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mardi 30 septembre 2014

HAITI, VERS UNE ENTENTE OU UN « GOUDOUGOUDOU POLITIQUE » APRES LE 12 JANVIER 2015 ?


HAITI, VERS UNE ENTENTE  OU UN  « GOUDOUGOUDOU POLITIQUE » APRES LE 12 JANVIER 2015 ?
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
30 SEPTEMBRE 2014

La rencontre programmée avec le Groupe des 6 Sénateurs (G6) au Palais National, le 1er septembre, n’a pas eu lieu sous prétexte que le Palais n’est pas un terrain neutre. Le Président du  Sénat s’y est  quand même présenté. Comme elle est prévue pour une date ultérieure, le G6 et les 6 partis et regroupements politiques, dont le MOPOD, se sont concertés pour préparer leur plan d’attaque pour « négocier » avec le Président Martelly et/ou le  déchouquer. Car, à entendre certains membres de l’opposition, ils ne pensent qu’au chambardement. Parmi les scénarii analysés  (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/08/haiti-imbroglio-politique-desras.html ), le mois dernier, il ne resterait, en fonction de l’évolution de la situation (déclarations du pouvoir exécutif, mandat d’amenée transformé en résidence surveillée pour l’ex-Président, Jean Bertrand ARISTIDE, consultation entamée par le Président Martelly au Palais National, le 22 septembre, avec la Société Civile, le Pouvoir Judiciaire, les partis politiques comme la KID et l’OPL,  manifestation antigouvernementale au Cap-Haïtien, à Port-au-Prince, non vote du budget par le Sénat, création d’un instrument innovant de l’Etat le 12 janvier 2015, un fonds d’investissement, etc.), que deux scénarii : Le Dialogue et le Déchoucage.  Cet article : «  Haïti, vers une entente ou un « Goudougoudou politique » après le 12 janvier 2015 ? », analysera les possibilités d’un consensus politique tel qu’exprimé par M. Martelly sur les tribunes des Nations Unies, à la 69e session de l'assemblée générale, ainsi que les risques d’un chambardement généralisé, mais il est important de rappeler, avant, certains faits saillants qui pourraient jeter une certaine lumière sur la compréhension de la conjoncture.

FAITS SAILLANTS DU MOIS DE SEPTEMBRE 2014

« Reconduire le budget 2013-2014 »
Le budget de 122 Mrds HTG est voté par la Chambre basse mais non voté par le Sénat. La commission des finances du Sénat a recommandé un vote favorable mais pas dans les mêmes termes que la Chambre basse. Par rapport à cette situation, selon le Sénateur PRIVERT, à l’émission Forum économique de Kesner PHAREL sur Métropole, le 28 septembre 2014, le  pouvoir exécutif pourrait appliquer l’article 18 du décret de 2005, mais  cet article est en contradiction avec l’article 241 de la Constitution. Si l’on doit respecter la Constitution, il faudrait reconduire le budget 2013-2014 dans un premier temps, convoquer à l’extraordinaire, dans un second temps, le Parlement pour faire voter le budget dans les mêmes termes par les deux chambres durant le premier trimestre de l’exercice 2014-2015. Ainsi, la loi de finances pourrait entrer en vigueur constitutionnellement avec la mise application de l’ensemble des mesures prévues dans le cadre de cet Etat de droit prôné par l’administration Martelly. Ces conseils fournis par le Président de la Commission des finances du Sénat nous paraissent plutôt salutaires dans cette conjoncture à la limite explosive. Aux dernières nouvelles, le Gouvernement a mis en vigueur le budget 2014-2015 en évoquant l'article 18 du décret de 2005. 

Les éléments d’une politique des îles : île à vache, île de Latortue, île de la Gonâve
Certaines actions menées au niveau des îles depuis la prise du pouvoir par cette administration méritent qu’on s’y penche même de manière succincte. Depuis plus de deux ans, elle s’est focalisée sur île à Vache pour en faire un pôle de développement touristique avec les infrastructures correspondantes (Aéroport, route, Electricité). En cours de route, le projet s’est de plus en plus élargi à l’agriculture, à l’eau potable, aux logements sociaux, au renforcement de la présence de la police. Tout un plan directeur du tourisme pour la zone a vu le jour. Ce modèle est en train d’être appliqué à La Tortue et à La Gonâve  à partir des actions d’urgence  avant de passer aux choses sérieuses. Un gros investisseur, Carnival Cruise Line, est intéressé, selon le Premier Ministre Lamothe, à s’implanter à La Tortue. Il va investir 70 M USD. Quant à La Gonâve,  toute une série d’engagements est prise après le Gouvernement Lakay ou organisé en ce mois de septembre 2014 sur cette île. A écouter attentivement la Ministre du Tourisme, Mme Balmir Vildouin, on est en présence d’un ensemble d’éléments de politique des îles dont la porte d’entrée est le Tourisme. C’est en quelque sorte une sorte d’innovation en matière de politique. D’où nécessité d’approfondir et de pérenniser cette politique dans le cadre d’un partenarial public-privé.

L’expression du partenariat public-privé dans le secteur agricole
Le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) a signé, ce mardi 30 septembre, à l’Hôtel Royal OASIS, Pétion-Ville, sept (7) protocoles d’accord d’un montant global de 129.5 M avec des investisseurs privés désireux de s’impliquer dans le secteur agricole USD.  Ce protocole d’investissement, qui rentre dans le cadre de la mise en œuvre de la composante 2 du Programme Triennal de Relance Agricole (PTRA), Appui aux Investisseurs et Entrepreneurs privés, marque un nouveau tournant dans le développement de l’agriculture. Certes, l’agriculture familiale a toujours connu des investissements de petits agriculteurs privés qui demeurent encore les principaux financeurs du secteur, mais, cette fois-ci, ce sont les gros entrepreneurs privés haïtiens et étrangers qui investissent dans l’agriculture. En 2013, selon le Secrétaire d’Etat Dorcin, il y a eu des investissements dans l’agri busines de l’ordre de 30 M USD qui ont généré environ 5000 emplois permanents et 20,000 emplois temporaires. En termes de perspectives, il est prévu, pour le premier trimestre de l’exercice 2014-2015, des investissements dans l’agri business de 273 M USD qui pourraient générer plus de 40,000 emplois permanents et autour de 200,000 emplois temporaires. Il faut noter la synergie déployée dans le cadre de ce protocole impliquant à la fois l’Etat (MARNDR, MCI, MEF, Primature, CFI, etc.), le secteur Privé des Affaires avec 7 entreprises. C’est l’expression du partenariat public-privé dans le secteur agricole.

LE DIALOGUE POLITIQUE ENTRE L’EXECUTIF ET L’OPPOSITION DITE REDICALE

L’appui de la communauté internationale au pouvoir en place
Un acteur de la crise haïtienne, la Communauté internationale dans toutes ses composantes, a pris fait et cause pour le pouvoir en place, en particulier l’Exécutif, dans le cadre de cette crise inter haïtienne. Face au refus des Sénateurs du G6 de voter les amendements de la loi électorale, passage obligé vers les élections, une partie importante de l’opinion publique et la communauté internationale les obligeaient à assouplir leur position au point que le Président du Sénat, qui s’est érigé à un moment donné comme chef de l’opposition, a sollicité du Président de la République, en deux occasions en moins de 15 jours au cours du mois d’aout 2014, une rencontre pour  dialogue avec le G6 et l’opposition qui le soutient. Ce que le Président Martelly a concédé, en faisant l’erreur de les inviter au Palais au lieu de leur laisser l’initiative du lieu et de l’agenda puisque ce sont eux qui ont sollicité. D’ailleurs, ils n’ont pas sollicité ce dialogue de gaité de cœur. Malheureusement pour le Pouvoir en place ou heureusement pour l’opposition, en prenant l’initiative de les inviter au Palais, le Président a donné un prétexte à l’opposition radicale de l’accuser de mauvaise foi. Et, comme le Président a pris l’initiative de consulter d’abord un large secteur de la vie nationale, au Palais national et avant son départ pour la 69e assemblée générale de l’ONU, non seulement l’opposition radicale ne s’est pas présentée au Palais, elle l’accuse de vouloir les utiliser pour montrer sa bonne foi vis-à-vis de la communauté internationale (consommation internationale) et bénéficier davantage de son appui déjà inconditionnel. Bref, simplement du « show busines » de la part du Président. En tout cas, le discours du Président à l’ONU a été empreint de sagesse vis-à-vis de l’opposition, il a parlé de « consensus », et promis des  « élections dans le plus bref délai ». Il a évoqué « le principe républicain » et «  l’esprit Dessalinien » pour expliquer sa disposition à dialoguer dans la conjoncture actuelle. Bref, il veut coûte que coûte une entente avec l’opposition radicale, puisqu'il continue les consultations avec tout le monde après son retour de New-York, la Conférence épiscopale, la Réligion pour la paix, le Sénat naturellement sans le G6 qu'il rencontrera en dehors du Palais, selon le Sénateur DESRAS, le vendredi 3 Octobre . 

Pourtant, à entendre les membres de l’opposition radicale, on est en présence d’une opposition plurielle qui a repris du poil de la bête et dont les positions sont plutôt divergentes, certains pour les « négociations », « les discussions sur les préalables avant les négociations proprement dites », etc. et d’autres pour le déchoucage ou la démission de l’administration Martelly. Pour cela, la stratégie de manifestations «  Manch long » est la principale arme pour arriver à leur fin. D’où les manifestations au Cap et à Port-au-Prince (soutien au Président Aristide).

De la surenchère des deux cotés
C’est peut-être de la surenchère des deux cotés avant des négociations sérieuses. Selon ce qui est rapporté plus haut, une partie de l’opposition campe sur sa position de déchoucage de l’administration Martelly. Mais du coté du pouvoir aussi, l’hebdomadaire Haïti en Marche, dans un article datant du 17 septembre 2014, « L’international semble plutôt vouloir décourager le dialogue !‘Apre nou, se nou »    a relevé ce double langage : « On est comme à la croisée de nombreux chemins. D’un côté le président Michel Martelly maintient son intention de reprendre le dialogue avec l’opposition, jusqu’aux plus radicaux. De l’autre il tire à boulets rouges sur cette dernière, demandant au peuple de ne pas voter pour ceux qu’il qualifie pratiquement d’anticapitalistes et d’incapables, alors que lui et le premier ministre Laurent Lamothe sont en train de ‘transformer tout le pays en un vaste chantier.’ Anthony Barbier du MOPOD, Emission Ramasé de Radio Caraïbes du 27 septembre 2014, a relevé ce double langage du Président en comparant son discours à la 29e assemblée générale de l’ONU et sa prise de parole dans une église protestante de New-York. Sénateur Benoit a qualifié « d’intempestives » les déclarations du Président Martelly à New-York sur Radio Vision 2000, le 30 septembre 2014. De toute manière, il serait préférable, pour rester positif, de voir dans cette surenchère juste une manœuvre des deux cotés pour arriver à un consensus pour Haïti et non à ce chambardement annoncé.

LES RISQUES D’UN CHAMBARDEMENT GENERALISE

Si les pourparlers échouent et, au 12 janvier 2015, si le Président constate la caducité du Parlement, les risques d’un chambardement généralisé demeurent possibles. L’OPL parle de « Tsunami politique », le MOPOD de « Goudougoudou politique » en référence au tremblement de terre qui  a fortement secoué notre pays avec plus de 300,000 morts. D’autres parlent de chaos. Actuellement, la situation économique de la classe nécessiteuse et de la classe moyenne est des plus terribles. En témoignent les difficultés des familles à envoyer les enfants à l’école pour la rentrée de septembre, en dépit des efforts du Gouvernement. Le dollar qui passe à environ 46 HTG décapitalise la majorité des Haïtiens, surtout ceux-là qui ont des enfants à l’étranger (USA, République Dominicaine, Canada, France, etc.). Manger tous les jours est un véritable  exploit pour la plupart des familles haïtiennes. Les plus nécessiteuses mangent parfois. Le nombre de mendiants augmente dans les rues. Le chômage fait rage. Avec l’augmentation graduelle du prix du carburant prévue pour l’exercice 2014-2015, la situation va s’aggraver à moins d’arrêter des mesures d’accompagnement. Le retard mis dans le vote du budget, s’il est une mauvaise chose pour le pays, permet un sursis dans l’augmentation du prix du carburant. En tout cas, avec l'entrée en vigueur du budget, l'augmentation graduelle du prix du carburant se fera tout au long de l'exercice 2014-2015 comme prevu, a insisté la Ministre de l'économie et des finances ce lundi 1er Octobre 2014. Ce qui augmente aussi les risques de manifestations en cas d'exploitation négative de cette mesure par l'opposition lorsqu'elle sera prise.  Par rapport à cette situation économique, les moindres faux pas de l’administration en place seront exploités par l’opposition radicale pour aboutir à des manifestations anti gouvernementales avec l’espoir de ce chambardement tant souhaité.

CONCLUSIONS

Tout en rose … ou tout en noir
Au pouvoir en place de continuer à vendre l’espoir avec la signature de ce protocole d’accord de 129.5 M USD dans le secteur agricole et d’autres actions entreprises par l’administration Martelly pour contrecarrer les manœuvres  de l’opposition. Par exemple, la convocation à l’extraordinaire pour le vote de certaines lois utiles pour le pays, prendre des mesures pour améliorer la vie des plus nécessiteux, fournir des opportunités à la classe moyenne, adopter des dispositions pour un dialogue fructueux avec le G6 et ses alliés. Toutefois, des deux cotés, il faudrait éviter les extrêmes avec la propagande d’un pouvoir qui présente tout en rose et celle de l’opposition qui présente tout en noir. L’opposition devra modérer son langage vis-à-vis de l’administration Martelly et vice versa. Le pouvoir n’a non plus aucun intérêt à diaboliser l’opposition.

Le respect de l’adversaire politique
Pour les observateurs, l’administration Martelly a assez d’actions à montrer à la population qui sont réalisées ou en cours de réalisation à travers le pays à la manière de TéléGinen, « Gade’l jan lié a » sans verser dans des ajouts qui dérangent beaucoup plus qu’ils apportent un plus. De même, l’opposition a suffisamment d’arguments sérieux pour montrer les faiblesses de l’administration Martelly. Il n’est pas nécessaire d’utiliser les déclarations sans aucune preuve, basées sur des amalgames, des déductions, des accusations de corruption, de vols, de dictature, d’accointances avec les dealers de drogue, de kidnapping. Cette façon d’agir frise souvent le mensonge, l’irrespect pour aboutir à un fossé de plus en plus large entre les deux parties. Si on veut ce dialogue, ce consensus, cette concertation, cette conférence nationale, attendu par la majorité des Haïtiens,  il faudra commencer par le respect d’autrui, respect de l’autre, respect de soi-même et respect  de l’adversaire politique.

Un deal gagnant-gagnant ?


Haïti est à la croisée des chemins. La communauté internationale est certes du coté de l’administration Martelly ; mais il ne faut pas voir en cet appui une quelconque carte blanche donnée à cette administration ni une entente « en bas table » pour vendre les ressources du pays. C’est à la limite une bonne chose pour le pays, pour son développement. Bill Clinton qualifie ce gouvernement comme « le plus décisif » avec lequel il ait eu l’opportunité de travailler. N’oubliez pas que c’est ce même Bill Clinton qui a ramené Aristide en 1994 sous les applaudissements de la majorité des Haïtiens.  C’est un Monsieur dont la voix est très écoutée à travers le monde. Pourquoi l’appui à Martelly serait-il mauvais pour Haïti, alors que celui à Aristide aurait été bon pour Haïti ? Dialogue ou Chambardement (?), il serait intéressant pour nous d’étonner le monde une fois de plus, en évitant coûte que coûte le « Goudougoudou politique », et en nous investissant dans  un dialogue inter haïtien, dans une conférence nationale sans perdants ni gagnants à la manière de la proposition en 10 points de Daly Valet. N’est-ce pas là un deal gagnant-gagnant pour Haïti, nos politiciens et nous-mêmes face à cette communauté internationale qui ne nous a jamais fait de cadeau ?

dimanche 31 août 2014

HAITI, IMBROGLIO POLITIQUE, DESRAS INCONTOURNABLE (?)


HAITI, IMBROGLIO POLITIQUE, DESRAS INCONTOURNABLE (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 AOUT 2014


A la fin de mon article de juillet 2014, j’avais évoqué ce malaise indéfinissable lié à une sorte d’anthropie  politique et je m’interrogeais sur ce qui allait à se passer après le Carnaval des fleurs (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/07/haiti-football-gogo-beaucoup-de-bonnes.html). En dépit de la mise en place  de ce CEP « acceptable » réclamé par la plupart des acteurs politiques, le Sénat n’a pas encore voté, plus de 158 jours depuis son vote par la Chambre Basse, la loi électorale amendée. La grande majorité des haïtiens y inclus certains anti-Martelly, attendent impatiemment  ce vote. A chaque fois, le Groupe des six Sénateurs radicaux (G6), qui réclame l’application de l’article 289 pour la mise en place d’un CEP constitutionnel, infirme le quorum pour empêcher ce vote. Alors que tout le monde craint le spectre de la caducité du Parlement le deuxième lundi de Janvier 2015, un groupe de cinq Sénateurs (G5), proche du Pouvoir Exécutif, se propose de démissionner pour dénouer la crise électorale et favoriser l’organisation des élections à la fin de cette année, la date du 26 octobre n’étant plus de mise. Le Bureau du Sénat, en deux occasions, a sollicité un dialogue entre le  Président Martelly et les six Sénateurs y incluse l’opposition. Dans sa réponse, le Président invite les six Sénateurs au Palais National le lundi 1er septembre 2014 à 11h A.M. (rencontre reportée). En fonction des scénarii possibles, il nous est venu à l’esprit ce titre : «  Haïti, imbroglio politique, Desras incontournable(?)». Alors, analysons les divers scénarii sur le tapis avant de déboucher sur des considérations et conclusions appropriées.

I.                   LES CINQ SCENARII

Scénario No 1 : Le vote des amendements de la loi électorale par le Sénat avec appui du G6
Le CEP n’attend que le  vote de la loi amendée pour organiser les élections à la fin de décembre 2014. Selon M. Desras, la loi électorale telle qu’amendée et votée par la Chambre Basse, est valable à 90% pour organiser les élections. Lors d’une réunion organisée avec le CEP présidé par Max Mathurin, une commission sénatoriale, par la voix de notre ami, le Sénateur Privert, a proposé une vingtaine d’amendements en plus pour bonifier le texte amendé par la Chambre Basse. En cas de vote de ces amendements par le Sénat avec l’appui du groupe des 6 sénateurs « radicaux », il faudrait retourner le texte à la Chambre des Députés pour un vote dans les mêmes termes. On n’en est pas encore là, on en est même très loin. Le G6 est ferme sur sa position, il faudrait, au préalable, monter un autre CEP selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution. Et cela dure depuis plus de 150 jours. Le Bureau du Sénat sollicite un dialogue politique entre l’administration Martelly et l’opposition politique, en particulier le G6,  et pourquoi ne pas constater le blocage du processus par le G6 et ouvrir la voie  à l’application de l’article 12 de l’accord del Rancho ?

Scénario No 2 : L’application de l’article 12 de l’accord del Rancho
Il est un fait indéniable qui saute aux yeux, le G6 ne veut pas voter les amendements à la loi électorale et l’opposition radicale l’encourage à continuer en ce sens. La proposition de dialogue avec l’Exécutif ressemble beaucoup plus à une manœuvre pour gagner du temps. Les amendements additionnels proposés par la commission sénatoriale pourraient intégrer le texte dans le cadre d’une mise en application de l’article 12 de l’accord del Rancho. Or, pour appliquer l’article 12, il faudrait au préalable que les parties signataires de l’accord constatent la faillite de l’une d’entre elles. La Commission de suivi de l’accord devra se réunir avec les protagonistes pour constater le blocage et en faire part à la Médiatrice (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/04/haiti-sur-le-fil-du-rasoir-faut-il-en.html). Dans ce cas, il n’y a qu’une partie prenante qui pourrait refuser cette faillite, le Sénateur Desras. Voyons voir. Le Président de la République ne verrait aucun inconvénient à constater cette faillite ; le Président de la Chambre basse non plus ainsi que les partis politiques signataires de l’accord. Il ne resterait que le Président du Sénat à être réticent dans le constat de cette faillite. Dans le cas contraire, il serait donc possible d’appliquer sans problèmes l’article 12 par l’ensemble des parties prenantes, en prenant en compte les amendements proposés par la commission sénatoriale. Desras a-t-il l’étoffe nécessaire pour aider à débloquer la crise électorale  dans le cadre de l’accord Del Rancho qu’il a lui-même dénoncé à un moment de la durée? Ou laissera-t-il l’Exécutif avec le Groupe des cinq (G5) passer en force ?

Scénario No 3 : La démission du G5, le passage en force de l’administration Martelly vers  les élections ( ?)
Cette menace  de démission du G5 pourrait devenir réalité si elle favorisait le déblocage du processus comme le croit ce groupe. En effet, en démissionnant en bloc, ce groupe proche du pouvoir exécutif, permettrait à ce dernier de constater l’incapacité du Sénat à fonctionner et de constater la caducité du Parlement avant le 2e lundi de janvier 2015. Ainsi, l’Exécutif pourrait prendre un décret pour organiser les élections en décembre 2014, tout au moins le premier tour. Cette formule est vertement critiquée par le G6 et l’opposition. Mais est-elle si mauvaise que ça ? Ce sera une bonne chose si elle permettra d’éviter le chaos qui s’annonce le 15 janvier 2015. Ce serait une réédition  de ce qui s’est passé en 1999 sous la première présidence de M. Préval. Ce passage en force de l’administration Martelly vers les élections serait susceptible de jeter de l’huile sur le feu, selon certains observateurs, et de conduire à la chute du régime en place. En tout cas, cela arrangerait énormément l’opposition politique et le G6 ainsi que le Président du Sénat qui serait appelé à la rescousse pour remplacer le Président Martelly. Sacré Desras qui voudrait éviter tout cela, en proposant au Président de dialoguer avec l’opposition et le G6 !

Scénario No 4 : Le Dialogue politique entre l’Administration Martelly et l’Opposition
Le Président du Sénat a écrit, en deux occasions en moins de 15 jours, au Président de la République pour lui proposer de dialoguer avec le G6 et l’opposition. M. Martelly a répondu qu’il reste ouvert au dialogue mais semble réticent à l’idée de ce dialogue entre l’Exécutif et le G6, car les tentatives passées n’ont rien donné. Le porte parole de la Présidence a expliqué que c’est une manœuvre  visant à faire passer le temps et rendre complice l’Exécutif du blocage du processus électoral et du chaos qui pourrait suivre le 15 janvier 2015. Malgré cette attitude de refus de la part de l’Exécutif, la 2e réponse du Président Martelly au Président du Sénat, qui est venue après la conférence de presse du G6, a invité le G6 à venir dialoguer avec lui au Palais National, le lundi 1er septembre 2014 à 11 h AM. ( pourparlers reportés à une date ultérieure). 

Lors de la conférence de presse du G6, le 28 aout 2014, Sénateur Jeanty croit qu’il faudra négocier l’après 2014, car, selon lui, M. Mathurin, le Président du CEP, avait expliqué que, pour réaliser les élections, il faudrait mettre six mois à partir de la mise à disposition de la loi électorale au CEP. Partant de cette explication, Sénateur Jeanty croit qu’il ne peut y avoir d’élections en 2014. D’où la nécessité de s’asseoir avec l’Exécutif pour préparer l’après 2014 dans le cadre d’un dialogue inter haïtien (pourquoi ne pas revenir à El Rancho ?). Il a prêté l’intention à l’Exécutif d’être de connivence avec l’International pour diriger par décret et liquider les ressources du pays. C’est au bureau du Sénat, a-t-il précisé d’entamer des négociations avec l’Exécutif et non au G6 de solliciter ce dialogue. Ce que le Bureau du Sénat a fait avec la réponse positive du Président que l’on sait mais en fixant le lieu de la rencontre au Palais National. La grande question, pourquoi le G6 ne se décide à négocier que maintenant alors que la loi électorale amendée est à la chambre haute depuis plus de 150 jours ? De plus, le G6, à ce qu’il parait selon le Sénateur Benoit (émission Ramase de Radio Caraïbes du 30 aout 2014), n’accepterait pas d’aller au Palais National. Le G6 a toujours été sur la même position que le MOPOD. Or, à entendre Tunep Delpé, le MOPOD ne jure que par le déchoucage de l’administration Martelly-Lamothe. Donc, quelle est la signification de l’expression « négocier l’après 2014 » dans l’esprit du G6 ? N’est-ce pas, comme le pense l’Exécutif, une manœuvre de plus pour faire passer le temps, et nous ajoutons, avec l’espoir d’un chambardement qui emporterait l’administration Martelly-Lamothe ?

Scénario No 5 : Le déchoucage de l’administration Martelly-Lamothe
Le Sénateur JEAN-CHARLES du G6 n’a jamais caché ses intentions vis-à-vis de M. Martelly. Ce dernier doit coûte que coûte laisser le pouvoir. C’est aussi la position du MOPOD. C’est la raison pour laquelle le MOPOD n’a pas été à El Rancho. Pourquoi subitement l’opposition changerait-elle d’avis vis-à-vis de Martelly? Cette opposition là y inclus le G6, moins la FUSION, veut des élections mais sans Martelly. Alors de quelle négociation parle-t-on si ce n’est de faire passer le temps avec l’espoir de ce chambardement? En effet, la situation socio-économique et politique n’est pas du tout rose. Il y a ce malaise indéfinissable qui a favorisé cette complicité interne pour mettre dehors plus de 300 prisonniers à la prison de Croix-des-Bouquets. La reprise d’une soixantaine d’entre eux est loin de résoudre le problème. Ce malaise c’est aussi le mandat d’amenée contre l’Ex-Président Aristide lancé par le juge Lamarre Bélizaire et basé sur le rapport Paul Denis réalisé sous le gouvernement de transition (2004-2006) ; c’est aussi le mandat contre Me André Michel lancé par le même juge Bélizaire comme complice des frères Florestal dans l’assassinat d’un étudiant en 2010, Frantzy Duverseau ; c’est enfin la hausse des cours du carburant à partir d’octobre 2014 annoncée par le ministre de l’économie et des finances au Sénat, Mme Jean-Marie. Il n’est donc pas si utopique que cela de voir partir l’administration Martelly-Lamothe dans le cadre d’un chambardement généralisé bien orchestré par l’opposition radicale, en exploitant intelligemment toutes les informations susceptibles de ternir davantage l’image de cette « administration corrompue » , responsable, selon elle, de tous les maux du pays. Dans le cas d’un tel chambardement, le pouvoir exécutif reviendrait au Président du Sénat, selon l’article 149 de la Constitution amendée.

II.                CONSIDERATIONS

Rappel de la finalité du Dialogue Del Rancho
Malgré tout ce qu’on a pu dire de l’accord del Rancho, il demeure jusqu’ici, le cadre acceptable pour résoudre nos problèmes. Voici ce qu’a prévu le Protocole de Médiation élaboré et signé par les parties prenantes avant le lancement du dialogue et qui demeure encore valable si on veut continuer à dialoguer entre nous : « La médiatrice a pour objectif principal de conduire les Parties à conclure un accord politique sur les points de l'agenda concerté afin (i) de  résoudre les problèmes urgents du pays et (ii) de jeter des bases pour un dialogue national. Cet objectif principal se décline dans les objectifs spécifiques suivants :(i) Réunir les principaux acteurs autour de la table du dialogue ;(ii) S'assurer du bon déroulement des délibérations ;(iii) Amener les Parties à parvenir à un consensus ». Les précisions apportées par le document cadre ou Protocole de Médiation ont permis de mieux comprendre ce qui était visé : « un pacte politique sur la gouvernance démocratique, l'organisation d'élections crédibles, la question de l'amendement constitutionnel, la consolidation des Institutions démocratiques basée sur le respect du principe de la séparation des pouvoirs ». C’est ce que nous allons appeler plus tard, le Dialogue Del Rancho. Un échec, selon l’opposition. Une victoire, selon les participants. Après ce premier résultat, le Protocole de Médiation a prévu « de jeter les bases d’un Dialogue National ». C’est ce qu’a toujours réclamé la nation, en particulier, notre ami, M. Tunep Delpé avec sa plaidoirie pour une conférence nationale.  Malheureusement ce protocole de médiation est arrivé à un mauvais moment pour l’opposition radicale.

La raison fondamentale de la non participation du MOPOD au Dialogue Del Rancho
En effet, lorsqu’il a démarré, le Dialogue Del Rancho a favorisé en quelque sorte le pouvoir en place face à une opposition qui gagnait du terrain dans le processus de déchoucage de Martelly et de Lamothe. C’est la raison fondamentale de la non participation du MOPOD à ce dialogue. Il a contrarié ses plans qui étaient de voir Martelly partir avant la fin de son mandat. L’opposition radicale appuyée par le Sénat était à deux doigts d’obtenir gain de cause. Le dialogue Del Rancho a stoppé net tout cet élan. D’où l’animosité de l’opposition politique radicale ainsi que le G6 vis-à-vis  de ce Dialogue qu’ils ont qualifié de toutes les épithètes les plus dégradantes. A mon avis, sans ce dialogue, le pays aurait été à feu et à sang, car les partisans de Martelly n’allaient pas laisser faire l’opposition sans bouger. C’était pour éviter cet affrontement fratricide que la Conférence épiscopale s’est offerte comme médiatrice pour essayer de juguler la crise inter haïtienne. De toute manière, l’application de l’article 12 de l’accord Del Rancho reste encore une option pour éviter le spectre grimaçant du 2e lundi de janvier 2015.

Le jeu force à couper
Jusqu’à présent, l’opposition accuse l’Administration Martelly comme seule responsable de la non réalisation des élections dans le pays depuis trois (3) ans, car c’est sa responsabilité. En un certain sens, elle a raison. En 2010, l’opposition politique ne voulait pas non plus d’élection avec M. Préval. Elle a estimé qu’après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, les conditions n’étaient pas réunies pour avoir de « bonnes élections, crédibles, honnêtes et démocratiques ». M. Préval a fait la sourde oreille et a maintenu le cap vers les élections sans la participation d’une bonne frange de l’opposition de l’époque. L’administration actuelle se retrouve à peu prêt  dans la même situation. Elle doit coûte que coûte se décider. Certes, c’est une bonne chose de répondre positivement à une sollicitation d’un ultime dialogue avec le G6, et ceci même au sein du Parlement ou sur terrain neutre (un hôtel par exemple), au cas où ces pourparlers éviteraient l’application des solutions extrêmes (démission du G5, passage en force, et autres) de la part du Pouvoir Exécutif. Dans une conjoncture socio-économique et politique aussi potentiellement explosive, aucun sacrifice ne devrait répugner l’Administration Martelly-Lamothe pour atténuer la situation politique. Mais, dans le cas où ces pourparlers se révéleraient une sorte de leurre, cette administration aurait intérêt et gagnerait à mettre tout en œuvre pour organiser le premier tour des élections en décembre 2014 avec ce CEP que tous les observateurs avertis trouvent plutôt acceptable, et  avec une loi électorale amendée prenant en compte tous les nouveaux amendements proposés par la commission sénatoriale.  Car le jeu force à couper.

III.             CONCLUSIONS

Des initiatives heureuses
Le pays est réellement fatigué de tourner en rond. Cet imbroglio politique analysé dans cet article n’a pas empêché le pays de prendre des initiatives heureuses. Citons, entre autre, trois exemples de la volonté du peuple haïtien de sortir de la routine politique déprimante : (i) Le Camp Jeunesse, organisé avec succès, par le Ministère de l’agriculture à l’intention de 1000 jeunes venant de tous les coins d’Haïti, s’est soldé, entre autre, par la promesse du Titulaire de l’agriculture d’inscrire dans le budget 2014-2015 10 M HTG pour la mise en place de 10 projets agricoles, soit un par département ; (ii) l’initiative ô combien honorable du Journaliste bien connu, Valery Numa, d’honorer les 10 lauréats issus des examens d’Etat (Philo) que son mouvement compte accompagner durant leurs études universitaires ; et (iii) la 2e fête du Lac organisée par le Groupe FONHTA (Fondation haïtienne pour le tourisme alternatif) et le Ministère du Tourisme au niveau du Bourg de Thomazeau, a mobilisé les jeunes de la zone dans des activités touristiques et culturelles qui ont permis aux visiteurs de découvrir le formidable potentiel de cette zone riche mais délaissée. Ces trois initiatives venant d’horizons divers ont été bien accueillies par le public, en particulier,  par les jeunes qui ont montré leur soif d’excellence et leur fatigue par rapport à cette situation politique qui n’en finit pas de leur voler leur espoir dans un meilleur futur pou Haïti et pour eux-mêmes.

Desras n’est-il pas incontournable ?

 Il est temps que les protagonistes politiques cessent de nous effrayer, apprennent à nous vendre le rêve, en évitant de nous annoncer des catastrophes politiques, en gardant tout simplement le sens de la mesure et en appliquant les règles de la bienséance. Effectivement, selon l’ingénieur Antoine Dimanche, le Pays dispose  de l’or, de l’argent, du cuivre, du pétrole prêt à être exploité,  du gaz naturel (5 Trillion de m3 de propane), du béton bitumineux à l’état naturel sur 24 km2 (zone de Jérémie), etc. Une fois ces ressources en phase d’exploitation, l’haïtien le plus pauvre aurait, selon lui, 100,000 USD au minimum sur son compte en banque. De quoi nous redonner espoir et paix intérieur. De quoi nous faire rêver. C’est pourquoi  certains d’entre nous ont beaucoup regretté l’annulation par le CEP de la date du 26 octobre pour le premier tour des élections à cause du blocage exercé par le G6 depuis maintenant 158 jours. C’est la persistance de la crise électorale. C’est donc la faillite de l’un des signataires de l’accord Del Rancho, en l’occurrence le Sénat. Le constat de la faillite de l’une des parties par l’ensemble devrait conduire sans hésiter à l’application de l’article 12 de l’accord en question. Ces ultimes pourparlers entre le Président et le G6, s’ils auront lieu vraiment, devraient, quel qu’en soit le résultat, favoriser un consensus sur cette question d’élections. Il serait souhaitable que, en cas d’échec de ces pourparlers, le Président du Sénat n’hésite plus à constater, cette fois-ci, la faillite du Grand Corps et opte, comme les autres parties signataires de l’accord Del Rancho, pour l’application de l’article 12 de cet accord. Et qu’on en finisse! Elections ou chambardement, Desras n’est-il pas incontournable ?