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mardi 31 mars 2015

LE CALME AVANT LA TEMPETE ?


LE CALME AVANT LA TEMPETE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MARS 2015
En cette fin de mois de mars 2015  caractérisée par un calme surprenant dans tout le pays avec un accent particulier sur le processus électoral sous l’égide de la constitution de 1987, Haïti, l’étonnante, négocie avec la République dominicaine, se protège contre la mouche des fruits découverte en République voisine, rectifie son budget pour l’adapter à la conjoncture, et se prépare aux élections, est-ce « le calme avant la tempête » ?
La Constitution de 1987 ramenée à sa dimension d’œuvre humaine
Bonne fête à la Constitution de 1987! Elle a 28 ans en ce mois de mars 2015. Merci à l’Université Quisqueya de s’y être penchée pour en faire une radiographie sans complaisance. Malgré ses multiples innovations, elle porte en elle le germe de sa propre destruction si l’on se réfère au contexte dans lequel elle a pris naissance (revanche, haine, passion, émotion). Faut-il pour autant la remplacer par une autre où l’amender? Nos spécialistes de l’Université Quisqueya (Dorval, Gousse, Moïse, etc.) n’ont pas explicitement répondu à cette question ? Mais ils l’ont « désacralisée » et lui ont redonné, en mettant en exergue ses multiples faiblesses, sa dimension d’œuvre humaine, donc perfectible. D’ailleurs, le décret électoral qui lui est très lié ne respecte pas le prescrit constitutionnel qui veut qu’il y ait un député par commune (119 députés pour 140 communes) et l’électorat varie d’une commune à l’autre. Comment expliquer, selon Gousse, que la commune des Gonaïves (300,000 Hab) ait un seul député comme n’importe quelle petite commune de la Grande Anse ou du Département des Nippes qui n’ont même pas 50,000 Hab. ? Alors que le ratio normal est de 1 député pour 100,000 Hab. Donc il y a anomalie et au niveau de la Constitution et au niveau du décret électoral en termes de représentativité de la population. C’est notre constitution, il faut avec.   
Une bonne décision au bon moment
La publication du décret électoral et la convocation du peuple en ses comices par le pouvoir en place ont eu pour effets de fendre en multiples morceaux l’opposition radicale qui faisait bloc contre Martelly et la pousser à aller en ordre dispersé aux élections annoncées pour Août2015-jusqu’en Décembre 2015. Comme quoi, une fois de plus, nous démontrons que nous ne pouvons nous réunir que contre quelqu’un ou quelque chose et jamais pour quelque chose, pas même pour Haïti. C’est une bonne chose pour le pouvoir en place de provoquer cette rupture. Une bonne décision au bon moment ! C’est une bonne chose pour l’opposition radicale de choisir la voie électorale. C’est une mauvaise chose de nous retrouver avec 192 partis et regroupements politiques inscrits. Heureusement, le CEP est en train de les réduire. En tout cas, on espère qu’ils se regrouperont par tendance en quatre ou six groupes. Pourquoi pas en trois groupes : (i) Un autour du pouvoir en place, (ii) un autour de l’opposition modérée, et (iii) un autour de l’opposition radicale ?
La chute de la tension politique
La décision du pouvoir en place de convoquer le peuple en ses comices a déplacé le centre d’intérêt des politiciens vers les élections. Plus de manifestations de rue contre Martelly, plus de grèves sauvages, plus de pneus enflammés! Nos politiciens sont occupés à réorganiser leur parti politique en vue de participer aux prochaines joutes électorales. La politique maintenant c’est avant tout une affaire de business. La plupart de nos chômeurs, faute d’autres alternatives, vont tenter leur chance en politique. Un voyage d’étude effectué dans le Nord du pays m’a permis de constater la chute drastique de la tension politique. On ne sent plus cette agressivité très palpable trois à quatre semaines plus tôt. Même la situation de misère semble s’atténuer. On dirait un autre pays. On n’a plus ce sentiment de peur. Il faut dire que le discours au niveau des médias a considérablement changé. L’heure est plus à la justification de ce revirement de l’opposition radicale. Il en est de même pour la situation d’insécurité. L’arrestation de la plupart des bandits qui ont investi les 29 maisons des religieuses de l’église catholique dénoncés au niveau des média et dans des marches organisées à travers le pays par les catholiques, la diminution des actes de banditisme, la reprise des activités nocturnes à Port-au-Prince, autant de signaux conduisant à cet apaisement et à la chute de la tension politique. Et puis, il y a de ces coïncidences heureuses.
Haïti, l’étonnante !
Coïncidences ? Le pays s’est mis à honorer ses artistes de leur vivant. Certes, c’est une pratique qui commence à prendre corps depuis quelque temps, surtout sous l’administration de Martelly, mais, ce mois-ci, on dirait que c’est une affaire de grosse pointure. C’était le tour de Carole Demesmin, de jean Claude Martineau, de Giordani Joseph de l’Orchestre Tropicana et de Yole Derose. La fête a été belle. Beaucoup de gens ont fait le déplacement pour leur rendre un hommage mérité. Dans le cas de Yole, le Président Martelly en personne a payé de sa présence et a même chanté en duo avec Yole, la chanson qu’elle chantait si bien avec son feu mari, Ansy Derose, « Merci ». C’étai superbe! Ces artistes ont reçu des plaques d’honneur pour leur immense carrière. En ces moments de détente, le culturel a pris le pas sur la politique. On en avait besoin après des années de vociférations politiques à la radio, à la télévision, d’accusations sans preuves, de propagande politique. Et pour couronner tout cela, c’est la grande première du second film de Valery Numa, « Bay Bay Papa » à El Rancho qui a pratiquement bloqué Pétion Ville et a fait déplacer la grande foule partout où il est projeté, Gonaïves, Port-de-Paix, etc. on avait besoin de ces moments de détente, d’apaisement, de calme. Et cela va continuer durant la semaine sainte pour les catholiques et aussi pour les vodouisants avec le rara (le carnaval des paysans qui attire de plus en plus de citadins). C’est cela notre Haïti, l’étonnante! C’est à se demander, la principale plaie haïtienne, n’est-ce pas la politique?
Lavalas sur la sellette
Signalons le décès d’un immense communicateur doublé d’un créateur, Bob Lemoine, à l’âge de 72 ans, le 8 mars 2015, notre modèle d’homme de communication (Théatre, Radio, Télévision, cinéma, publicité), le jour de la fête des femmes qu’il a su séduire par sa superbe voix, le jour même du 45e anniversaire de Radio Métropole qu’il a contribuée à créer  et à en faire l’une des meilleures stations de Radio d’Haïti, sinon la meilleure. Parlant de mort, Oriel Jean, l’ex-chef de sécurité du Palais National sous le règne de l'ex PDT Aristide, a été assassiné. Une interview posthume de l’assassiné avec le journaliste, Guyler C Delva, insinue que le secteur Lavalas, qui aurait commandité l’assassinat de Jean Dominique, serait à la base de ce nouvel assassinat pourque  la lumière ne soit jamais faite sur l’assassinat de Dominique. Ce qui a fait des vagues au pays. C’était le principal sujet de conversation au début du mois  de mars 2015, la principale nouvelle au niveau des médias. Le secteur Lavalas est monté aux créneaux pour se défendre du bec et des ongles et accuser les autres de vouloir le déstabiliser en période électorale. Toujours est-il que le lancement du processus électoral a, heureusement pour Lavalas, occulté la saga d’Oriel Jean.
Cap vers les élections
J’ai formulé le vœu et caressé le rêve  de voir la crise haïtienne se régler au niveau des élections, n’en déplaisait à mes amis de l’opposition radicale (Ref. http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/02/carnaval-sans-treve-politique-haiti.html). Je ne me faisais pas d’illusion. Je savais que tant qu’il y avait la possibilité de mobiliser du monde, même en petite quantité, l’opposition radicale se battrait pour déchouquer Martelly. Heureusement, avec la publication du décret électoral et le démarrage du processus d’inscription des partis et groupements politiques (188 inscrits  et  166 aggréés au 2 avril 15), l’opposition radicale a choisi d’aller aux élections même en ordre dispersé. Ce qui a eu pour effet de baisser drastiquement la tension politique dans le pays avec cap vers les élections. L’intérêt des amis d’Haïti pour le processus électoral se manifeste par la visite du secrétaire général sortant de l’OEA, M. Insulza, qui, selon l’hebdomadaire Haïti en Marche, n’a pas eu un accueil trop chaleureux  de la part de la  classe politique haïtienne. Un peu plus tard, ce sont  deux officiels américains du département d’Etat, Thomas A.  Shanon et Thomas C. Adams qui « sont en visite en République dominicaine et Haïti, du 29 au 31 mars. Ils rencontrent de hauts fonctionnaires gouvernementaux, la société civile et le secteur privé. Ils discutent aussi de la préparation du Sommet des Amériques, des relations régionales et des questions bilatérales d’importance. A Santo Domingo, Ils discuteront aussi de questions liées à la migration et aux droits des travailleurs. HPN».
D’un autre coté, Haïti a interdit l’importation des fruits et légumes de la République Dominicaine à cause de la présence de la mouche méditerranéenne des fruits en République voisine. Ce qui a nécessité la mise en place d’une commission mixte entre les deux pays pour faire face à ce fléau. Car l’enjeu est de taille, en particulier pour Haïti qui exporte annuellement environ 12 M USD de mangues franciques aux USA. Elle ne peut pas lésiner sur cette manne, d’autant que, en fonction des multiples problèmes auxquels fait face Haïti, elle a du rectifier son budget pour l’exercice en cours à la baisse
Le Budget rectificatif 2014-2015
En effet, selon une note de presse du ministère de l’économie et des finances (MEF) : « L'enveloppe budgétaire globale diminue de 122.6 à109.7 milliards de gourdes soit une baisse de 11% en raison de la réduction des ressources provenant du fonds PETROCARIBE (environ 10 milliards) et du recours modéré à l’émission de Bons du Trésor (1,5 milliard de gourdes dans le budget rectificatif contre 5,46 milliards de gourdes dans le budget initial). Ceci implique un ajustement à la baisse de crédits initialement projetés.
Ce budget reflète aussi la nécessité de préserver les acquis de la croissance économique récente (assurer la poursuite des services de proximité, finaliser les travaux en phase avancée, former les enfants pour l’avenir, etc.), couvrir les charges associées au processus de réalisation des élections, et assurer une gestion responsable des finances publiques. Il s’accompagne de deux instruments qui permettront d’assurer la stabilité et la transition : 1) un programme d’intervention d’urgence, appelé programme à haute intensité de main-d’œuvre et d’habilitation économique  (PHIMHE) visant à créer un climat d’apaisement social et, 2) un « Pacte » pour l’emploi et la croissance économique visant à relancer le tissu productif local, une action qui s’inscrit dans la durée. Il s’agit en fait d’un dispositif de programmes structurants articulés autour de « Pactes », soit des actions concertées pour stimuler les filières porteuses de croissance dans les secteurs à fort potentiel de production - à l’échelle territoriale -  avec un accent particulier sur la promotion et le développement des petites et moyennes entreprises spécialement dans le secteur agricole (PME) ». Nous avons appris dans les coulisses que le PHIMHE dépasserait 200 M USD. Ce programme de création d’emplois est donc deux (2) fois supérieur par rapport à celui que nous avons recommandé et il est accompagné d’un  dispositif de « programmes structurants ». Cette combinaison de l’urgence et de la durabilité devrait permettre de stopper notre descente aux enfers. N’est-ce pas mon cher ami, Bernard Ethéart ?


En guise de conclusion, le calme actuel caractérisant la vie nationale et qui favorise la visite de nos amis étrangers dans le pays, de nos dirigeants dans certaines parties du pays (le Président Martelly à Ile à Vache, et à Léogane, le Premier Ministre Paul dans le Grand Nord), augure peut-être une nouvelle ère, un nouveau démarrage vers une Haïti démocratique divorçant d’avec cette anarchie nuisible à notre faible économie. Mon optimisme naturel me porterait à le croire. Mais, pour être réaliste et connaissant bien mon pays dont les démons de la politique le tiennent divisé depuis l’assassinat de Dessalines en 1806, divisions notamment exacerbées en particulier en périodes électorales, n’est-ce pas le calme avant la tempête? 

2 commentaires:

Unknown a dit…

Thank you!!!

Unknown a dit…

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