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vendredi 16 mai 2008

L’APPROCHE HEXAGONALE

L’APPROCHE HEXAGONALE

(Version actualisée)

JR JEAN-NOEL

AVRIL 2006




L’APPROCHE HEXAGONALE

PAR Jean Robert JEAN-NOEL

1. HISTORIQUE

L’idée de développer une approche globale adaptable au domaine du développement a toujours été une préoccupation de certains cadres haïtiens depuis plus de trente ans. Dans les projets de développement de l’époque, l’approche prédominante était plutôt dirigiste à l’image de la majorité des régimes politiques des pays en développement.

Les approches participatives commençaient à émerger timidement à la faveur du processus de démocratisation qui avait tendance à remplacer les régimes dictatoriaux dans les pays en développement. Elles s’imposaient déjà dans les pays développés en majorité démocratiques. Dans ces derniers pays, au niveau des universités et de certains projets, il y a eu des recherches sur les méthodes participatives. Le concept participation a gagné peu à peu ses gallons.

En Haïti, les projets commençaient à être participatifs autour des années 1980. La Constitution haïtienne de 1987 va donner ses lettres de noblesse à la Participation, la décentralisation, le combitisme et va libérer les énergies en ce sens. Il faut noter que depuis la fin de la dictature duvaliériste, on a enregistré une explosion d’organisations dans le pays qui ont adopté vaille que vaille la participation comme cheval de bataille.

Dans les années 1990, tous les projets sont devenus participatifs. Le concept participation a définitivement gagné ses lettres de créance. Tous les bailleurs de fonds, les agences bilatérales et multilatérales en font leur cheval de bataille. Le FIDA, la Banque Mondiale, la BID, l’Agence Française, etc, pour ne pas les citer, vont exiger la mise en application des approches participatives dans les projets financés. D’où la nécessité d’harmonisation de ces approches.

Le Ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du Développement Rural (MARNDR) avec la participation du Projet d’irrigation de l’Arcahaie et surtout du Projet des petits périmètres irrigués (PPI) va s’atteler à ce travail d’harmonisation dans le cadre de sa politique d’irrigation et de ses méthodologies. Certains textes ont été élaborés et diffusés, des séminaires- ateliers organisés, des émissions de radio réalisées et des cassettes distribuées.

Dans ce même ordre d’idées, le projet PPI va intégrer la RED CIARA en juillet 1999 lors de la 7e Réunion annuelle à Port-au-Prince avec la mise sur pied du réseau national haïtien de FIDACIARA (RENAH-FIDACIARA) constitué à l’époque d’une douzaine d’institutions. Le réseau s’est transformé un peu plus tard en 2001 en une fondation, la Fondation haïtienne pour le développement intégral latino américain et caribéen (FONHDILAC). Cette fondation a senti, en fonction même de son objectif principal de contribuer au développement intégral d’Haïti dans le contexte caribéen et latino américain, la nécessité de développer l’approche hexagonale.

2. VISION ET OBJECTIF

Dans la mouvance de la mondialisation, de la lutte contre la pauvreté par la création de richesse, par la gestion de la connaissance et de l’innovation, la gestion des ressources humaines, naturelles, physiques et financières, la gestion des conflits politiques, la question de responsabilisation individuelle et collective demeure une évidence. L’approche participation-responsabilisation paraissait limitée en ce sens qu’elle s’adresse à l’individu et aux collectivités sans aborder globalement les autres aspects fondamentaux du développement. D’où l’approche hexagonale. Cette approche correspond en tout point aux vœux de la constitution de 1987 dans ses aspects participatifs (le combitisme), de déconcentration et de décentralisation et sied bien à l’approche de développement local en vogue actuellement.

L’approche hexagonale vise, tout en s’appuyant sur la démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable et démocratique. D’où l’accent mis sur les six capitaux : le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital financier et économique et le capital politique. Ce qui peut se schématiser de manière logique avec l’humain à l’intérieur du social, les deux à l’intérieur de l’environnemental, et l’aménagement de l’environnemental de manière telle à ce que l’ensemble soit en harmonie, le système financier et économique pour réaliser cet ensemble et le perpétuer dans le cadre d’une gouvernance économique régulatrice et le système politique pour la gestion globale et le maintien de l’équilibre harmonieux du système global.

En référence à la démarche participative, l’approche hexagonale est une adaptation de l’approche anglo-saxonne[1] dont les éléments de base s’articulent autour de cinq axes : le capital humain, le capital social, le capital naturel, le capital physique et le capital financier, auxquels on ajoute, pour l’haitianiser, le capital politique. D’où le nom de l’approche hexagonal avec six éléments fondamentaux indispensables pour le développement d’un pays pauvre comme Haïti. Les six axes devront avoir une parfaite articulation entre eux de façon à favoriser une harmonisation de l’ensemble. Cette harmonisation devra être recherchée de manière continue par les acteurs appelés à appliquer l’approche et à y évoluer.

La FONHDILAC a une vision assez claire de Haïti dans les cinquante (50) à cents (100) prochaines années. C’est dans cette optique qu’elle adopte une série d’objectifs qui s’intègreront à partir d’une démarche participative dans un schéma global articulé autour d’un système visant un citoyen responsabilisé[2] dans une société économiquement riche, socialement équitable et politiquement responsable[3].

Il est possible dans la conjoncture actuelle, d’obtenir un consensus national et même de déboucher sur un contrat social entre tous les Haïtiens sans exclusive autour de cette vision d’Haïti. Cette Haïti pourrait servir d’exemple à suivre dans le cadre d’une mondialisation à visage humain. Haïti qui, dès sa création, fut le premier état à ériger en valeur le principe de solidarité entre les peuples, en offrant la liberté à tous les opprimés de la terre et en aidant les leaders de l’indépendance de l’Amérique latine comme Miranda et Bolivar, et plus tard vers 1860, les leaders de la République Dominicaine à restaurer leur indépendance[4].

3. JUSTIFICATION

Les réflexions[5] menées au sein de la FONHDILAC de 1999 à 2001 jusqu’à maintenant et les contraintes institutionnelles que nous confrontons quotidiennement dans la construction du développement nous font prendre conscience de manière aiguë du déficit criant de cadre de référence et de l’absence de plan global de développement dont souffre notre pays. Cette faiblesse a toujours transparu dans la gestion du pays depuis sa naissance en janvier 1804. Elle nous a valu d’être le seul PMA de l’Amérique. Il suffit de regarder nos indicateurs par rapport aux autres pays de la région pour comprendre l’étendue de l’échec. Cette marche à reculons n’a jusqu’à présent pas de réponse au niveau du secteur politique et pousse de plus en plus d’haïtiens au désespoir, ce qui se traduit par une migration massive vers d’autres pays de la région. On estime à plus de deux (2) millions d’habitants les Haïtiens vivant à l’extérieur du pays, parmi lesquels des cerveaux éminents qui ont largement contribué au développement de leur pays d’adoption.

La situation actuelle du pays fait que la majorité des jeunes haïtiens se considèrent comme en transit et n’attendent qu’une occasion pour laisser cette « galère ». Paradoxalement, elle a provoqué une prise de conscience chez certains individus, groupes et institutions, qui se manifeste par un certain nombre d’interventions touchant tous les secteurs de la vie nationale, et par une forte tendance à se mettre ensemble pour faire des propositions sur des aspects les plus variés visant le développement intégral du pays. C’est ce que nous qualifions au sein de notre réseau d’option haïtienne de développement par rapport à d’autres options qui pourraient nous être imposées de l’extérieur pour forcer Haïti à se mettre au pas en ce qui a trait à la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) dont le démarrage a été prévu pour 2005.

Au regard de cette situation, notre réseau a profité de la 9e réunion du réseau régional FIDACIARA en novembre 2001pour proposer une réorientation du réseau régional, et, par la suite (janvier 2002), pour changer sa mission et la réorienter vers le développement intégral du pays haïtien. C’est dans cette perspective qu’il faudra situer le cadre de référence et le plan de développement d’Haïti sur lesquels, entre autres, planche actuellement notre réseau, la FONHDILAC, avec la collaboration future mais obligée d’autres individus, groupes et/ou institutions travaillant pour la même cause. Etant entendu que la FONHDILAC ne pourrait prétendre à elle seule réaliser une tâche aussi colossale et aussi complexe et qui, de surcroît, concerne tous les Haïtiens sans exclusive.

4. AXES FONDAMENTAUX DE L’APPROCHE HEXAGONALE

Un cadre de référence pour le développement intégral d’un pays doit être défini de manière sérieuse pour résister à l’épreuve du temps. Les axes fondamentaux doivent être conçus avec beaucoup de rigueur, au point qu’avec le temps les modifications à y apporter pour son actualisation ne nécessiteront pas de remise en question de l’essence. Il est donc impératif de bien les choisir, pour que les éléments qui graviteront autour puissent, en fonction même de l’évolution, être modifiés, ajoutés et même remplacés au besoin.

Partant de ce raisonnement, les axes fondamentaux du cadre de référence pourraient être, au regard même de la ligne stratégique adoptée :

1) L’axe humain

2) L’axe social,

3) L’axe environnemental,

4) L’axe infra structurel,

5) L’axe financier,

6) L’axe politique.

L’AXE HUMAIN

La FONHDILAC entend par cadre humain toutes les ressources humaines dont dispose le pays haïtien, la quantité, la qualité des ressources humaines disponibles : le nombre d’habitants/ km2, le PIB/ habitant, le taux de mortalité infantile, l’espérance de vie, le taux de scolarisation, le taux d’analphabétisme, le nombre de kcal/ habitant/jour ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE SOCIAL

Le cadre humain se réfère au système social ou institutionnel : les institutions étatiques, privées, les organisations socioprofessionnelles, les organisations de base à caractère social et économique ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE ENVIRONNEMENTAL

Le cadre environnemental s’articule autour des ressources naturelles : le climat, la disponibilité de l’eau, la quantité et la qualité de l’eau de boisson, les précipitations, les eaux de surfaces, les eaux souterraines, la mer, le vent, la qualité de l’air, la température, la superficie du pays, son utilisation, son niveau de dégradation et d’érosion, les montagnes, les plaines, les forêts, les sols, la biodiversité ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE INFRASTRUCTUREL

Le cadre infra structurel correspond au niveau d’aménagement du territoire : les routes, les ouvrages d’art, les infrastructures agricoles, hydroagricoles et de drainage, le réseau d’eau potable, les infrastructures de santé, d’éducation, les bâtiments administratifs, les monuments historiques, les places publiques, l’aménagement urbain et rural, le réseau de communication et de nouvelles technologies, l’électricité, les usines, les industries ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE FINANCIER

Le cadre financier fait référence à tous les aspects financiers et économiques du pays, la gouvernance économique, les ressources financières disponibles, l’état de l’économie, la place de l’économie du pays par rapport aux autres pays, la dette externe, les différends bailleurs de fonds du pays, les mécanismes de financement, le produit intérieur brut (PIB), le produit national brut (PNB), les indicateurs macro économiques ; les aspects organisationnels, institutionnels et légaux ou réglementaires ; les politiques, stratégies et méthodes élaborées, appliquées et prévues, les résultats obtenus ; les potentialités et perspectives dégagées ou à dégager, etc.

L’AXE POLITIQUE

Le cadre politique se circonscrit autour de la gouvernance politique, l’organisation de l’Etat, la façon de gouverner, la coordination des institutions étatiques et gouvernementales, les collectivités territoriales et locales, les services administratifs, etc.

5. CADRE D’APPLICATION

L’approche hexagonale adaptée à la situation haïtienne et en lien avec d’autres approches classiques et à la mode, permettra de procéder à une évaluation exhaustive de l’état actuel du pays, en se basant sur les informations disponibles et à générer pour dégager des conclusions, recommandations et perspectives intéressantes, et déboucher, en collaboration avec des partenaires de la FONHDILAC, sur la préparation d’un cadre de référence et sur un plan de développement de cinquante (50) et même de cent (100) ans.

Dans ce cas précis, l’humain c’est l’individu haïtien avec ses faiblesses, ses atouts, et ses potentialités. Le social se réfère aux groupes sociaux et culturels, aux catégories sociales, au système social. L’environnemental se réfère au 27750 km2 du territoire, son niveau de dégradation, les causes de cette dégradation, les risques inhérents à cette dégradation, la gestion de ces risques, ses potentialités, ses possibilités de régénération, etc. L’infrastructurel se réfère à l’état actuel des infrastructures urbaines, rurales, historiques, les potentiels, les atouts, les contraintes, etc. La finance et l’économie s’articulent autour de la gouvernance économique, les réserves, l’état actuel de l’économie, le système financier, les potentiels, les atouts et les faiblesses du système, les potentialités en matière économique et financière, etc. La politique, c’est la gouvernance politique, la situation prévalant depuis l’indépendance, les faiblesses, les atouts,les contraintes liés au système mis en place et qui a conduit au résultat d’aujourd’hui, ce qu’il y a lieu de faire pour mettre en place un système performant.

L’approche peut être appliquée au niveau méso et micro comme cadre de diagnostic, d’analyse et d’application. Ce qu’on a essayé de faire dans le cadre des projets mis en œuvre par la plupart des institutions membres de la FONHDILAC. A titre d’exemple, dans l’irrigation, l’humain, c’est l’irrigant. Le social, c’est l’association d’irrigation et les autres organisations. L’environnemental, c’est le bassin versant surplombant le périmètre d’irrigation concerné. L’infrastructurel c’est le système d’irrigation, les réseaux de drainage, de routes, l’habitat rural. La finance et l’économie, c’est le financement mis en place par les BF, le système économique et financier au niveau du périmètre considéré. La politique c’est la gouvernance politique au niveau local, la Mairie, tout en tenant compte de la politique de l’état en la matière.

L’approche peut avoir des applications dans divers d’autres domaines d’activités. C’est aux spécialistes de faire les adaptations nécessaires pour les domaines d’application souhaités. Elle a cette potentialité de permettre d’aborder une problématique dans toute sa globalité avec l’élément humain comme axe fondamental par excellence, tenant et aboutissant de tout processus de développement.

6. LE CROISEMENT DES SIX CAPITAUX : CADRE GLOBAL DE REFERENCE POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE

L’approche hexagonale est étroitement liée à l’approche participative et ses diverses dérivées : le partenariat, la synergie, la responsabilisation individuelle et collective, la mise en réseau aux niveaux local, national, régional et mondial. Elle peut constituer le cadre de diagnostic, d’analyse et d’application de tout le processus de développement durable à ces divers niveaux.

Ramenée au niveau d’un pays pauvre comme Haïti, l’approche hexagonale suit le cadre logique suivant :

i. Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national ;

ii. Le capital social comme élément fondamental de socialisation ;

iii. Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ;

iv. Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ;

v. Le capital financier et économique, à partir de la bonne gouvernance, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et

vi. Le capital politique comme élément fondamental de coordination d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance.

D’où le tableau de croisement suivant ou grille ou cadre global de référence permettant d’envisager de manière logique et intégrale tout le processus de développement autour des six capitaux comme axes de développement et de trente six éléments satellitaires maintenant le système en équilibre permanent.


Cadre de Référence Global

A

B

C

D

E

F

Axe Humain

Axe Social et Culturel

Axe Environ-nemental

Axe Infra-structurel

Axe Economique

et Financier

Axe Politique

I

Axe Humain

Les ressources humaines

Socialisation

Éducation au respect de l’environnement

Éducation au respect des infrastructures

Éducation économique

Éducation politique

II

Axe Social et Culturel

Participation à la vie associative

Système social

Participation à la gestion de l’environnement

Participation à la gestion des infrastructures

Participation à la vie économique

Participation à la vie politique

III

Axe Environ-nemental

Respect de l’environnement

Structures de gestion de l’environnement

Ressources naturelles

Aménagement respectueux de l’environnement

Priorisation de la protection de l’environnement

Gestion de l’environnement

IV

Axe Infra-structurel

Respect des infrastructures

Structures de gestion des infrastructures

Structures de protection de l’environnement

Aménagement du territoire

Répartition équitable des infrastructures

Gestion des infrastructures

V

Axe Economique

et Financier

Respect des règles de la vie économique

Investissements dans l’éducation

Structures de participation à la vie économique

Investissements dans la vie associative

Investissements protecteurs de l’environnement

Investissements dans les infrastructures

Le système économique et financier

Gestion des ressources financières

VI

Axe Politique

Respect des règles de la vie politique

Politique de développement des ressources humaines

Structures de participation à la vie politique

Régulation de la vie associative

Politique de protection de l’environnement

Politique d’aménagement du territoire

Définition des grands choix économiques et financiers

La gouvernance



[1] DFID, department for international development, sustainable livelihoods guidance sheets

[2] J R Jean-Noël, Approche Participative défis et exigences : un citoyen responsabilisé est un citoyen informé, sensibilisé, sachant communiquer, motivé, formé, faisant partie d’une association qui, elle- même, est en réseau avec d’autres structures tant nationales qu’internationales. Un accès à la citoyenneté avec des droits et des devoirs vis-à-vis du pays.

[3] B Ethéart, réunion du 31/01/02

[4] Michel Soukar, émission radiophonique de Signal FM

[5] En deux ans le réseau a organisé une dizaine d’ateliers sur des thèmes très variés touchant essentiellement le développement rural intégral.

lundi 15 août 2011

Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne

Document d'orientation pour la refondation de l'Etat d'Haiti selon une vision haitienne.

FONHDILAC
Avril 2011

Remerciement.

La FONHDILAC tient à remercier celles et ceux qui ont rendu ce document possible. Ce document est le second de la série et se veut être un humble hommage à la mémoire des trop nombreuses victimes du séisme du 12 janvier 2010. La fondation tient à manifester également sa gratitude au Forum Agricole Goâvien (FAG) qui a facilité une validation certaine des communautés rurales et périurbaines de cet exercice.


I. CONTEXTE

La République d’Haïti occupe le tiers occidental de l’île d’Haïti (Quisqueya) dans la Mer des Caraïbes sur une superficie totale de 27 750 km2. La population haïtienne était estimée à 10 millions d’habitants en 2010 alors que le pays ne comptait que 3 millions de personnes en 1950. Cette forte croissance démographique se traduit en une forte densité d´environ 360 habitants par km2. Malgré une tendance à l’urbanisation progressive, la population en milieu rural représente environ 60% de la population totale.

Le pays est administrativement divisé en dix (10) départements. Parmi ces 10 départements, celui de l’Ouest à lui seul absorbe 39% de la population totale avec une très forte concentration dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (25% de la population).

Située sur la route des cyclones, Haïti est régulièrement victime des ouragans. En 2004, elle a fait les frais de deux inondations majeures suite à des phénomènes climatiques exceptionnels à Mapou/Fond Verrettes en mai et aux Gonaïves en septembre qui font plus de 4,000 morts. En 2008, elle a été dévastée par quatre tempêtes tropicales (Fay, Gustave, Hanna, Ike) ayant frappé neuf (9) des dix (10) départements du pays. Ces ouragans dévastateurs avaient fait, d’après les organisations humanitaires, plus de 800 morts, 800,000 sinistrés, et causé des pertes matérielles estimées à environ 1 milliard de dollars américains (15% du PIB). En dépit de cette situation, des efforts du Gouvernement et ceux de la communauté internationale, avaient permis, contre toute attente, à des résultats surprenants en 2009 (taux de croissance du PIB de 2.9%), le seul PMA de la région amérique latine et caraïbe (ALC) venait de surprendre tout le monde dans une année de récession mondiale. Haïti s’est donc replacée sur la carte mondiale du business.

Malheureusement, Haïti a subi, le 12 janvier 2010, un violent séisme de magnitude 7.3, dont l’épicentre se trouvait à 10 Kms de profondeur aux environs de la ville de Léogâne. Ce séisme a provoqué des dégâts dans plusieurs villes haïtiennes dont la Capitale, Port-au-Prince, et l’effondrement de la quasi-totalité des symboles physiques de l’État (120% du PIB de 2009 selon le PDNA 2010). Il a été enregistré, selon les autorités compétentes, 316,000 morts, 3,5 millions d’individus en situation d’urgence médicale, 4,000 amputés, 1,3 million de sans abri. Dans le cadre du plan national pour la relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH), il est prévu 34.5 milliards d’USD pour la reconstruction du Pays durant 22 ans. Ce plan présenté à New York, le 31 Mars 2010, a reçu 9.9 milliards d’USD de promesse de la Communauté Internationale (CI). La continuité des travaux prévus dans le cadre du document stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP2008-2011) et les premières actions humanitaires et de relèvement dans le cadre du PARDNH, n’ont certes pas permis de maintenir le taux de croissance du PIB de 2009, mais ont évité un taux de croissance négatif à deux chiffres (taux de croissance 2010 : -5.1% ). Des 9.9 milliards d’USD, 37.2% ont été engagés jusqu’en mars 2011, selon Bill Clinton, dans la cadre de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH). Avec ce taux de croissance négatif, la situation de la population haïtienne (taux de croissance de 2%) s’est donc aggravée : augmentation de la pauvreté, insécurité alimentaire, 55% de la population vit dans des conditions infrahumaines liées à la faiblesse institutionnelle nationale et locale et aux inégalités spatiales dans l’offre des équipements collectifs (Guichard Doré in Le Matin du 15 au 21 avril 2011).

De plus, en 2010, Haïti a du faire face à d’autres problèmes découlant du choléra (plus de 5000 morts depuis novembre 2010), du cyclone Tomas, des résultats des élections du 28 novembre 2010 (100 M d’USD de dommages) et du 20 mars 2011 (perturbations au niveau de certaines villes et sur les routes nationales). Malgré tout, lors des journées de la finance (4-8 Avril 2011) organisées par le Group Croissance et la Banque de la République d’Haïti (BRH), le Ministre de l’économie et des finances affirme que, en dépit des perturbations politiques enregistrées au cours du premier semestre de l’exercice fiscal 2010-2011, le taux de croissance du PIB de 8.9% prévu sera autour de 8% à la fin de l’exercice, à moins que l’on enregistre des catastrophes graves avant septembre 2011. D’un autre coté, le mercredi 4 avril 2011, à la cérémonie d’ouverture de cet événement, le Gouverneur de la BRH table sur des hypothèses de taux de croissance de 7% du PIB durant les 10 prochaines années pour passer de 700 USD du PIB per capita à 1400 USD per capita. Et l’économiste, Charles Clermont, pense qu’avec une politique axée sur le développement des PME, Haïti pourrait doubler son PIB per capita tous les cinq (5) ans avec une hypothèse de taux de croissance annuel de 15% du PIB, tous les six(6) ans avec une hypothèse de taux de croissance de 12% du PIB selon le Banker, Carl Braun , du Groupe UNIBANK.

Lors de la réunion mensuelle du deuxième dimanche du mois de la FONHDILAC, le 9 avril 2011, les cadres de l’institution, comme ils ont fait après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, ont pris la résolution de mettre en place un comité de rédaction pour l’élaboration d’un document d’orientation qui pourrait contribuer à orienter le pays durant les 25 prochaines années y inclus le quinquennat du nouveau président SEM Michel Joseph Martelly.

Ainsi, ce changement de gouvernement et de vision politique a poussé les cadres de la FONHDILAC à réfléchir, suite à leur Plaidoyer pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision Haïtienne, sorti en février 2010, sur ce présent document intitulé : Document d’orientation pour la Refondation de l’ Etat D’Haïti selon une vision haïtienne, 14 mois plus tard. Ce document, qui se veut une suite logique du premier sorti d’il y a environ un an, s’articule autour d’une vision, des objectifs, d’un cadre philosophique, des principes directeurs, des résultats attendus, des grandes lignes d’orientation, des actions, d’une stratégie globale de mise en œuvre, du chiffrage des actions, d’un chronogramme des actions, des risques et de leur gestion.
C’est un document basé sur des hypothèses optimistes (8-12% de croissance économique annuelle et 1% de croissance annuelle de la population) en dépit du fait que Haïti, pays de surprises négatives mais aussi capable d’exploits les plus extraordinaires et de résultats les plus surprenants dans des contextes mondiaux hostiles, puisse faire mentir les plus pessimistes et entrainer ses fils et filles vers des résultats axés sur une vision d’ensemble assez claire et des objectifs précis basés sur des hypothèses de travail certes optimistes, mais réalistes dans un contexte haïtien de réconciliation nationale et d’envie de vivre ensemble en vue de refaire de notre pays, la perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbe, et être un pays émergent à l’horizon 2035

II. LA VISION ET LES OBJECTIFS

La vision de cette Haïti de demain n’est pas différente de celle exprimée dans le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP 2008-2011). Cette vision a été exprimée dans le discours de lancement du PDNA 2010, le 18 février 2010, à Karibe Convention Center, Pétion ville : Nous partageons un rêve : celui de voir Haïti comme un pays émergent d’ici 2030, société de la simplicité, équitable, juste et solidaire, vivant en harmonie avec son environnement, sa culture et une modernité maîtrisée où l’Etat de droit, la liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont établis, dotée d’une économie moderne, forte, dynamique, compétitive, ouverte et à large base territoriale, où l’ensemble des besoins de base de la population sont satisfaits et gérés par un Etat unitaire, fort, garant de l’intérêt général, fortement déconcentré et décentralisé.

Cette vision gouvernementale n’est pas trop différente de celle déjà exprimée par la société civile tant en Haïti que dans la diaspora. En tout cas, elle résume bien le texte de plaidoyer de la FONHDILAC, et sied parfaitement à la vision exprimée par la FONHDILAC et à la philosophie dégagée dans le cadre de l’approche hexagonale.

Objectif Principal

L'objectif principal du Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne est de formuler des propositions concrètes aux instances concernées par la refondation de l’Etat d'Haïti, en se basant sur des réflexions menées de manière participative tant au niveau de la FONHDILAC qu’au niveau d’autres entités de l’Etat, de la société civile et de la communauté internationale collaborant avec Haïti, et en profitant au maximum des expertises et sensibilités disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

Objectifs spécifiques

1. Promouvoir les actions visant la refondation de l’Haïti de demain, plus équitable, fondée sur le droit, le partage, la solidarité, l'éducation, le respect de l'environnement et le culte du bien commun;

2. Promouvoir la mise en place d’un système tendant vers un citoyen responsabilisé dans une société économiquement riche, socialement équitable et politiquement responsable ».

3. Promouvoir le développement d'Haïti par une planification stratégique basée sur l’humain, le social, l’environnemental, sur l’infrastructurel, et sur une bonne gouvernance économique, financière et politique, et tenant compte de l’utilisation efficace des ressources humaines disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ainsi que des ressources naturelles à l’intérieur d'Haïti;

4. Mettre en place des mécanismes permettant une solidarité internationale plus efficiente à l'égard d'Haïti dans le cadre de la réforme de l’Etat visant une meilleure distribution de la justice, une meilleure distribution de la richesse du pays, la déconcentration administrative, la décentralisation et l’aménagement du territoire selon 4 régions (Nord, Centre, Ouest et Sud), 10 départements, 42 arrondissements, 140 communes et 570 sections communales.

III. LE CADRE PHILOSOPHIQUE ET LES PRINCIPES DIRECTEURS

Approches philosophiques

Le cadre philosophique de ce document d’orientation s’articule autour des approches participatives, territoriales et se base surtout sur l’approche hexagonale développée par la FONHDILAC. « L’approche hexagonale est étroitement liée aux approches Bassin Versant, territoriale, Cluster, à l’approche participative et ses diverses dérivées : le partenariat, la synergie, la responsabilisation individuelle et collective, la mise en réseau aux niveaux local, national, régional et mondial. Elle peut constituer le cadre de diagnostic, d’analyse et d’application de tout le processus de développement durable à ces divers niveaux » D’où les principes directeurs retenus.

Principes Directeurs

Dans le cadre de ce document, nous avons adopté les six principes du groupe GRAHN :

1. Justice sociale et participation citoyenne : reconstruire une citoyenneté partagée qui permet à chaque Haïtienne/Haïtien de jouir pleinement de ses droits, sans aucune forme de discrimination, tout en assumant pleinement ses devoirs envers la société;

2. Droit et accessibilité aux services de base : reconnaître le droit de tout citoyen à des services de base tels l'éducation, la santé, l'alimentation, l'eau potable, le logement, et entreprendre les actions nécessaires visant à terme l'accessibilité de ces services de base à tous les Haïtiennes/Haïtiens, sans exclusive;

3. Continuité des actions positives : identifier, valoriser et poursuivre les bonnes initiatives qui ont cours dans le pays, en évitant de faire table rase des expériences édifiantes pour repartir de zéro;

4. Arrimage avec le pays intérieur comme manifestation de la solidarité nationale : prendre en compte les aspirations et les préoccupations de la société civile haïtienne afin de contribuer à la réalisation de celles-ci et de les porter au devant de la scène internationale;

5. Urgence compatible avec le long terme : régler les problèmes urgents d'aujourd'hui en ayant recours à des solutions intelligentes et responsables qui n'hypothèquent pas l'avenir du pays;
6. Développement durable : privilégier les choix de reconstruction et de développement qui préservent les générations futures.

Auxquels, nous ajoutons les principes directeurs définis par la FONHDILAC en relation avec les axes fondamentaux de l’approche hexagonale :

Axe humain
Le principe fondamental est la satisfaction des droits humains fondamentaux en référence à la déclaration universelle des droits de l’homme, la constitution de 1987 et les objectifs du millénaire pour le développement.

Axe socio-culturel
Au niveau de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux
1. Participation-responsabilisation
2. Promotion et Protection de la culture nationale

Axe environnemental
Le principe fondamental est le développement durable, exploitation « conservatrice » des ressources naturelles.

Axe infrastructurel
Au niveau de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux :
1. l’aménagement du territoire doit respecter le principe du développement durable
2. les investissements doivent être répartis de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire (déconcentration économique).

Axe économique et financier
Le principe fondamental est l’accès équitable aux biens et services résultant des activités de production et de distribution.

Axe politique
Le principe fondamental est une répartition équitable, socialement (principe démocratique) et géographiquement (décentralisation, déconcentration administrative), de la participation de la population aux décisions et de leur mise en œuvre.

En référence, au cadre philosophique et aux principes directeurs retenus et développés, on peut s’attendre à des résultats tels détaillés au point 4.

IV. LES RESULTATS ATTENDUS

Les résultats attendus le sont eu égard à l’approche hexagonale. L’approche hexagonale vise, tout en s’appuyant sur la démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable et démocratique. D’où l’accent mis sur les six capitaux : le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital financier et économique et le capital politique. Ce qui peut se schématiser de manière logique avec l’humain à l’intérieur du social, les deux à l’intérieur de l’environnemental, et l’aménagement de l’environnemental de manière telle à ce que l’ensemble soit en harmonie, le système financier et économique pour réaliser cet ensemble et le perpétuer dans le cadre d’une gouvernance économique régulatrice et incitatrice, et le système politique pour la gestion globale et le maintien de l’équilibre harmonieux du système global.

En clair, le résultat final se traduira par la mise en place d’un nouveau système favorisant une Haïti émergente et moderne à l’horizon 2035 axé sur :

(i) Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national avec un taux de croissance de population en deçà de 2% ; Ce qui se traduira par une masse critique de gens éduqués (90% de la population) tant au niveau primaire (100%), secondaire (100%), universitaire (70%) et professionnel (100%), en bonne santé disposant de services de santé, d’eau potable, d’électricité, de communication, d’emploi (90%) à leur portée et leur permettant de satisfaire leurs besoins primaires (se nourrir, se loger, s’éduquer, se divertir) ;

(ii) Le capital social comme élément fondamental du système social et de socialisation (60% de la population regroupés dans des associations) ; en promouvant sa force culturelle, l’haïtien se regroupe en société selon sa religion, son métier, ses intérêts, ses champs de compétences, de loisirs ;

(iii) Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; l’haïtien procède à la régénération de son environnement naturel (25% de forêt primaire ajouté au 29% de couverture végétale actuelle ) qu’il perpétue avec amour à l’intérieur de ses organisations sociale, culturelle, écologique, économique et politique, en réseaux entre elles et avec des organisations de mêmes types au niveau de la caraïbe, de l’Amérique Latine et du monde ;

(iv) Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ; avec l’aide de la communauté internationale, l’Etat d’Haïti, à travers ses gouvernements, procède, à partir d’un excellent plan d’aménagement du territoire, à la réhabilitation, la construction des équipements (logements (70%), bâtiments administratifs (100%), scolaires (100%), universitaires (4 grandes universités dans 4 régions), sanitaires (70%), industriels (50%), commerciales (50%) et touristiques (40%), réseaux d’irrigation (100%), de routes (100%), d’eau potable (100%), d’électricité (90%), de télécommunications (70%), etc.

(v) Le capital financier et économique ( taux de croissance du PIB 8-12% par an, PIB 2035 : 3.5-4500 USD/Hab., à partir de la bonne gouvernance et avec l’appui de la communauté internationale dans un premier temps, et du secteur privé tant haïtien qu’étranger, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et

(vi) Le capital politique comme cadre fondamental de planification, de conception, de coordination, d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance, s’oriente vers une Haïti compétitive exploitant à fonds ses richesses naturelles en les répartissant de manière la plus équitable possible grâce à une politique de décentralisation et de déconcentration administrative basée sur les potentialités des différentes régions du pays et d’une vingtaine de pôles de développement.

V. LES GRANDES ORIENTATIONS

Les grandes orientations stratégiques de ce document d’orientation s’articulent autour des grandes lignes suivantes :

(i) Une politique de population et de développement des ressources humaines axée sur le respect des règles de la vie associative, de la gestion financière et économique, et de la vie politique, sur le respect de l’environnement et des infrastructures mises en place avec et pour la population, et se basant sur un taux de croissance avoisinant 1% au lieu de 2% actuellement, sur une politique sanitaire visant la couverture sanitaire de tout le pays depuis la section communale la plus reculée jusqu’au niveau de la ville , sur une politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle visant la satisfaction des besoins de la population en la matière jusqu’au niveau de souveraineté alimentaire le plus élevé possible et tenant compte des aspects sanitaires, éducatifs, environnementaux, agricoles, culturaux, économiques et financiers ;

(ii) Une politique de mise en place d’un système social plus équitable basé sur l’éducation visant la compétitivité, en passant par la scolarisation universelle, le nouveau secondaire, l’université, tenant compte de la culture haïtienne avec des ouvertures sur l’extérieur, en particulier la Caraïbe, l’Amérique Latine, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Asie et le monde, et promouvant une vie associative riche et bien régulée par une gouvernance sérieuse et incitative, des structures de gestion de l’environnement, des infrastructures, des structures de participation à la vie économique et à la vie politique avec des investissements importants dans le système social ;

(iii) Une politique de protection de l’environnement et des ressources naturelles axée sur l’éducation au respect de l’environnement, sur la gestion des risques et désastres, sur la participation de la population et de ses organisations à la gestion de l’environnement, sur sa réhabilitation totale, sur la promotion de l’écotourisme, du tourisme culturel, sur la mise en place des structures de gestion de l’environnement tant au niveau étatique, que des collectivités territoriales et de la société civile, et sur des investissements importants au niveau de l’environnement ;

(iv) Une politique d’aménagement du territoire agressive axée sur l’éducation au respect des infrastructures, sur la participation des structures sociales, de la société civile, des collectivités territoriales et étatiques dans la gestion des infrastructures, avec un zoning strict des aménagements (logements, routes, irrigation, eau potable, hôpitaux, etc.) respectueux des normes environnementales, tenant compte de la nature montagneuse de la République d’Haïti et de la situation de la vulnérabilité de l’environnement haïtien et de ses nombreux risques et des investissements importants y relatifs ;

(v) Une politique économique et financière visant un système financier et économique non inflationniste (taux d’inflation < 10%), protectionniste au même niveau que la Caraïbe sur certains aspects et libérale sur d’autres aspects, basée sur des grands choix économiques et financiers, sur l’harmonisation des politiques fiscales (taux de taxation autour de 15%) et monétaires (taux de change autour de 40 HTG pour 1 USD) et des taux de crédit incitatifs et favorables au développement des petites et moyennes entreprises (PME) et une couverture d’assurance à toutes épreuves couvrant tous les risques auxquels fait face le Pays Haïtien. Tout ceci est soutenu par une éducation économique et financière à la base, une incitation à la vie économique, à la priorisation de la protection de l’environnement, à la répartition équitable des infrastructures sur tout le territoire national ;

(vi) Une gouvernance politique visant le bien être de la population haïtienne et axée sur l’éducation politique de la population, sur sa participation à la vie politique, à la gestion de l’environnement, à la gestion des infrastructures, à la gestion des ressources financières, sur la déconcentration administrative, sur la décentralisation à partir de 4 régions, des 10 départements et des 42 arrondissements, sur une justice équitable , sur la reforme de l’Etat, sur la répartition des richesses eu égard aux potentialités de chaque région et des pôles de développement susceptible de garantir une croissance soutenue du PIB autour de 8-12% sur une période de 25 ans.


VI. LES ACTIONS

De ces grandes orientations découlent les actions suivantes articulées autour des ressources humaines comme tenants et aboutissants du processus de développement durable. Partant de la gouvernance politique qui englobe l’éducation politique, la participation à la vie politique, à la gestion de l’environnement, des infrastructures, des ressources financières, les politiques d’Etat axées autour des six axes et exprimées en termes d’éducation, de gestion, de respects des normes et des règles du jeu établies et en termes d’investissements publics et privés, ne visent qu’au renforcement du cadre de vie de l’Haïtien et de ses associations. Toutes les actions exprimées et articulées autour des six axes sont autant de politiques publiques à renforcer et à mettre en œuvre pour aboutir à l’Haïti de demain rêvée par tous les haïtiens.


VII. LA STRATEGIE DE MISE EN OEUVTRE

La stratégie de mise en œuvre du nouvel Etat d’Haïti selon une vision haïtienne, tout en s’inspirant de certaines propositions de réformes de l’Etat glanées ça et là et de certaines pratiques en cours au niveau de l’actuel Etat d’Haïti pour faciliter la transition et la continuité, se base sur deux points importants à notre avis : A) la réorganisation de l’Etat d’Haïti, et B) la gestion des grandes catégories d’actions.

A. La réorganisation de l’Etat d’Haïti

Pour la mise en œuvre de l’ensemble des actions ou politiques publiques décrites plus haut, il faudrait procéder par une réorganisation profonde de l’appareil étatique et gouvernemental. La constitution de 1987 modifiée, le plan stratégique de sauvetage National (PSSN), les travaux de réformes de la commission Nationale de reforme administrative (CNRA), les travaux du Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN), les Travaux des diverses commissions présidentielles, les travaux de la société Civile et du secteur privé Haïtien pourront contribuer à la mise en œuvre de ce document d’orientation.

Le regroupement des ministères selon leurs missions et attributions

L’ensemble des services de l’Etat seront regroupés en onze (11) grands ministères : (i)Le Ministère de l’intérieur, de la défense nationale et des collectivités territoriales,(ii) le Ministère des affaires étrangères, de la coopération externe et des Haïtiens vivant à l’Etranger,(iii) le Ministère de la planification, de l’Aménagement du Territoire, de la fonction publique, (iv) le Ministère de l’économie, des finances, du commerce et de l’industrie, (v) le Ministère des travaux publics, transports et Communications, (vi) le Ministère de l’éducation Nationale, de la jeunesse, des sports et des Services civiques,(vii) le Ministère de la Santé publique, de la population et de la condition Féminine, (viii)) le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles, de l’environnement et de la pêche, (ix) le Ministère de la culture, de l’Information et du Tourisme,(x) le Ministère des affaires sociales, humanitaires, des cultes et de l’emploi. (xi) Le Ministère de la justice et de la Sécurité publique.

Les secrétaireries d’Etat

Chaque Ministère sera subdivisé en secrétaireries d’Etat. Les ministères actuels regroupés sous le label d’un un autre ministère seront dirigés automatiquement par un Secrétaire d’Etat. Chacun des services de l’État se retrouve déconcentré au niveau des 10 départements et des 42 arrondissements avec tout le personnel et l’équipement nécessaire pour faire fonctionner le service au niveau local et satisfaire les besoins de la population concernée en la matière.

Ce mode d’organisation de l’Etat permettrait un fonctionnement optimum jusqu’à l’adaptation finale qui correspondrait à la vision de changement du nouveau pouvoir. Le changement ne devrait pas être seulement un changement de certaines personnes, mais aussi et surtout un changement de mentalité et de structure organisationnelle de l’Etat avec obligation de résultats périodiques et finaux.

L’organisation des Collectivités Territoriales en 4 régions et 42 arrondissements

Les collectivités territoriales seront regroupées dans 4 régions Nord, Centre, Ouest et Sud et administrées au niveau de 42 arrondissements regroupant communes et sections communales avec 20 grands pôles de développement bien équipés , dotés de tous les services de base (hôpitaux, écoles, centres de formation professionnelle, industries, centres de loisir, etc.), et entourés de villes satellitaires tampons bien dotées elles aussi, mais à un degré moindre que les arrondissements, ainsi de suite jusqu'au niveau des sections communales. Les 4 régions seront dotées de 4 campus universitaires garantissant l'avantage compétitif de notre pays dans des domaines bien spécifiques.

B. La mise en œuvre des grandes catégories d’actions de l’Etat

Pour y parvenir, la nouvelle administration, issue des élections, tout en contrôlant, de manière stricte, la question d’insécurité, devrait s’atteler à quatre (4) grandes catégories d’actions. Il en sera de même pour toute nouvelle administration durant les 25 prochaines années avec les mêmes catégories d’actions, mais un peu différentes du point de vue thématique d’un quinquennat à l’autre. Peut-être que l’on n’aura plus besoin d’une grande concertation nationale (réf.7.B.3) après la première qu’aura organisée cette nouvelle administration issue des élections du 20 mars 2011. De toute manière, attardons-nous sur les 4 catégories d’actions.

1. La gestion des actions d’urgences

Les actions d’urgences se regroupent en actions liées au choléra, le déplacement des sans abri dans des endroits décents, en attendant de les héberger définitivement dans des logements dignes de ce nom au niveau des pôles développement, de préférence loin de Port-au-Prince, d’où nécessité d’un travail de recensement très sérieux des sans abri et de leurs lieux d’origine et de ce dont ils disposaient avant le séisme ; la préparation de la saison cyclonique 2011 avec plan de contingence, la poursuite des travaux de protection des villes contre les inondations périodiques, l’assainissement des villes, des villages, la réparation des rues, des routes de pénétration, des pistes rurales, l’enlèvement des débris dans les zones affectées par le séisme, le curage des drains et des canaux, etc. ; la préparation des campagnes agricoles de printemps, d’été et d’hiver en s’appuyant sur le plan préparé par le ministère de l’agriculture, le cluster agriculture pourrait grandement aider, le traitement des ravines, des rivières, des versants, la mise en place des structures biologiques et mécaniques, etc. ; la création d’emplois temporaires dans les domaines d’assainissement , d’adoquinage de rues, d’irrigation, de conservation de sols et de l’eau, d’enlèvement des débris, de construction de logements sociaux, etc. Il faudrait que les travaux d’urgences aient des liens de continuité avec les actions durables.

2. La gestion des actions durables et structurantes

Certaines actions sont en cours d’exécution au niveau des grands chantiers routiers, d’irrigation, d’eau potable, d’électricité, de constructions d’écoles, de centres administratifs, de santé, d’universités, de centres de stockage. Le Gouvernement a intérêt à poursuivre ces actions, à mettre en œuvre les études, à faire d’autres études, à réaliser d’autres projets. Le plan national d’éducation, le plan national d’investissement agricole, le plan national de sécurité alimentaire, le plan directeur de vulgarisation, les travaux des diverses commissions, les 74 projets approuvés par la CIRH, les réformes entamées au niveau de l’Etat, au niveau du système bancaire, au niveau du système d’assurance, les projets de lois, les décrets, la reforme constitutionnelle, tous ces travaux, toutes ces actions devront se faire dans un souci de continuité de l’Etat. Il a été programmé un certain nombre d’actions dans le cadre de la CIRH dont le mandat arrive à terme en octobre 2011. Cette structure devra être remplacée à cette date par une agence de développement d’Haïti (ADH). Il ne faudra pas trop se battre avec la communauté internationale par rapport à cette entité. On pourrait facilement renégocier tout cela au moment de la création de l’Agence de développement.

3. La grande concertation nationale

Haïti dispose d’un ensemble de plans dont le PARDNH, le PSSN, le GRAHN, les plans de la société civile, du secteur privé, la grande concertation devrait en faire un plan consensuel sur 25 ans, s'attaquer à l'inégalité sociale, la justice, la déconcentration administrative, la décentralisation à partir des arrondissements, l'aménagement du territoire, l'axe capitale tel que proposé par la FONHDILAC, la mise en place de cette agence de reconstruction en lieu et place de la CIRH avec droit de regard et d'appui de la communauté internationale, les nouveaux amendements de la constitution, la réforme de l’Etat, sa réorganisation pour lui permettre d’être plus performant, le modèle de décentralisation pour Haïti par rapport aux arrondissements, les 20 pôles de développement à mettre en place dans le cadre de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, leur découpage, celui des quatre régions, les villes Tampons par rapport aux pôles de développement, la validation d’un ensemble de dossiers sur lesquels Haïti n’a pas encore de consensus, etc.

Cette concertation nationale qui viserait le regain de confiance entre les haïtiens, la réconciliation nationale, devrait être inclusive, semi souveraine, car elle ne doit pas remettre en question les résultats des élections qui ont mis en place la nouvelle administration ni toute la constitution de 1987, car cette constitution est aussi une conquête démocratique et traduit une certaine vision de l’Haïti de demain par rapport à cet Etat prédateur mis en place après 1806. Les résultats de cette grande concertation nationale seront dans la mesure du possible d’application immédiate, sauf le plan consensuel qui devra prendre en compte le plan quinquennal de la nouvelle administration.

Ce plan stratégique sera suivi d’un ensemble de plans opérationnels qui seront exécutés par les ministères regroupant un certain nombre de secrétaireries d'Etat et/ou organismes autonomes sous tutelle de ces ministres avec des structures déconcentrées et décentralisées couvrant tout le pays.

4. L’Organisation des élections municipales, sénatoriales partielles et indirectes

La Nouvelle administration aura à organiser des élections au cours de cette année en vue de renouveler le tiers du Senat, la mise en place de nouveaux maires élus, des CASECs et des institutions prévues pour la mise en place des Collectivités Territoriales (CT). L’amendement constitutionnel prévoit comment mettre en place le CEP permanent, une fois fait, il faudrait rapidement procéder à la mise en place de ce nouveau CEP et le Conseil Constitutionnel prévus par les amendements. La nouvelle administration pourrait, par la suite, procéder à l’organisation des élections sénatoriales, municipales et indirectes telles que prévues par les amendements constitutionnels.

Il faut noter et souligner que le Nouveau Pouvoir aura à organiser durant sa dernière année de Mandat de 5 ans, les élections générales telles que prévues par les amendements et qui pourraient être confirmés et même renforcés par la grande concertation semi souveraine avec des résolutions d’application quasi immédiate.
Quant aux autres quinquennats qui viendront après, les élections générales se feront durant la dernière année de la présidence selon le « calendrier harmonisé » prévu par les amendements actuels et peut-être par d’autres issus de la Grande Concertation du Premier quinquennat.

VIII. LE CHIFFRAGE, LE FINANCEMENT

Dans notre exercice de chiffrage, nous nous inspirons des réflexions et estimations faites par des professionnels aussi bien haïtiens qu’étrangers. La proposition d’érection d’une ville universitaire de 50,000 habitants près de Ganthier se chiffre à 6 milliards de dollars américains. Le document d’orientation sur Gonaïves reste dans ces ordres de grandeur. Le DSNCRP a prévu pour sa part 4.3 milliards de dollars américains sur trois ans. Ainsi, compte tenu de tout ce qui précède, nos projections pour la construction de cette nouvelle Haïti ont été de 40 milliards de dollars américains sur une période de 10 années. Ce qui correspond à des investissements moyens de 4 milliards par an.

Maintenant que nous prévoyons la mise en œuvre du document d’orientation sur une période beaucoup plus longue de 25 ans au lieu de 10 ans, il faudra revoir à la hausse les chiffres. Le Plan Stratégique de Sauvetage National (PSSN) a prévu 100 milliards USD sur une période de 25 ans. Le Plan d’action pour le Relèvement et le développement National d’Haïti (PARDNH) a prévu 34.5 milliards d’USD sur 22 ans.
Naturellement, on aurait tendance à se baser sur le montant de financement négocié par le pouvoir actuel et sur lequel il a déjà des promesses de 9.9 milliards d’USD dont 37.2% auraient été décaissés et engagés dans le cadre de la CIRH. Toutefois, il serait plus réaliste de revoir les chiffres à la hausse et les situer au niveau du PSSN, soit 100 milliards, qui correspondent au montant prévu par la FONHDILAC par extension. D’autant que, selon les hypothèses de taux croissance annuel du PIB (8-12%) prévues par la FONHDILAC, il faudra des investissements annuels (APD, publics et privés) de l’ordre de 4 milliards d’USD/an pour soutenir cette croissance sur une période de 25 ans pour faire d’Haïti, « un pays émergent et moderne » à l’horizon de 2035.

IX. LA DUREE

La mise en œuvre de la refondation de l’Etat d’Haïti se fera en trois phases : l’urgence sur 6 mois, le relèvement sur 18 mois et la reconstruction sur 23 ans subdivisés en périodes quinquennales. Dans la réalité, les trois phases ne sont jamais aussi séquentielles et rigides. En effet, à cause de la vulnérabilité du pays, durant au moins les dix premières années de la reconstruction, l’Etat aura à gérer les urgences annuelles liées aux intempéries, et même au-delà, il y aura toujours des urgences à gérer. C’est pourquoi, il faudra des phases parfaitement imbriquées, articulées et intégrées de façon à former un tout cohérent conduisant au développement durable de notre pays. Ce calendrier doit tenir compte des investissements prévus dans le cadre du DSNCRP, du PARDNH, des investissements des secteurs privés haïtiens et étrangers, de la diaspora haïtienne. Une période de 5 à 7 ans serait suffisante pour atteindre la vitesse de croisière, si nous arrivions à bien gérer les risques inhérents à une telle entreprise aussi ambitieuse de refonder un Etat, et pas n’importe lequel, le plus imprévisible de tous et aussi le plus surprenant.

X. LES RISQUES ET LA GESTION DES RISQUES EN GUISE DE CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Avec l’Etat d’Haïti actuel, les risques en temps normal se retrouvent à chaque pas. Dans le cas qui nous concerne de promouvoir la mise en place d’un nouvel Etat, la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne, il faudra les multiplier par 4 sinon plus. Aussi allons-nous sélectionner quelques uns qui pourraient surgir à n’importe quelle phase du processus de refondation de l’Etat.

La gestion des risques et désastres

Haïti fait face à des risques cycloniques et sismiques, car elle est sur la route des cyclones et basée sur un réseau de failles sismiques susceptibles de provoquer des tremblements de terre assez violents (7, 8 de magnitude) et d’éventuels tsunamis. Son degré de dégradation environnementale la rend encore plus vulnérable. Ces données doivent être prises en compte dans les politiques publiques. C’est pourquoi, chaque année, dans le budget de la République, les fonds pour la mise en œuvre d’un plan annuel de contingence doivent être inscrits pour gérer ces risques jusqu’à ce que le pays atteigne un niveau de développement qui tienne compte de ces données et qui permettent, une fois le niveau de vulnérabilité jugé assez réduit, de diminuer proportionnellement les coûts prévus pour manager ces risques et désastres. Donc, il faut éviter de refaire pareil.

Tentation de refaire pareil

Dans le cas d'Haïti dévastée, il ne peut s'agir seulement, ni d'abord, de reconstruction technique d'infrastructures et de structures. Il s'agit fondamentalement de reconstruction politique et sociale orientant la reconstruction économique et technique. Ce serait gaspiller l'aide internationale et toute la solidarité citoyenne partout mobilisée à tous les niveaux, si l'on se contentait de refaire une copie neuve sur papier vélin de la société d'avant le séisme.

Dans cette perspective, il ne suffit point de déclarer dans des discours politiquement corrects qu'on reconnaît et respecte la souveraineté d'Haïti. Il faut le montrer dans la pratique et les formes d'aide. C'est d'autant plus nécessaire que l'État haïtien, fragilisé avant le séisme, s'est quasiment effondré après le séisme. Ainsi blessé presque à mort, il est devenu une proie facile pour tous les États forts tentés de se conduire en redresseurs d'États fragiles. La nouvelle administration devra être très vigilante dans ses rapports avec ses partenaires de la communauté internationale.

Les rapports avec la communauté internationale

L'extrême fragilisation du gouvernement Bellerive et de l'État pourrait faire croire à certains qu'Haïti n'a plus les moyens de s'autogouverner dans le court terme. D’où la CIRH. Nous n’avons pas de problème avec cette entité au sein de la FONHDILAC, surtout si elle constitue une sorte de garantie pour la communauté par rapport à notre réputation de corruption. Nous insistons aussi pour la mise en place d’un Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FMB) unique tel que souhaité par le gouvernement Bellerive, mais mis en place comme un fonds en plus. Tel n'est pas notre point de vue, car nous voulons avoir des relations équilibrées avec la communauté internationale telles que prévues par les principes de la déclaration de Paris. Le peuple haïtien n'a besoin d'aucun «consortium» de pays amis pour gérer la crise à sa place, ce qui mettrait entre parenthèses la souveraineté d'Haïti. Même si l’expertise technique ainsi que l’appui financier de ces pays demeurent incontournables. Donc, ni protectorat déclaré, ni tutelle déguisée! La refondation de l’Etat d’Haïti exige des rapports harmonieux, mais aussi équilibrés entre partenaires.

La lenteur de l’Etat à décider

Pour avoir une chance de réaliser ce rêve de refonder Haïti, l’Etat doit se départir de sa lenteur proverbiale. Il est impératif que l’Etat Haïtien entame des démarches pour sauvegarder l’intérêt collectif en mettant en place cette Agence de développement d’Haïti qui pourrait remplacer la CIRH en octobre 2011. Ce faisant, il éviterait que les haïtiens, individualistes invétérés, en l’absence de l’État, ne recommencent à construire n’importe comment comme ils le font déjà, selon le « common sense » et en fonction purement de leurs intérêts égoïstes, il donnerait un signale fort à la CI sur son intention d’investir dans le durable. Dans le cas contraire, un travail de sensibilisation auprès des trois (3) pouvoirs de l’Etat devrait être entrepris par tous ceux qui se retrouvent un tant soit peu dans ce document d’orientation et qui y adhèrent même informellement.

La résurgence des vieux démons de division

Durant les premières heures après le séisme, la solidarité entre haïtiens a été vantée par les observateurs étrangers. Beaucoup de gens se sont sacrifiés pour sauver d’autres frères et sœurs. Avant l’arrivée des secours, on a partagé même un morceau de pain. Mais, depuis quelque temps, on sent venir la division. Avec la période électorale, on est retombé dans les vieux démons de division. Le pays paie les pots cassés. La bataille pour le pouvoir a fait des morts et des dégâts estimés à plus de 100 M d’USD. Avec les premiers décaissements sur les milliards de dollars de promesses d’aide, la proclamation définitive des résultats des élections du 20 mars 2011, les blessures de division risquent de prendre du temps pour se cicatriser. D’où la nécessité de cette grande concertation nationale pour nous réconcilier avec nous-mêmes . Il faut à tout prix arriver à gérer cette montée de la division en nous concentrant sur l’essentiel, la reconstruction du pays, la refondation de l’Etat d’Haïti.

La mainmise d’un petit groupe avec l’appui de la communauté internationale

La communauté internationale (CI) a sa clientèle en Haïti, un petit groupe qui le plus souvent voit ses intérêts avant ceux du pays. Il faut qu’elle change sa façon d’opérer pour se mettre à la hauteur de l’évènement et s’ouvre un peu plus sur d’autres catégories de gens. Les gens de bien qui veulent voir changer les choses pour de bon doivent se liguer contre ce petit groupe. Et la CI doit faire l’effort aussi de s’ouvrir à d’autres groupes qui, certes, ne maitrisent pas son jargon mais qui ont les compétences et l’honnêteté nécessaire pour accompagner cette refondation de l’Etat dans le sens de la collectivité.

La lutte hégémonique entre les grands pour des raisons économiques et géostratégiques

Ce séisme montre déjà la volonté des grands de se battre pour avoir le leadership de la refondation/reconstruction. Cette bataille entre les grands pourrait compromettre cette reconstruction ou la conduire dans des directions opposées à cette vision à l’haïtienne. Les haïtiens doivent faire preuve d’intelligence pour tirer le meilleur parti pour Haïti dans cette lutte des grands. Selon certains experts, il est de plus en plus sûr que notre sous sol dispose de certaines matières assez rares et même du pétrole ; en tout cas, notre pays est placé dans une position stratégique par rapport au reste de la Caraïbe et de l’Amérique Latine. Il nous faudrait avoir une conscience informée de notre réalité pour bien négocier cette solidarité internationale conduite par les grands de ce monde ou tout au moins la gérer pour le mieux.

La barrière constitutionnelle

La constitution de 1987 pourrait constituer une barrière sur certains aspects liés à la refondation de l’Etat suivant la vision dégagée. Il faut voir cette refondation au-delà du prisme de la Constitution de 1987. Il faudrait, si nécessaire, soit la modifier, soit la changer. Même si en tant qu’élément de notre lutte démocratique, il serait préférable de l’amender dans le cadre d’une grande concertation nationale semi souveraine au lieu de la changer pour préserver son coté symbole.

L’amélioration de l’image du pays

L’image du pays n’a cessé de se dégrader au cours de ces dernières 25 années. Les agences internationales dans leur évaluation périodique continue à considérer Haïti comme un endroit à risque de plus en plus élevé. Ces considérations ne sont pas sans conséquences sur la gestion de la collaboration avec les bailleurs de fonds. Les conditions se durcissent, rendant du coup la mise en œuvre des projets et programmes de développement plus compliqués à se mettre en œuvre dans des délais convenables. Un effort sensible au niveau de la gouvernance s’avère être aussi important qu’urgent. Des actions visibles visant la réduction de la corruption et/ou tout au moins sa perception, par exemple, seraient de grande utilité pour amorcer un changement positif de l’image que nous portons au monde.

La résistance au changement

La résistance au changement va être l’obstacle le plus difficile à gérer, selon Charles Cadet, l’ex-responsable de la très sérieuse Commission Nationale de la Réforme administrative (CNRA) qui avait fait des propositions pertinentes et innovantes pour la restructuration et la refondation de l’Etat, oubliées jusqu’à cette minute dans les tiroirs de l’administration de l’Etat. Il faudrait plus qu’un simple groupe comme la FONHDILAC, mais l’adhésion de la Nation Haïtienne pour porter cette vision de la refondation/reconstruction/construction de l’Etat d’Haïti qui doit redevenir, à terme, La perle des Antilles ou l’exception culturelle de la Caraïbe, et rentrer dans le cercle des pays émergents à l’horizon 2035.

FONHDILAC. Avril 2011.

www.fonhdilac.webs.com