HAITI,
CONSULTATIONS VERS UNE ENTENTE OU UN DECHOUCAGE ?
JEAN-ROBERT
JEAN-NOEL
31 OCTOBRE
2014
Dans mon dernier texte, j’ai
formulé le souhait de voir le pays résoudre sa crise dans le cadre d’un dialogue
inter haïtien en s’inspirant des dix (points) de proposition du Journaliste
bien connu, Daly Valet (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/09/haiti-vers-une-entente-ou-un-goudougou.html).Monsieur
Martelly, dans le cadre de ses consultations avec les acteurs de la vie
nationale qui se sont poursuivies tout le long du mois d’octobre 2014, a
rencontré, entre autres, au Palais
National, Daly Valet, l’ex-Président Préval, et, en dehors du Palais, le groupe
des six (6) Sénateurs, le G6, qui, pour la circonstance, s’est réduit en G4,
Sénateur Jean-Charles et Polycarpe se considérant comme des ennemis jurés de M.
Martelly et non comme ses adversaires politiques. Suite à cette rencontre, M.
Martelly s’était engagé à rencontrer les six (6) partis politiques de l’opposition
dite radicale ; mais, suite à un malentendu, cette rencontre avec ces
partis politiques n’a jusqu’à présent pas encore lieu. Entre temps, la vie
continue son cours avec ses multiples problèmes de toutes sortes, l’administration
Martelly avec sa routine et l’opposition avec ses dénonciations et ses manifestations
de rues. Ce qui fait que la donne reste inchangée par rapport au mois de
septembre 2014. Alors, ces consultations débouchent-elles sur une entente ou un
déchoucage de l’administration en place ? Avant d’analyser cet imbroglio politique doublé d'une fin de saison pluvieuse avec ses inondations qui tuent,
il serait utile de nous attarder sur certains faits du mois d’Octobre 2014.
LES FAITS SAILLANTS DU MOIS RETENUS
En plus des consultations
conduites (jusqu’à quand ?) par le Président et les manifestations de l’opposition
( Cap-Haïtien, Petit Goâve pour la mise à pied de la Mairesse ou l’Agente
Intérimaire, Cayes contre le black out, à Port-au-Prince, Pétionville et
Carrefour contre l’administration en place), on relève une longue liste de
faits saillants qu’il serait fastidieux de les énumérer tous. Citons, entre
autres, (i) le vol inaugural du 2 octobre 2014 de l’American Airlines (AA) à l’Aéroport International
du Cap-Haïtien et sa charge symbolique, cet événement a donné lieu à des
manifestations de rues en faveur de l’administration Martelly ; (ii) la
mort de Jean Claude Duvalier à l’âge de 63 ans, surnommé Baby Doc, qui a divisé
un peu plus la société haïtienne, au point de pousser l’administration en place
à ne lui consacrer ni les funérailles officielles ni les funérailles nationales,
ce fut l’occasion pour le peuple haïtien de revoir Michelle Bennett, son fils
François Nicolas, sa fille, Michèle Anya et d’écouter l’émouvant éloge funèbre
de l’Ambassadeur Fritz Cinéas ; (iii) la participation de l’Administration
Martelly-Lamothe au Sommet de l’ALBA sur l’épidémie EBOLA à Cuba pour une
réponse régionale avec la participation des deux plus hautes autorité du pays,
le Président et le Premier Ministre, cette peste qui effraie le monde entier et
qui pousse tous les pays à s’y préparer ; (iv) la hausse graduelle du cours du carburant qui
n’a pas fait de vague comme on s’y attendait ; (v) la reprise du dialogue
binational Haïti/République Dominicaine passée presqu’inaperçue ; (vi) le Gouveneman
Lakay ou à Cotes-de-Fer et son plan spécial pour le développement de la zone,
un des pôles touristiques dont le plan de développement a été présenté en 3D
par la Ministre du Tourisme ; (vii) la manifestation du 26 Octobre 2014
avec le slogan Dessalines pral kay
Pétion qui a enfin permis à l’opposition d’atteindre Pétionville sans casse ni
violence, une victoire pour l’opposition radicale après plusieurs tentatives
mais soldée par l’arrestation de deux militants politiques au langage violent, Timothée
et Odigé, qui pourtant n’a commis aucune violence au moment de leur
arrestation, ce qui met en colère l’opposition tout en la renforcant, et fait
grincer les dents aux organisations des droits de l’homme ; (viii) la sélection nationale U17 Championne de la
Caraïbe qui a donné satisfaction et fierté au peuple haïtien en battant les ténors
de la zone comme Trinidad et la Jamaïque ; (ix) la visite officielle du
Président Martelly en Allemagne et en France, accompagné de sa femme, du
Ministre des affaires étrangères, des hommes d’affaires, qui a permis de garder
Haïti au devant de la scène européenne et qui est un peu ternie par cette lettre publiée en France sur la
violation des droits de l’homme par son
administration, a rapporté Radio Kiskeya; cette visite s'est achevée par cette fameuse interview de M. Martelly sur TV5 Monde qui a fait couler beaucoup de salive occultant tout le reste ; (x) la sortie du livre de Jerry
Tardieu, l’entrepreneur principal de l’hôtel Oasis, « Investir et s’investir
en Haïti, un acte de foi »; (xi) le 41e Conseil de Gouvernement
avec pour Thème Environnement ; (xii) « Haïti Fashion Week », l’événement
culturel de la mode du mois avec la participation de plusieurs pays, organisé
par deux spécialistes haïtiens, Maguy Durcé et Michel Châtaigne, compliment à
ces gens courageux qui continuent d’investir et de s’investir en Haïti, malgré
cette crise politique interminable qui mine le pays.
ANALYSE
DE L’IMBROGLIO POLITIQUE
La continuation des consultations du Président Martelly
avec les acteurs de la vie nationale va se poursuivre très certainement après
son retour d’Europe. Les manifestations de rues de l’opposition radicale vont
aussi continuer comme celle du 17
Octobre 2014 dispersée à coup de gaz lacrymogène et de canon à eau. Et ce même 17 octobre, au Pont Rouge, l’administration
Martelly a « célébré » la vie de Dessalines à coup de musique racine
et de compas durant toute la journée jusque tard dans la nuit. Une stratégie
pour casser cette manifestation annoncée par l’opposition radicale en ce 17
octobre ? Le changement de parcours de la manifestation de l’opposition au
dernier moment, l’utilisation de gaz lacrymogène et de l’eau, des manœuvres de
l’administration en place pour casser les manifestations de rues annoncées en
grande pompe par l’opposition ? Toujours est-il que, le 26 octobre 2014,
le jour présumé pour organiser les élections par l’Accord Del Rancho, la manifestation
de l’opposition, assez imposante, a atteint Pétionville, la ville interdite avec son carton rouge en main.
Cette victoire de l’opposition radicale va la booster dans son refus
de dialoguer avec l’administration Martelly. Plus les manifestations vont
prendre de l’ampleur moins il va y avoir de possibilités d’entente entre les
protagonistes de la crise. Avec l’incarcération des militants de l’opposition,
la situation politique devrait s’aggraver et pourrait perturber le processus de
consultations entamé par le Président depuis le mois dernier.
Un oiseau rare
comme Président Préval
Remarquez que ce
processus tire en longueur et commence à s’apparenter avec de la routine. Il faudrait
de temps à autre trouver un oiseau rare comme le Président Préval pour sortir le processus
de consultations d’une certaine léthargie. Cette rencontre avec l’ex-Président
a été un grand coup de M. Martelly. M. Préval a été, comme l’a fait remarquer
M. Martelly, le seul Président à accomplir ses deux mandats en dépit d’une
opposition radicale qui voulait à tout prix sa tête. Il a réussi à « koule
en ba yo » (les berner), et à inciter tout le monde à « nage pou soti »
(se débrouiller pour s’en sortir). A mon humble avis, M. Préval demeure le
meilleur politicien haïtien de ces trente dernières années et laisse l’image d’un
homme honnête qui a su bien manier le système politique corrompu haïtien pour
en tirer le maximum. Prudent comme un serpent, il a su saisir sa proie au
moment opportun et profiter au maximum de chaque opportunité. Qu’est-ce qu’il a
conseillé en privé au Président Martelly ? Etait-ce l’occasion de jeter
les bases d’une alliance politique en vue des prochaines élections ? On n’en
est pas encore là.
Il faudrait
changer de cap
Comme, après cette rencontre entre ces deux hommes, les
consultations ont continué de plus belle avec les autres acteurs de la vie
nationale, on a cette impression qu’il faudrait regarder maintenant du coté des
six partis politiques qui ne reconnaissent pas l’Accord Del Rancho et qui ne
jurent, pour la grande majorité, que par le départ de M. Martelly et M.
Lamothe. Il est clair que les manifestations de rues qui ont repris et se
multiplient à cause, en partie, de l’emprisonnement des deux militants de l’opposition, vont inciter davantage cette opposition là à faire tout ce qui est en son pouvoir pour pourrir la situation politique. Elle ne va pas accepter de négocier avec l’administration
Martelly tant qu’il y a une chance, même une toute petite, de voir partir
Martelly avant la fin de son mandat. Le contraire serait étonnant. L’administration
Martelly devrait redoubler d’effort pour parvenir à une entente avec cette opposition
pour sauver le pays. Il faudrait changer de cap. Au cas où, vraiment comme elle
l’affirme, cette administration voudrait
arriver à organiser les élections, il lui faudrait coûte que coûte trouver une
formule pour une entente avec l’opposition radicale. Elle devrait faire preuve
de plus de bonne volonté encore. Cette bonne volonté doit être perçue par tout
le monde. Pour cela, il faudrait des sacrifices de la part de cette
administration comme la libération des prisonniers dits politiques, la gestion
modérée des manifestations surtout si elles ne sont pas violentes, la modération
du langage par rapport à l’opposition même si de son coté elle continue ses
accusations de corruption, de « dérives dictatoriales » de M.
Martelly, de son intention de diriger par décret à partir du 12 janvier 2015.
Bref, l’administration, tout en cherchant à dialoguer avec l’opposition
radicale, devrait éviter de polémiquer avec elle. Elle devrait tout simplement
répondre par des actes allant tous dans le sens de développement du pays en vue, par exemple, d'attenuer les effets de ces inondations qui tuent.
Un dégel de la
situation globale
Cette attitude du pouvoir exécutif vis-à-vis de l’opposition
radicale devrait favoriser, à mon humble avis, un dégel de la situation
globale, des conditions plus propices à des négociations éventuelles au cas où
la tendance « rache manyok » de cette opposition n’arriverait plus à
mobiliser les manifestations de rues. Et, quand bien même, cette tendance primerait
sur la tendance « négociation », tout le monde absoudrait l’administration
Martelly du fait d’avoir essayé. Il n’y aurait donc rien à perdre par cette
administration, si elle acceptait de prendre ce nouveau cap par rapport à l’évolution
de la situation et par rapport à cette volonté réelle de se positionner pour le
développement durable du pays haïtien.
La radicalisation
de la situation
Et si, dans la réalité, en dépit de son discours tourné
vers les élections, l’administration Martelly ne vise qu’à faire passer le
temps pour arriver à appliquer un quelconque agenda secret, elle pourra
continuer à opérer dans sa routine quotidienne, en poursuivant sa politique du
tac au tac comme on le fait au carnaval, en continuant à se livrer un
certificat de satisfecit, en se regardant dans un miroir pour ne voir que le
coté rose des choses. Et, comme l’opposition radicale dans sa composante
parlementaire (G6) et dans sa composante partis politiques (G6+) ne cédera pas d’un pouce, à moins d’un
miracle, et surtout si elle arrive à mobiliser des gens dans les rues, pour cette opposition, la solution à la crise passe par la mise à pied de l'administration Martelly. Dans ce scénario catastrophe,
ce sera la radicalisation de la situation, son exacerbation. Et les vrais
gagnants de cette bataille rangée entre les enfants de Dessalines et ceux de
Pétion ne seront ni l’opposition politique ni l’administration Martelly, mais
ceux-là qui se tapissent dans l’ombre profitant au maximum de nos querelles
intestines. Pensez-y Messieurs les politiciens! Et si, malgre tout, vous ne pensez pas à une entente pour éviter au pays le chaos, il y aura lieu de nous interroger sur votre patriotisme reel.
Notre interrogation
demeure sans réponse
Alors notre interrogation de départ reste et demeure sans
réponse. Ces consultations débouchent-elles sur une entente entre les
protagonistes ou un déchoucage de l’administration Martelly ?
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