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dimanche 31 mars 2019

LE TEMPS DU DESIR PAR RAPPORT AU TEMPS DE REALISATION DES ACTIONS, LA LECON A RETENIR



LE TEMPS DU DESIR PAR RAPPORT AU TEMPS DE REALISATION DES ACTIONS, LA LECON A RETENIR
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MARS 2019

La France, comme Haïti, confronte des moments très difficiles, avec les gilets jaunes d’un côté et les petrochallengers de l’autre et les tentatives de récupération politique par les extrémistes des deux côtés. D’où les casses enregistrées lors des manifestations de rue dans les deux pays. En effet, E Macron et J. Moïse sont des outsiders arrivés au pouvoir sur la base de promesses électorales assez intéressantes et mêmes innovantes. Ils ont accédé au pouvoir par voie élective aux dépens des politiciens traditionnels en 2017, respectivement en Mai  et Février 2017, en suscitant beaucoup d’espoir chez les habitants  de leur pays respectif. Malheureusement, le temps du désir par rapport au temps de réalisation des promesses ne concorde pas avec l’attente des populations française et haïtienne, qui veulent tout, tout de suite. Ce qui se traduit par une sorte de ras le bol, exploité à merveille par les adversaires/ennemis politiques de ces deux jeunes Présidents.

Macron a mis en place un gouvernement avec un premier ministre. Ensemble, ils font face et Macron propose un débat national  et un ensemble de mesures pour faire face à la crise. Le débat se fait à tous les niveaux. La France est en mode débat.

Moïse sacrifie un premier ministre, Jack Guy Lafontant, compose avec un 2e premier ministre de l’opposition politique modérée, Jean Henry Céant, qu’il a dû renvoyer après un vote de censure de la Chambre basse.  Bien avant les mouvements de l’opposition politique, il avait lancé les états généraux sectoriels de la nation avec un comité de pilotage et un comité technique qui a fait un travail remarquable, malheureusement non exploité à date, l’a prolongé ou l’a remplacé par un comité de dialogue politique inclusif de 7 membres dont un n’a jamais pris siège. Parallèlement, un ensemble de mesures est annoncé mais l’administration n’a pas les moyens de sa politique. Haïti est en mode pré-dialogue avec la présence du M. J. Moïse encore à la tête du pouvoir exécutif, malgré les efforts de l’opposition politique pour l’évincer.

Dans les deux cas, c’est l’impatience des populations qui est mise à l’épreuve. Ce phénomène s’observe dans plusieurs endroits à travers le monde. Les gens veulent tout, tout de suite et présurent leur administration pour des résultats immédiats, oubliant que l’Etat, dans tous les pays du monde, fonctionne à un rythme plutôt lent à partir des moyens disponibles  provenant en majeure partie des taxes et impôts.

La France, qui est un pays industrialisé, un parmi les 7 pays les plus riches de la planète, vit depuis 12 ans avec un déficit budgétaire, donc elle vit à crédit apprend-on lors des séances de débat organisées par l’Elysée. Nous ne connaissons pas le niveau de déficit budgétaire de la France. Par contre, Haïti a connu, selon les économistes, un déficit budgétaire record, autour de 25 milliards de gourdes  pour l’exercice écoulé (2017-2018). Ce déficit continue de s’aggraver au cours de l’exercice 2018-2019. Ce qui a conduit à un taux d’inflation de 16 % en janvier 2019 et de 17% en février 2019. Avec le taux de change de 1 USD pour approximativement 80 HTG, la population haïtienne connait une situation très difficile et explosive qui a expliqué l’explosion sociale des 6,7 et 8 juillet 2018, du 17 octobre 2018, du 18 novembre 2018 et surtout du phénomène «  pays lock » du 6 au 17 février 2019, avec le rapport de la Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratifs (CSC/CA) sur le dossier petrocaribe comme prétexte. Cette explosion sociale a finalement abouti à la mise à pied du PM Céant par la Chambre Basse après un conflit ouvert avec le Président Jovenel Moïse.
Laissons là les éléments de comparaison avec la France et concentrons-nous sur la situation haïtienne caractérisée par toutes sortes d’insécurité découlant de la situation politique/gouvernementale (banditisme politique[1] dans l’ensemble du pays, en particulier Chalon à Miragoâne, Saint Médard/  (Arcahaie), Saint-Marc, Savien (Petite Rivière de l’Artibonite), Mirebalais, Carrefour Milot, etc. l’insécurité sociopolitique (instabilité gouvernementale, changement de premiers ministres, de ministres) , l’insécurité alimentaire (accès difficiles aux produits alimentaires pour environ 40% de la population), l’insécurité économique et financière (incapacité des masses et des couches moyennes à faire face à leurs besoins, appauvrissement lié à l’inflation et au taux de change de la gourde par rapport au dollar) , l’insécurité environnementale (déboisement, fatras, sècheresse, inondation), l’insécurité infrastructurelle (routes bloquées, barricades enflammées, tranchées recouvertes de carton et de terre[2], bâtiments non normés,  manque/absence de bâtiments publics).
Cette situation que nous vivons actuellement en Haïti traduit le ras le bol de la population par rapport aux promesses non tenues par le premier mandataire de la nation, qui, il faut le rappeler, n’a pas cesser de faire des promesses partout il passe à travers le pays, même après son accession à la première magistrature de l’Etat, malgré le diagnostic très sérieux de son premier PM, Jack Guy Lafontant, qui a affirmé avoir trouvé le pays sans le sou. Ce qui aurait dû dissuader le Président de continuer à faire des promesses d’autant que la communauté internationale s’est cantonnée, depuis la prise du pouvoir de M. Moïse, dans une position de « wait and see », pas d’accord avec le gendarme FMI durant toute la première année de la nouvelle administration; au cours de la 2e année (février 2018), un accord très exigeant a été trouvé mais n’a pas suivi de décaissements.
La mise en œuvre partielle de cet accord en juillet a débouché sur les événements de 6,7 et 8 juillet 2018 suite à l’annonce et au retrait de la hausse des cours du carburant, avec toutes les conséquences que l’on sait (Renvoi du PM Jack Guy Lafontant, la rentrée en scène des petrochallengers, les manifestations de rue du 17 octobre 2018 axées en grande partie sur le « changement du système » et la démission du Chef de l’Etat, celles du 18 novembre en grande partie récupérées par l’opposition politique (de bonne guerre) et orientées vers la démission du chef de l’Etat. Il a fallu l’intervention du département d’Etat américain pour sauver l’administration Moïse-Céant.
Après un certain calme en décembre 2018 et en janvier 2019, le rapport de la CSC/CA sur le petrocaribe (31 janvier 2019), l’opération « pays lock » déclenchée par l’opposition politique va mettre en évidence le conflit entre le Président et son PM jusqu’à l’évincement de ce dernier et son remplacement ad intérim  par son ministre de la culture, Jean Michel Lapin, tout de suite après un accord-surprise de 229 M de dollars américains entre l’administration et le FMI, accord gelé après le renvoi du PM Céant. On est donc revenu à la case départ.
Pourquoi avoir choisi d’évincer Céant et déboucher sur le gel de l’accord avec le FMI, avec le WAIT and See de la Communauté Internationale, donc s’enfoncer la tête dans l’eau financièrement, avec le risque de la reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar? C’est à croire qu’il était plus important politiquement pour le président Moïse d’étouffer son PM, qui, selon les rumeurs, aurait été de connivence avec une frange de l’opposition pour évincer le Président.  Si cette information s’avérait, il aurait fallu accuser le PM. En tout cas, la position de M. Jean Charles Moïse, affirmant que le renvoi de Céant favoriserait l’unité au sein de l’opposition politique pour aboutir à la « taboula Rasa » semble confirmer cette connivence du PM avec une frange de l’opposition. Toujours est-il que la politique avait pris le pas sur l’économique. Le Président a donc tranché en renvoyant le PM et en hypothéquant l’accord avec le FMI, ne serait-ce que momentanément.
Le mini-sommet géopolitique avec le Président américain, Donald Trump, et d’autres leaders de la Caraïbe dont le Président Medina de la République Dominicaine, semble le conforter politiquement et pourrait avoir des retombées économiques pour Haïti.  Même si les dossiers petrocaribe et de crimes de La Saline ont l’appui de 104 parlementaires américains qui écrivent au Département d’Etat Américain pour mener une enquête sur ces deux dossiers d’Haïti, ils ont même suggéré d’impliquer la commission inter-américaine des droits de l’homme[3] dans cette enquête. Cette nouvelle a encouragé l’opposition radicale à tabler sur le 29 mars 2019, jour du 32e anniversaire de la Constitution de 1987, pour renverser le Président Moïse. Malheureusement, en dépit des efforts de l’opposition en générale et de l’opposition radicale en particulier, les manifestations de rue n’ont pas fait recette, si l’on se réfère aux manifestations récentes, en particulier l’opération « pays lock ».
 En tout cas, aux Gonaïves, le 29 Mars, mises à part quelques écoles, tout a fonctionné. Toutefois, entre L’Etère et St Marc, il y a eu au moins trois barricades enflammées qui ont perturbé la circulation, jamais trop dense dans ces circonstances.  Sur une échelle plus grande, ces traces de pneus enflammés sur la Nationale No 1, remontant aux événements de 6,7,8 juillet, du 17 octobre, du 18 novembre 2018, et du 6-17 février 2019 (« pays lock »), abiment la Nationale No 1, et ces traces de pneus risquent d’abimer davantage les principales artères du pays à la prochaine saison pluvieuse. D’où la nécessité pour l’Etat de procéder à la réparation de ces traces de pneus, conséquences de nos turpitudes politiques.
Parlant de politique, le Président a tenté sans succès de rencontrer l’ex-président Aristide. Rappelons que le parti d’Aristide n’a jamais reconnu l’élection de Jovenel Moïse à la présidence. Maryse Narcisse, la candidate malheureuse du Parti, tenait à rappeler cela au grand public. De là à expliquer le refus d’Aristide de rencontrer Jovenel Moïse, il n’y  a qu’un pas. A ce qu’il parait ce refus ne découragerait pas le Président Moïse, qui, même dans l’impasse, n’entend pas abandonner le processus de dialogue, selon Eric Jean Baptiste du RDNP qu’il a rencontré au Palais National[4].
Il est vrai que toutes ces histoires nous ramènent aux multiples promesses non tenues par le candidat et le Président Moïse. Pour être honnête, aux promesses partiellement tenues, car à deux ans d’une présidence de 5 ans, dans un pays sans le sou où tout est prioritaire, et sans l’appui financier de la communauté internationale, il aurait été difficile sinon impossible de les tenir toutes. Toutes les actions identifiées et chiffrées dans les divers documents n’auraient pas dû être présentées comme des promesses au peuple haïtien par le Président Moïse après sa prise de fonction, car le diagnostic de son premier PM était on ne peut plus clair. Comme suggéré dans le document de synthèse des plans d’action départementaux, le budget national n’aurait pas pu financer toutes les actions prévues, il aurait fallu sélectionner les actions les plus urgentes et entreprendre en partie la mise en œuvre de certaines actions[5], tout au moins les initier, en laissant le soin aux gouvernements à venir de les terminer selon le principe même de la continuité de l’Etat.
Dans cet ordre d’idées, la promesse d’électricité 24/24 en 24 mois aurait dû être évitée, même si le travail effectué par l’ANARSE (Autorité Nationale de régulation du secteur énergétique) aurait permis de penser qu’une telle prouesse pourrait se réaliser si tous les moyens étaient disponibles. C’est cette annonce qui, entre autres choses,  a permis à l’opposition de traiter le Président de « menteur », et qui a incité le peuple à le ridiculiser. Alors que cette même annonce sans fixer un délai de 24 mois, aurait enchanté le grand public, car tout le monde sait que sans électricité, le pays ne pourra pas faire ce bond en avant attendu par tous les haïtiens avec impatience.
Si un pays industrialisé comme la France n’arrive pas à concilier le temps du désir par rapport au temps de réalisation, voire pour la petite Haïti, avec son économie maigrichonne. Il serait nécessaire et indispensable pour nos politiciens de ne plus prendre leur désir pour la réalité et d’éviter de promettre ce qu’ils ne peuvent donner sous peine d’être traités de menteurs par la population. La leçon, il faut toujours se donner d’abord les moyens de sa politique.





lundi 25 février 2019

HAITI, PAYS LOCK ET PERSPECTIVES



HAITI, PAYS LOCK ET PERSPECTIVES
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
24 FEVRIER 2019

Le rapport Petrocaribe (31 Janvier 2019) de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif  (CSC/CA)  a été l’étincelle  qui a mis le feu aux poudres le 7  Février 2019. L’opposition plurielle, en particulier l’opposition radicale, regroupée sous le vocable secteur démocratique et populaire et rejointe par un ancien allié du pouvoir en place, Ayiti An Aksyon (AAA) et qui vient de contribuer très fortement  à placer à la tête du Sénat, le Sénateur Carl Murat Cantave, transfuge de la Konfederasion  inite democratik (KID), a su bien exploiter le momentum (Réf. mécontentement de la population par rapport à la cherté de la vie, découlant de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar[1], du taux d’inflation de plus de 15% (janvier 2019) et de la publication du rapport de Petrocaribe, qui, entre autres, a épinglé la Firme AGRITRANS dont le principal responsable a été le Président du Conseil d’Administration, M. J. Moïse, entrepreneur, pour lancer « l’opération Peyi lock » en vue de pousser le Président de la République, M. Jovenel Moïse, à la démission.

La méthodologie utilisée  et établie par nous  en écoutant la radio, en visionnant les vidéos sur les réseaux sociaux, en regardant les reportages sur les  télévisions haïtiennes en relation avec les manifestations, en lisant les journaux traditionnels et en ligne, et en observant le fonctionnement de certaines barricades soit directement, soit à partir des personnes interposées,   est la suivante :

1)      Profiter au maximum de l’émotion de la population en relation avec sa situation de misère, le dossier petrocarbe, et exploiter à merveille les erreurs, fautes et omissions du pouvoir en place;
2)      Amplifier et déformer les informations, les rumeurs en les focalisant sur le Président de la République (diaboliser au maximum, la même méthode en 2004 contre Aristide) et traiter le responsable du Palais de tous les noms et même de «voleur » ;
3)      Présenter les actions sectorielles de l’administration comme des échecs cuisants et les dépenses y relatives comme du gaspillage d’argent, d’où le déficit budgétaire record enregistré. Il en résulte une aversion pour les informations fournies par le gouvernement perçues comme de la pure propagande, malgré l’évidence des résultats immédiats obtenus dans certains cas (Cayes, Cam-Perrin, Carrefour, Tabarre, Thomazeau, Gonaïves, Gros Mornes, Cap-Haïtien, Trou du Nord, Marion, etc., pour ne pas les citer) ;
4)      Annoncer des manifestations de rues avec des propos incendiaires pour chauffer les esprits et provoquer la panique dans les familles qui se terreront chez elles, le moment venu ;
5)      Encourager et profiter de la participation des petrochallengers  et d’autres groupes ayant une capacité de mobilisation ;
6)      Faire la tournée des stations de radios par les leaders politiques et sociaux et les petrochallengers ;
7)      Intervenir dans  des émissions de radios de grande écoute (ramase, Intersection et autres), surtout celles favorables au départ du Président ou appartenant aux membres de l’opposition ;
8)      Tirer des rafales d’armes à feu la veille et durant la nuit ;
9)      Imprégner d’huile  certains tronçons de routes pentues ;
10)   Encourager la mise  en place de barricades enflammées dans des zones stratégiques, les grandes artères et les artères secondaires les plus fréquentées ;
11)   Assurer le contrôle  des barricades  par des groupes souvent armés (bandits) et acquis à la cause de l’opposition politique ;
12)   Distribuer de l’argent  à partir des fonds mis à disposition par les sponsors et commanditaires intéressés, par exemple distribution d’argent dans la zone de Plateau Central par AAA selon le Sénateur Willo Joseph[2], ce qu’a démenti le Député Abel Descolines mis en cause dans cette distribution ;
13)   Rançonner les automobilistes qui prennent la rue par obligation, certains automobilistes ainsi que des motocyclistes en ont fait mention ;
14)   Annoncer et notifier, tout au moins dans un premier temps, le parcours de la manifestation ou des manifestations si les parcours sont différents ;
15)   Mettre en branle des manifestions de rues de concert avec les petro challengers, les groupes politiques et sociaux acquis à la cause ;
16)   Modifier le parcours des manifestations en cours de route, tout en provocant la police à partir des groupes extrémistes au sein des manifestants, pour la forcer à commettre des bavures, tirs, gaz lacrymogène ;
17)   Attaquer, une fois la bavure ou les bavures  commises et parfois même sans bavure, les entreprises, la police, les magasins, les maisons privées, les véhicules en stationnement et mettre le feu pour détruire et créer la panique, et le tour est joué ;
18)   Répéter ces opérations encore et toujours durant toute la période de blocage du pays et même après de manière partielle.

Cette manière d’opérer n’a pas produit les résultats escomptés mais a eu des effets néfastes sur le fonctionnement global du pays et aussi quelques lueurs d’espoir.

Le pays a été bloqué durant une dizaine de jours sans aucune communication entre la Capitale Port-au-Prince et les autres départements, et sans aucune communication entre les chefs-lieux des départements et les communes et sections communales. Une cartographie des barricades à travers  le pays devrait permettre de confirmer l’ampleur du mouvement et de prévenir une autre opération de ce type à l’avenir. A titre d’exemple, plus de 100 traces de barricades entre carrefour Nationale No 1 et Route 9, et Hotel Decameron (Montrouis).

Plus d’une quinzaine de morts violentes à travers le pays, une insécurité permanente avec des bandits opérant sans inquiétude. Des dégâts matériels importants évalués à des centaines de millions de dollars américains si l’on se réfère aux évaluations suite au passage des ouragans en termes de comparaison. Cet ouragan politique devrait se situer à plus d’un demi-milliard de dollars américains si ce n’est plus.

Les familles haïtiennes ont eu toutes les peines du monde à fonctionner durant ce blocage de 10 jours. La grande majorité n’a pas eu accès à la nourriture, à l’eau potable, aux soins de santé déjà précaires avant ces 10 jours. Les hôpitaux ont lancé des alertes pour leur approvisionnement en médicaments essentiels, pour favoriser la circulation des ambulances, du corps médical. L’hôpital de Mirebalais, très fréquenté, a dû braver les barricades enflammées pour faire venir les médecins de Port-au-Prince. Le convoi a eu toutes les peines du monde à traverser les barricades ; heureusement, l’hôpital a eu l’ingénieuse idée de demander aux médecins de mettre leur blouse et cela a facilité la traversée des barricades.

Le pays est rayé de la carte touristique mondiale, nos deux aéroports internationaux ne figurent plus sur la listes des grandes agences mondiales (Expedia.com, trip adviser.com), déclarés « illégaux » dans un premier temps et « invalides » actuellement, impossible de faire une réservation sur ces sites[3]. Les USA, le Canada ont rappelé le personnel non essentiel de leur ambassade. Les hôtels sont au bord de la faillite (voir l’interview de Richard Buteau, PDG de Convention Center pour bien comprendre ce qui est en train de se passer dans le secteur hôtelier, une sorte d’embargo sur Haïti vue comme un pays en guerre).

Une situation conflictuelle entre les deux têtes de l’exécutif semble s’approfondir si l’on en croit les propos des proches du Président et du Premier Ministre. Selon le premier Ministre, les mercenaires en majorité américains[4] (7 individus)   arrêtés par la Police Nationale d’Haïti (PNH), qui auraient l’appui d’un ex-ministre proche de PHTK, seraient venus pour l’exécuter. Mais selon le Sénateur Youri Latortue[5], des officiels du gouvernement (Secrétaire d’Etat à la Sécurité publique et le ministre de la Justice, qui par la suite va signer la note autorisant le transfert des américains aux USA)  sont intervenus pour demander la libération de ces bandits étrangers. Dans son intervention à la nation bien avant l’épisode de « mercenaires américains », le Président a informé que sa vie était visée[6] (un ancien commissaire surnommé Flex a été arrêté et déporté aux USA suite à l’intervention du Président). Il est clair que les deux se sentent menacés, on dirait non pas par l’opposition politique, mais par eux-mêmes à en croire les interventions de leurs proches dans les médias. Il faut rappeler à ces deux têtes de l’Exécutif que « toute maison divisée est condamnée à périr ». A noter que l’opposition parlementaire de la Chambre des Députés a proposé la mise en accusation du Président de la République.

En fin de compte, le Président est toujours là et a demandé au PM Céant, toujours en place, d’annoncer les mesures arrêtées, ce que ce dernier a fait dans son discours du 16 Février 2019 en 9 points[7].  Ces mesures sont interprétées différemment d’un économiste à l’autre. En tout cas, si elles étaient appliquées, ne serait-ce que partiellement, elles devraient provoquer une certaine amélioration de la situation (stabilisation du taux de change et une appréciation de la gourde à court et moyen termes, une réduction du train de vie de l’Etat, la création d’un certain nombre d’emplois temporaire, etc.).  Les actions prévues par le ministère de l’Agriculture sur les dix filières retenues[8], une fois mises en œuvre correctement, devraient aussi favoriser une amélioration de la situation en matière de sécurité alimentaire. Le Sénat a officiellement remis le dossier Petrocaibe au PM Céant pour les suites nécessaires.

Le Président, quant à lui, a rencontré le Nonce apostolique et l’ex-Président Privert, et a créé un comité de facilitation du dialogue inter-haïtien avec 7 membres[9] dont un petrochallenger. 

En termes de perspectives, la situation s’annonce plutôt sombre si l’on se base sur les propos des opposants au régime en place, même si les appels pour  « locker le pays » à nouveau n’ont pas fait recette la semaine écoulée. Pour combien de temps encore ? Il suffit d’une erreur grossière de la part de l’administration en place, pour favoriser une autre  explosion politique et sociale. On n’a pas l’impression que l’administration en place comprenne très bien l’ampleur de la situation. Normalement, les deux têtes de l’administration auraient dû offrir une image  d’unité, de sérénité face à l'opposition qui parle de « tabula rasa». Comment dialoguer avec les autres si on ne dialogue avec ses proches? Comme l’a demandé Réginald Boulos dans sa lettre à la nation, il faudrait commencer par là.

Comme je suis un optimiste de nature, j’espère que nos politiciens, principaux responsables de la situation actuelle, finiront par entendre raison et s’assiéront autour d’une table pour sauver ce qui peut encore l’être. Franchement, je ne comprends pas. Qu’est-ce qu’il y a de si profond entre nos politiciens (pouvoir et opposition) pour qu’ils n’arrivent à trouver un terrain d’entente  en plaçant les intérêts d’Haïti au-dessus de leurs intérêts de clans. Haïti d’abord et avant tout devrait interpeler chacun de nous. Aucun sacrifice ne devrait être trop grand pour sauver notre pays. C’est ce que vous dites tous en substance, messieurs les politiciens. A moins que vous mentiez tous !

Entendez-vous donc pour changer le système et favoriser l’émergence d’un système équilatéral avec les trois pouvoirs d’Etat (Triangle équilatéral avec les pouvoirs exécutif et législatif (les élus) à la base et le pouvoir judiciaire au sommet), basé sur (i) l’humain haïtien, (ii) son système socio-culturel, (iii) son système environnemental, (iv) son système infrastructurel, (v) son système économique et financier, et  (vi) son système politique/gouvernance. La combinaison de ces six (6) axes débouchera[10], selon la FONHDILAC[11], sur 36 éléments de développement devant faire de notre pays en 2054 le pays phare du monde[12].

N’est-ce pas là une bonne vision pour le 250e anniversaire de notre indépendance? Cette vision devrait faire l’unanimité auprès de nos politiciens et leurs alliés pour se mettre à la hauteur de nos héros d’autrefois. Dans le cas contraire, ils resteraient avec leurs acolytes  des nains politiques qu’ils sont et qu’ils demeurent. La bataille pour les broutilles de pouvoir dans un pays cadavérique sur lequel ils s’acharnent encore et toujours au profit de leurs clans respectifs ne nous mènera  nulle part! On dirait des vautours ! Que Dieu ait pitié de notre pays avili et totalement embourbé et qu’il nous guide vers des lendemains meilleurs à travers cette entente entre nous et vers ce nouveau système à visage humain!




[2] L’invité du jour de Vision 2000 du 21/02/2019. https://www.youtube.com/watch?v=5YHiIC2vao0
[5] https://www.youtube.com/watch?v=VyBF9Hx8eRY  et le 22/02/2019, Abel Descolines a démenti le 
[6] Discours du Président du 14 Février 2019
[7] Discours du PM Céant du 16 Février 2019.
[11] https://jrjean-noel.blogspot.com/2017/02/document-dorientation-pour-la.html
[12]  En 1804 nous avons sonné le glas du système esclavagiste mondial, 250 ans plus tard Haïti pourquoi pas le pays phare du nouveau système mondial à visage humain ?






vendredi 8 février 2019

LA DEGRINGOLADE DE LA GOURDE ENTRE L’ENTENTE NATIONALE ET LE RAPPORT DE LA CSA/CA SUR PETROCARIBE, AVEC UNE VISION : HAITI PAYS EMERGENT EN 2040 ET LE PAYS PHARE DU MONDE EN 2054


LA DEGRINGOLADE DE LA GOURDE ENTRE L’ENTENTE NATIONALE ET LE RAPPORT DE LA CSA/CA SUR PETROCARIBE, AVEC UNE VISION : HAITI PAYS EMERGENT EN 2040 ET LE PAYS PHARE DU MONDE EN 2054

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

7 FEVRIER 2019

En ce début du mois de Février 2019 et durant tout le mois de Janvier 2019, les faits saillants s’articulent autour de (i) l’entente nationale, (ii) la dégringolade de la gourde, (iii) le rapport Petrocaribe, (iv) l’atelier du conseil de la Société civile de la BID (CONSOC) sous le thème : « Vers une gestion durable et responsable des déchets solides en Haïti » et (v) l’accession à la place de No 1 mondial de Naomi OSAKA d’origine haïtienne à l’âge de 21 ans, qui « a  remporté avec brio son 2ème titre en Grand Chelem.», selon un tweet du Président Jovenel Moïse. Quant au fait saillant no 4, la durabilité et la responsabilité sont une approche « dekabes » pour répéter un encadreur des groupes de base de Cité Soleil. Savez-vous que, selon Dr Lacour de l’Université Quisqueya, la transformation des déchets solides dans la seule zone métropolitaine de Port-au-Prince, pourrait générer 200 millions dollars américains l’an. Maintenant, essayons d’analyser en profondeur les trois autres faits saillants selon le titre retenu pour cet article « LA DEGRINGOLADE DE LA GOURDE ENTRE L’ENTENTE NATIONALE ET LE RAPPORT DE LA CSA/CA SUR PETROCARIBE, AVEC UNE VISION : HAITI PAYS EMERGENT EN 2040 ET LE PAYS PHARE DU MONDE EN 2054 ».


L’Entente Nationale (Dialogue Politique)/Pacte de gouvernabilité

En dépit des menaces de l’opposition dite démocratique et populaire, l’année 2018 s’est achevée dans un calme relatif. La fête de l’indépendance aux Gonaïves  du 1er Janvier 2019 s’est réalisée en présence de toutes les hautes autorités nationales, en particulier le Président de la République, qui a été contraint de ne pas participer à la cérémonie du 18 Novembre 2018 au Cap-Haïtien. L’un des points dominants de cette fête  a été le souhait de nous voir nous entendre entre nous, l’entente nationale, le dialogue national. L’homélie du Mgr Péan, le discours du Maire Latortue des Gonaïves et le discours du Président Moïse en parlent.  Il faut rappeler que le pouvoir en place a proposé un document de pacte de gouvernabilité dont la présentation n’a pas eu l’aval de la plupart des grands ténors politiques comme le RDNP, la FUSION, l’OPL, et encore moins le secteur dit démocratique et populaire, plus connu sous le nom de l’opposition radicale.

Selon Le Nouvelliste  du 28 Janvier 2019[1]« Il n’y avait pas que les partis politiques de l’opposition radicale à avoir boudé le forum de Céant sur le Pacte de gouvernabilité le mardi 22 janvier 2019. Le PHTK, le parti politique de Jovenel Moïse, et les partis proches du pouvoir avaient boycotté aussi le lancement officiel du dialogue initié par le Premier ministre. »

« Le PHTK, la plateforme VERITE, la KID, le KONA, la plateforme G18, ALLAH … sont toutes des organisations proches du pouvoir et sont représentées d’une façon ou d’une autre au sein du gouvernement. Pourtant, elles ont boudé l’invitation du Premier ministre à participer au forum sur le Pacte de gouvernabilité visant à trouver une solution à la crise politique. »


« Le président a demandé au Premier ministre de poursuivre le dialogue jusqu’au 7 février, date à laquelle Jovenel Moïse annonce qu’il va lancer le dialogue. Les partis de l’aile dure de l’opposition qui ne jurent que par la démission du président de la République tels que Fanmi Lavalas, Pitit Desalines, le secteur dit démocratique et populaire et l’opposition modérée comme la Fusion, le RDNP, entre autres, ont boudé le premier forum du Premier ministre ». Le Nouvelliste, https://lenouvelliste.com/article/197484/oui-jai-parle-avec-le-president-jovenel-moise-confirme-me-andre-michel

A l’analyse, on est parti vers un dialogue de sourds, Haïti n’étant pas l’élément fondamental de ce processus. Nos politiciens ne font que défendre leur chapelle politique, leur clan au détriment du pays. L’opposition politique ne jure par la démission du Président qui lui semble être loin  d’être satisfait du processus en cours. Cette situation d’incertitude politique influe sur le fonctionnement global du pays, en termes d’insécurité, de troubles sociaux et du pourrissement de la situation économique lié au taux d’inflation et à la dégringolade de la gourde par rapport au dollar.

La dégringolade de la gourde et le  taux d’inflation, un cocktail explosif

Depuis les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018, la gourde qui se dépréciait a connu une accélération que plus d’uns  qualifient de dégringolade de la gourde par rapport au dollar. Cette dégringolade de la gourde qui accuse 82-85 HTG pour 1 USD[2] actuellement s’est heurtée à une inflation de plus de 15% pour le mois de janvier 2019. Ce cocktail explosif peut provoquer une explosion sociale à la moindre étincelle. Cette situation se traduit par une cherté de la vie qui touche toutes les couches sociales, en particulier les plus vulnérables. Les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), lancés au début de décembre 2018, semblent ne pas aller au-delà de la fin de l’année. Malgré les travaux de rénovations urbaines dans certaines villes comme Carrefour, Tabarre, Croix-des-Bouquets, Gonaïves, etc., on ne sent pas la ferveur liée aux travaux HIMO en général. Les équipes qui travaillent dans la mise en place des caniveaux opèrent en petit nombre et de manière sporadique et par intermittence. On dirait un manque de quelque chose, planification et financement. Il s’ensuit un manque  d’emplois, un manque de circulation monétaire. Entre temps avec la hausse continue des prix des produits de première nécessité, la vie devient chaque jour plus difficile et intenable.

Pour la plupart des économistes, cette situation s’explique par le manque de production nationale dans le pays ou encore par l’accroissement de la population et le déficit budgétaire enregistré. C’est l’explication classique. Mais qu’est-ce qui explique cette hausse continue, cette dégringolade de la gourde journellement? La meilleure explication vient du Dr Labossière, la spéculation. Cette explication est approfondie  par Valéry Numa qui pense que c’est un petit groupe qui décide de cette augmentation journalière, parce que tout cela échappe au contrôle de la banque centrale (BRH). Car le taux moyen journalier de référence de la BRH est établi à partir des taux moyens fixés par les banques commerciales qui ont l’entière liberté de fixer leur taux de change journalier. De plus, malgré la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, même si on veut acquérir le dollar au taux du jour, on ne le trouve pas au niveau des banques commerciales. Pour les plus chanceux, il faudrait attendre une semaine pour pouvoir acquérir une quantité substantielle de dollars américains. L’économiste Fritz Jean prévoit un tsunami économique si rien n’est fait pour stopper la dégringola de la gourde. Le retour du budget au gouvernement par la Chambre Basse est un « mauvais signal ». Et les mesures annoncées par la BRH ne donneraient pas de résultats selon plus d’uns et même l’Etat d’urgence économique déclaré par le pouvoir en place le 5 Février 2019 ne semble pas  rencontrer l’adhésion de la majorité (manque de confiance dans les dirigeants). Il faudrait donc s’attendre au pire d’autant que l’opposition politique radicale annonce des mouvements contre le pouvoir en place à travers le pays pour le 7  Février 2019. Une partie des petrochallengers dit appuyer les manifestations prévues ainsi qu’un certain nombre de partis politiques qualifiés de modérés. Le bilan est lourd 2 morts, des blessés, voitures incendiées, des casses au niveau des façades des entreprises, des maisons privées, attaques de commissariats et des policiers. C’était prévisible depuis la soumission du rapport petrocaribe au Sénat et le surchauffe des esprits qui s’en est suivi.

Le Rapport Petrocaribe de la  Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA)

Avec la soumission du rapport partiel de Petrocaribe par la CSC/CA au Sénat le 31 janvier 2019, la situation semble se compliquer davantage. Essayons d’abord de dégager l’essentiel des données du rapport avec l’aide du Nouvelliste et du rapport lui-même.

On lit dans le rapport : « Selon les données obtenues du BMPAD, du 5 mars 2008, date de réception de la première cargaison de pétrole, au 14 avril 2018, date de réception de la dernière, au total 219 cargaisons totalisant 43,9 millions de barils de carburant ont été livrés et commercialisés en Haïti. À ceci s’ajoutent six[3] (6) cargaisons d’asphalte et trois (3) cargaisons de mazout, donnant lieu à une accumulation de ressources disponibles de 4,237,598,789. 12 USD répartis comme suit :
§  portion comptant à payer au Venezuela dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours : 1,978,802,105.56 USD; 
§  portion financement disponible pour l’État haïtien et remboursable sur une période comprise entre dix-sept (17) et vingt-cinq (25) ans : 2,258,796,683.56 US (tableau 1) »
Tableau 1 : Estimation des ressources générées par le programme Petrocaribe de mars 2008 à avril 2018
CARGAISON
PORTION FINANCEMENT EN $US
PORTION COMPTANT
EN $US
TOTAL
EN $US
Carburant
2 252 974 036,59
1 969 071 812,30
4 222 045 848,89
Asphalte
1 951 056,74
3 138 581,76
5 089 638,50
Mazout
3 871 590,23
6 591 711,50
10 463 301,73
Total des ressources générées de 2008 à 2018
2 258 796 683,56
1 978 802 105,56
4 237 598 789,12
Source : Rapport d’importation de pétrole (2008 à 2018) du BMPAD corroboré par les factures des cargaisons de pétrole de PDVSA

Le tableau 2 fait une répartition des résolutions par présidence et gouvernements signataires. Il en est  de même pour le budget par résolution, la révision du budget ainsi que les montants effectivement transférés par la BMPAD.

Tableau 2 : Montant budgétisé par résolutions et par gouvernement
Résolutions
Présidence
Gouvernement signataire
Budget par résolution en $US
Budget révisé après affectations et désaffectations $US
Montants transférés par le BMPAD
no 1
20/09/2008
PRÉVAL
Michèle DUVIVIER PIERRE-LOUIS
$ 197 560 000,00
$ 197 560 000,00
$197560 00,00
no 2
11/02/2010
PRÉVAL
Jean Max BELLERIVE
$ 163 287 848,00
$ 157 719 896,18
$157 719 896,18
no 3
24/08/2010
PRÉVAL
Jean Max BELLERIVE
$ 107 400 000,00
$  94 597 097,69
$  94 357 661,45
no 4
12/05/2011
PRÉVAL
Jean Max BELLERIVE
$ 108 799 883,00
$ 96 923 836,14
$  96 923 836,14
no 5
28/02/2012
MARTELLY
Garry CONILLE
$ 234 956 000,00
$210 303 222,68
$210 303 222,68
no 6
18/07/2012
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$130 000 000,00
$96 195 625,80
$  96 195 625,80
no 7
21/12/2012
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$ 374 800 000,00
$329 386 735,04
$329 386 735,05
no 8
11/12/2013
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$ 210 967 318,33
$164 517 228,97
$164 517 228,97
no 9
23/07/2014
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$ 141 778 568,00
$71 215 839,38
$71 215 839,38
no 10
10/09/2014
MARTELLY
Laurent Salvador LAMOTHE
$  29 697 201,29
$7 000 000,00
$7 000 000,00
no 11
15/04/2015
MARTELLY
Evans PAUL
$  254 423 560,00
$47 525 624,19
$ 47 525 624,90
no 12
22/07/2015
MARTELLY
Evans PAUL
$ 193 055 824,56
$174 308 966,07
$101 010 358,99
no 13
06/01/2016
MARTELLY
Evans PAUL
$ 58 169 108,56
$58 169 108,56
$  16 204 383,67
no 14
28/09/2016
PRIVERT
Enex J. JEAN-CHARLES
$ 33 268 729,00
$33 268 729,00
$  15 984 874,63
Total



2 238 164 040,74
1 738 691 909,70
1 605 905 287,84
Sources : Résolutions du Conseil des Ministres publiées dans le Moniteur, Numéro Extraordinaire (compilations des Textes relatifs aux Fonds Petrocaribe 2006 -2018) du 24 octobre 2018 et Rapports des transferts du BMPAD.

Une première remarque qui saute aux yeux par rapport aux deux premiers rapports de Latortue et  de Beauplan, le montant global des résolutions est de 2.24 milliards de USD, le budget revisé est de 1.7 milliards tandis que les montants transférés par BMPAD sont de 1.6 milliards de dollars américains. Ces montants concernent trois (3) présidents, six (6) premiers ministres, la majorité des ministres, des directeurs généraux, des cadres supérieurs, des administrateurs des ministères (comptables, contrôleurs, payeurs) et la grande majorité des firmes privées opérant en Haïti.

Selon  le Nouvelliste  du 31 Janvier 2019[4] : « la Cour s’était donnée pour objectif d’auditer tous les projets issus des 14 résolutions »

Toujours rapporté par le Nouvelliste : « La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) tient à souligner à l’encre forte dans ce rapport que certaines infractions relèvent du champ de compétence d’autres institutions établies par la loi. De ce fait, elle n’entend pas se substituer à d’autres instances administratives et juridictionnelles »


« Ce n’est donc pas à la CSCCA qu’incombe la responsabilité de se prononcer sur les infractions liées au blanchiment de capitaux, l’enrichissement illicite, la passation illégale des marchés publics, la surfacturation, les pots-de-vin, les commissions illicites, le trafic d’influence, le népotisme ou de réprimer les infractions y relatives. Il s’agit d’infractions qui relèvent de la compétence d’autres institutions », lit-on dans ce rapport qui évoque des difficultés rencontrées par la CSC/CA.


Les détails fournis dans le rapport petrocaribe mettent en évidence l’ampleur de la fraude et l’implication des parties prenantes à quatre niveaux, les présidents et les premiers ministres au niveau des résolutions, les ministres et les Directeurs Généraux au premier niveau, les directeurs de directions, administrateurs, et hauts cadres au second niveau, les firmes privées (exécution et supervision), les cadres moyens au troisième niveau. A noter que le rapport ne condamne personne et ne mentionne que les faits, certains avec des erreurs grossières.

« Dans le cadre de la présente mission d’audit, la CSCCA a regroupé les irrégularités constatées en trois (3) catégories : les irrégularités administratives ; les irrégularités réglementaires et aux bonnes pratiques de gestion ; les irrégularités ayant causé des préjudices au projet et à la communauté », a expliqué la CSC/CA.

La graduation des irrégularités permet de comprendre que les plus graves sont celles « ayant causé des préjudices au projet et à la communauté. Par exemples, l’attribution d’un contrat sans appel d’offres ; les contrats conclus en situation d’urgence sans justification pertinente ; les projets ne respectant pas un ou plusieurs des paramètres initiaux que constituent la nature et l’ampleur des travaux, l’estimation des coûts et l’échéancier ; l’attribution des projets sans avoir recours à des critères précis et évaluables objectivement ; le non-suivi des étapes clés liées à la saine gestion de projets. »,lit-on dans le rapport d’audit de la CSC/CA qui souligne que « les travaux d’audit se sont articulés autour de quatre axes, soit la gestion de projet, le processus d’octroi des contrats, l’exécution des travaux et la fermeture du projet ». « Toutefois, nous avons présenté les résultats par institutions afin de circonscrire les responsabilités des uns et des autres », a insisté la CSC/CA


Le rapport fait état de beaucoup d’irrégularités, de non-respect des procédures administratives et de passation de marchés publics. Le rapport indexe beaucoup de personnes sans les condamner et n’a pipé mot sur les institutions de contrôle comme le Parlement, la CSCCA, l’ULCC, l’UCREF, qui auraient dû intervenir annuellement sur ce dossier au lieu de laisser la situation s’empirer sur une période aussi longue,  ce qui aurait évité au pays  la situation actuelle. Or ce qui se passe dans le cas du dossier petrocaribe est monnaie courante en Haïti. Le dossier petrocaribe n’est qu’un élément d’un ensemble beaucoup plus grand.

En effet le budget de l’Etat est d’environ 2 milliards de dollars américains l’an sur la période de 2008 à 2018, soit environ 20 milliards de dollars avec des poussières. Si on enlève les dépenses courantes qui avoisinent 60 à 70%, les 30 à 40% restant sont des dépenses d’investissements, qui, en principe, devraient suivre les procédures appliquées à Petrocaribe et qui ne l’ont pas été à la lettre dans la plupart des cas.

Toujours est-il que dans le cas qui nous concerne, l’Etat Haïtien a officiellement porté plainte. Le procès Petrocaribe, qui s’ensuivrait, si procès il y en aura, devrait marquer un tournant dans la lutte contre la corruption en Haïti, ce fléau responsable de notre manque développement et fait de nous le pays le plus pauvre de la terre actuellement selon le dernier rapport de la banque mondiale.   

En guide conclusion, l’aggravation de la situation globale est liée en particulier à la situation politique caractérisée par une profonde division entre nos politiciens pour la prise du pouvoir politique au profit de leur clan respectif sans penser à notre pays qui est en train de péricliter au point de devenir le pays le plus pauvre de la terre. La corruption qui symbolise le système que nous avons mis en place en 1806 nous pète à la figure avec le dossier petrocaribe. La situation économique désastreuse actuelle qui est la résultante de notre mode de fonctionnement de 1806 à aujourd’hui, est attribuée au seul régime PHTK pour les besoins de la cause, alors qu’elle est issue du système mis en place après la mort de Dessalines.

Le 17 Octobre 2018, le cri de nos jeunes de petrochallengeurs ayant mobilisé autour du slogan « kot kob petrokaribe a » a été de changer le système, mais le 18 Novembre nos politiciens se sont arrangés pour recentrer le slogan sur la démission du Président Jovenel Moïse. Ce qui a affaibli le mouvement axé autour de petrocaribe et donné un second souffle à l’administration Moïse pour proposer le dialogue politique, l’entente nationale dans le cadre  d’un pacte de gouvernabilité à partir des contacts avec l’opposition politique dans son ensemble, d’où l’accalmie de la fin de l’année du mois de décembre 2018 et du mois  de Janvier 2019, ponctuée de banditisme et de tuerie de policiers en services, de la dégringolade de la gourde. Le  forum sur le pacte de gouvernabilité boudé par la plupart des partis politiques ainsi que la soumission au Sénat du rapport sur petrocaribe par la CSC/CA sont les principaux éléments déclancheurs alliés à la cherté de la vie du retournement de la situation contre Jovenel Moïse dont la démission est réclamée par l’ensemble de l’opposition et certains petrochallengers. Le traumatisme créé par les événements des 6,7.8 Juillet 2018 a refait surface et forcé la population, tout au moins au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince à se terrer chez elle ce jeudi 7 Février 2019, avec raison si l’on se réfère au bilan partiel de la Police Nationale.

Il nous faut donc nous entendre entre nous sans exclusive,  pour (i) avoir la stabilité nécessaire, (ii) prendre les mesures drastiques pour arrêter la dégringolade de la gourde et la ramener à un niveau acceptable et stable, (iii) réaliser le procès petrocaribe, (iv) s’entendre sur la signification du concept changement du système, à partir d’un équilibre parfait entre les 3 pouvoirs d’Etat (« équilatéralité » du système, avec le pouvoir judiciaire au sommet du triangle équilatéral), (v) Mettre en place le nouveau système et (vi) amorcer le développement du pays en vue d'en faire un pays émergent en 2040 et le pays phare du monde en 2054, l’année de notre 250e anniversaire de l’indépendance. C’est la vision, c’est l’immense tâche qui nous attend, sommes-nous en mesure de l’accomplir ? Commençons dès maintenant !!!



[2] 82.75 HTG pour 1 USD officiellement.
[3] Bien que les informations fournies par le BMPAD indiquent la réception de six (6) cargaisons d’asphalte, la Cour a tout de même constaté que le site internet du BMPAD fait mention d’un total de sept (7) cargaisons d’asphalte réceptionnées au 31 mars 2014.