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vendredi 1 septembre 2017

LA CREATION D’EMPLOIS TEMPORAIRES, UNE NECESSITE DE LA CONJONCTURE HAITIENNE ACTUELLE

LA CREATION D’EMPLOIS TEMPORAIRES, UNE NECESSITE  DE LA CONJONCTURE HAITIENNE ACTUELLE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 AOUT 2017     
Revu, corrigé et augmenté le 8 Septembre 2017

La conjoncture actuelle exige un changement de sujet par rapport aux trois derniers articles publiés ayant eu comme toile de fond la caravane du changement. L’article du mois d’Août, sans laisser de côté totalement la caravane du changement, se concentrera sur la  nécessité de la création d’emplois, en particulier l’emploi temporaire. Cet article se subdivise en deux grandes parties: les faits saillants du mois et la nécessite de la création d'emplois temporaires.

Les faits saillants du mois: l’émigration, le budget 2017-2018, la réouverture des classes, le scandale de la surfacturation...

Les jeunes haïtiens continuent de partir pour le Chili. Le journaliste Valery Numa est actuellement dans ce pays pour un documentaire sur les Haïtiens au Chili, estimés à 85000 personnes (110,000 suppose Le Nouvelliste sous la plume d'Etzer Emile, 36 M d'USD de transferts vers Haiti en 2016, 7.5 M pour le seul mois de mai 2017). Le titre du documentaire est « Chili à tout prix ». Ces jeunes partent à l’aventure à la recherche d’un emploi. Donald Trump fait peur avec son « America First ». Les haïtiens en situation illégale aux USA foncent vers le Canada par crainte d’être refoulés en Haïti par le milliardaire président. Avec le cyclone Harvey qui ravage le Texas et la Louisiane, la situation économique aux USA subit un coup dur et les haïtiens qui habitent ces états américains seront frappés de plein fouet, tandis que ceux-là qui vivent dans les autres états vont sentir les effets néfastes de ce cyclone sur l’économie américaine.

En Haïti, le budget de 144 milliards de gourdes (2.30 Mrds d’USD) est voté par la Chambre des députés. Ce budget est en phase d’analyse au Sénat. A ce niveau, les choses se corsent. Dans un budget il y a les prévisions de dépenses, il y a aussi les voies et moyens pour financer le budget. L’une de ces voies est la taxation. Le gouvernement actuel semble ne pas aller de main morte, mais la pression fiscale globale n'a pas tellement évolué (12.7% selon Pharel, Radio Vision 2000, Invité du jour 4/09/17), très faible par rapport au reste de la Caraïbe.

Pour une propriété bâtie  dont la valeur "locative" est supérieure à 200,000 G, il faudrait payer 10%, ce qui fait 20,000 G, si mon interprétation de la loi des finances est correcte. L'adjectif "locative" change totalement l'analyse de la version précédente de cet article. Je m’étais donc trompé et je demande à mes lecteurs de ne plus considérer la partie de la version précédente concernant la propriété bâtie.

En outre, il y a le débat sur l’impôt forfaitaire  sur le revenu de 10,000 G, exploité à merveille par l’opposition politique en travestissant la vérité pour les besoins de la cause. Il y a aussi :  La menace des greffiers de reprendre leur grève pour non-respect de la parole donnée par le ministère de la Justice et celle des juges en cas de non considérations salariales et autres en octobre 2017; l’accident d’un voilier reliant la grande terre à l’Ile de La Tortue dont le bilan est de « *6 morts, 9 disparus et 21 rescapés, selon le délégué départemental du Nord-Ouest, Owell Théock, rapporté par Radio Kiskeya ; l’éclipse solaire du 21 Août 2017, qui a été partielle sur Haïti et masquée au niveau de la zone métropolitaine par d’épais nuages et qui a considérablement ralenti les activités ce jour-là; la suspension par l’Exécutif du processus électoral en lien avec les élections indirectes, répondant ainsi et un peu tard à une résolution du Sénat publiée dans le Journal officiel, Le Moniteur ;  les préparatifs du gouvernement en vue de la réouverture des classes, le 4 septembre 2017, exprimés par le lancement au niveau de la zone métropolitaine des travaux de création d’emplois à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) à travers les mairies , balayage de rues et ramassage d’ordures dont les effets favorisent une certaine amélioration de la situation sanitaire , les travaux de réparation des points à temps au niveau de plusieurs rues de la zone métropolitaine (Pétionville, Port-au-Prince, Delmas, Tabarre, etc.,) qui améliorent la circulation des véhicules, et le scandale de la surfacturation de kits  scolaires de 17 USD à 36 USD/unité, qui a forcé le gouvernement à mettre à pied le ministre des affaires sociales, Roosevelt  Bellevue, en attendant le résultat de l’enquête en cours sur cette affaire, et à le remplacer provisoirement par le Premier Ministre, Jack Guy Lafontant, celui-ci promet de « lutter contre la corruption ». C’est la Radio Scoop Fm qui a dénoncé cette affaire à partir d’une source du Palais National.

La création d'emplois temporaires

... éléments d’appréciation par rapport à la population et au secteur agricole à partir d'une journée de dialogue organisée par le Dr Paul Latortue 

Ce survol de la situation en Haïti nous ramène au sujet du jour, la création d’emplois. Mais, bien avant de nous y attarder,  essayons ensemble de regarder quelques éléments d’appréciation à partir des documents de base présentés par le CIRAD à « la Journée de dialogue organisée au siège de la BID par le Programme du Master of Business Administration, Université Notre-Dame d’Haïti » au siège de la BID, le 23 Aout 2017 (Dr Paul Latortue)

Graphe 1

Dans plusieurs articles publiés, j’ai insisté sur les piliers du développement de notre pays, la sécurité, l’environnement et la population[1]. Dans le graphe présenté plus haut (graphe 1) ,  il est pris en compte deux aspects l’environnement avec la question d’urbanisation sans industrialisation et la démographie. Avec le taux de croissance actuel de la population, si nous ne mettons pas en place une politique de population visant un taux de croissance inférieur ou égal à 1%, la population haïtienne en 2050 avoisinerait 14 millions d’habitants, l’urbanisation anarchique continuerait, l’environnement subirait les conséquences de la surpopulation, la sécurité du pays et des citoyens en partirait, le développement de notre pays serait compromis.

Graphe 2

Or actuellement la base de développement d’Haïti est le développement de l’agriculture, même si dans le graphe 2 ci-dessus, l’économie haïtienne se tertiairise alors que les PIB agricole et industriel se stabilisent. L’administration actuelle a fait le choix de l’agriculture comme la « locomotive de la croissance » et l’un des piliers du développement, tout au moins  dans le cadre de la stratégie de la caravane du changement.  Tant au niveau de l’Artibonite qu’au niveau de la Péninsule Sud, les actions prévues et réalisées sont essentiellement liées au secteur agricole et au domaine de l’environnement. Il faut noter aussi que l’emploi agricole représentait 57.2% en 2013 par rapport à l’emploi total dans le pays (Graphe 3 ci-dessous). L'agriculture demeure donc le premier pourvoyeur d’emplois du pays.

Graphe 3

Les emplois et la caravane du changement

Dans le cadre de la Caravane, il est prévu deux types d’opérations : une opération d’urgence ou coup de poing de 3 à 6 mois et une opération structurante durant tout le quinquennat. Dans les deux cas, il est prévu des emplois temporaires et durables. Lors de l’opération coup de poing, l’utilisation de l’approche haute intensité d’équipement (HIEQ) crée des emplois temporaires mais pas en quantité suffisante ; par contre l’approche haute intensité de main d’œuvre (HIMO) crée beaucoup d’emplois temporaires.

          Pour les emplois durables, pour chaque hectare de terre mis en valeur, il serait créé automatiquement 5 emplois au minimum.  Tout de suite, après le passage de la caravane dans la Vallée, les agriculteurs ont amplifié les travaux des champs. Selon les premières estimations faites sur la base d’une visite des lieux en Août 2017 sur  le grand périmètre de l’ODVA, la superficie emblavée en riz avoisinerait 30,000 ha[2]. Ce qui correspondrait à 150,000 emplois durables, sans tenir compte des emplois connexes au niveau des moulins qui décortiquent le riz paddy, la mise en sac, la commercialisation, le transport, etc.

Les travaux à haute intensité de main d’œuvre prévus dans le cadre du protocole d’accord avec la Fédération des associations d’irrigants de la Vallée (FASIVAL) pourraient créer jusqu’à 3000 personnes-mois de travail (P-M) . De même, les travaux HIMO liés aux activités des ministères, Agriculture, Environnement  , Travaux publics,  des services autonomes  (EPPLS/UCLBP, DINEPA) pourraient favoriser la création de plus de 50,000 personnes-mois de travail (P-M) dans la Péninsule Sud.  Il n’y a pas assez d’informations pour permettre une estimation des emplois créés à partir des travaux entrepris au niveau de la zone métropolitaine.


... et si on on utilisait une partie des 11 milliards de gourdes pour des emplois temporaires

En tout cas, ce qui est important de retenir, c’est que dans le cadre du budget 2017-2018, il y a un potentiel énorme de création d’emplois temporaires. Les critiques se font autour de 11 milliards de gourdes   consacrées aux « autres interventions publiques »,  ce qui représente 7.64% du budget. Depuis des années, il a été proposé aux gouvernements successifs de prévoir au moins 10% du budget pour créer des emplois temporaires répartis selon la distribution de la population comme c’était le cas dans le cadre du programme de création d’emplois (PCE 1993-1996) où la répartition était de 70% en milieu rural et 30% en milieu urbain. Durant cette période, il a été créé en moyenne plus de 40,000 emplois par mois dans le pays, à travers des  ONGs comme la PADF, le CECI, la CHF, la CARE-HAITI sous financements de l’USAID, de la BID, de la Banque Mondiale (BM).

Si on se basait sur le budget actuel de 144 milliards de gourdes, il faudrait 14.4 milliards de gourdes pour créer des emplois en milieu urbain (55%) et en milieu rural (45%), en fonction de la répartition approximative  actuelle de la population haïtienne. Ces emplois temporaires pourraient être créés dans l’irrigation, le drainage,  la réhabilitation/la construction de pistes rurales, de chemins muletiers, la réhabilitation de l’environnement,  les logements sociaux, la gestion des risques et désastres, la mise en place de pépinières, le traitement des littoraux, etc. La majorité de  ces cas de figure sont envisagés dans le manuel de mise en œuvre des travaux HIMO du ministère de l’agriculture.  Avec 10% du budget 2017-2018, il serait possible de créer plus de 860,000 P-M de travail durant un an, soit en moyenne 70,000 emplois par mois, renouvelables tous les trois (3) mois, ce qui ferait un total de 280,000 familles touchées à raison d'une personne par famille (paiement à la tache) .  Cette pratique, qui se ferait dans le cadre d'une organisation de chantiers très sérieuse et d'une gestion rigoureuse (éviter à tout prix le woy-woy), pourrait se répéter durant tout le quinquennat. De quoi  donner du travail à une partie de ce flot de jeunes qui abandonnent le pays et qui partent à l’aventure au péril de leur vie.

Il y a donc nécessité de créer des emplois temporaires dans le pays par cette administration durant tout le reste du quinquennat, surtout après le passage de Matthew ( Ouragan de catégorie 4, les 3-4 Octobre 2016) sur le grand sud et d'Irma (de catégorie 5, le 7 Septembre 2017) frôlant le grand nord du pays, avec des dégâts importants dans les deux cas, beaucoup plus dans le sud directement touché. Il y va de la stabilité du pays. Avec plus de 70,000 emplois temporaires, bien répartis à travers le pays et bien gérés pour éviter les cas de corruption dans des secteurs d’activités  intégrant l’action gouvernementale, il serait possible d’avoir la paix des rues, de soulager la situation de misère actuelle (un héritage des anciennes administrations) et de jeter les bases d’un développement endogène et durable de notre pays, tout en mettant sur pied une politique de population (taux de croissance < 1%) et une politique agressive de gestion environnementale et d’aménagement du territoire (déconcentration administrative et décentralisation) , avec, préalablement,   une maîtrise quasi parfaite de la question sécuritaire sur tout le territoire national. Soyons les capitaines de notre destin d'hommes libres et indépendants!




[2] Il faudrait faire survoler la Vallée par des drones pour confirmer ces estimations.

dimanche 30 juillet 2017

LA CARAVANE DU CHANGEMENT : UNE STRATEGIE INNOVANTE ET GLOBALISANTE ET NON UN PROGRAMME

LA CARAVANE DU CHANGEMENT : UNE STRATEGIE INNOVANTE ET GLOBALISANTE ET NON UN PROGRAMME

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

 Revu le 31 JUILLET 2017  
             
La conjoncture haïtienne est toujours dominée par la caravane du changement, malgré son redéploiement dans la péninsule Sud depuis le 1er Juillet 2017, le Sud, la Grande-Anse et les Nippes. Le manque de compréhension du concept caravane du changement occasionne des sorties à la limite de cette incompréhension. La position de l’association des maires du Sud (AMSUD) qui s’inquiète de la mainmise des députés  et sénateurs de la zone  sur la caravane, la position presque similaire  du maire des Cayes Gabriel Fortuné, allié du pouvoir en place, la position de l’ex-premier ministre Evans Paul qui voit dans la caravane, « un programme improvisé », etc., ces prises de position publique mettent de l’eau au moulin des opposants à la caravane, rendent encore plus sceptiques les bienpensants, calment l’ardeur des surexcités et agacent un tout petit peu les techniciens qui s’y engagent.

Dans une conjoncture marquée, en plus de la caravane, (i) par le départ massif des jeunes vers le Chili, (ii) par la bataille pour le salaire minimum fixé en dernier ressort à 350 gourdes/jour par le Président Moïse (réf. Spécial No 23 Le Moniteur) après un discours d’appel au calme au lieu des 335 gourdes recommandées par le conseil supérieur des salaires, menace de reprise des manifestations  des syndicats exigeant toujours 800 gourdes/jour + avantages sociaux ;(iii) par la grève du petit personnel de l’hôpital universitaire de Port-au-Prince (Hôpital Général) et celle des greffiers ; (iv) par  la marche programmée et avortée du Collectif du 4 Décembre ; (v) par la présence quasi permanente de fatras au niveau de la zone métropolitaine, ce qui a poussé la présidence à offrir son appui aux maires dans le cadre de travaux à haute intensité de main d’œuvre ( HIMO) pour assainir les villes constituant la zone métropolitaine, sans oublier les autres éléments de grogne liés à la situation économique difficile des ménages haïtiens dont 73.8%, selon l’IHSI, croient à une amélioration de leur situation grâce  à l’omniscience de Dieu (Dieu seul sait, avec 63 G pour 1 USD), on comprend l’effet explosif de ces prises de position dont la plupart viennent des alliés du pouvoir. Il ne faut pas non plus oublier, l’arrêté présidentiel supprimant les privilèges des anciens Chefs d’Etat non élus dont Jocelerme Privert élu au second degré, « c’est inélégant » pour répéter Evans Paul ; la sortie du Sénateur Rony  Célestin du Centre, un autre allié du pouvoir, et la question controversée du recrutement par le ministère de la Défense des jeunes devant intégrer l’Armée d’Haïti en phase de remobilisation, sans la nomination préalable d’un Etat-major et une philosophie pour la nouvelle armée, et sans l’aval des anciens militaires qui menacent de se faire entendre. Ce qui a poussé le Sénateur Latortue, président du Sénat, à faire une proposition en dix (10) points pour remédier à la situation, en attendant la convocation du ministre de la défense par un groupe de députés de la Chambre basse.

C’est dans ce contexte plutôt sombre qu’il faudrait situer la sortie de ces alliés du pouvoir et d’autres personnes face à la caravane du changement.  En un certain sens, leur incompréhension est justifiée. L’administration n’a pas mis à la disposition du grand public les documents essentiels de la caravane. Mises à part les sorties du Président et de la communication du Palais National, le grand public, tout au moins les intellectuels et la presse, n’a pas accès à ces documents. C’est en théorie la raison pour laquelle chacun y va de sa définition et de sa compréhension de la caravane du changement, même s’il faut y ajouter un bémol. Comme en général on est beaucoup plus enclin à voir les choses du mauvais côté, surtout quand il s’agit de l’administration en place, on  a vu et entendu  toutes sortes de gens parler de la caravane du changement avec l’arrogance de l’ignorance propre à nous autres haïtiens. Aristide, Préval, Martelly en ont eu pour leur compte en leur temps. Si le Président Préval n’a pas présenté de programme, Aristide en avait un, « Investir dans l’humain", Martelly aussi, « le courage de changer », transformé plus tard en 5 E ; et l’énoncé de politique général du Dr Conille, le 1er  Premier Ministre de Martelly, a été en soi tout un programme quinquennal. Dans les trois cas cités plus haut, l’administration a été sévèrement critiquée, et fort souvent en dehors des documents soumis au grand public. Toutefois, certaines personnes sont allées aux sources pour parler de ces programmes et les critiquer ; tandis que d’autres, les éternels opposants et les omniscients, ne se sont même pas donné la peine de les lire, tout en les critiquant vertement. C’est le défaut majeur de nos compatriotes, discourir avec arrogance sur des choses non bien maîtrisées.

Dans le cas de la caravane, qui n’était même prévue dans l’énoncé de politique générale du PM Lafontant, c’est la vague déferlante anti-caravane malgré la bonne performance de l’opération coup de poing au niveau de la Vallée de l’Artibonite à la satisfaction de la grande majorité des bénéficiaires directs. Cette initiative présidentielle est donc perçue comme un programme, un projet du Président. Il n’en est rien. Certes, c’est une initiative présidentielle, mais elle n’est ni programme ni un projet. Elle prend sa source dans une stratégie du ministère de l’agriculture, le développement par pôle de croissance basé sur les cinq (5) principaux châteaux d’eau du pays dont la visée était de répondre à la déclaration de l’administration Martelly de faire du secteur agricole « la locomotive de la croissance ». Le cadre budgétaire 2015-2018 du ministère de l’agriculture a été monté dans le souci d’atteindre  cet objectif. Lors de la longue campagne présidentielle de J. Moïse, il s’est tu à répéter qu’il allait « continuer, corriger et innover ». Dès sa prise de pouvoir, il a proposé la caravane du changement comme stratégie pour continuer les actions en cours, les corriger au besoin et innover. La caravane du changement est donc cette stratégie innovante. Elle n’a pas de programmes propres, elle utilise les programmes existants en les améliorant si nécessaire, quand elle intervient dans une zone. 

Le cas de l’Artibonite

C’est le cas pour l’Artibonite. Chaque année, dans le cadre des campagnes agricoles, le ministère de l’agriculture dispose de l’argent pour mener ses campagnes agricoles tout le long de l’année agricole. A l’arrivée de l’administration Moïse, le ministère disposait de 197 M HTG non utilisés, cet argent a été en partie utilisé pour l’opération coup de poing dans le cadre de la caravane au niveau du grand périmètre de la Vallée de l’Artibonite sous le contrôle de l’organisme de développement de la Vallée de l’Artibonite (ODVA). Les matériels, les cadres de l’institution ont été mis à profit, complétés par d’autres matériels et d’autres cadres pour mener à bien les actions prévues, en les corrigeant et en innovant par la mise en synergie des compétences au niveau de l’Etat, pour maximiser les effets à partir de la méthode Haute intensité d’équipement (HIEQ) pour le curage mécanique des canaux et  drains principaux et primaires et les pistes agricoles et rurales.  

Parallèlement, la cellule ad hoc de pilotage de la caravane, associée au ministère de l’agriculture, a préparé un dossier pour la mise en place de 9 entreprises agricoles  couvrant 4500 ha (actuellement en cours), un protocole pour permettre à la Fédération des Associations d’irrigants de la Vallée de l’Artibonite (FASIVAL) d’entamer les travaux de curage manuel des canaux et drains secondaires et tertiaires par la méthode haute intensité de main d’œuvre (HIMO) en vue d’améliorer l’irrigation et le drainage au niveau des parcelles, et un dossier de plus de 180 M USD pour l’aménagement complet du grand périmètre  (32,000 ha )de l’ODVA durant tout le quinquennat de cette administration et même au-delà, avec accent  particulier sur la nécessité de réorganiser l’ODVA et de renforcer FASIVAL. Ce dernier dossier se base sur une étude de la Firme GOPA (2002).

Le cas de la Péninsule Sud

Fort de l’expérience encore en cours au niveau de la Vallée de l’Artibonite, la caravane du changement, après avoir monté, à travers la cellule ad Hoc, le dossier de la Péninsule Sud d’Haïti avec les cadres des diverses directions déconcentrées et décentralisées et aussi des cadres au niveau central des divers secteurs impliqués, en se basant sur les documents existants tels le PDNA (MPCE Janvier 2017),  « Vers une stratégie régionale de la Péninsule Sud (MPCE 2008) », les documents du MARNDR et de CNSA, et d’autres documents des autres secteurs impliqués, s’est redéployée dans le Grand Sud, le 1er Juillet 2017.  Le dossier s’intitule « Le plan d’action pour le relèvement et le développement de la Péninsule Sud (PARDPS) » .Il inclut l’ensemble des secteurs opérant dans la péninsule qui ont ajusté leur budget en fonction du plan et qui assurent la gestion technique et financière de leurs programmes et projets dans le cadre de la caravane. 

Comme l’a expliqué, lors d’une réunion,  le Président J. Moïse aux partenaires techniques et financiers (PTF), dont la BID qui a préalablement accepté de financer, à hauteur de 10 M USD avec possibilité d’aller jusqu’à 45-50 M USD, certaines activités dans le cadre de la caravane sous forme de remboursement, la caravane du changement n’a pas de budget, ce sont les secteurs qui en disposent, la caravane ne fait que les pousser à faire mieux et vite.

C’est ce qui est en train de se passer au niveau de la Péninsule, malgré les difficultés inhérentes à ces genres d’initiatives. Il faut rappeler que les objectifs au niveau de la péninsule Sud sont beaucoup plus ambitieux et diversifiés que dans la Vallée de l’Artibonite.  Ce qui implique beaucoup plus de risques à gérer. C’est pourquoi, il aurait fallu beaucoup plus d’explications, de communication, de sensibilisation avant le redéploiement dans la Péninsule. A postériori, il a fallu combler cette lacune en multipliant les rencontres d’explication avec les ONG, les maires, les directions déconcentrées sur la vraie nature de la caravane, son rôle catalyseur, sa stratégie de marier l’urgence au développement, son mode opératoire basé sur deux types d’intervention : (i) une opération coup de poing (3 à 6 mois) et une opération structurante (le reste du quinquennat et au-delà).

La caravane du changement, une stratégie innovante et globalisante et non un programme

La caravane encourage les acteurs et les secteurs à imbriquer leurs actions (harmonisation), à les articuler avec celles d’autres acteurs et secteurs (coordination) et à les intégrer à l’action gouvernementale pour maximiser leurs impacts. La caravane crée aussi les conditions pour réaliser les actions à moindre coût. Elle ambitionne d’englober l’ensemble des actions des secteurs et des autres acteurs au niveau de la zone d’intervention et encourage les élus, en particulier, les collectivités territoriales à jouer, en plus de leur implication directe dans le suivi rapproché, à jouer leur rôle de vigile pour réduire drastiquement le niveau de corruption dans le mise en œuvre des actions, en les poussant à prendre des mesures répressives  contre les fautifs.


Cet article, je l’espère, favorise une meilleure compréhension de la caravane du changement. Il est écrit dans le souci de fournir une information de première main à des lecteurs de bonne volonté qui l’apprécieront selon leur conviction intime. Pour les irréductibles, rien ne changera, ils continueront à ne voir dans la caravane que  le mauvais côté, même s’ils se donnent  la peine ou non de lire cet article. Pour d’autres personnes, le scepticisme va persister jusqu’aux résultats finaux à la fin du quinquennat ; ce sont des saints Thomas (normal). Pour les convaincus, ils vont suivre cette expérience avec intérêt et peut-être se l’approprier en y apportant les modifications jugées utiles. En tout cas, ce qu’il faut retenir c’est que  la caravane du changement est  une stratégie innovante et globalisante et non un programme gouvernemental.