HAITI SE CONJUGUE EN « TION »,
UNE LUEUR D’ESPOIR (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 NOVEMBRE 2014
Le lundi 24 Novembre 2014 a marqué la fin des
consultations du Président de la République, Michel Martelly, avec les
forces vives de la Nation, excepté l’opposition radicale qui a voulu « négocier »
et non « être consultée ». Normal puisque les manifestations de rues
se sont intensifiées comme prévu (http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/10/haiti-consultations-vers-une-entente-ou.html),
au point que, le 18 Novembre 2014, on a enregistré une fusillade. L’opposition
a automatiquement accusé l’administration Martelly d’avoir fait des morts et
des blessés. Le pouvoir a sorti un communiqué pour se décharger de toute
responsabilité en pointant du doigt un secteur anti-démocratique d’être à la
base de cet incident. La police a rétorqué pour expliquer qu’il n’y a que trois
(3) blessés par balles. Le Sénateur JEAN-CHARLES a porté plainte contre deux
hauts dignitaires de l’Etat, le Premier Ministre LAMOTHE et le Ministre de la
Justice, Jean Renel SANON, d’avoir ciblé sa personne et d’avoir attenté à sa vie lors de cette fusillade. C’est la
radicalisation. Depuis le 18 Novembre 2014 jusqu’à ce samedi 29 Novembre, ce
sont les manifestations à Port-au-Prince pour la démission de l’administration
Martelly. Gonaïves s’est mêlée de la partie avec une manifestation en faveur de
cette administration. Et ce vendredi 28 Novembre, le Président s’est adressé à
la Nation sur la fin des consultations et la mise sur pied d’une commission de
consultation composée de « citoyens crédibles » pour trouver la
meilleure formule de sortie de cette crise pré électorale. Lors de la
manifestation de ce samedi 29 Novembre, l’opposition a rejeté cette commission
en décrédibilisant chacun de ses membres.
C’est le cas de dire que
« Haïti se conjugue en « Tion » ; mais y-a-t-il une lueur
d’espoir ? Passons d’abord en revue certains faits saillants,
attardons-nous sur la radicalisation de la situation, dégageons quelques
éléments qui pourraient constituer cette lueur d’espoir et terminons sur les
conclusions appropriées.
FAITS SAILLANTS DU MOIS DE NOVEMBRE 2014
Inondation dans le nord
La fête de la Toussaint et la fête des morts avec les
« Guédés » ont été belles. Saint Charles et Saint Hubert ont été
grandiosement fêtés aux Gonaïves et à Ennery. « Bahon Samdi » et les
« Saints » n’ont pas empêché l’inondation dans le nord d’Haïti, en
particulier au Cap-Haïtien avec une estimation de 7 M USD de dégâts par la
CNSA et 5 morts. Le Ministère de l’agriculture a élaboré un dossier de réponse pour éviter
ces genres de catastrophes sur le long terme. Sera-t-il mis en application ou
enfermé dans un tiroir ?
« Innovative Leader of The year 2014» et
« décoration du Chili »
« Innovative Leader of The year 2014» c’est le prix décerné, à Miami,
par le «Latin
Trade Group » au Premier Ministre Lamothe
qui, selon un communiqué de la Primature daté de 7 Novembre 2014, l’a dédié au
peuple haïtien. « Nous sommes dans une bonne dynamique et le pays avance dans la bonne
direction » a déclaré le PM. «L’administration Martelly utilise la technologie et
l’innovation pour lutter contre la misère et pour garantir un meilleur avenir
au peuple haïtien» a soutenu M. Lamothe, en
invitant les entrepreneurs étrangers à venir investir en Haïti. Pas très loin
de là, à Washington, c’est le Gouvernement du Chili de Michèle Bachelet, par
l’intermédiaire de l’Ambassadeur Valdes, l’ex Chef Civil de la MINUSTAH, sous
le Gouvernement de Transition, qui a décoré l’ex-Premier Ministre, Gérard
Latortue. Tout de suite après, M. Latortue a eu une longue interview avec
Valéry Numa sur Vision 2000 où il a invité les protagonistes à trouver une
issue à la crise haïtienne. Il s’est pris en exemple pour nous conseiller de ne
pas « dénigrer Haïti » sous prétexte de luter contre un ennemi ou un
adversaire politique. C’est ce que nous faisons le mieux de Duvalier à Martelly
en passant par Aristide et Préval. On dirait qu’en faisant du mal à Haïti, on
ferait du mal à ses Dirigeants. Et on est tellement fier de voir ces choses
négatives passer sur les médias étrangers et sur les réseaux sociaux. C’est
bien triste pour nous !
D’autres
petits faits intéressants: Michaëlle Jean à la Francophonie
Au cours de ce mois de Novembre 2014, c’était
aussi (i) la présentation du document d’Orientation de la Banque Nationale de
Développement Agricole (BNDA), ; (ii) le Voyage du Président Martelly et
du Premier Ministre en Equateur ; (iii) La consécration de la Cathédrale
Transitoire de Port-au-Prince, la rénovation de l’ancienne Cathédrale incendiée
en 1991 ; (iv) Les travaux de La Commission Haïtiano-Dominicaine, (v) Michaëlle Jean est élue à la tête de l'organisation internationale de la francophonie (OIF); et (vi) L’agrandissement de l’Hôtel Caribe, 103 chambres supplémentaires, soit un total de 190
chambres, félicitation à son propriétaire, Richard Buteau qui est aussi
Président de l’Association Touristique d’Haïti (ATH) . Pourtant, en politique,
au lieu de nous entendre pour attirer les investissements, nous nous battons
pour les broutilles de pouvoir. C’est la radicalisation, l’exacerbation de la
bataille des clans.
RADICALISATION DE LA SITUATION POLITIQUE
Manifestations anti gouvernementales à Port-au-Prince
Les manifestations de l’opposition radicale pour la
démission de l’administration Martelly se sont poursuivies comme prévu. La
participation du frère de Mme Martelly, Kiko ST Remy, à celle du 18 Novembre
2014, a apporté de l’eau au moulin de l’opposition radicale et a affaibli
l’administration Martelly-Lamothe. Des morts et des blessés selon l’opposition.
3 blessés seulement selon la police. En tout cas, l’opposition n’a pu exhiber
ses morts. La police ouvre une enquête. Aboutira-t-elle ? Député Bélizaire
a été accusé par le Commissaire du Gouvernement d’avoir tiré. Il s’est
volontairement présenté au Parquet. Il n’a pas été inquiété, faute de preuve.
Le Gouvernement a accusé un secteur anti-démocratique d’être l’auteur de ce
forfait. Le Sénateur Moise JEAN-CHARLES porte plainte contre le PM et le
Ministre de la Justice accusant le pouvoir de l’avoir personnellement visé. Le
Sénateur Exius, un autre opposant farouche à l’administration Martelly,
convoque la plus haute instance de sécurité du pays présidée par le Premier Ministre.
C’est la confusion. Des deux cotés, on ne contrôle rien. C’est la surenchère
dans les accusations. « A
contestation absolue, répression absolue. Au final, c’est le coup d’état »
prévient l’Hebdomadaire Haïti en Marche vol XXVIII NO 45. La grande question,
l’administration en place se donne-elle un coup d’Etat ou est-ce l’opposition qui
fait le coup d’Etat et avec l’aide de qui ?
En tout cas, c’est l’intensification des manifestations.
Heureusement, après le 18 Novembre 2014, elles sont de plus en plus pacifiques.
La Police agit aussi de plus en plus modérément malgré les provocations de
certains petits groupes. On n’enregistre pas d’incident majeur si ce n’est
cette voiture blanche incendiée (Réf. Télévision 2000, 29 Novembre 2014).
Manifestations en province
Après les manifestations aux Cayes en relation avec le
courant électrique, c’est la manifestation à Fort Liberté au cours de la
dernière semaine pour la mise à disposition de carburant pour l’électricité.
Elle s’est soldée par le blocage de la
route internationale Cap-Dajabon pour
empêcher les camions chargés de
produits provenant du Parc Industriel de
Caracol d’aller en République Dominicaine pour leur embarquement dans un port dominicain,
alors que l’administration Martelly refuse de construire le port de Fort
Liberté. A ce qu’il parait, la Police aurait tiré à hauteur d’hommes, ce qui
aurait fait 14 blessés, selon certains élus non en odeur de sainteté avec
l’administration en place. La Route Nationale No 1 était bloquée ce lundi 24
Novembre au niveau de la Côte des Arcadins, on ne sait trop pourquoi. Les
slogans étaient hostiles au pouvoir.
Un appui de taille pour Martelly
Par contre, la manifestation
aux Gonaïves du 28 Novembre 2014, conduite par l’Ex-Sénateur, Youri Latortue,
et le Ministre de l’Agriculture, Thomas
Jacques aux cris de :
« Elections, oui, Coup d’Etat, non », était naturellement pro
Martelliste. Gonaïves, le baromètre politique depuis 1986, serait-elle pro
administration Marttelly-Lamothe ? Ce serait un appui de taille pour
Martelly dans cette période plutôt difficile pour le pouvoir en place, surtout
depuis la sortie de Kiko St Remy ce 18 Novembre 2014 contre le PM Lamothe qui
traduit un profond malaise au sein de l’Exécutif. Cette sortie exprime
clairement qu’il existe une bataille rangée au sein de l’Exécutif. C’est la
même chose au sein du Parlement et de l’opposition politique. Ce n’est le discours du 17 novembre de M. DERAS, le Président du
Sénat, entouré de toutes les tendances au sein du Grand Corps, qui y changera
quelque chose. « Tant qu’il existe
un Sénateur, le Parlement demeure », menace-t-il par rapport à la
velléité prêtée au Président Martelly de constater le 12 janvier 2015 la
caducité du Parlement. C’est un véritable discours de chef de l’opposition,
mais, cette fois-ci, il a soigneusement évité la hargne de l’année dernière à
pareille époque. D’ailleurs quelques jours après, face au pourrissement de la
situation et au refus systématique de l’opposition radicale de rencontrer M.
Martelly, il a demandé audience au Président de la République qui a déclaré « rester
ouvert à toute rencontre ».
ELEMENTS
D’UNE LUEUR D’ESPOIR ?
Eviter le vide institutionnel…
le chaos
Face à cette radicalisation politique, notre ami, le
Sénateur Privert, propose une sorte de sortie de crise même s’il s’en
défend : « Face à cet imbroglio
politique et l’imminence du vide institutionnel qui s’annonce à partir du
deuxième lundi de janvier 2015, seul un
accord politique, avec les partis et regroupements politiques de l’opposition
et sous l’œil vigilent des secteurs organisés de la société, est capable
d’éviter au pays de sombrer dans l’inconstitutionnalité, l’incertitude et le
chaos avec toutes ses conséquences pour les acquis démocratiques, la stabilité
politique, la croissance économique et la paix sociale ». Le Sénateur
s’est servi de l’expérience de M. Préval en 2010 tout de suite après le
tremblement de terre, pour faire la proposition d’éviter le vide
institutionnel. Dans cette proposition axée en grande partie sur la
Constitution, on sent l’Homme d’Etat qui veut à tout prix éviter le chaos.
Mais, du côté du G6 au Parlement, du G6+ partis politiques de l’opposition
radicale, voient-ils les choses de la même manière ? De plus, M. Préval
avait la majorité au Parlement donc il pouvait compter sur le Parlement, ce qui
n’est pas le cas pour M. Martelly. De toute manière, pour éviter le vide
institutionnel et… le chaos, aucun sacrifice ne devrait répugner les vrais
Hommes d’Etat. Il a conclu sa proposition ainsi : « Ce n’est pas une proposition de sortie de crise. C’est
uniquement la voie proposée et indiquée aux décideurs politiques pour éviter,
au pays, ce vide institutionnel et évacuer le spectre grimaçant de
l’instabilité et du chaos qui se profile à l’horizon ». Port-au-Prince,
le 20 novembre 2014.
L’adresse à la Nation de M.
Martelly
L’adresse à la nation du Président a eu
lieu, ce vendredi 28 novembre, à 8h00 p.m., sur les ondes la Télévision
Nationale d’Haïti (TNH). Il a dégagé en 2 mois de consultations 5 types d’idées
ou de propositions de sortie de crise (i) Un premier groupe demande de changer le Premier
Ministre et quelques ministres du gouvernement comme moyen pour débloquer la
situation ; (iii) Un autre groupe demande
au Président de prendre ses responsabilité comme l'article 136 de la
Constitution le demande, au deuxième lundi de janvier 2015 ; (iii) Un troisième groupe demande de faire des changement au
niveau du CEP ; (iv) Une quatrième
tendance voudrait que soit mise sur pied une Assemblée constituante pour
résoudre le problème de la Constitution une fois pour toute parce qu'ils
pensent que la Constitution actuelle crée trop de division et demande des
changements après presque 30 ans ; (V) Un
dernier groupe recommande de prolonger le mandat des parlementaires ou bien
encore de mettre sur pied un Conseil que le Gouvernement doit consulter à la
place du Parlement lorsqu'il prend de grosses décisions. (Réf. http://www.haitilibre.com/article-12615-haiti-flash-message-du-president-martelly-a-la-nation.html
).
Mise en place d’une commission
Consultative
Face à cette multitude de propositions et à
« la division » qui caractérise la société haïtienne, le Président a
mis sur pied, par Arrêté, une commission consultative, composée de M. Gérard
Gourgue, Mgr. Patrick Aris, M. Evans Paul, Pasteur Chavanne Jeune, M. Paul
Loulou Chéry, Mme. Odette Roy Fombrun, M. Gabriel Fortuné, M. Réginald Boulos,
M. Rony Mondestin, M. Charles Suffrard, Mgr. Ogé Beauvoir, et dont la mission
consiste à prendre, dans un délai de 8 jours, la décision la plus crédible pour
le déblocage de la situation sur la base des recommandations à lui fournir. Le
Ministre Hériveaux a lu l’Arrêté Présidentiel instituant cette commission. Il
faut souligner, à la fin de son discours, la demande du Président au Parlement
de voter la loi électorale.
CONCLUSIONS
« Gouverner par décret »
Tous ces éléments et d’autres encore constituent-ils une lueur d’espoir pour sortir de la situation de radicalisation politique que nous vivons ? J’en doute. A ce stade, il est difficile de voir l’opposition radicale déboucher sur une forme quelconque de négociation avec Martelly. Ce qu’ils veulent en réalité, c’est le déchoucage de l’administration Martelly. A entendre les manifestants du samedi 29 Novembre 2014, ils rejettent cette commission consultative ainsi que les personnes qui la composent. Avec ces manifestations en cascade qui arrivent à mobiliser du monde, la position « rache manyok » de l’aile radicale de l’opposition l’emporterait sur la position « négociation » de l’aile modérée. J’aimerais bien me tromper. Ce que cette opposition radicale ferait en cas de déchoucage de cette administration, c’est ce qu’elle s’apprêterait à reprocher à Martelly après le 12 Janvier 2015, « gouverner par décret ».
Tous ces éléments et d’autres encore constituent-ils une lueur d’espoir pour sortir de la situation de radicalisation politique que nous vivons ? J’en doute. A ce stade, il est difficile de voir l’opposition radicale déboucher sur une forme quelconque de négociation avec Martelly. Ce qu’ils veulent en réalité, c’est le déchoucage de l’administration Martelly. A entendre les manifestants du samedi 29 Novembre 2014, ils rejettent cette commission consultative ainsi que les personnes qui la composent. Avec ces manifestations en cascade qui arrivent à mobiliser du monde, la position « rache manyok » de l’aile radicale de l’opposition l’emporterait sur la position « négociation » de l’aile modérée. J’aimerais bien me tromper. Ce que cette opposition radicale ferait en cas de déchoucage de cette administration, c’est ce qu’elle s’apprêterait à reprocher à Martelly après le 12 Janvier 2015, « gouverner par décret ».
Un Dieu pour les malheureux
Dans le cas où l’on déboucherait sur une
forme d’entente en combinant les propositions recueillies par le Président et
celle proposée par le Sénateur Privert, en espérant que nos leaders des deux
camps se dépasseraient pour adopter une position patriotique (pays) et non
clanique, ce qui exigerait beaucoup de sacrifices de leur part, on pourrait
déboucher sur cette lueur d’espoir, cette aube qui éclairerait la noirceur vers
laquelle nous nageons avec autant d’énergie du désespoir. Comme il y a un Dieu
pour les malheureux, espérons qu’il touche le cœur de nos politiciens pour
qu’ils nous offrent cette lueur d’espoir à l’orée de cette année 2015 qui nous arrive
dans 31 jours à compter de demain 1er décembre 2014. Que Dieu, dans
son infinie bonté, nous vienne en aide !
1 commentaire:
L’opposition dite radicale n’a pas les moyens de sa politique. Elle est loin de faire mouche comme les GNBistes nan lib qui avaient mis le dos du mal élu Aristide atè a. Ce serait trop facile, de l’opposition manmèl bèf ( Petro Caribe, CIRH, amendements chauve-sauris, parlementaires-consultants, contrats de gré à gré + Robert Marcello…) à l’ “opposition radicale”. Les documents époque sont là. D’ailleurs, toutes les rale Mennen Vini, et pour aboutir à cette commission presidentielle, ne sont pas à l’avantage de l’opposition Rache Manyok ou Zo Blod (dixit le docteur Sauveur Pierre Etienne). Le president Martelly ne pourra pas diriger par decret. La commission presidentielle va trancher dans le sens de tous les protagonistes. Attendons et voir.
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