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dimanche 31 décembre 2017

HAITI : BILAN 2017, PERSPECTIVE 2018 : D’UN BUDGET CHETIF AUX GRANDES PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT, DES DEFIS PRESQU’INSURMONTABLES ?

HAITI : BILAN 2017, PERSPECTIVE 2018 : D’UN BUDGET CHETIF AUX GRANDES PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT, DES DEFIS PRESQU’INSURMONTABLES ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 DECEMBRE 2017

C’est la fin de l’année 2017, c’est le moment des bilans. Tout le monde y va de son bilan. Pour le pouvoir en place, tout sera positif, la même chose pour le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Pour l’opposition, tout sera négatif. Pour nous autres, on essaie de rester objectif, de garder l’équilibre. Nous savons que c’est un bilan annuel. Ce n’est pas en un an que le pays allait se développer, surtout «  que l’année fiscale 2017 était mal partie à cause de la nature qui n'a pas été clémente dès les premiers jours du mois d'octobre. Les résultats positifs obtenus, particulièrement dans la campagne agricole de printemps 2016, ont été quasiment bousillés par le passage du cyclone Matthew dans au moins quatre des dix départements géographiques du pays (le Grand Sud). Cette catastrophe naturelle a considérablement décapitalisé les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs pour ne citer que ceux-là. Si des actions adéquates ne sont pas menées en vue d'une recapitalisation appropriée, cette situation risque de mettre à mal la performance attendue de l'économie haïtienne en 2017[1] ». C’était la conclusion des comptes économiques de l’IHSI que nous avons adoptée pour notre « bilan 2016 et perspectives 2017[2] ». Les comptes économiques 2017 font état d’un taux de croissance du PIB de 1.2% par rapport à l’année 2016 dont le taux était de 1.5% presqu’égal au taux de croissance de la population (1.4%). Ce qui en principe traduirait une stagnation de la situation économique du pays pour ne pas dire une aggravation de la situation. Alors, quel bilan pour l’année 2017 et  quelles perspectives pour l’année 2018 ? Que peut-on espérer d’un budget aussi chétif de 144 Milliards et 200 millions de gourdes (2.3 Mrds d’USD), alors que nos voisins immédiats tablent sur des budgets de 7 Mrds d’USD (Jamaïque) et 15 Mrds d’USD (République Dominicaine)?

Avant d’essayer de trouver réponses à ces interrogations, passons en revue les faits saillants de l’année 2017 ainsi que ceux du mois de décembre 2017.  Les réponses se retrouveront dans l’analyse de la situation globale du pays eu égard à l’aspect socio-économique et à l’aspect sociopolitique pour déboucher sur des conclusions appropriées orientées vers le relèvement et le développement du pays en tenant compte de la départementalisation des actions sectorielles prévue dans le cadre de la caravane du changement et des défis plutôt insurmontables.

A.      Fait saillants de l’Année 2017 et du mois de Décembre 2017

Durant l’année 2017, Haïti, dont les indicateurs  sont au rouge par rapport aux autres pays de l’Amérique Latine et la Caraïbe (LAC), sauf en matière de sécurité globale où elle se place en première[3] position par rapport à ses voisins immédiats, Cuba, la République Dominicaine et la Jamaïque. Par rapport aux autres indicateurs un seul exemple  suffit pour une meilleure compréhension de la situation : le  faible  taux de croissance enregistré cette année de 1.2%.  Il ne saurait être autrement si on se réfère à la plupart des faits saillants de l’année 2017

En 2017, le pays est marqué par : (i) le passage de Matthew au début de l’exercice (octobre 2016) dont les dégâts sont estimés à 32% du PIB dans le PDNA de Janvier 2017, publié par le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE) ; (ii) les incertitudes politiques (contestations des résultats de la Présidentielle, l’accusation de blanchiment d’argent à l’encontre du Président élu) jusqu’à la prestation de serment du Président Moïse le 7 Février 2017, (iii) la mise en place plutôt laborieuse du gouvernement âprement négocié avec le Parlement pourtant allié de la nouvelle administration tout de suite après le carnaval national aux Cayes décidé « point barre »  par le Président ;  (iv) le lancement de la stratégie caravane du changement plutôt mal perçue à ses débuts mais mieux comprise eu égard aux résultats immédiats obtenus tant au niveau de la Vallée de l’Artibonite qu’au niveau de la Péninsule Sud;(v)  les manifestations de rue liées à la loi des finances 2017-2018 (Budget) qualifiée de « budget criminel » par l’opposition politique, utilisé comme prétexte pour exiger le départ du Président, et  qui se sont maintenues jusqu’en Novembre 2017 avec un certain ralentissement depuis la maladie du principal leader de l’opposition, Jean Charles Moïse ; (vi) la publication du rapport PETROCARIBE  sur la corruption indexant très majoritairement les anciens hauts responsables de l’ère Martelly et quelques entreprises dont une des entreprises de l’entrepreneur Jovenel Moïse devenu entre-temps Président de la République;( vii) la remobilisation de l’Armée d’Haïti le 18 novembre 2017 contestée par la majorité des partis de l’opposition;(viii) l’annonce de l’extension de la caravane du changement sur l’ensemble du pays à partir de 7 Février 2018 avec la possibilité de réaliser 4000 Km de route, des infrastructures scolaires, sanitaires, aéroportuaires, portuaires, agricoles et sociales (logements), etc, au cours du quinquennat et l’implication politique et financière d’une telle démarche par rapport au budget 2017-2018 et les budgets à venir.

De plus en Décembre 2017, il y a eu :
(i)                  La commémoration du 75e anniversaire de la consécration officielle d’Haïti à Notre Dame du Perpétuel Secours. Une fête grandiose qui a montré la ferveur de la foi catholique et la force de frappe de l’Eglise Catholique d’Haïti. Malheureusement, quelques semaines plus tard, un prêtre catholique de grande renommée, Joseph Simoly, trouvera la mort sous les balles assassines des bandits armés. Les bandits auraient été mis en prison.

(ii)                La visite du Président en Europe pour participer, à Paris, au sommet Planet One, rencontrer le Président Macron de la France et le Roi de Belgique, à Bruxelles,  où, une fois de plus, les déclarations du Président par rapport à la corruption au sein du Pouvoir Judiciaire (dénoncée auparavant par le Bâtonnier Me Stanley Gaston)  qui l’ « aurait forcé » à nommer des juges corrompus et la valise de la Première Dame par rapport à la petite bourse de la Reine de Belgique ont occulté l’essentiel c’est-à-dire les discussions entamées et les promesses obtenues Par M. Moïse lors de son passage en Europe et les fructueuses rencontres avec la diaspora haïtienne et les entrepreneurs étrangers. Le grand public par la presse interposée n’a retenu que les gaffes diplomatiques du couple présidentiel et la déclaration inopportune du Président. Quant au Pouvoir Judiciaire, il a pris très mal les propos du Président au point  de boycotter une invitation du Président au Palais National et d’exiger des excuses de la part de ce dernier.

(iii)               L’organisation de deux événements inédits, la rencontre des barreaux francophones en Haïti où il a été simulé un procès très intéressant pour un non initié comme moi aux affaires juridiques et la rencontre en Haïti des Parlementaires ACP (Afrique Caraïbe, Pacifique). Ces deux rencontres se sont très bien déroulées à la satisfaction des organisateurs haïtiens et de leurs invités étrangers. C’est assez positif pour notre pays de recevoir près de 1000 invités étrangers sans incidents majeurs, en dépit de l’état lamentable de la Capitale.

(iv)              Les activités festives de fin d’année avec le retour au pays de la plupart des orchestres de la diaspora  et du grand chanteur français, Charles Aznavour, si petit par la taille. Les orchestres performeront tant au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qu’au niveau des villes de province. Ce qui dénote un certain niveau de regain d’activités culturelles en cette fin d’année liée aussi à un niveau de sécurité globalement acceptable.

(v)                Un fait saillant particulier, l’émission Ranmase de ce samedi 30 décembre 2017 a été exceptionnelle. En l’absence de son animateur vedette, Jean Mona Metellus, l’émission a été animée par un jeune, Fernando Estimé à qui nous adressons nos plus vives félicitations. Pour une fois, cette émission politique, la plus populaire  du pays, avec une écoute presque planétaire, a été plutôt technique avec sept invités dont cinq  de marque : Thomas Lalime, Etzer Emile, Azad Belfort, Lemoine Bonneau, Stanley Lucas, Peterson Benjamin Noel et Lafortune Yves. On était loin de la cacophonie habituelle antigouvernementale à partir des diatribes des membres de l’opposition encouragées par l’animateur Metellus. C’était surprenant pour les habitués de cette émission. Cette fois-ci, on avait droit à des débats certes contradictoires essentiellement sur la situation économique du pays mais tellement instructifs. Je pense que c’est l’orientation qu’il faudra désormais donner à cette émission, tout en conservant son aspect primordialement politique. Comme il n’y a pas de politique sans économie,  un zeste économique et une certaine neutralité de M. Metellus enverraient une image beaucoup plus positive de notre pays tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’Haïti et pourraient contribuer à la stabilité politique et à l’augmentation des investissements en Haïti.

B.      Analyse de la situation Socioéconomique

L’analyse de la situation socio-économique se base essentiellement sur les résultats officiels fournis par les comptes économiques annuels de l’Institut Haïtien de  Statistique et d’informatique (IHSI), et des informations glanées çà et là au niveau des médias et de certains documents.

Bilan économique

Comme nous nous sommes interrogés  dans le bilan 2016 et perspectives 2017, le secteur agricole n’a pu refaire le même exploit en 2017 qu’en 2016[4]. C’aurait été difficile dans la conjoncture haïtienne de cette année de transition marquée par les faits marquants rapportés plus haut et surtout les impacts de Matthew tel que nous l’avons perçu en Octobre 2016[5] « Matthew aura des impacts macro-économique et social, avec un ralentissement de la croissance. Sur le plan social, l’ouragan est venu aggraver une situation déjà précaire au niveau des départements frappés, avec « une population en moyenne plus pauvre que la moyenne nationale. Par ailleurs, la forte concentration des ménages pauvres autour de la ligne de pauvreté extrême laisse présager un fort risque pour ces ménages de tomber dans la pauvreté extrême.» Insiste le document du MEF. De plus, avec les dommages et pertes enregistrés dans le secteur agricole, la situation de la sécurité alimentaire risque de s’aggraver aussi, sans oublier les risques d’exode vers Port-au-Prince, l’exacerbation « des problèmes de malnutrition et de retard de croissance des plus jeunes, ainsi que leur vulnérabilité aux maladies ». Pour atténuer  ces risques et menaces, il faudrait rapidement venir avec ce plan de réponse national avec ses trois phases, urgence, relèvement et reconstruction/ développement. Ce plan de relèvement et de reconstruction devrait mobiliser  des ressources financières substantielles tant au niveau interne qu’externe.» Ce plan est venu sous forme de la stratégie de la caravane du changement déployée dans la Péninsule Sud dont les trois départements ont été les plus touchés par Matthew et les actions sectorielles prévues dans le "plan d’action de relèvement et de développement de la Péninsule Sud" élaboré par la cellule de Pilotage de la Caravane du Changement ont pris du retard dans leur démarrage réel (mi-Aout 2017) à cause d’un déficit de communication ; ce qui fait que les effets immédiats de ces actions sectorielles ne sont pas pris en compte dans le bilan de l’IHSI, les informations n’étant pas encore disponibles.

Par conséquent, selon IHSI[6] « Comme pressenti, l’économie haïtienne n’a pas pu faire mieux en 2017 qu’en 2016. Selon les estimations préliminaires, le Produit Intérieur Brut (PIB), en volume, n’a crû que de 1.2% contre 1.5% en 2016. Ce ralentissement du rythme de croissance peut-être imputé au caractère particulier de l’exercice fiscal 2016-2017. En effet, le premier semestre de l’année fiscale 2017 a été surtout marqué par (i) le passage du cyclone Matthew (ii) la fin des turbulences électorales de 2016 (iii) le départ du gouvernement de transition et (iv) l’installation des nouvelles autorités, avec tout ce que cela suscitait en termes d’incertitudes, d’attentisme et même de changement de priorité chez les acteurs économiques tant privés que publics.»  A mon humble avis, cela aurait pu être pire avec des dégâts estimés à 32% du PIB provoqués par Matthew, les inondations périodiques dans le Nord, le passage au large de la côte Nord d’Haïti de deux ouragans de catégorie 5 (IRMA et MARIA), le cyclone politique du 12 septembre 2017 avec le budget 2017-2018 comme prétexte. 

Regardons avec IHSI, la situation au niveau sectoriel : (i) Secteur Primaire,  « La branche agricole, pour laquelle on redoutait surtout une croissance négative suite aux dégâts causés par le cyclone Matthew, a pu « garder la tête hors de l’eau » avec une progression de 0.8% de sa valeur ajoutée à prix constant, contre 3.0% en 2016. » (ii)  Secteur secondaire avec un apport significatif des industries agroalimentaires issues du secteur agricole « De leurs côtés, portées par les fabrications de produits alimentaires et de boissons (2.8%), les industries manufacturières n’ont crû que de 1.0%, à cause notamment de la chute des industries textiles (2.0%) et de celles des fabrications de papier et des activités d’impression (0.2%). Ces dernières avaient enregistré en 2016 une augmentation de 2.7%, consécutive à la forte demande liée aux campagnes électorales. L’autre branche qui a aussi contribué à la hausse du PIB en 2017 est la Construction (Bâtiments et Travaux Publics, BTP) dont la valeur ajoutée à prix constant a progressé de 0.9%. Il convient toutefois de noter que depuis l’année dernière, cette branche d’activité n’affiche plus le dynamisme dont elle faisait montre de 2011 à 2015, ce qui dénote un certain ralentissement dans le processus de reconstruction post-séisme". Pas forcément, puisque la période de transition politique n’a mis l’accent que sur les élections et non sur les aspects Bâtiments et Travaux publics. Ce qui est différent avec l’administration actuelle qui a repris certains travaux mis en veilleuse depuis la transition au cours du 4e trimestre de l’exercice écoulé et au cours du premier trimestre de l’exercice 2017-2018. (iii) Secteur tertiaire. « Pour sa part, mené par le Commerce (1.3%), les Services non marchands (0.8%) et les Transports et Communications (1.0%), le secteur tertiaire n’est pas en reste avec une croissance moyenne de 0.9% de sa valeur ajoutée ».

Si on regarde le tableau suivant, on remarquera  que les trois secteurs sont presqu’en équilibre (0.8, 1.0 et 0.9). Avec de tels taux de croissances et le taux global de PIB de 1.2 %, le processus de paupérisation s’accentue, puisque le taux de croissance de la population (1.4%)  est supérieur au taux de croissance de l’économie (1.2%).  On ne peut redresser l’économie sans une politique agressive de réduction de population pour la ramener au niveau de 1% l’an et même inférieure à 1%.  En même temps, il nous faudrait une politique économique visant des taux de croissance à deux chiffres. Ce qui nécessiterait des investissements très importants, autour de 4 Mrds d’USD/an. Le budget de 4 Mrds d’USD sera financé comment ? Un élargissement de l’assiette fiscale ? Des investissements étrangers et nationaux importants ? D’où la nécessité d’abord d’une stabilité politique durable. Nos acteurs politiques en ont-ils conscience? « La stabilité politique est le premier des biens publics » a répété à maintes reprises le Président Moïse. Quelles mesures concrètes adoptées pour convaincre les autres leaders politiques ?

Laissons la politique pour plus tard et revenons à l’économie, en particulier aux grandes composantes du PIB avec IHSI.

PIB ET SES COMPOSANTES EN SEPTEMBRE 2017

PREVISIONS ECONOMIQUES
2013
2014
2015
2016
2017
DEFINITIVES
SEMI DÉFINITIFS
ESTIMÉES
ESTIMÉES
ESTIMEES
PIB EN MILLIARDS HTG
15017
15 439
15 626
15 853
16039
Taux de croissance réel
4.2%
2.8%
1.2%
1.5%
1.2%
Secteur primaire
4.6%
-1.4%
-5.4%
3.0%
0.8%
 Secteur secondaire
9.0%
5.5%
3.2%
0.8%
1.0%
Secteur tertiaire
5.0%
3.6%
2.9%
1.2%
0.9%
Source : IHSI- Septembre 2017- Tableau reconstitué par l’Auteur de l’Article à partir des comptes économiques de l’IHSI  et le tableau de septembre 2016 du MEF

Les grandes composantes du PIB. « En ce qui concerne les grandes composantes du PIB, l’analyse de la demande globale indique que c’est surtout la Consommation finale (2.7%) suivie de l’Investissement (0.9%) qui ont tiré la croissance, puisque les exportations, en volume, ont plutôt chuté de 1.2%. La consommation finale a été surtout boostée par la hausse des transferts de la diaspora (15.4%) et l’accroissement de la masse salariale tant au niveau public (8.0%) que privé (15.5%) .

Par ailleurs, en dépit d’une certaine stabilité du taux de change (surtout à partir du mois de mai), des tensions inflationnistes ont été quand même observées dans l’économie haïtienne qui a clôturé l’année fiscale 2017 avec 15.4% d’inflation en glissement annuel contre 12.5% en 2016. On notera toutefois que les tensions inflationnistes ont été beaucoup plus prononcées du côté des produits locaux (16.0%) que des produits importés (13.3%) ».

La non prise en compte des actions sectorielles dans le cadre de la caravane par l'IHSI

Nous insistons sur le fait que les effets immédiats de la caravane du changement n’ont pas été pris en compte dans l’analyse du bilan de l’IHSI,les premières estimations de l'augmentation de la production de riz au niveau de la Vallée datent de novembre 2017 et, même là encore, ce ne sont pas des informations officielles. Voyons maintenant certains aspects de la stratégie de la caravane du changement en termes de bilan partiel. La caravane du changement, qui est une construction dynamique et collective, un mouvement participatif utilisant une méthode itérative dans l’élaboration des documents d’exécution et la mise en œuvre des politiques publiques, vise à «  mobiliser les forces vives du pays pour transformer les rapports sociaux historiques et aboutir au développement endogène et durable d’Haïti. » Elle ambitionne de favoriser une imbrication intra-sectorielle des actions, leur articulation intersectorielle et leur intégration à l’action gouvernementale en vue de maximiser leurs effets et impacts pour le bien-être des citoyens. Elle utilise deux modes opératoires : Opérations coup de poing (urgence) et Opérations Structurantes (relèvement et développement) sans compartimentage réel entre les deux. Cette nouvelle stratégie de coordination et de gouvernance privilégie une exécution déconcentrée et décentralisée des actions sectorielles. En témoignent ses interventions phares dans la Vallée de l’Artibonite et dans la Péninsule Sud d’Haïti. Ces interventions couvrent la période allant du 1er mai  au 31 décembre 2017, soit une partie de l’exercice 2016-2017  de mai à septembre 2017, et le premier trimestre de l’exercice 2017-2018, d’Octobre à décembre 2017.

Malgré les faiblesses liées au secteurs impliqués dans la caravane surtout au niveau des structures déconcentrées et décentralisées chargées de l’exécution directe des actions sectorielles en principe avec l’appui des structures centrales de ces secteurs (incompréhension du concept caravane au début, résistance au changement, manque de personnel qualifié au niveau départemental, manque de matériels lourds, manque et mauvaise habitude des opérateurs d’engins lourds, manque d’encadrement des acteurs impliqués, etc. ), les effets immédiats sont très encourageants. (i) l’amélioration de la disponibilité de l’eau au niveau des périmètres irrigués (40,000 ha Vallée de l’Artibonite, Plaine des Cayes, de Torbeck, de Cavaillon et des Nippes) par  l’amélioration des conditions de drainage ; (II) l’amélioration des conditions de circulation  en termes de traitement de routes et  pistes intercommunales et rurales, plus de 500 Km au niveau de la Vallée de l’Artibonite, du Sud, de la Grande-Anse et des Nippes, en termes d’asphaltage et de bétonnage de route et de rues aux Cayes, à  Camp-Perrin, Carrefour Méridien (environ 25 Km); (iii) la protection des villes, villages et terres agricole agricoles par le curage et l’endiguement de rivières avec des mouvements de matériaux (Maïssade, Léogane, Cayes, Cavaillons, Nippes), soit une quantité de sédiments grossiers d’environ 500,000 m3 dont 328,000 réutilisés en remblais de protection et autres;(iv) La mise à disposition des moyens de production agricole en termes de distribution de tracteurs agricoles (45 Unités), d’engrais à prix subventionnés (10,000 TM), de semences de qualité (740 TM de semences de riz TCS10 au niveau de la Vallée de l’Artibonite, d’amélioration du cheptel animal (Nippes); (v) l’augmentation de la production agricole au niveau de la Vallée particulièrement de 2.5 à 4TM à l’hectare, ce qui correspond à une augmentation d'environ 30,000 TM de riz supplémentaires globalement ; (vi) l’amélioration de la protection de l’environnement  par la mise en place de structures mécaniques (Sud)  et biologiques (Sud, Grande-Anse et Nippes) en termes de construction de méga pépinières de 4.5 M de plantules fruitières et forestières et de distribution de centaines de milliers d’essences fruitières et forestières ; (vii) l’amélioration de la qualité de vie de la population en termes de réparation d’écoles avec l’Education Nationale appuyée par le FAES (414 salles de classe réhabilitées), de cliniques mobiles,  de réparation de structure sanitaires, de traitement de gîtes larvaires avec la Sante Publique, de réparation de 66 systèmes d’adduction d’eau potable avec la DINEPA au niveau de l’ensemble de la Péninsule Sud, de mise en place de station de traitement sanitaire et d’eau potable  (Lagrange), de réparation de logements sociaux (70 Unités dont 25 totalement achevées au niveau de la Grande-Anse) avec l'EPPLS,  d’électrification rurale en termes de mise en place de réseaux intelligents à Les Irois en phase d’achèvement et de distribution de kits d’énergie solaire à prix subventionnés à Lagrange (Artibonite), à Tiburon (Sud)  et Chansolme (Nord-Ouest).  Ces interventions ont occasionné des dépenses de l’ordre de 2.5 Mrds de Gourdes et des engagements de l’ordre de 3 Mrds de Gourdes, soit au total 5. 5 Milliards de gourdes (Réf. Rapport Bilan Caravane- Mai -Décembre 2017,  CASDA 2017).

Ces effets immédiats devraient en principe améliorer la situation pour l’exercice en cours, même s’il faut prendre en compte les inquiétudes exprimées par les économistes eu égard au déficit budgétaire constaté et au financement monétaire (4 Mrds HTG en Décembre 2017)  au premier trimestre de l’exercice en cours, et aussi éviter d’autres cyclones politiques annoncés par l’opposition radicale qui vise toujours le déboulonnage de l’administration en place.

C.      L’analyse de la situation politique

On ne va pas trop s’attarder sur la situation politique  dont la plupart des faits saillants traités plus haut ont contribué à la situation économique désastreuse d’Haïti. De plus, durant tout l’exercice 2016-2017 et l’année civile 2017, les faits politiques qui dominent l’actualité ont été abondamment analysés. Cette entropie politique qui nous caractérise depuis des décennies et exacerbée ces 6 dernières années devrait constituer notre principale préoccupation, car elle engendre l’instabilité politique qui, elle, est l’ennemie de l’investissement donc du développement. Si l’on en croit les propos du Président par rapport à la stabilité politique, il doit faire de son mieux pour éviter toute parole et action pouvant nuire à la stabilité du pays. Dans le cadre des états généraux sectoriels de la nation en préparation, il doit tout faire pour avoir la participation de l’opposition radicale, entreprendre la lutte contre la corruption, tout en créant des conditions pour la stabilité gouvernementale et éviter de mettre à pied des ministres comme cela s’est passé sous l’administration de M. Martelly.  Il faut éviter aussi d’entrer en conflit avec le Parlement et le Pouvoir judiciaire, tout en luttant contre toute  tentative  de corruption au sein de l’appareil étatique et des collectivités territoriales. La décision d’étendre la caravane de changement sur l’ensemble du pays est une bonne chose en soi. Le budget actuel ne dispose pas assez de provisions pour soutenir les actions sectorielles prévues dans le cadre de cette extension de la stratégie de la caravane sur tout le pays.  Ce qui devrait déboucher sur une rectification du budget pour l’adapter aux circonstances et envisager pour l’exercice 2018-2019 sa départementalisation et son augmentation substantielle. Alors se posera la question de son financement. Avec cette mentalité haïtienne de tout obtenir du gouvernement (services d’eau, d’électricité, emplois, éducation, etc.) sans rien donner en retour, que va-t-on faire pour financer le budget rectifié et surtout les autres lois budgétaires qui suivront ? Ce sont autant de défis à relever dont on ne voit pas encore comment.

D.      Conclusions et Recommandations

L’action gouvernementale a donné les résultats analysés plus haut. Ces résultats sont loin d’être satisfaisants. La situation de pauvreté et de misère du pays risque  de s’empirer en cas de cyclones politiques, de catastrophes naturelles liées au changement climatique, à la position géographique d’Haïti sur la route des cyclones et sur les failles tectoniques. Il faut noter aussi que la stratégie caravane du changement pourra aider à faire face à certaines situations prévisibles.  En témoignent les premiers effets immédiats et son grand potentiel d’ajustement et d’amélioration.  « La mise en œuvre des différentes opérations après seulement 7 mois d’exécution montre » des signes encourageants, malgré certaines faiblesses dues à sa jeunesse et héritées du mode de fonctionnement du pays avec les résultats que l’on sait. « En effet, les résultats de certaines interventions sont visibles, notamment au niveau de la production rizicole dans la Vallée de l'Artibonite, au niveau de l'amélioration des axes routiers, du curage et d’endiguement des rivières. Le gouvernement, en guise de perspectives, mettra le cap sur la poursuite et le renforcement des interventions déjà engagées afin que toutes les activités qui étaient prévues dans ce plan soient mises en œuvre au bénéfice de la population des départements affectés et même les étendre à tout le pays en général » a conclu le rapport bilan de la CASDA relatif  à la caravane du changement.

Selon les vœux exprimés par le Président, la caravane s’étendra sur tout le pays le 7 février 2018, ce qui exigera des moyens supplémentaires pour cette extension sur les 7 autres départements non encore touchés et d’autres défis à surmonter dont la disponibilité d'engins lourds au niveau de l'ensemble des départements, au prorata des actions sectorielles départementales, de la taille des départements, des priorités communales et sections communales, etc., (Travaux publics, Agriculture, environnement, etc.) . L’administration Moïse a-t-il les moyens de sa politique?

En termes de Perspectives  pour 2018, référons nous à nouveau à l’IHSI, « Enfin, tenant compte des goulots d’étranglement spécifiques auxquels l’économie a dû faire face en 2017, toutes choses égales par ailleurs, l’année 2018 devrait être plus prometteuse. Cependant, il ne faut pas non plus perdre de vue que le pays, étant situé sur la trajectoire des cyclones, a besoin d’un plan de contingence adéquat pour atténuer considérablement l’impact distributif négatif des déréglementations climatiques. En tout cas, l’atteinte de l’objectif de 3.9% de croissance du PIB en 2018 passera, entre autres, par la relance effective et garantie des activités agricoles, la redynamisation du secteur des bâtiments et travaux publics et l’amélioration continue du climat des affaires.» Et nous ajoutons: l'amplification de certaines actions sectorielles prévues par la caravane du changement.

Aujourd’hui est le dernier jour de l’année 2017. Demain, Haïti va avoir 214 années d’existence. Les acteurs du  développement, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, les collectivités territoriales, la presse, la société civile, le secteur privé, la communauté internationale veulent tous voir un mieux-être pour Haïti. C’est leur souhait à tous pour ce pays. Travaillons ensemble réellement, sans arrière-pensée, pour le développement intégral, endogène et durable de ce coin de terre qui pourra redevenir, avec l’appui de tous ses fils et filles et de "ses amis" de la communauté internationale, la perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbes. Aussi disons-nous à tous et à toutes, meilleurs vœux en la patrie commune ! Que Dieu nous bénisse et bénisse notre chère Haïti!






[1] Réf.http://www.ihsi.ht/pdf/comptes_economiques_en_2016.pdf                  
[2] https://jrjean-noel.blogspot.com/2017/01/haiti-bilan-2016-perspectives-2017-le.html : HAITI : BILAN 2016, PERSPECTIVES 2017, LE SECTEUR AGRICOLE PRINCIPAL RESPONSABLE DE LA CROISSANCE DE 2016, PEUT-IL IL REFAIRE « LE MEME EXPLOIT » EN 2017?
                                                                                                                           

dimanche 3 décembre 2017

HAITI, LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION VERS UNE REVOLUTION TRANQUILLE EXIGÉE PAR LA CONJONCTURE

HAITI, LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION VERS UNE REVOLUTION TRANQUILLE EXIGÉE PAR LA CONJONCTURE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
3 DECEMBRE 2017

Je m’étais promis de ne plus revenir sur cette thématique de la corruption après mes quatre (4) articles sur le sujet, « Lutte contre la corruption, nécessité de protection spéciale pour le Président Préval » (Réf. Le Nouvelliste),« Indice de perceptions de la corruption et toi [1]», « Indice de perceptions de la corruption et projets[2] », « Indice de perceptions de la corruption et Institutions[3] ». J’avais promis à mon ami, Henriot Nader, qui m’a conseillé de laisser tomber cette thématique, de ne plus y revenir. Il se retourne peut-être dans sa tombe du fait que j’y reviens dans cet article. Il aurait compris car la conjoncture l’exige. Avant de s’y attarder, passons brièvement en revue les faits saillants du mois de Novembre 2017.

Faits saillants du mois de Novembre … voilà pour l’essentiel
Le mois de Novembre 2017 est riche en événements sensationnels. Ce sont (i) les réactions des indexés dans le rapport Beauplan sur PETROCARIBE de la Commission d’éthique et d’anti-corruption ; (ii) l’annonce du déploiement de la caravane du changement par le Président J. Moïse sur tous les départements à partir du 7 Février 2018, moyennant l’élaboration des plans d’action départementaux (PARD en cours) et la mise à disposition de moyens dont les matériels lourds commandés; (iii) l’incident survenu à l’école Maranatha, à Carrefour, et son lot de morts du côté de la police nationale d’Haïti (PNH) et des civils ; (iv) la remobilisation de l’armée d’Haïti le 18 Novembre 2017, et la désignation son commandant en chef, en la personne du Général Jodel Lesage ; (v) le rapport de la commission sur l’application de la loi sur les partis politiques qui  a recommandé un montant de  572 M HTG pour financer 58 partis politiques ; (vi) le retour au pays du principal leader de l’opposition, Jean-Charles Moïse, après des soins intensifs à Cuba ; (vii) le voyage éclair du Président Jovenel Moïse au Venezuela soldé par la renégociation de deux accords  de 97 M USD dont 82 M USD, dans un premier temps (12 mois) pour les infrastructures agricoles, l’énergie, des infrastructures routières, et, dans un second temps (horizon 12 mois), 15 M USD pour vendre au Venezuela des produits comme la farine, les pâtes alimentaires, les haricots, le riz et le café[4] ; (viii) le symbolisme du 29 Novembre 1987 ou « le massacre de Ruelle Vaillant » commémoré par l’opposition en termes de manifestations de rue et le pouvoir en place en termes de discours et dépôt de gerbe de fleurs du Chef de l’Etat sur les lieux, en présence du Président du Sénat, M. Y Latortue, et du Président du Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ), M. Cantave ; (ix) le lancement de la neuvaine de l’Eglise Catholique en préparation au 75e anniversaire de la consécration d’Haïti à Notre-Dame de l’Immaculée Conception, avec cette attente de l’église catholique par la voix du Cardinal Langlois de voir  « Une Haïti vivable. Une Haïti décidée à mener la guerre contre l’impunité, la corruption, la pauvreté… où chacun apprend à se responsabiliser ». Voilà pour l’essentiel.

La corruption, une vraie préoccupation pour le Président

Depuis son discours d’investiture, le Président de la République ne cesse de claironner qu’il va lutter contre la corruption. Il a récidivé en plusieurs occasions, il a même déclaré que le pays a cinq gros problèmes : corruption, corruption, corruption, corruption et corruption. A deux rencontres auxquelles j’ai pu assister, il est revenu sur cette thématique. J’ai donc déduit c’est une vraie préoccupation pour lui.

Le rapport de la commission sénatoriale sur PETROCARIBE « partial », « partiel », « partisan », « inconstitutionnel», quel que soit l’adjectif qu’on lui attribue, pose  la problématique de la corruption dans le pays. Le rapport de Paul Denis sous l’administration Alexandre-Latortue en a fait de même par rapport à l’administration Aristide. Le rapport de l’ULLCC sur l’ONA qu’on a qualifié de « l’ONAgate » a fait beaucoup de vagues à son époque. Ce rapport a épinglé à tort ou à raison certains parlementaires, certaines stations de radios et certaines  personnalités. 

Dans les trois cas cités, les indexés se sont défendus du bec et des ongles et ont qualifié ces rapports de fantaisistes, de persécutions politiques, de nuisance calculée, de règlements de compte, de méchancetés de la part de leurs auteurs. Il y a du vrai dans toutes ces réactions. Mais une chose est certaine, la corruption est là. Elle est endémique. Il faut l’éradiquer. Que les rapports sur la corruption indexent à tort ou à raison des personnes, des institutions, ce n’est pas la vraie question. Selon le Sénateur P. Dumond, est-on pour ou contre la corruption ? C’est la vraie question à se poser dans cette conjoncture.

Lutte contre la corruption et la conjoncture

La conjoncture actuelle s’y prête. Haïti a été classée 158e sur 168 pays par la Transparency International, le mercredi 27 janvier 2016, avec 17 points sur une échelle de 1 à 100, en perdant 2 points par rapport au classement précédent[5]. La représentante de l’ONU en Haïti, MINUJUSTH, dit « prendre au mot » l’administration actuelle qui ambitionne de combattre la corruption et elle attend de la voir à l’œuvre. Au niveau mondial, la lutte contre la corruption devient un thème majeur. La France parle de la « moralisation de la vie publique » eu égard à la corruption. Les manifestations de rue contre la corruption se font dans plusieurs pays dont la République Dominicaine. L’Ex-Présidente du Brésil a été destituée à cause de la corruption. L’actuel Président du Brésil est aussi indexé. En Haiti, le Collectif du 4 décembre prévoit de manifester le 5 décembre prochains contre la corruption et l’impunité. En effet selon une note signée de Jean Robert ARGANT : « Le Collectif du 4 décembre interpelle toutes les citoyennes et tous les citoyens engagés, pétris de l’amour de la patrie et aguerris pour l’accompagner dans son combat et les invite à rejoindre ses rangs pour crier haut et fort : CORRUPTION : NON ! IMPUNITÉ : NON ! TOLÉRANCE : 0 absolu ! »

Par rapport à la remobilisation de l’Armée d’Haïti caractérisée dans le passé par la corruption,  par rapport à la mise en application prochaine de la loi sur les partis politiques qui, en général, fonctionnent sans les règles de transparence, par rapport  à  l’annonce du déploiement de la caravane du changement sur l’ensemble du pays à partir du 7 février 2018, et pour éviter que le fléau  de la corruption ne s’installe au sein des forces armées, au niveau des partis politiques et  au niveau de la caravane du changement, qui auront des rayons d’action  au niveau de toute la République, il faudrait des normes clairement établies et des prévisions de mesures concrètes contre toutes éventualités, y incluse la corruption.

L’exemple de la  mise en œuvre  de la stratégie caravane du changement   
       
Un simple exemple par rapport à la mise en œuvre de la stratégie caravane du changement, il est prévu, comme il se fait dans la Péninsule Sud d’Haïti, que ce sont les directions déconcentrées des secteurs qui vont exécuter les actions sectorielles et gérer les fonds y relatifs. Chaque secteur aura à gérer ses affaires (imbrication intra-sectorielle) en les articulant à d’autres secteurs (articulation intersectorielle), et ces actions seront intégrées à l’action gouvernementale (coordination, gouvernance) pour maximiser leurs effets et impacts (transformation des rapports sociaux historiques) en vue d’aboutir au développement endogène et durable du pays (CASDA, Novembre 2017[6]) (scrutez bien le schéma explicatif  ci-dessous).

Une vraie révolution tranquille pour un développement intégral, endogène et durable

La conjoncture exige que chacun joue son rôle à la perfection selon les normes de transparence inhérentes à la bonne gouvernance. Le Président préside, le Premier Ministre gouverne, les ministres administrent et les autres entités des ministères et des organismes autonomes tant au niveau central, décentralisé et déconcentré exécutent. Les autres acteurs du développement sont assujettis aux mêmes règles et principes. Ces règles et principes de transparence devront être très clairs pour éviter toute forme de confusion et de collusion, afin que nul n’en prétexte ignorance. Les mesures de coercition prévues et à prévoir seront suivies et appliquées sans complaisance. Une vraie révolution tranquille issue des états généraux sectoriels de la nation ou de la conférence nationale ou de la grande concertation nationale. C’est à ce prix qu’Haïti amorcera son développement intégral, endogène et durable durant le mandat de cette administration et l’atteindra pleinement à l’horizon 2042!

mercredi 1 novembre 2017

HAITI : DECHOUCAGE, CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE OU ETATS GENERAUX SECTORIELS DE LA NATION?

HAITI : DECHOUCAGE, CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE OU ETATS GENERAUX SECTORIELS  DE LA NATION?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 OCTOBRE 2017

Le mois d’octobre 2017 est marqué par les manifestations de rue dont l’objectif est désormais le déchoucage du Président Moïse, c’est la position de l’opposition radicale (LAVALAS et PITIT DESALIN). Un autre courant plus modéré propose la conférence nationale souveraine  comme solution à la crise actuelle. Le pouvoir parle des états généraux sectoriels de la nation, un des points clés de l’énoncé de politique générale du Premier Ministre Jack Guy Lafontant. De ces trois grands courants, lequel sortira triomphant de cette bataille pour prendre ou garder le pouvoir? Ou va-t-on continuer à nous chamailler pour les broutilles du pouvoir à des fins personnelles et /ou claniques, sans que notre pays Haïti soit le tenant et l’aboutissant de toute entreprise de dialogue inter-haïtien, conférence nationale ou Etats généraux sectoriels?

A-     LES FAITS SAILLANTS DU MOIS D’OCTOBRE 2017

Avant d’essayer d’analyser les trois courants, regardons ensemble, comme à notre habitude, les faits saillants du mois.

Mise à part la nouvelle de la maladie soudaine du principal leader de l’opposition radicale, Jean-Charles Moïse, qui serait due, selon Jean Mona Metellus, l’animateur vedette de l’émission INTERSECTION sur Radio Caraïbe, à l’inhalation de gaz lacrymogène,   il y a deux faits saillants qui deviennent routiniers depuis quelque temps, c’est la caravane du changement depuis le 1er mai 2017, une stratégie implémentée par le pouvoir en place pour inciter les acteurs du développement à travailler en synergie dans un même lieu, beaucoup plus rapidement et avec les moyens dont ils disposent, et les manifestations  de rue depuis le 12 septembre 2017 contre le budget 2017-2018 dans un premier temps et contre le Président J. Moïse une semaine plus tard après la publication du budget. 

Le Président de la Banque Interaméricaine de développement (BID), M. Moreno, en visite officielle en Haïti, et après une visite dans la Péninsule Sud d’Haïti, en compagnie du Président Moïse, s’est engagé à financer certaines actions sectorielles dans le cadre de la caravane à hauteur de 100 M USD, et a encouragé l’opposition politique en Haïti à prendre le train de la caravane du changement.

Après l’opération coup de poing de la caravane du changement au niveau de la Vallée de l’Artibonite, on constate une augmentation de la production de riz  suite aux travaux réalisés par le ministère de l’agriculture et l’ODVA dans le cadre de la caravane. Cette constatation est confirmée par un paysan  de la Vallée qui se plaigne du manque de travailleurs pour « battre le riz ».  « Le plus gros problème de la Vallée actuellement, c’est la rareté de main-d’œuvre  pour la cueillette du riz» a déclaré un autre paysan, membre de la Fédération des associations d’irrigants (FASIVAL). C’est le même constat fait par un gros entrepreneur de la zone, pas toujours tendre avec la caravane. Au niveau de la Péninsule Sud, les réalisations varient d’un secteur à l’autre, d’une zone à une autre et d’une activité à une autre, du bon et  du moins bon.

 Un autre fait routinier c’est la grève sporadique  des greffiers, celle des juges ayant trouvé un dénouement négocié avec le pouvoir en place. Selon le président de l’association des greffiers, cette grève touche les 18 juridictions judiciaires du pays. Ce qui paralyse l’appareil judiciaire dans son ensemble. A quand le dénouement de ce bras de fer entre le pouvoir et les greffiers ? Dès que les nombreuses revendications des greffiers seront satisfaites, selon l’un des membres de cette association, qui a déploré la complaisance des autorités vis-à-vis des juges, contrairement à eux autres qui ont fait entendre leur voix bien avant les juges.

L’artisanat en fête a réuni au Parc Canne à Sucre nos meilleurs artisans. Cette foire annuelle organisée par le journal, Le Nouvelliste, a été une fois de plus un succès. Cette grande fête culturelle, rehaussée par la présence du couple présidentiel, a mis en exergue les talents de nos multiples artisans. Il aurait fallu être là pour comprendre. Aucun reportage, aussi parfait qu’il puisse être, n’aurait pu traduire correctement la réussite d’un tel événement culturel. Bravo à Le Nouvelliste !!!

Le rapport de la commission d’éthique et d’anticorruption du Sénat sur les fonds PETROCARIBE, présidé par le Sénateur Beauplan, est remis, le 26 Octobre 2017, au Président du Sénat, M. Youri Latortue, qui a présidé cette commission avant d’être élu à la présidence du Sénat. A la lecture du résumé exécutif en circulation, on n’a pas l’impression que les choses ont vraiment évolué. Selon le président de la commission, c’est un rapport approfondi. Un autre membre de la commission s’est permis d’orienter les regards  vers le Palais National où se trouveraient les principaux corrompus. Un autre sénateur, proche du pouvoir et secrétaire de la commission, a dénoncé le rapport. La bataille entre l’opposition et le pouvoir trouve donc son écho au sein de cette commission qui aurait dû produire un rapport impartial incluant la gestion de l’administration Privert dans l’utilisation des fonds PETROCARIBE, d’autant que, à tort ou à raison, l’actuel commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Clamé Ocname Daméus, trop zélé et dépassant les limites de ses pouvoirs selon certains observateurs, a distribué des interdictions de départ contre les ex-cadres de BMPAD[1] qui gère le fonds PETROCARIBE et très récemment contre deux ex-ministres de cette administration, MM. Yves Romain Bastien de l’économie et des finances  et Camille Edouard Junior de la Justice. Comme le premier rapport produit sous la direction de Youri Latortue, ce rapport s’est concentré sur les activités de  PETROCARIBE jusqu’en Mars 2016 (Gestion du Premier Ministre Evans Paul).

B-      LES OPTIONS SUR LA TABLE

Maintenant, regardons ensemble les trois options sur la table, le déchoucage, la conférence nationale souveraine et les états généraux sectoriels de la nation.

1.       Déchoucage de Jovenel Moïse

Le déchoucage est notre sport favori à travers l’histoire depuis le déchoucage du système esclavagiste initié sur cette terre (un très bon exemple pour l’humanité), en passant par les déchoucages de nos dirigeants politiques dont le premier est Jean Jacques Dessaline, le GRAND,  et les autres jusqu’à Jean Claude Duvalier, Aristide en deux occasions. Les tentatives contre Préval, contre Martelly, sans succès. Actuellement contre J.Moïse. Il faut préciser que les déchoucages n’ont fait qu’agir négativement sur le développement de notre pays. Les ote toi que je m’y mette n’ont abouti qu’à remplacer les personnes, en perpétuant le système mis en place en 1806 après l’assassinat de Dessalines et de son idéal d’une Haïti profitable à l’ensemble de ses fils et filles. Le système mis en place en prolongement du système colonial se reproduit jusqu’à aujourd’hui où il a atteint ses limites. On est actuellement au bord de l’explosion sociale : tous les indicateurs sont au rouge. Le processus de dégradation a atteint son apogée. Malheureusement, l’administration actuelle a pris le relais dans cette conjoncture. Son déchoucage ne mènera à rien, sinon qu’à aggraver la situation comme cela avait été le cas pour la présidence d’Aristide (2004). Aristide est parti parce que, selon les apôtres du déchoucage de l’époque, il était le problème. L’éclaircie du gouvernement de transition n’a pas apporté grand-chose sinon un renforcement de notre arsenal législatif. Les administrations Préval et Martelly non plus. La transition de Privert non plus, si ce n’est de compléter le processus électoral enclenché sous Martelly et qui a abouti aux élus actuels (Président, Sénateurs, Députés et collectivités territoriales), tel que prévu par la constitution de 1987, moins les élections directes (stoppées). Veut-on déboulonner Jovenel Moïse comme l’exigent les manifestants ou l’ensemble des élus ? Peut-être que la conférence nationale souveraine apporterait une réponse par rapport à l’option déchoucage qui ne mènera nulle part.

2.       Conférence Nationale Souveraine

L’idée de la conférence nationale souveraine a été promue par le regretté Turnep Delpé. Elle a pris ses origines en Afrique, Benin (1990)[2], République Démocratique du Congo (RDC/Zaïre 1990-1992)[3], Niger[4] (1991) et Tchad (1993)[5]. Un point commun à toutes ces conférences nationales souveraines, elles ont été initiées par des régimes dictatoriaux. La mieux organisée a été celle du RDC, la mieux réussie celle du Bénin.

Si les conférences nationales ont permis de bien poser les problèmes des pays dans lesquels elles ont été organisées, les propositions de solutions n’ont pas été correctement appliquées (RDC, Tchad) ou ont été galvaudées par les politiciens (Niger), sauf au Bénin où le dictateur Mathieu Kérekou  a accepté, à son corps défendant, la souveraineté de la conférence nationale (Passage de la dictature à la démocratie), la présidence, la primature, les élections au suffrage universel, la refonte de la structure étatique. Les élections ont été organisées. Le 1er août 1991, Nicéphore Soglo a été élu président de la nouvelle République et 5 ans plus tard, Mathieu Kerekou est revenu au pouvoir démocratiquement en 1996.  Pour les autres conférences nationales, la situation s’est empirée après la période d’éclaircie de la conférence. Un seul exemple : Mobutu de la RDC a dû être renversé quelques années plus tard par Kabila. C’est le fils de Kabila qui dirige actuellement la RDC.  Pour les autres cas, consultez les références indiquées plus bas et tirez vos propres conclusions.

La conférence nationale souveraine a tout remis en question dans les pays où elle a été organisée. Dans le cas d’Haïti, qui est un pays démocratique, remettra-elle en question l’élection du président de la République, les élections des sénateurs, des députés, des collectivités territoriales, ou se concentrera-t-elle sur les vrais problèmes du pays relatifs à l’humain, au social, à l’environnement physique du pays, à l’infrastructurel, à l’économique/finance et la politique/gouvernance? Si elle remettait en question totalement ou partiellement  les élections, elle s’apparenterait à une forme de déchoucage en douceur ; si elle se concentrait sur les vrais problèmes du pays, elle se rapprocherait des états généraux sectoriels.

3.       Etats Généraux Sectoriels de La Nation

A part les annonces faites par le Président Moïse lors de la campagne électorale et sa déclaration formelle lors de l’investiture du Premier Ministre Jack Guy Lafontant, on ne connait pas grand-chose sur les états généraux de la Nation (EGSN). C’est pourquoi nous référons nos lecteurs à un excellent article du Journal Le National à ce sujet par trois spécialistes haïtiens[6] d’où nous tirons ce passage : « Aujourd’hui, la situation socioéconomique et politique du pays est très délicate. C’est pourquoi la réflexion inscrite dans cet article voulait expliciter à travers cinq interrogations fondamentales les contours de la tenue des États généraux sectoriels de la nation. Déterminer avec précision la direction à prendre semble dépendre dans une large mesure de là où on veut aller. La faisabilité de la tenue des états généraux est possible si elle est dirigée par une vision globale qui fixe les objectifs (quoi) et les finalités (pourquoi) et qui prend en compte le degré d’implication des acteurs (qui), le timing (quand), les moyens matériels, financiers et humains (comment). L’urgence est de taille. Et pour permettre le pays de reprendre pied vers le « take-off » économique nécessaire, la reconstruction du capital humain, la refondation du capital social et la lutte contre le fléau de la corruption (Voir notre article publié le 2 octobre au journal le National: ‘’Nécessité de rassembler la nation’’.), la convocation des EGSN semble être une occasion indispensable et urgente pour la définition d’une société construite avec du lien social».

En lisant avec attention cet article, il est clair que les états généraux sectoriels de la nation ne seront pas une partie de plaisir. C’est quelque chose de très sérieux qui doive répondre aux cinq questions fondamentales évoquées dans cet article, à savoir : Quoi ? Pourquoi? Qui ? Quand ?, et Comment?

C-      L’ENJEU, « ote toi que je m’y mette » ou « Haïti d’abord et avant tout[7] »

Il est plus qu’évident que le déchoucage  de nos dirigeants n’a pas donné de résultats dans le passé et ne peut donner de résultat dans le cadre de ce système qui est à bout de souffle. C’est une option à écarter, sauf pour les apôtres d’« ote toi que je m’y mette ». Et quand bien même ils arriveraient à leur fin, cela ne devrait pas durer longtemps. Au pouvoir, ils n’ont pas su innover, pourquoi en serait-il autrement cette fois-ci ?

Pour ceux qui veulent la conférence nationale souveraine, il faudrait y ajouter l’adjectif inclusive  ou semi souveraine  pourqu’elle ne soit perçue comme une manière détournée de faire une sorte de coup d’Etat contre l’administration en place. Comme l’a fait ressortir l’un des adeptes de la conférence nationale souveraine, il ne participera pas à des Etats Généraux Sectoriels de la Nation promus par le Président. C’est comme si le mot d’ordre serait conférence nationale souveraine ou rien. C’est encore une forme de jusqu’auboutisme. Espérons que l’idée de la conférence nationale souveraine se rapprocherait beaucoup plus des états généraux du point de vue contenu pour nous éviter le spectre grimaçant de la désillusion.

Quant aux Etats généraux Sectoriels de la Nation, qui étaient une promesse électorale du Président de la République, il faut les orienter vers une finalité très claire : « Haïti d’Abord et avant tout » et ne pas laisser cette entreprise si noble se transformer en des manœuvres politiques pour le pouvoir. L’administration actuelle devrait tout tenter pourque cette initiative  soit inclusive, chercher la collaboration des radicaux, des modérés, et de l’ensemble de la majorité silencieuse fatiguée de tant d’instabilité, et prendre toutes les dispositions pour avoir les moyens nécessaires à sa réussite la plus totale.

Haïti a besoin de tous ses fils et filles pour sortir du trou. Toute entreprise pour Haïti ne peut être qu’inclusive et profitable à tous et à chacun. Dans le cas contraire, ce sera un échec cuisant qui nous engloutira tous définitivement,  avec l’os déchaussé  des broutilles du pouvoir dans les mains de nos politiciens comme seul trophée de notre défaite à tous, au grand dam de Papa Dessalines qui se retournerait dans sa tombe et nous maudirait d’avoir galvaudé son précieux héritage.





1 Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement
[6] Wadner ARTHUS, Master II Sciences Politiques Consultant en politiques publiques ; Jesse JEAN, Ph.D, Expert Consultant en éducation et développement ; Dequel Jean MERGER, Maîtrise en Stratégie politique Spécialiste en relations internationales
[7] Le titre de mon ouvrage en quatre tomes  en phase de rédaction (2004 à date : (1) La difficile transition 2004-2007, (ii) la gestion des catastrophes (2007-2011) , (iii) L’Exacerbation de la bataille des clans (2011-2016), IV La  Nécessité de la grande concertation nationale 2016-2022)

samedi 30 septembre 2017

HAITI : BUDGET 2017-2018, PRETEXTE DE DECHOUCAGE OU AMORCE DU PROCESSUS DE DIALOGUE POLITIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT ?


HAITI : BUDGET 2017-2018, PRETEXTE DE DECHOUCAGE OU AMORCE DU PROCESSUS DE DIALOGUE POLITIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT ?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 SEPTEMBRE 2017    
      
Le 12 septembre 2017, Haïti a connu ses premières manifestations violentes depuis le 22 janvier 2016, tout au moins au niveau de sa capitale, Port-au-Prince. Cette fois-ci,  c’était contre le budget 2017-2018 de 144. 2  milliards de gourdes (2.3 Mrds d’USD), voté  haut la main par le Parlement acquis à la cause du pouvoir en place et malgré le travail d’intoxication de la minorité parlementaire qui a gagné la bataille médiatique. La mise à feu  des véhicules de l’Etat, des privés, la casse des pare-brises de tous types de  véhicules, de magasins, l’attaque en règle de certains gros intérêts privés, la panique généralisée, le traumatisme des écoliers, l’affolement des parents pour récupérer les enfants à l’école, c’est le bilan de cette journée de manifestation organisée par Jean-Charles Moïse, le leader de « Pitit Desalin ».Heureusement que, cette fois-ci, il n’y a eu que des dégâts matériels et psychologiques et non de perte en vie humaine. Du 12 septembre à date, il va y avoir une série de manifestations  contre le budget, entre temps, publié dans le Moniteur, le journal officiel, et surtout contre le Président de la République, Jovenel Moïse, qui a été à l’assemblée générale des Nations Unies  délivrer son message où il a parlé, entre autres, du processus de dialogue entamé avant son départ avec « presque tous les partis politiques » et qui va continuer jusqu’aux « états généraux sectoriels », énième fois promis par l’administration en place. Le budget 2017-2018 est-il un prétexte pour déchouquer le Président Moïse ou favorise-t-il un processus de dialogue politique en vue de déboucher au développement durable de notre pays ? Pour répondre à cette double interrogation, essayons d’analyser la conjoncture en nous basant sur certains faits susceptibles de jeter un éclairage sur la situation actuelle du pays au bord d’une nouvelle crise dans la crise quasi permanente après les sept (7) premiers mois de la présidence de M. Moïse. Rappelons que le coup d’Etat contre le président Aristide a eu lieu le 30 septembre 1991 après un voyage à l’ONU.

L’origine et la cristallisation des grognes à partir du budget 2017-2018 comme prétexte

Le 22 janvier 2016, le processus électoral, entamé en août 2015, a été stoppé net par l’opposition à Martelly par une manifestation gigantesque avec des pertes en vies humaines, des blessés et des casses. Jovenel Moïse, classé premier au premier tour de la présidentielle, n’a pu affronter Jude Célestin, classé 2e, qui a refusé de participer à cette parodie de « yon sel grenn soulyé » (d’une seule chaussure), pour répéter le mot du premier ministre d’alors, M. Evans Paul. Martelly est parti le 7 Février 2016, en négociant son départ et M. Jocelerme Privert, Président du Sénat, fut élu au second degré par le Parlement constitué de Sénateurs et Députés élus pour la plupart au premier tour du processus électoral avorté au niveau présidentiel (second tour) pour cause de fraudes massives.

L’administration Privert a remplacé le Conseil Electoral Provisoire (CEP) par un autre selon l’article 289 de la Constitution de 1987. L’opposition politique à Martelly avait donc tous les atouts en mains pour diriger le pays et gagner les élections transparentes reprises totalement aux niveaux présidentiel et local, et partiellement au niveau parlementaire, après les recommandations de l’évaluation du processus par une commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE). Jovenel Moïse et son parti PHTK (Parti Haïtien Tèt Kalé) en sont sortis vainqueurs à tous les niveaux. Un fait marquant mais contesté par l’ancienne opposition à Martelly (au pouvoir au moment de ces élections) Jovenel Moïse a été élu Président de la République d’Haïti au premier tour de la Présidentielle et a prêté serment le 7 février 2017 devant le Parlement avec l’absence remarquée des 4 sénateurs de l’opposition qui ont boycotté la séance sous prétexte de l’inculpation du président indexé par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). A noter que les candidats Maryse Narcisse (4e ) de LAVALAS , Jean-Charles Moïse ( 3e ) de Pitit Desalin et Jude Célestin ( 2e ) de LAPEH n’ont jamais accepté leur défaite à ces élections plutôt acceptables organisées par l’administration Privert et ont contesté la présidence de Jovenel Moïse.

Durant les sept (7) mois de cette présidence, mises à part les contestations  au niveau de l’Arcahaie transformées pour les besoins de la cause en manifestations périodiques avec casses, pertes en vies humaines et blocages de la Nationale N0 2, pour cette histoire de relèvement de Montrouis au rang de commune avec grignotement sur le territoire de l’Arcahaie, et les grognes suivies de grèves au niveau de l’administration publique (Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif : CSCCA, OAVCT : Organisme d’Assurance véhicules contre Tiers,  etc.), au niveau de la justice (Greffiers et Magistrats), au niveau de la sous-traitance (bataille pour le salaire minimum),  le pays semblait reprendre un certain niveau de fonctionnement normal, malgré la hausse du prix du carburant. L’Arcahaie aurait donné lieu à une attaque armée sur le cortège présidentiel revenant d’une visite dans le cadre de la caravane du changement, lancée en grande pompe par M. Jovenel Moïse, à Lagrange dans l’Artibonite. Et les grognes semblaient commencer à trouver leur point de convergence avec la hausse du prix de carburant. Les éléments du puzzle se sont mis petit à petit en place avec une exploitation politicienne mais intelligente de Moïse Jean-Charles et du Sénateur Cheramy (Don Kato). Le projet de loi des finances 2017-2018, plus connu sous le nom du budget 2017-2018, est venu à point nommé pour une exploitation intelligente (o combien mensongère !) de l’opposition politique qui du Parlement à la rue a su gagner la bataille médiatique par rapport au pouvoir en place qui s’est retrouvé sans repères sur la scène médiatique. Il a fallu la sortie tardive du Président pour redonner un peu de confiance à l’équipe au pouvoir au bord du chaos après le 12 septembre 2017.

Et puis, le pays, manquant de moyens selon le judicieux diagnostic fait par le Premier Ministre mais imputant maladroitement  cet état de fait à la seule administration précédente, n’a pas pu et su créer des emplois temporaires pour soulager la misère des petites bourses et apaiser la tension sociale au niveau du pays, malgré le budget 2016-2017 rectifié qui aurait pu être exploité pour favoriser la rentrée scolaire le 4 septembre 2017. Les tentatives en ce sens  ont été un peu tardives et n’ont pas eu une envergure nationale pour injecter du numéraire dans l’économie. Et cette course folle des jeunes vers le Chili n’a pas arrangé les choses. On dirait des gens qui ont une prémonition que quelque chose de grave va arriver à ce pays et qui essaient de s’en échapper à tout prix. N’est-ce pas Valery Numa ? Le documentaire de Valery est donc venu à point nommé pour expliquer ce phénomène de migration vers le Chili.

Face à cette situation d’aggravation de la crise et son exploitation au niveau de la rue qui exige maintenant le départ du Président seulement sept (7) mois après sa prise de fonction, il pourrait s’enorgueillir  du succès relatif de la caravane du changement et de certains aspects positifs du budget prévoyant  le paiement des arriérés pour les professeurs et l’intégration de la grande majorité dans le système, la réduction de 15 à 10% de l’impôt locatif sur les propriétés bâties (CFPB)pour la tranche locative supérieure à 200,000 G, et de certaines mesures d’apaisement pour atténuer les aspects négatifs comme le relèvement du plancher de 60,000 à 120,000 G/an, le minimum assujetti au paiement de l’impôt sur le revenu, et la sanctuarisation des 500 millions de gourdes réclamées par les 49 maires qui avaient fermé leurs portes durant trois jours. Certes ces mairies appartiennent  plutôt à l’opposition politique mais leur  revendication sera profitable à tous les maires et il y aurait la possibilité de régler le conflit latent entre les maires et les députés pour la mise en œuvre des actions de développement. Malgré tout,  les aspects négatifs du budget 2017-2018 semblent avoir la faveur de l’opinion publique.

Le rache mayok ne fait pas l’unanimité

Pourtant le raché mayok, c’est-à-dire la mise à pied du Président, à partir du budget comme prétexte, ne semble pas faire l'unanimité, en tout cas pas encore.  Dès le départ, la vraie finalité des manifestations de rue organisées par l’opposition a été la mise à pied du Président Jovenel Moïse, selon un cadre de Lavalas lors d’une émission de RAMASE, et Lucien Jura avait relevé cette flèche lancée par ce cadre.  Il semble que le Président aurait dérangé de gros intérêts à partir de ses promesses d’électricité 24/24 en 24 mois, et de sa lutte annoncée contre la corruption. Avec l’appui en sous-main des représentants de ces gros intérêts à l’opposition politique, si l’on en croit des sources proches du pouvoir, une frange de cette opposition aurait mis en place ce processus de déchoucage. Financement ou pas, il est clair que la finalité recherchée par cette opposition qui n’a jamais accepté Jovenel Moïse comme président n’est autre que son déboulonnage (Ref. http://lenouvelliste.com/article/177141/une-manifestation-anti-gouvernementale-emaillee-de-violences).

Et si la bataille pour le budget favorise l’amorce du processus de dialogue politique

On peut déplorer l’utilisation du budget comme prétexte pour essayer de déboulonner le président, mais on doit se mettre d’accord sur le fait que l’intérêt actuel du commun des mortels pour le budget est une bonne chose. Cette bataille lancée par Kesner Pharel depuis des lustres semble prendre une autre tournure  plutôt positive.  Le budget c’est l’affaire de tout le monde. Pour une famille, c’est la maman, le papa et parfois les enfants  en mesure de le faire qui contribuent à l’exécution du budget familial. Pour un pays  comme Haïti, c’est la même chose. Ce sont les citoyens qui contribuent  à financer le budget à partir des taxes et impôts payés à  l’Etat. Un budget traduit en chiffre les politiques du gouvernement. Combien d’écoles, d’hôpitaux, de routes, de systèmes d’irrigation, d’eau potable, de mégawatts de courant à mettre à la disposition de la population, moyennant paiement des services. Pour cela, le gouvernement s’engage à créer des meilleures conditions pour favoriser la fourniture des services et la création d’emplois. Quand le gouvernement fait bien son travail (bonne gouvernance), les gens sont plus enclins à payer leurs  taxes et impôts.  En Haïti, comme le pays n’a pas tous les moyens, en plus des taxes et impôts collectés, il est aidé par d’autres pays pour financer son budget. Aussi simple que cela.

Normalement, chaque citoyen devrait payer des taxes et impôts en fonction de l’envergure de ses activités. En d’autres termes, plus on a les moyens, plus on devrait contribuer au financement du budget. Ce n’est pas le cas en Haïti. Cela a toujours été ainsi, ce n’est pas cette administration qui en est responsable ; mais c’est une bonne chose que cette administration soit obligée d’améliorer les choses. Il faut bien commencer quelque part. Toutefois son renvoi ne résoudra pas pour autant le problème. Autant trouver avec elle une formule pour ce fameux dialogue politique pour amorcer le développement de notre pays.

Et Vive Haïti, cette fois-ci, à tout jamais unie !!!


Avant son départ pour l’ONU, le Président avait amorcé, à la faveur de la situation politique en lien avec le budget 2017-2018,  le dialogue avec presque tous les partis politiques. A l’ONU, Il a annoncé son intention d’organiser les états généraux sectoriels. Il a rencontré à son retour la conférence épiscopale haïtienne (CEH),  qui a exhorté les parties en présence à faire preuve de sagesse. Il a eu une longue séance de travail avec les maires, il a pris des engagements formels vis-à-vis d’eux. Le gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures pour atténuer les effets négatifs du budget, en particulier des mesures en faveur des chauffeurs qui ont programmé deux journées de grève les 2 et 3 octobre 2017. Vont-ils revenir sur leur mot d’ordre de grève ? Il semblerait que l’administration Moïse-Lafontant soit pour un budget rectificatif dans un délai pas trop lointain. Déjà certains arrêtés pris par le pouvoir rectifient les aspects les plus critiqués du budget. De là à aller vers une grande concertation nationale pour amorcer le développement du pays, il n’y a qu’un pas. L’opposition politique, dont l’objectif est de prendre le pouvoir à tout prix y inclus le raché manyok (une forme de coup d’Etat), serait-elle prête à y prendre part au cas où la finalité de cette grande concertation ne mettrait pas dans la balance le renvoi pur et simple de l’administration Moïse-Lafontant ?  A cette administration de bien jouer  le jeu pourqu’il n’en soit pas ainsi, et à l’opposition de rentrer dans l’arène de la grande concertation pour le développement sans l’intention préalable de casser les porcelaines. A l’administration en place et à l’opposition de penser Haïti d’abord et avant tout ! A nous citoyens et citoyennes de les encourager en ce sens, d’y participer et de regarder l’avenir avec espoir et confiance ! Et Vive Haïti, cette fois-ci, à tout jamais unie !!! Dans le cas contraire, il serait possible que les bottes de l’oncle Sam nous aplatissent tous sans distinction ni exception! C’est peut-être le souhait profond de la plupart d’entre nous. Qui sait ? Alors ne soyons plus des nains et soyons les dignes héritiers de notre père fondateur, Jean-Jacques DESSALINES, le grand !