HAÏTI ET LE MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS NO 56 : La force supplante-t-elle le droit ? Crises sécuritaires et recompositions internationales en Juin 2025
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 JUIN 25
Regards croisés sur la scène globale et la tourmente haïtienne
Le mois de juin 2025 s’inscrit dans une séquence historique où la complexité des rapports internationaux se conjugue à l’intensité des crises régionales. Partout, la tentation de la puissance s’impose, reléguant la diplomatie et le droit international à l’arrière-plan. Haïti, plongée dans une spirale de violence inédite, se voit à la fois miroir et symptôme des dérèglements globaux. Dans cet article, nous vous proposons une exploration détaillée des dynamiques à l’œuvre, des scènes diplomatiques tumultueuses du G7 et de l’OTAN ([1], [2], [4], [7], [10]), aux drames quotidiens vécus par la population haïtienne ([12]), en passant par la rupture du « filet de sécurité » offert par la diaspora ([13], [14], [15]). Une analyse approfondie de six pages pour mesurer la portée de ce mois de juin 2025 charnière.
Première partie : Un ordre international fragilisé
La prééminence de la puissance sur le dialogue
Depuis le début du mois de juin 2025, les tensions s’exacerbent sur plusieurs fronts. L’escalade militaire entre Israël et l’Iran, soutenue par une politique américaine offensive ([6], [8]), domine les manchettes. Les frappes aériennes et cyberattaques se multiplient, alors que la communauté internationale peine à imposer des cessez-le-feu durables. L’ONU, affaiblie par les vétos croisés de ses membres permanents, constate son impuissance et voit son autorité contestée.
Au cœur de cette crise, la logique du « fait accompli » prévaut : la recherche de la stabilité par l’écrasement de l’adversaire supplante le dialogue. Les puissances régionales se dotent de nouvelles technologies militaires — drones, systèmes antimissiles, capacités cybernétiques ([9]) — et les alliances se recomposent au gré des intérêts stratégiques. Le Conseil de Sécurité, autrefois garant du droit international, apparaît relégué à un rôle consultatif, spectateur d’un monde en mutation.
Crise ukrainienne et enlisement du conflit
La guerre russo-ukrainienne, toujours sans issue malgré les innombrables tentatives de médiation, illustre la faillite des mécanismes classiques de résolution des conflits. En juin 2025, la ligne de front demeure figée autour du Dniepr, tandis que les pertes humaines et matérielles s’alourdissent. Les bombardements quotidiens sur Kharkiv, Odessa et le Donbass suscitent une vague de réfugiés vers l’Union européenne. Les sanctions économiques, accentuées ce mois-ci par l’embargo sur les hydrocarbures russes, contribuent à la récession mondiale, tandis que les marchés agricoles et de l’énergie sont profondément déstabilisés ([3]).
Du côté ukrainien, la mobilisation générale atteint 400 000 effectifs, avec un recours croissant à la conscription féminine. Les drones de surveillance américains, opérant depuis la Pologne et la Roumanie, offrent un avantage tactique à Kyev, mais la défense aérienne russe, modernisée, inflige des pertes croissantes aux infrastructures civiles. Les agences humanitaires alertent sur la pénurie de médicaments et la multiplication des déplacés internes, dont le nombre dépasse 12 millions en juin 2025 ([5]).
Le G7 au Canada : Priorités redéfinies
Le sommet du G7, tenu à Ottawa du 7 au 10 juin 2025, a recentré le débat international sur les enjeux de sécurité collective ([1]). La lutte contre la prolifération des armes nucléaires, la sécurisation des approvisionnements stratégiques et la gestion des flux migratoires dominent l’agenda. La question du climat, bien que réaffirmée comme priorité à long terme, passe au second plan, éclipsée par l’urgence des crises sécuritaires.
Les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur un plan d’aide d’urgence à l’Ukraine de 35 milliards d’euros, financé en partie par la saisie des actifs russes à l’étranger ([4], [5]). Cette mesure, inédite par son ampleur, divise les opinions publiques et suscite des tensions diplomatiques, notamment avec la Chine et l’Inde, qui dénoncent une violation du droit international des investissements. Le Canada, hôte du sommet, défend un renforcement de l’architecture multilatérale, mais les divergences internes affaiblissent la portée des engagements pris ([3]).
L’OTAN à Rotterdam : L’Alliance sous pression
Le sommet de l’OTAN, organisé à Rotterdam du 24 au 26 juin, témoigne de la volonté des membres de renforcer leur dispositif militaire ([1], [2], [7], [11]). Un objectif ambitieux est fixé : atteindre collectivement 5 % du PIB consacré à la défense d’ici 2035. À ce jour, seuls 11 États sur 32, dont la Pologne (4,7 %) et les Pays-Bas (4,1 %), respectent déjà le seuil des 2 %. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni annoncent des hausses budgétaires sur 10 ans, tandis que l’Espagne et l’Italie réclament une « adaptation progressive » pour éviter la casse sociale.
Les discussions portent sur la modernisation des arsenaux, la mutualisation des stocks (hausse de plus de 30 % en un an) et l’intégration des technologies de rupture, telles que l’intelligence artificielle et la robotique de défense ([9], [11]). L’absence remarquée des partenaires asiatiques, invités mais non présents, révèle les limites de l’extension de l’Alliance hors de ses frontières traditionnelles ([10]). La solidarité affichée envers l’Ukraine – 35 milliards d’euros supplémentaires pour l’aide militaire et humanitaire – reste fragile, contestée par plusieurs membres qui craignent un enlisement à long terme.
Sur le plan politique, la déclaration de Donald Trump, qui plafonne la contribution américaine à 3,5 % du PIB et promet une ligne dure envers l’Iran ([6], [8]), alimente débats et incertitudes sur la cohésion transatlantique. Les divergences internes, exacerbées par la campagne américaine à mi-mandat, fragilisent l’unité du bloc occidental ([7]).
Deuxième partie : Haïti dans la tourmente sécuritaire
L’extension de la violence armée
En juin 2025, la crise sécuritaire en Haïti atteint un niveau sans précédent. Les bandes armées, historiquement concentrées à Port-au-Prince, étendent désormais leur emprise à des villes comme Mirebalais, La Chapelle ou encore Saint-Marc (?). Les hôtels sont réquisitionnés de force, les véhicules détournés à Tabarre ou à Croix-des-Bouquets, et la criminalité s’organise selon un schéma quasi-militaire, avec des réseaux de commandement structurés et des ramifications jusque dans la diaspora ([12]).
La peur s’est installée durablement : couvre-feux non officiels, enlèvements quotidiens, attaques armées sur les routes nationales. Selon les chiffres du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), plus de 4 000 personnes ont été tuées ce seul mois de juin, tandis que 160 000 déplacés internes vivent dans des conditions précaires, fuyant les quartiers assiégés. L’économie informelle, pilier de la survie urbaine, s’effondre sous le poids de l’insécurité, et les services de base – électricité, santé, éducation – sont au bord de l’asphyxie ([12]).
Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) , présidé par Fritz Jean, tente d’initier un dialogue national, mais la légitimité de ses membres est continuellement contestée. Les forces de police, mal équipées et sous-payées, sont débordées. L’intervention de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), sous mandat de l’ONU mais pilotée par le Kenya, tarde à se déployer sur le terrain. Les réseaux humanitaires alertent sur la montée des violences sexuelles et l’effondrement du système scolaire ([12]).
Les dynamiques économiques et sociales
La dégradation sécuritaire a un impact direct sur l’économie. Les transferts de la diaspora, qui représentaient 30 % du PIB en 2024, reculent de 18 % en juin 2025, en raison des difficultés à transférer des fonds et des inquiétudes relatives à la stabilité bancaire ([12], [13]). Les investissements étrangers se contractent, tandis que les entreprises locales ferment boutique ou délocalisent vers la République dominicaine. Le taux de chômage flambe, atteignant 70 % chez les jeunes de moins de 25 ans dans les zones urbaines.
Face à cette crise, la résilience communautaire s’organise : multiplication des réseaux de solidarité, mise en place de corridors humanitaires, initiatives populaires pour la distribution de vivres et médicaments. Cependant, ces efforts restent insuffisants pour pallier l’ampleur de la catastrophe. Les ONG tirent la sonnette d’alarme sur l’insécurité alimentaire, qui touche désormais près de 60 % des ménages haïtiens, soit 7 millions de personnes ([12]).
Gouvernance et perspectives politiques
Le Conseil Présidentiel de Transition peine à construire un consensus autour d’un calendrier électoral ([12]). Les négociations avec les partis d’opposition, les organisations de la société civile et les représentants religieux s’enlisent. La communauté internationale, partagée entre le soutien à la transition et la crainte d’un chaos prolongé, multiplie les missions exploratoires. Aucun accord ne se dessine sur la réforme constitutionnelle, pourtant indispensable pour restaurer la légitimité des institutions.
Les municipalités, privées de ressources, voient leur capacité de gestion réduite à néant. La population, désabusée, participe très peu aux consultations publiques. La défiance envers les élites politiques atteint un sommet historique, tandis que la polarisation idéologique s’accentue autour des questions de sécurité et de justice sociale ([12]).
Troisième partie : La diaspora haïtienne face à la rupture du « filet de sécurité »
Fin du Statut de Protection Temporaire aux États-Unis
Le 27 juin 2025 marque un tournant pour la diaspora haïtienne aux États-Unis. L’administration Trump décide de mettre officiellement fin au Statut de Protection Temporaire (TPS) dont bénéficiaient près de 500 000 Haïtiens depuis le séisme de 2010 ([13], [15]). Cette mesure, validée par la Cour suprême malgré la mobilisation d’organisations civiques et des élus progressistes ([14]), impose le choix entre une régularisation coûteuse et incertaine ou un retour forcé dans un pays en crise profonde ([13], [15]).
Les associations de défense des droits dénoncent une décision inhumaine, qui risque d’exacerber la crise humanitaire haïtienne ([13], [14], [15]). Les familles, souvent installées depuis des décennies, se voient menacées d’expulsion alors que les conditions de retour sont dramatiques : absence de logements, de travail, d’accès aux soins. La communauté internationale, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en tête, appelle à la solidarité et à la recherche de solutions durables pour éviter une tragédie migratoire ([15]).
Impact sur la société et l’économie haïtiennes
La perspective d’un retour massif de migrants pose des défis colossaux. Le gouvernement haïtien, déjà dépassé par la gestion de la crise interne, n’a ni les ressources financières ni les structures d’accueil adaptées ([12], [13], [15]). Les transferts de fonds, dont dépend la majorité des ménages, risquent de s’effondrer, privant le pays d’un soutien vital. Les risques de tensions sociales, de criminalité accrue et de conflits intercommunautaires sont réels, accentuant la fragilité de l’État ([13], [15]).
Quatrième partie : Enjeux humanitaires et géopolitiques croisés
Le rôle des acteurs internationaux
Les organismes multilatéraux (ONU, OEA, Caricom) multiplient les initiatives pour soutenir Haïti. En juin 2025, l’ONU adopte une résolution ad hoc pour renforcer la coopération humanitaire et sécuritaire, mais les moyens restent limités face à l’ampleur de la crise ([12]). La Caricom, en lien avec le Brésil et le Canada, propose une médiation régionale, mais peine à obtenir l’adhésion des principaux protagonistes haïtiens. La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement débloquent des fonds d’urgence destinés à la santé, à l’éducation et à la reconstruction, mais l’insécurité complique les opérations de terrain ([12]). Les organisations humanitaires internationales s’alarment de l’augmentation des attaques contre leur personnel et de la difficulté à acheminer l’aide dans les zones les plus touchées ([12]).
La recomposition des alliances régionales et mondiales
La crise haïtienne, dans un contexte de recomposition géopolitique globale, intéresse aussi bien les États-Unis que l’Union européenne, la Chine ou la Russie ([13], [15]). Chacun tente d’influencer la transition en cours pour préserver ses intérêts stratégiques et sécuritaires. Le déploiement de la MMSS, initiative soutenue par le Kenya, s’inscrit dans une logique nouvelle d’africanisation de la gestion des crises caribéennes, rompant avec la tradition d’intervention occidentale ([12]).
Au plan régional, les relations entre Haïti et la République dominicaine se tendent, la question migratoire devenant un sujet explosif. Les échanges commerciaux chutent, alors que la frontière se militarise pour contenir les flux de réfugiés ([12]). Les organisations de la société civile appellent à une approche inclusive et à la reconstruction d’une coopération transfrontalière basée sur le respect des droits humains ([12], [13]).
Conclusions et perspectives
Pour le monde
Juin 2025 restera comme un mois révélateur de la crise du multilatéralisme et de la montée des logiques de puissance. L’illusion d’une sécurité fondée sur la seule force s’estompe face à la persistance de l’instabilité mondiale ([1], [3], [6], [8]). La nécessité de repenser la gouvernance internationale, en réhabilitant le dialogue et le respect du droit, s’impose comme l’enjeu majeur des prochaines années.
Pour Haïti
La restauration de la sécurité en Haïti passe par une refondation profonde des institutions, une lutte implacable contre l’impunité et la relance de l’économie locale ([12], [13], [15]). Les solutions imposées de l’extérieur ne sauraient suffire : seule une appropriation nationale, associant toutes les composantes de la société, permettra de sortir de l’ornière. La solidarité internationale, pour être efficace, doit s’appuyer sur une écoute active des besoins haïtiens et sur un partenariat respectueux des droits fondamentaux ([12], [13], [15]).
Références
[1] Communiqué final du sommet de l’OTAN, 25 juin 2025.
[2] Rapport OTAN 2025 sur les dépenses de défense.
[3] Analyses économiques CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), juin 2025.
[4] Déclaration conjointe des membres de l’OTAN sur le soutien à l’Ukraine, 24 juin 2025.
[5] Reuters, « UK to fund Ukrainian air defense with frozen Russian assets », 24 juin 2025.
[6] Conférence de presse de Donald Trump, Rotterdam, 25 juin 2025 (retranscription Maison Blanche).
[7] Politico Europe, « NATO summit: Trump’s mixed messages on spending », 26 juin 2025.
[8] The Washington Post, « Trump’s Hiroshima analogy draws backlash », 25 juin 2025.
[9] Rapports du Defense Intelligence Agency (DIA) et de l’AIEA, mai–juin 2025.
[10] Le Monde, « Sommet de l’OTAN : les partenaires asiatiques boudent Rotterdam », 23 juin 2025.
[11] OTAN Briefing, « Enhancements to collective defense logistics », 26 juin 2025.
[12] Déclarations du Conseil de Transition Présidentiel haïtien, 20–28 juin 2025.
[14] haitianbridgealliance.org/haitian-bridge-alliance-applauds-attorney-generals-and-civil-rights-organizations-challenging-trump-administrations-termination-of-tps-for-haitian-nationals-in-court/?utm_source=chatgpt.com