion, c’est  la porte de sortie pour Haïti ou, dans le cas contraire, c’est la continuité du règne de l’instabilité politique et ses conséquences désastreuses sur ce qui reste de l’Etat d’Haïti.

 

mercredi 2 février 2022

COVID-19- HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ?(23), INCLUSION VS EXCLUSION OU LE RISQUE DE CONTINUITE DANS L’INSTABILITE POLITIQUE (?)

 

COVID-19- HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ?(23), INCLUSION VS EXCLUSION OU LE RISQUE DE CONTINUITE DANS L’INSTABILITE POLITIQUE (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1ER FEVRIER 2022


Dans la chronique no 22  de la thématique « Covid-19 : Haïti et le Monde à la croisée des chemins (?), nous nous sommes penchés sur le bilan 2021 et perspectives 2022, et nous faisions l’hypothèse que si l’année 2021 était « l’année de tous les dangers » avec ses 7 chocs depuis l’assassinat crapuleux du président Moïse, l’année 2022 pourrait être  « l’année de toutes les incertitudes(?)[1]». Si l’on fait un listing de tous les événements encourus durant le mois de janvier 2022 en Haïti et aussi à l’étranger, en particulier le tremblement de terre du 24 Janvier dans le Département des Nippes et l’inondation dans les départements du Nord et du Nord-Est, que je considère comme le 8e Choc et le 9e Choc subis par notre pays depuis l’assassinat du président Moïse, et les ravages de l’Omicron en Europe et aux USA et d’autres faits inquiétants comme la possibilité d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine,  cette hypothèse semble s’orienter vers la vérité. En plus, en ce qui concerne Haïti, plus particulièrement, la polarisation politique entre les protagonistes de l’accord de Montana et celui de la Primature semble s’accentuer, surtout après les « élections au second degré (?) », pour répéter le Sénateur Dumont, faisant de l’économiste Fritz Jean le président d’Haïti et de l’ancien sénateur Steven Benoit le premier ministre. Comment déloger le premier ministre actuel, Ariel Henry, et placer à la tête du pays les deux « élus » de Montana, quand le PM actuel persiste à dire que le prochain locataire du Palais National sera issu d’élections au suffrage universel ? C’est la rue qui va trancher, semble suggérer l’un des fers de lance de Montana. La bataille de l’inclusion par rapport à l’exclusion  vient de prendre une autre tournure : au lieu de nous unir pour Haïti, on décide de se battre pour le pouvoir et de continuer dans l’instabilité politique, le vrai responsable de tous nos maux. D’où le titre de cette 23e chronique : « COVID-19- HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ?(23), INCLUSION VS EXCLUSION OU LE RISQUE DE CONTINUITE DANS L’INSTABILITE POLITIQUE (?) ».

Dans cette chronique, on va voir ensemble brièvement la situation  au niveau mondial avec un clin d’œil sur la situation au niveau de l’Ukraine et  sur le coronavirus et son variant omicron, on s’attardera sur la situation haïtienne de manière globale et sur le dernier développement lié aux « élections de Montana », et on terminera sur les conclusions appropriées.

A.      La situation au niveau mondial

Le monde est troublé. L’Afrique s’enveloppe dans des coups d’Etat (Guinée, Mali et Boukina Faso) et s’ouvre de plus en plus à la Chine et à la Russie. L’Union Européenne  et l’OTAN se préparent à un envahissement de l’Ukraine par la Russie, et comptent sur les USA en pleine confusion pour y faire face. En Asie, la Chine menace d’envahir Taïwan et les USA seraient prêts à aider son allié et mobilisent leurs amis dans la zone Indopacifique en cas de besoin. Et ces bruits de guerres n’arrivent pas à occulter l’actualité par rapport à la pandémie de coronavirus et son nouveau variant, omicron.

Le Coronavirus

Si l’Afrique du Sud d’où est parti l’Omicron semble atteindre une immunité collective par rapport à ce nouveau variant, l’Europe et les USA subissent par contre ses assauts et ce variant jette  la confusion chez les scientifiques par rapport à l’attitude à tenir vis-à-vis des doses de vaccins à y appliquer (3e dose ou pas ?). En tout cas, à date, la situation se présente ainsi[2] :

(i)                  Au niveau mondial, les cas de contamination se chiffrent à 379,460,051, et les cas de mortalité à 5,677,734, avec les USA en tête suivis de l’Inde, du Brésil, de la France, du Royaume Uni et de la Russie.

PAYS

CAS DE CONTAMINATION

CAS DE MORTALITÉ

USA

74,983, 410

887,408

INDIA

41,469,499

496,242

BRESIL

25,463,530

627,589

FRANCE

18,709,368

128,197

ROYAUME UNI

17,315,897

155,754

RUSSIE

11,795,059

325,321

 

(ii)                En Haïti, on dénombre, malgré une épidémie de fièvre et de grippe, 29,217 cas de contamination et 786 cas de mortalité, soit une augmentation de 3,232 cas de contamination, et de 20 cas de mortalité en un mois, mais totalement occultés par les préoccupations socioéconomiques et sociopolitiques.

 

B.      La situation globale au niveau d’Haïti

Globalement, durant ce mois de janvier 2022, Haïti a connu des moments très difficiles, caractérisés par un ensemble d’événements courants et nouveaux qui font craindre que notre hypothèse d’un pays plongé dans les incertitudes les plus surprenantes puisse s’avérer. 

1.       Les diverses interviews des « Grands rendez-vous économiques » de Kesner Pharel du mois de janvier 2022

Je me fais le devoir et le plaisir d’écouter et de regarder religieusement chaque année, les interviews de Kesner Pharel du Group Croissance et de Radio Métropole avec des responsables d’Etat, du secteur privé, des spécialistes  sur la situation haïtienne et sur la situation mondiale en lien avec  Haïti, pour bien m’informer et bien appréhender la situation socioéconomique et sociopolitique au début de l’année. Dans ce mois de janvier 2022, j’ai été tout simplement gâté. J’ai pris un plaisir jouissif à visionner et ré-visionner le package des 6 vidéos constituant autant d’émissions de grands rendez-vous économiques distribuées sur YouTube et jetant un éclairage complet sur la situation globale haïtienne avec des incursions instructives au niveau international, en particulier les USA et la République Dominicaine. J’ai partagé ces vidéos dans le cercle de mes réseaux dans le souci d’informer et d’éduquer. Ce sont des émissions réalisées avec : (i) le ministre de l’économie et des finances, Patrick Boisvert[3], (ii) le gouverneur de la Banque Centrale, Jean Baden Dubois[4], (iii) le représentant du secteur Privé, l’optimiste Pierre-Marie Boisson[5], (iv) le Rédacteur en chef du Journal Le Nouvelliste, Frantz Duval[6], (v) l’économiste professeur à l’Université de Virginia, l’ancien chroniqueur sportif très apprécié de Radio Métropole, Robert Fatton[7], et (vi) le correspondant de Radio Métropole en République Dominicaine, Jean-Michel Caroit[8].

2.       La situation socioéconomique

Après avoir visionné ces vidéos, on sait que la situation globale du pays se révèle  plutôt catastrophique. Sur le plan macroéconomique, le PIB global est négatif -1.8%. Selon un tweet de Thomas Lalime, citant IHSI, « En 2021, les trois principaux secteurs de l’économie haïtienne ont enregistré des baisses significatives. Le secteur primaire s’est incliné de -4.1% contre -2.4% en 2020. Les valeurs ajoutées des secteurs secondaire et tertiaire ont décru respectivement de -2.4% et de -2 % ».Le secteur primaire chute à 18%.

Cela s’explique et est corroboré par les informations fournies par le ministère de l’agriculture lors de la journée porte ouverte, organisée par l’Unité de Statistique Agricole et d’Informatique(USAI) du ministère. Voici ce qu’en a rapporté Le Nouvelliste[9] : «  Les productions de riz, de haricot, de maïs ont baissé respectivement de -14%, -10,74% et -32,61% en 2020 par rapport à l’année précédente…La production de riz est passée de 186 087 tonnes métriques (TM) en 2019 à 159 306 TM, celle de haricot (93 786 TM à 83 717 TM) et de maïs (194 597 TM à 131 132 TM). C’est le même constat pour la production de banane, d’igname, de patate douce et plusieurs autres cultures, à l’exception du sorgho, du manioc, de l’arachide, etc. ». Cette baisse est constatée également au niveau de la production animale et de l’élevage en particulier.

 

On comprend que cette baisse généralisée de la production nationale a entrainé une nette augmentation de l’importation (5.2 Mrds d’USD) rendue possible par les transferts de la diaspora (4 Mrds d’USD), pour des exportations de 1.1 Mrds d’USD. Ce qui a considérablement nui à notre balance commerciale. Et le dollar a regagné ses lettres de créance par rapport à la gourde qui se change officiellement à 101.24 G à l’achat et à 102.73 G à la vente pour 1 USD, et à plus de 110 G sur le marché parallèle. On a aussi noté une nette augmentation du coût de la vie, malgré une réduction du déficit budgétaire au premier trimestre de l’année fiscale 2021-2022. Il faut noter que, même si l’on n’en parle pas, l’industrie du kidnapping est toujours florissante et les actes de terrorisme continuent de se commettre au niveau de la Croix-des-Bouquets (assassinats de civils, de policiers)  et de Martissant (assassinats de passants en bus, à motos et même à pied). Ajoutés à tout cela, le tremblement de terre de magnitude 5.4 du 24 janvier dans les Nippes, 2 morts, 2 disparus, des sans-abri et des pertes matériels importants (plus de 100 maisons détruites et/ou endommagées), et l’inondation dans le Nord et le Nord-Est du pays, les derniers jours du mois, viennent aggraver la situation socioéconomique par les dommages et les pertes de récoltes occasionnés. Avec l’incertitude liée à la situation sociopolitique, on n’est pas prêt de sortir de l’auberge.

 

C.       Analyse de la situation haïtienne par rapport au dernier développement

Depuis l’assassinat du président Moïse,  le pays a subi en 2021, 7 chocs. Le tremblement de terre du 24 janvier et l’inondation dans le grand Nord peuvent être considérés comme les 8e et  9e chocs qui ont frappé le pays. Quant à l’ouragan politique, on en a appris en visionnant les vidéos liées aux grands rendez-vous économiques de Pharel. De plus, cet ouragan semble se renforcer depuis les « élections au second degré» de Montana avec Fritz Jean comme président et Steven Benoit comme premier ministre. Avec la défection des électeurs de FANMI LAVALAS au dernier moment, les 42 grands électeurs, qui ont élu le président et le premier ministre au second degré, ont été choisis au premier degré par qui ? De qui tirent-ils leur légitimité ? Dans la tradition haïtienne des élections au second degré, le peuple élisait au premier degré les députés et les sénateurs qui, eux, procédaient à l’élection au second degré du président de la République. En ce sens, Montana a innové en excluant le peuple, en le remplaçant par une certaine élite.  

Cet événement politique ne favorise pas la résolution de la crise politique, à mon humble avis ; il tue l’espoir de voir fusionner les 2 principaux accords, celui de Montana et celui de la Primature. A ce qu’il parait, il y aurait une alliance entre l’accord PEN et Montana, et certainement avec celui de Louisiane. Dans le cas où le premier ministre actuel ne démissionnerait pas pour laisser la place aux deux « élus de Montana » d’où viendrait la « rédemption du pays », c’est la rue qui déciderait du son sort d’Ariel Henry, selon un membre influent de l’accord de Montana.

L’idéal serait de fusionner l’ensemble des accords en un seul accord. Comme cela ne se fait pas, la bataille pour le pouvoir se gagnerait donc dans la rue. On retournerait à la case départ, comme en 2004 : GNB contre LAVALAS, comme en 2019, 2020 et 2021 : les oppositions contre Jovenel Moïse. En cette année de grâce 2022, à partir du 7 février, les oppositions à Jovenel, scindées en plusieurs protagonistes dans les différents accords, se préparent donc à s’entredéchirer. Quant aux amis de JOMO, on ne comprend pas trop bien ce qu’ils veulent ni ce dont ils ont besoin, mise à part la justice pour Jovenel. C’est vrai qu’ils reprennent dans leur lettre les  priorités prônées  par Jovenel. Mais comment comptent-ils se battre pour atteindre leurs objectifs ?

En plus, il faut s’attendre à ce que des groupuscules qui ne font partie d’aucun accord, les déçus des accords ou de tel accord par rapport à un autre, se repositionnent aussi. Donc, dans les prochains jours, il faudrait s’attendre à un repositionnement des forces en présence, à plus de division au sein de la famille politique haïtienne, à plus de méfiance, à plus d’exclusion.

 

D.      Conclusions

Par rapport à ce qui se passe au niveau mondial, il ne faut pas trop attendre grand-chose des amis d’Haïti vis-à-vis de notre petit pays, malgré  la convocation au Congrès du Président Biden sur le dossier Haïti et la récente rencontre virtuelle organisée par le Canada et les 160 M d’USD prévus pour nous venir en aide. Ces pays sont trop préoccupés par leurs propres problèmes pour se pencher en profondeur sur le dossier d’Haïti, d’autant que nos politiciens ne semblent pas vouloir suivre les instructions de ces pays amis, orientées globalement vers l’inclusion et une bonne entente inter-haïtienne. Or ce qui nous intéresse, c’est de continuer dans la division, accéder au pouvoir au profit de nos clans respectifs au détriment du pays. Donc, comme les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances, nous risquons de continuer avec les mêmes impairs et nous retrouver dans la même instabilité politique, source de tous nos malheurs.

D’où la nécessité, pour la plupart d’entre nous, de continuer la bataille pour l’inclusion par rapport à l’exclusion, en forçant nos politiciens à se mettre réellement ensemble sans exclusive, à se comporter en gens civilisés, en combattant ensemble l’insécurité, en choisissant ensemble les membres du CEP, en modifiant ensemble la constitution de 1987, en se donnant ensemble une nouvelle constitution, en organisant ensemble la consultation pour sa validation, en réalisant ensemble  les élections générales pour élire au suffrage universel les nouveaux dirigeants du pays qui auront pour principale tâche de fonctionner dans le cadre défini par cet Etat Inclusif, favorisant le bien-être de chaque Haïtien quelle que soit son origine, tenant et aboutissant  du processus de développement du nouvel Etat d’Haïti, élevé au rang de Phare du monde en l’année 2054, l’année de son 250e anniversaire de création. Rêvons ! Espwa fè viv !

vendredi 31 décembre 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (22) ? BILAN 2021, PERSPECTIVES 2022, DE L’ANNEE DE TOUS LES DANGERS A L’ANNÉE DE TOUTES LES INCERTITUDES (?).

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (22) ? BILAN 2021, PERSPECTIVES 2022, DE L’ANNEE DE TOUS LES DANGERS A L’ANNÉE DE TOUTES LES INCERTITUDES (?).

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 DECEMBRE 2021

              L’année 2021, l’année de tous les dangers, qui aurait dû être la dernière de la présidence de Jovenel Moïse, s’est déroulée sous cette présidence seulement les six (6) premiers mois. En effet, le 7 juillet 2021, Jovenel Moïse a été assassiné crapuleusement par un commando colombien avec de fortes complicités haïtiennes. Remplacé dans un premier temps par le Premier Ministre, Claude Joseph, ce dernier a dû céder sa place au Premier Ministre issu de l’opposition plurielle, Ariel Henry, nommé par le défunt juste avant son assassinat. Depuis, le pays va de choc en choc. On en a dénombré 7: (i) l’assassinat du président Moïse, (ii) le tremblement de terre du 14 août, (iii) le passage de la tempête Grace sur le grand sud, le 17 août, (iv) la crise migratoire haïtienne à Del Rio, au Texas, en septembre, (v) La crise du carburant, (v) le kidnapping des 17 étrangers en Octobre, et (vii) l’explosion d’un camion-citerne au Cap-Haïtien, le 14 décembre, bilan: 90 morts et une soixantaine de blessés graves et légers. Quand on se rappelle les violences  qui ont accompagné les six premiers mois de l’année, avec son lot de morts spectaculaires, à Martissant (massacre de paisibles citoyens ), à Village de Dieu (massacre de policiers), à Cité Soleil, prises de commissariats et d’antennes de police (massacre de policiers et destruction), à Bel air, à Delmas 40, massacre de paisibles citoyens (une vingtaine de personnes  dont Antoinette Duclair et Diego Charles), on a donc dénombré durant toute l’année plus de 500 morts violentes par balles, sans compter les morts par accidents et les victimes du Covid-19 qui se traduisent par 530 cas de mortalité, tendance à la hausse surtout avec le variant Omicron qui fait des ravage dans le monde entier à partir d’un niveau de contagiosité exceptionnel de 1 pour 10. D’un autre côté, l’ouragan politique, qui prend une forme moins violente depuis la mort de Jovenel Moïse et qui stagne sur notre pays à travers la bataille des accords politiques « non inclusifs » dont l’ambition vise la mise en place d’un « Etat inclusif », risque d’envenimer  la situation en 2022, en continuant le règne de l’instabilité politique , le responsable de tous nos malheurs. D’où  le titre de cet article : « COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (22) ? BILAN 2021, PERSPECTIVES 2022, DE L’ANNEE DE TOUS LES DANGERS A L’ANNÉE DE TOUTES LES INCERTITUDES (?). »

              Avant de tenter une analyse  sociopolitique et socioéconomique de l’année 2021 et dégager des perspectives pour 2022, passons en revue rapidement  la prise de pouvoir par Jovenel Moïse jusqu’à la fin de 2020.

1.       PRÉSIDENCE DE JOVENEL MOÏSE 2017-2020

              En effet, Jovenel Moïse a accédé au pouvoir le 7 février 2017, avec l’étiquette d’ « inculpé », sans la participation des quatre (4) sénateurs de l’opposition, Beauplan, Cassy, Chéramy et Pierre (l’actuel ministre de la planification) à la cérémonie d’investiture au Parlement, ces sénateurs et leur parti politique n’ont jamais reconnu la victoire aux urnes du président Moïse et n’ont pas donné de période de grâce à ce dernier. Comme l’avait prédit, l’un de leur allié, Me André Michel, le pays sera réduit en cendre si  Jovenel Moïse arrive à accéder au pouvoir. Durant la première année de cette présidence, le président Moise a pu travailler dans une paix relative (grèves au niveau de la justice, OAVC, salaire minimum, etc.), il a mis en place un gouvernement avec Jack Guy Lafontant, lancé sa stratégie de la Caravane du changement, dans l’Artibonite, dans le grande Sud, lancé les travaux de la Route Hinche-St Raphaël sous financement de l’Union Européenne, continuer les Travaux de la Route Cayes-Jérémie, achever les travaux de la route Cap-Labadie, doter les directions départementales des Travaux publics et du ministère de l’agriculture de 123 M d’USD d’équipements et récupérer environ 200 équipements lourds de l’Etat dont des usines d’asphalte, et lancer des travaux sur près de 700 km de route en terre dont la route Carrefour-Joffre-Port-de-Paix.

              « Le budget criminel » a ébranlé les bases du pouvoir de Jovenel Moïse

Il s’apprêtait à étendre la caravane sur l’ensemble du pays et a doté le pays d’un budget à la hauteur de ses ambitions, quand le 12 septembre 2017, son opposant farouche, Jean Charles Moïse, ayant profité de la grogne entourant le « budget criminel », pour paralyser la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Cette grande manifestation a surpris tout le monde et ébranlé les bases du pouvoir en place.

6,7 juillet 2021, le tournant de la présidence de Moise

Le pouvoir a dû faire face à plusieurs soubresauts politiques jusqu’à l’explosion populaire des 6,7 juillet 2018, liée à l’augmentation des cours du carburant qui a marqué  le tournant de la présidence de Jovenel Moïse. Les petrochallengers se sont mêlés de la partie, l’opposition politique s’est renforcée et a mené la vie dure à cette présidence, a paralysé le pays en 2019, avec le phénomène pays-lock, et les diatribes des oppositions politiques à la radio, la TV, les réseaux sociaux et les médias en ligne. Le pouvoir a perdu la bataille médiatique et le président, qui a entrepris une valse de changement de premiers ministres, s’est vu coller l’étiquette  de mal absolu. L’instabilité politique s’est installée avec acuité et s’est aggravée avec le constat par Jovenel Moïse de la « caducité du parlement », le 13 janvier 2020. Il s’ensuivait la rébellion policière, le corona virus avec 236 cas de mortalité recensé à la fin de 2020, l’augmentation spectaculaire des cas de kidnapping (3000 au cours de la seule année 2020[1]), la prise de plus d’une quarantaine de décrets par le président Moïse, qualifiés de « liberticides » par Le Nouvelliste, les assassinats spectaculaires de paisibles citoyens, dont le plus criant demeure celui du bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Dr  Monferrier Dorval, tous ces assassinats étaient attribués, à tort ou à raison, au pouvoir en place et au président Moïse lui-même.

Résultats en termes de PIB

              Tout cet ouragan politique, cette instabilité politique, cette entropie, s’est soldé, en fonction de son ampleur par des résultats en termes de PIB de : (i) 2.5% en 2017 (calme précaire), (i) 1.7% en 2018 (accentuation de la précarité politique), (iii) -1.7% en 2019 (Pays-lock et paralysie de l’activité économique), et en (iv) -3.3% en 2020 (crise politique aigüe, multiforme, multidimensionnelle, insécurité globale et kidnapping). Il est à remarquer que les résultats économiques sont inversement proportionnels à l’instabilité politique. En fin de compte, Haïti s’est retrouvée, à la fin de 2020, avec deux (2) années consécutives de décroissance économique totalisant un PIB de -5%, alors que la population continue  de croitre à un rythme de 1.33% (2017), 1.30% (2018), 1.27% (2019), 1.25% (2020), donc Haïti s’enfonce dans la pauvreté durant deux années consécutives de récession économique.

Année

2017

2018

2019

2020

2021

Taux de Croissance PIB

2.5%

1.7%

-1.7%

-3.3%

-1.8%

Taux de Population

1.33%

1.30%

1.27%

1.25%

1.37%

Situation Politique

Calme précaire

Détérioration de la situation

Pays-Lock

Aggravation crise/kidnapping

Aggravation Crise/kidnapping  

Sources : IHSI, Banque Mondiale et reconstruction par l’auteur.

C’est dans cette ambiance d’instabilité politique et de décroissance économique qu’a démarré l’année 2021, l’année de tous les dangers.  Que s’est-il passé en 2021 sur les plans sociopolitique et socioéconomique ?

2.       SITUATION SOCIOPOLITIQUE HAITIENNE

              Pour analyser la situation sociopolitique, il faut la  regarder  en deux temps, les six premiers mois sous la présidence de Jovenel Moïse, et les six derniers mois sous le leadership de Ariel Henry et ses alliés, en grande majorité, anti-Jovenel.

              Les six premiers mois de l’année 2021 sous le leadership de Jovenel    

              Le président Moïse s’est fixé trois priorités, le 1er janvier 2021 : (i) Energie, (ii) Référendum et (iii) Elections. Durant ces six (6) mois, tout en faisant face à cette opposition plurielle, il s’est concentré sur les priorités qu’il s’est fixées, en particulier sur les travaux routiers ( Cayes-Jérémie, Carrefour-Joffre-Port-de-Paix, Camp-Coq-Cap-Haïtien, sans parler des multiples routes en terre, la mise en place et la réhabilitation des centrales électriques sur l’ensemble du pays, le remplacement des pompes d’irrigation à énergies fossiles par des pompes solaires, la reconstruction du barrage de la Tannerie, à Grande Rivière du Nord, la réalisation du barrage de retenue de Marion. Son gouvernement a beaucoup encouragé des travaux de rénovations urbaines aux Cayes, à Camp-Perrin, à Jérémie, à Port-au-Prince, à Delmas, Pétion Ville, aux Gonaïves, à Port-de-Paix, à Belladère, au Cap-Haïtien, au Trou du Nord, à Ouanaminthe, etc. Il en a profité à chaque visite de terrain pour s’adresser au peuple et dénoncer le système pezesouse. Quand il est à Port-au-Prince, il en profitait pour parler directement au peuple via les réseaux sociaux  pour expliquer le sens de son combat. Il a fourni des tas d’informations sur la capture de l’Etat par les oligarques corrompus.

              Ce qu’il faut retenir durant cette période, surtout après ce qu’on a appelé, le coup d’Etat manqué du 7 février 2021, déjoué, parait-il, par un certain Dimitri Hérard,  c’est la radicalisation des positions des antagonistes politiques. On aurait dit que Jovenel Moïse s’est retrouvé seul face à son combat pour changer le système pezesouse. L’opposition plurielle l’a traité de tous les noms et l’a accusé de tous les malheurs du pays. Lorsqu’il a insisté pour organiser le referendum, le 27 juin 2021, la bataille a pris une toute autre tournure et les menaces fusaient de toutes parts. Comme il l’a fait au fort de la crise en 2019 (pays lock), il a tendu la main en plusieurs occasions à l’opposition plurielle. Malheureusement, le niveau de haine était tellement élevé, le manichéisme était tellement à fleur de peau, que personne ne pouvait même oser parler d’entente sans être taxé de partisan de Jovenel. Un de mes collègues est allé jusqu’à demander aux « 12 M d’haïtiens de se constituer en opposants à M. Moïse ». Il faut noter que trois mois avant son assassinat, les gangs avaient pratiquement le pays en main, tout au moins au niveau de la zone métropolitaine, kidnappant, violant, rançonnant et tuant de paisibles citoyens, sans des réponses proportionnelles de la part de l’Etat. Le Président, accusé d’être « le principal chef de Gang », a fait appel à l’OEA et a décidé, après la démission du PM Jouthe pour convenance personnelle et son remplacement ad intérim par le ministre des affaires étrangères, Claude Joseph,  d’ouvrir le pouvoir à l’opposition plurielle qui a, officiellement et catégoriquement, refusé toute collaboration avec le pouvoir en place. Il a fini par nommer, après son voyage à Antalya, en Turquie, un premier Ministre proche de l’opposition en la personne d’Ariel Henry. Il a été sauvagement assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021.

Les six derniers mois  de l’année 21 sous le leadership d’Ariel Henry

              Tout de suite après l’assassinat de Jovenel Moïse, Claude Joseph a tenu le poste de premier ministre jusqu’à l’enterrement du défunt et a passé le maillet à Ariel Henry. Durant ces six derniers mois, Haïti a connu sept (7) chocs y inclus l’assassinat du président Moïse, comme nous les avons énumérés à l’introduction. J’ai fait un certain nombre de vidéos pour expliquer ces chocs qui sont venus envenimer la crise multiforme et multidimensionnelle que traverse le pays[2].

              Avec la mort brutale du président Moïse, la bataille politique a pris une autre tournure. Au lieu de s’exercer dans la rue à coup de manifestations, de krazebrize, elle s’est concentrée sur des accords politiques. On en a dénombré au moins quatre (4). Les deux plus importants demeurent l’accord du 30 août 2021, dit de Montana, et celui du 11 septembre 2021, dit de la Primature ou d’Ariel Henry. Toujours est-il que, sur la base de cet accord, l’opposition plurielle (radicale (SDP) et modérée) a intégré le gouvernement tout en exigeant la mise à pied des « Jovenelistes ». Ce qui a été fait, en pleine crise de carburant. Après une trêve donnée par le gang G9 et alliés, le nouveau gouvernement en a profité pour augmenter les cours du carburant sur le marché local (Gazoline 250 G/gal, Kérosène 352 G/gal et Gasoil 350 G/gal). Tout ceci s’est fait sans incidents majeurs.

              Parallèlement, les tenants de l’accord de Montana fait des mises en place pour arriver à l’application de l’accord, qui prévoit « l’élection » d’un président de la République, d’un premier ministre et le choix d’un gouvernement de technocrates. Comment, ils vont faire pour évincer Ariel Henry ? Personne ne sait. En tout cas, la manifestation du 29 décembre pour la libération des prisonniers politiques qui s’est transformée en manifestation anti Ariel Henry et anti André Michel,  donne un avant-goût de ce qui pourrait se passer en début d’année de 2022. Le prochain test de l’administration Ariel Henry se fera aux Gonaïves, le 1er janvier 2022, pour le 118e  anniversaire de l’indépendance d’Haïti. Attendons voir.

3.       SITUATION SOCIOECONOMIQUE

L’exacerbation de la bataille politique n’a pas totalement empêché le pouvoir en place, tout au moins durant les six premiers mois de l’année et avant, de mener certaines activités socioéconomiques : en matière de renforcement du système de santé publique, selon Dr Pape (Covid-19 oblige) ; en matière de construction et de réhabilitation d’établissements scolaires (222 unités), de recrutement et de régularisation de 15,000 enseignants et d'élaboration de 6 documents de politiques publiques dans le secteur de l’éducation, si l’on en croit les propos de l’ex-ministre de l’Education nationale, Agénor Cadet[3] ; en matière de réhabilitation et de construction de routes sur environ 2000 km dont 250 km asphaltées et/ou bétonnée tant au niveau de certains axes qu’au niveau des rénovations urbaines ; en matière d’énergie électrique, la mise en place d’un certain nombre de centrales hybrides dans les villes moyennes telles : Les Irois, Tiburon, les anglais, Chardonnières, Môle saint Nicolas, Jean Rabel, Bonbadopolis, etc. ; de centrales de grandes capacités dans les grandes villes telles : Port-de-Paix, Fort Liberté, zone métropolitaine de Port-au-Prince avec la mise en place de la plus grande centrale électrique du pays, centrale de Carrefour (60 MW). Malheureusement, mise à part l’énergie électrique où les travaux continuent au niveau de certaines petites villes, c’est l’arrêt de l’ensemble des activités entreprises par le président défunt. Par contre, après le tremblement du 14 août, l’administration d’Ariel Henry a dû intervenir au niveau de la Péninsule Sud d’Haïti,  et encourager les ONG à intervenir dans cette région du pays. Il faut noter l’évaluation des effets du tremblement de terre et du cyclone Grace par le gouvernement avec l’aide de la communauté internationale. D’où le PDNA de 2021 avec des effets estimés à 1.6 Mrds d’USD et des besoins de 1.97 Mrds d’USD pour le relèvement et la reconstruction.

Ce qui se traduit par une chute du PIB de -1.8% pour la troisième année consécutive ; une dégringolade de la gourde par rapport au dollar américain, environ 100 G pour 1 USD officiellement, 110 G pour 1 USD sur le marché parallèle ; une inflation de 24.6% en rythme annuel (novembre 2021), « le coût de la vie est donc plus cher aujourd’hui en Haïti de 24.6% qu’au mois de novembre 2020 », selon Radio Télé Métronome.

Sur un autre plan, on a dénombré plus de 1000 cas de kidnapping, c’est donc une industrie plutôt florissante qui décapitalise la classe moyenne et les masses ; selon @CardhHaiti, du 1er janvier au 27 décembre 2021, 498 morts par balles contre 297 en 2020, rapporté par Radio RFM.

En ce qui a trait au Coronavirus, au 31 décembre 2021, Haïti a enregistré 25,985 cas de contamination et 766 cas de mortalité dont plus 530 cas en 2021, tandis que le monde a franchi le cap de 286, 613,638 cas de contamination et 5, 432,140 de mortalité. Le variant Omicron fait des ravages au niveau mondial et pourrait affecter la reprise économique mondiale. Officiellement, ce variant n’est pas encore en Haïti, mais il fait des siennes aux USA et en République Dominicaine ainsi que le variant Delta encore là. Ce qui est de mauvais augure pour le pays d’Haïti dont les USA et la République Dominicaine demeurent les deux principaux partenaires économiques.

4.       CONCLUSIONS BILAN 2021 ET PERSPECTIVES 2022

Comme on le constate, la 22e rubrique consacrée à la thématique : Covid-19, Haïti et le monde à la croisée des chemins (?) ne trouve pas toujours de réponse satisfaisante tant en Haïti qu’au niveau mondial. Le monde se débat avec le coronavirus qui mute à chaque fois, et les variants sont différents d’une mutation à une autre. Ce qui donne du fil à retordre aux spécialistes, les divisent et nous laissent dans la perplexité et l’incertitude la plus totale, d’autant que, question de religion, de politique ou autres, le simple mortel que nous sommes, nous sommes perdus.

Jusqu’à présent, malgré l’augmentation de plus de 200% des cas de mortalité liés au Covid-19, Haïti est loin d’être frappée aussi fort que ses voisins immédiats. Nous sommes beaucoup plus préoccupés par l’insécurité globale liée directement à cette instabilité politique, responsable de tous nos malheurs. L’insécurité alimentaire, qui touche très certainement plus de 5 M d’entre nous, en est un corollaire. Les cas de kidnapping de plus d’un millier de personnes en 2021 est en nette baisse par rapport à 2020 (3000 cas) , mais beaucoup plus juteux et meurtriers cette année. Ce qui poussera les tenants de cette industrie à vouloir continuer à tout prix, donc à forcer les dignes filles et fils du pays à s’expatrier pour fuir l’enfer haïtien, au plaisir de nos amis qui ne cessent  de nous enfoncer en nous bombardant de déportés (réservoirs des bandits), d’haïtiens illégaux, et de nos réfugiés économiques, en favorisant l’accès à l’achat d’armes à feu sophistiquées et de munitions chez eux par les acolytes des bandits et en privant nos forces de l’ordre de l’accès à ces mêmes armes  pour les combattre.

 Toutefois, en dépit de la  détérioration de la situation économique, avec un PIB de -1.8%, la situation est moins grave que l’année 2020 avec un PIB de -3.3%, malgré les divers chocs subis par Haïti en 2021. C’est vrai que le PIB per capita chute à 697 USD et que le PIB global se chiffre à 8.1 milliards de dollars américains et que 58.5% de nos compatriotes vivent sous le seuil de la pauvreté absolue, mais il demeure possible de retourner la situation en nous battant pour une vraie entente nationale en vue de rétablir la stabilité politique, « le premier des biens publics », pour répéter le défunt président.

Nous venons de plonger notre pays dans une récession économique de -6.8% durant trois années consécutives 2019, 2020 et 2021 principalement par nos luttes intestines pour les broutilles du pouvoir, il est temps de stopper l’hémorragie et de nous libérer des vieux démons de la division qui nous a conduits à cette croisée des chemins. C’est à nous de nous en sortir en nous battant désormais pour Haïti et non pour nos clans respectifs. L’ôte-toi que je m’y mette ne nous mènera qu’à la disparition certaine du navire haïtien. Sommes-nous si suicidaires pour aller jusqu’au bout de notre propre destruction?

En tout cas, si l’année 2021 a été l’année de tous les dangers, faisons en sorte que celle de 2022 ne soit pas celle de toutes les incertitudes. En continuant à nous battre pour le triomphe de tel accord par rapport à tel autre, avec le seul souci de la prise de pouvoir d’un clan par rapport à un autre, ce sera l’année de toutes les incertitudes. Dans le cas contraire, c’est-à-dire, une vraie entente entre nous pour : (i) un combat sans merci contre l’insécurité, (ii) la fusion des accords, (iii) la mise en place d’un nouveau système en équilibre (nouvelle constitution) axé sur le peuple comme tenant et aboutissant du processus de développement d’un « Etat Haïtien Inclusif », (iv) l’organisation des élections générales, et (v)  la remise du pouvoir aux nouveaux élus pour la prise en charge du nouvel Etat d’Haïti. Ce nouvel Etat nous permettrait de contempler non un taux de croissance du PIB de 1% comme le prévoit la Commission Economique pour l’Amérique Latine et la Caraïbe (CEPALC) en 2022 (0.5 % selon le ministre de l'économie et des finances (MEF), Patrick Boisvert, mais des taux de croissance à deux chiffres pour les années à venir, comme le réalisent actuellement la République Dominicaine (11%) et le Panama (11.9%). Soyons donc ce peuple haïtien dont « la mission est de rétablir la dignité humaine dans le monde », selon l’Ati national Carl Henry Desmornes.