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dimanche 2 août 2020

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (5), CORONAVIRUS OCCULTE PAR LES QUESTIONS SOCIOPOLITIQUES ET ECONOMIQUES

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (5), CORONAVIRUS OCCULTE PAR LES QUESTIONS SOCIOPOLITIQUES ET ECONOMIQUES

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1er AOUT 2020

Dans l’analyse conjoncturelle du mois de Juin 2020, nous avons essayé, pour changer un peu, de donner la priorité à un fait divers significatif, la cérémonie d’hommage à Antoine Joachim[1], un bel exemple de citoyen authentique, un modèle à suivre pour projeter l’Haïti de demain, sans pour autant oublier les questions socioéconomiques confrontées par le pays.  Dans l’analyse de la conjoncture du mois  de juillet 2020, malgré la présence de la pandémie du coronavirus et les risques de cas importés encourus par le pays avec la réouverture des frontières, en particulier les deux  aéroports internationaux, on relève la prédominance de l’actualité sociopolitique liée : (i) au nouveau Code Pénal ; (ii) à la démission en bloc des membres du Conseil Electoral Provisoire (CEP) ; (iii) à la question de l’énergie ; (iv) à la révocation/démission de ministres et leur remplacement ; (v) à la nomination de nouveaux directeurs généraux (EDH, ULCC) ; (vi) au remplacement du Commissaire du Gouvernement Jacques Lafontant par Ducamel Gabriel ; (vii) à « la déclaration d’engagement Juillet 2020 » d’une grande partie de l’opposition politique ; (viii) à l’abandon du navire gouvernemental par certaines personnes ; (ix) au passage, dans la nuit du 30 juillet 2020, au large du Nord de la Tempête ISAAS après avoir frappé sévèrement la République Dominicaine ; (x) à la  mort due à une complication respiratoire de Kompè Filo, notre monument national, le 31 Juillet 2020, une grosse perte pour Haïti, une figure de proue de la presse haïtienne qui se passe de présentation. Dans l’ensemble, à l’analyse de la conjoncture haïtienne et mondiale, Haïti et le monde sont toujours à la croisée des chemins, et, cette fois-ci encore, en donnant préséance aux questions sociopolitiques et donc économiques par rapport à la pandémie coronavirus.

 Cette analyse  s’attardera sur la pandémie dans le monde et en Haïti. Parmi les nombreux faits saillants énumérés, on fera une analyse axée sur la situation sociopolitique et économique, en particulier (i) les remous de l’actualité en relation avec le nouveau code pénal, (ii) la question de l’énergie, la nomination d’un nouveau directeur de l’EDH, le dossier de l’énergie dans sa globalité et (iii) la situation socioéconomique du pays en termes de déficit budgétaire , de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, d’inflation, de vie chère, de la situation au niveau de Cité Soleil, bataille entre gangs et Kidnapping. Cette analyse se base comme d’habitude sur des observations propres de l’auteur, des informations rapportées par les médias traditionnels, les médias en ligne, les réseaux sociaux, etc., et se termine sur des conclusions appropriées basées sur une entente entre nous.

A.           SITUATION DE LA PANDEMIE AU NIVEAU MONDIAL ET EN HAITI

Au 1er Aout 2020, la pandémie continue de faire rage dans le monde, en particulier aux USA, au Brésil, en Inde, en Russie, les 4 pays les plus touchés, avec des conséquences graves au niveau de l’économie mondiale.

La pandémie se traduit, au 1er Aout 2020, par 17,613,859 cas confirmés, 679,996 morts et 10,330,958 de personnes récupérées au niveau mondial[2] ; tandis qu’en Haïti, on enregistre officiellement pour la même date, 7424 cas confirmés de contamination, 161 morts, et 4604 personnes récupérées. Il aurait fallu se pencher sur deux pays qui ont des liens très étroits avec Haïti, les USA et la République Dominicaine. On se contentera de regarder de plus près le cas des USA, pour deux raisons c’est le pays le plus touché de la planète par la COVID-19, c’est notre plus grand pourvoyeur en transfert de devise par l’intermédiaire de la diaspora haïtienne qui y demeure. La situation est extrêmement grave dans trois états plus ou moins proches de notre pays. Il s’agit de la Floride, de Georgia  et du Texas. Dans ces trois Etats du sud des USA, la pandémie fait rage. On pourrait évoquer le cas de la République Dominicaine, notre 2e partenaire commerciale de l’Est de l’île d’Haïti que nous partageons avec eux, séparée par une frontière poreuse.

Pourtant, malgré le retour forcé ou volontaire de dizaines de migrants en provenance de l’Etat voisin de l’Est et des milliers de nos compatriotes en provenance des USA, on enregistre une baisse inexplicable de cas de contamination dans notre pays. Par contre, la situation économique dans ces deux pays influence négativement notre pays.

Situation économique au niveau mondial, le cas des USA

La situation économique au niveau mondial est catastrophique. Les prévisions sont assez sombres. Notre voisin de l’Est, qui vient de réaliser les élections présidentielles, avec la victoire de Luis Rodolfo Abinader CORONA du Parti Révolutionnaire Moderne (PRM), en sait quelque chose à partir de l’aggravation de la situation sanitaire due au déconfinement et au passage récent de la Tempête ISAAS. Quant aux USA, le déconfinement, les manifestations enregistrées après le meurtre de George Floyd, et l’attitude irresponsable de M. Trump, le président américain, face à la pandémie, ont largement aggravé la situation sanitaire et économique aux USA. 

La récession bat son plein chez le grand voisin du nord qui rentre « officiellement en récession[3] ». En effet, selon une dépêche de l’Agence France Presse : « Le chômage repart à la hausse aux États-Unis, où beaucoup de commerces ont dû refermer et où les voyages ont été restreints face à la flambée de nouveaux cas de COVID-19, après une chute historique du PIB au deuxième trimestre. » « Les inscriptions au chômage grimpent de nouveau, pour la deuxième semaine d'affilée, alors qu'elles étaient en baisse depuis le mois d'avril. Du 20 au 25 juillet, 1,43 million de nouveaux Américains ont pointé au chômage.» Face à cette situation, le président, qui tablait sur une relance de l’économie américaine, pour refaire son retard par rapport à son rival démocrate, Joe Biden, à 100 jours de l’élection présidentielle de Novembre prochain, se retrouve empêtré davantage face à son rival qui l’accuse d’avoir mal géré la pandémie et d’être le principal responsable de la situation actuelle du pays.

Selon la dépêche citée plus haut, la description de la situation économique aux USA fait frémir et l’on craint ses conséquences sur notre pays : « Usines à l'arrêt, commerces fermés, bureaux désertés... Entre avril et juin, le PIB a chuté de 32,9% en rythme annualisé, mesure privilégiée par les États-Unis et qui compare le PIB à celui du trimestre précédent, et projette l'évolution sur l'année entière à ce rythme. » Plus loin, il est précisé ceci : « Cette chute vertigineuse de la richesse nationale est la «plus forte contraction trimestrielle depuis que le gouvernement a commencé à publier ces données» en 1947, a encore commenté Diane Swonk…«Le précédent record était une baisse de 10% au premier trimestre 1958», a-t-elle ajouté. Enfin, « Les comparaisons historiques peinent à refléter l'ampleur de la situation. Même au cœur de la Grande Récession de 2009, qui avait suivi la crise financière, la baisse avait été quatre fois moins élevée. »

        Le coup de massue de Joe Biden à Trump

«C'est un échec présidentiel. Si le président Trump avait pris des mesures immédiates et décisives, des dizaines de milliers de vies et des millions d'emplois n'auraient jamais été perdus», a assené  le candidat démocrate à la Maison-Blanche, Joe Biden.

Alors que les analystes économiques haïtiens craignent les retombées économiques et sanitaires en lien avec nos voisins du Nord et de l’Est, le pays haïtien qui confronte des problèmes de toutes sortes,  se concentre sur les questions sociopolitiques qui occultent la pandémie.

B.              LES QUESTIONS SOCIOPOLITIQUES OCCULTENT LE CORONAVIRUS EN HAITI

Au lieu de nous pencher sur des questions sérieuses liées à la survie du peuple haïtien, nos hommes et femmes politiques ainsi qu’une bonne partie de la société donnent de préférence la préséance aux questions sociopolitiques. L’actualité a été dominée essentiellement par Les retombées sociopolitiques du décret sur le code pénal (« code pénal immoral » selon le secteur chrétien, grosses manifestations pacifiques au Cap et à Delmas).

A entendre les spécialistes du droit, on s’y perd davantage. L’approche manichéenne de la question empêche le simple citoyen de comprendre de quoi il en est vraiment. Les gens au pouvoir essaient de se justifier, les auteurs réels du décret ont fait sortir tout un plaidoyer explicatif, traduisant le bien fondé de leurs travaux, qui ont commencé sous la présidence de Préval, continué sous celle de Martelly, déposé à la Chambre Haute sous celle de Moïse, et publié sous forme de décret par la présidence et le gouvernement Moïse-Jouthe. Quant aux juristes de l’opposition politique, ils ont été les premiers à condamner le décret en s’appuyant sur un certain nombre d’articles controversés selon leurs interprétations. Et  un juriste dont je n’ai pas retenu le nom a conclu ceci : « en matière pénale, tout ce qui n’est pas interdit est permis ». Quant à la Fédération des Barreaux d’Haïti (FBH), elle a tout rejeté en bloc, en déclarant «inconstitutionnels » l’ensemble des décrets pris par l’Exécutif en l’absence du Pouvoir Législatif. Cela me ramène à ce questionnement, les décrets pris par les gouvernements de transition, comme celui[4] de la présidence  d’Alexandre et celui de la présidence de Privert, sont-ils « inconstitutionnels»? Si oui, pourquoi continue-t-on de les appliquer?

En tout cas, la présidence, qui profite du « boulevard » dû au dysfonctionnement du Parlement, entreprend, avec le gouvernement Jouthe, un certain nombre d’actions de développement comme la continuation des travaux du barrage de Marion, de ceux de la route Carrefour Joffre-Port-de-Paix, de la route Cayes-Jérémie, de la route Carrefour Charles-Corail, des travaux de réhabilitation du périmètre de Latannerie. Le Président Moïse a procédé à l’inauguration de l’Aérodrome de Jérémie et de la route le desservant, sans oublier les travaux de rénovations urbaines, en particulier à Port-de-Paix. Pour ne pas les citer.

La question de l’Energie

Par ces temps de blackout au niveau de l’ensemble du pays, en particulier au niveau de la zone Métropolitaine de Port-au-Prince, où l’on n’a pas eu durant un mois une étincelle d’électricité et ça continue, la Présidence et la Primature ont procédé à la révocation du Ministre de la Justice, Lucmane Délile et à son remplacement par le Directeur de l’ULCC. Le ministre de la Jeunesse et des sports a démissionné suite à des déclarations fracassantes en lien avec les centres sportifs construits avec les fonds PETROCARIBE. Elles ont également tenté de relancer le processus électoral, en demandant aux institutions ayant envoyé des membres au CEP de confirmer ou de déléguer d’autres personnalités à l’institution électorele. Coup de théâtre, les conseillers électoraux en place depuis 2016, ont démissionné en bloc, mettant ainsi l’Exécutif dans l’embarras. Enfin, c’est la nomination des Directeurs généraux de l’ULCC et de l’Electricité d’Haïti (EDH). Si celle de l’UCC est passée inaperçue, la nomination de Michel Présumé à l’EDH a provoqué des remous  comme celle de la plupart des maires qui deviennent des agents intérimaires sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Ce qui fait dire à certains observateurs que le pays ne compte actuellement qu’une dizaine d’élus, le Président et ce qui reste du Sénat. On comprend la sortie de l’opposition politique et des groupes de la Société civile sous le label de « la déclaration d’engagement Juillet 2020», réclamant en substance le départ du Président maintenant ou au plus tard le 7 Février 2021.

Le mouvement des employés de l’EDH contre la nomination de Présumé, l’arrêt de travail observé par ces derniers qui aggrave la question d’électricité (Blackout pired), la rareté artificielle de carburant vite corrigée mais susceptible de rebondissement, la bataille entre gangs armés pour l’occupation de nouveaux territoires, les dommages collatéraux qui s’ensuivent (pertes en vies humaines, arrachements des pilonnes électriques pour en faire des barricades dans la zone de Croix-des-Bouquets entre autres, les accusations des organisations des droits humains à l’encontre du Président Moïse qui serait de connivence avec la fédération des Gangs, le G9 et alliés, on dirait que le Président[5] associe tout cela, entre autres, à sa lutte contre l’oligarque du secteur Energie. Il suffit de suivre son intervention au Cap-Haïtien face aux journalistes pour en avoir une idée assez claire de sa ligne de défense par rapport aux remous  de l’actualité qui domine le pays durant cette conjoncture analysée, en particulier l’électricité

La question de l’électricité « 520 MW, grosse promesse ou gros rêve? »

Cette question a dominé l’actualité à  côté des autres points analysés ou effleurés plu haut. Lors de l’intervention du Président, il a fourni des détails sur plusieurs points dont l’électricité. Un visionnement attentif de la vidéo (voir réf.5) permet d’avoir une compréhension assez édifiante de la position du Président. Normalement, il aurait  été préférable d’attendre la fin du processus avant d’aborder à nouveau cette histoire de courant 24/24. En tout cas, il en a parlé  en détails, et le Premier Ministre de préciser que le pays sera doté de 520 mégawatts (MW) et le Nouvelliste de titrer : « 520 mégawatts, grosse promesse ou gros rêve[6] ? ». « 520 mégawatts, c’est l’équivalent de dix fois la puissance installée de la centrale hydroélectrique de Péligre, la plus importante infrastructure du secteur de l’électricité dans le pays. 520 mégawatts, c’est colossal ».

Il est aussi question de doter le pays, en attendant la mise en place des 520 MW, d’une forniture d’électricité à l’aide de barges moyennant la réparation du circuit de transport. Selon les précisions du Nouvelliste « Depuis 1994, il était question que des barges, bateaux transportant des centrales électriques, accostent pour alimenter la capitale. Dans les prochaines semaines, si les promesses se matérialisent, ce sera chose faite. Restera à payer la consommation et à rendre l’opération viable au-delà de la communication et de la satisfaction de la promesse tenue. Toujours selon les plans dont Le Nouvelliste a obtenu copie, des centrales solaires, au gaz naturel et des centrales thermiques vont être construites, les réseaux et les infrastructures en panne seront réparés ou reconstruites, agrandis ou construits. Sur le papier, le pays aura du courant électrique comme jamais. Pour le moment, deux inconnus : les délais de réalisation et les financements.»

C.               EN GUISE DE CONCLUSION

Par rapport à la situation du pays pour la période sous étude, le déficit budgétaire a atteint, en Juin 2020, 34 Mrds de gourdes (découvert budgétaire selon le PM Jouthe) ; la gourde se dégringole (120 G pour 1 USD à la vente) ; l’inflation en Mai est  de 23.4%, selon IHSI ; l’insécurité globale est en nette augmentation (400 morts violentes depuis Janvier 2020, selon une organisation de droits humains) ; les routes nationales sont loin d’être sures (Carrefour Paye, Villard sur la Nationale No 1, la Nationale No 2 à certains endroits, etc.) ; la même chose se constate dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, des foyers d’insécurité à Cité Soleil, Village de Dieu, à Tabarre à Pont Croix-des-Missions et Pont Tabarre, à Croix-des-Bouquets, etc. ; l’insécurité alimentaire se sent dans le panier de la ménagère (+2000 G/ménage/jour) ; la vie chère s’installe de plus en plus ; la pauvreté augmente ; le kidnapping refait surface à la faveur de la situation sociopolitique. La COVID-19 est là, sous-jacente, et pourra s’amplifier à la faveur du ralentissement de la mise en application des mesures barrières.

Le Gouvernement doit réagir rapidement. La réouverture des classes est programmée pour le 10 Aout 2020. Avec la fin de l’état d’urgence sanitaire et les interdictions associées, l’opposition politique annonce la reprise de ses activités, toujours avec le même objectif, le départ volontaire ou forcé de Jovenel Moïse. La noirceur s’annonce donc plus sombre, surtout si le mode opératoire de « peyilok » reste le même.

Dans l’analyse de la conjoncture du mois d’Avril 2020, nous avons proposé de mettre en place un programme post-COVID axé sur le secteur agricole et la sécurité alimentaire[7]. Selon certaines sources, les ministères de l’économie et des Finances (MEF) et de la planification travailleraient sur un Plan de relance Economique post-Covid (PREPOC 2020-2022) en support au budget 2020-2021 et 2021-2022 ; souhaitons qu’ils tiennent compte de l’analyse conjoncturelle du mois d’avril et des réflexions produites en Mai 2020 (Réf.7). Il nous faudrait coute que coute trouver une forme d’entente entre nous pour faire avancer le pays, en mettant de côté nos querelles intestines, en nous battant pour notre chère Haïti avec le même leitmotiv : HAITI D’ABORD ET AVANT TOUT, et non en donnant la priorité à nos clans respectifs. Que Dieu nous vienne en aide !!!


lundi 29 juin 2020

CORONAVIRUS, LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (4), LA POLITIQUE REPREND SA PLACE, AVEC L’ESPOIR DU MODÈLE, ANTOINE JOACHIM, POUR UNE HAITI EMERGENTE EN 2040 ET PHARE DU MONDE EN 2054


CORONAVIRUS, LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (4), LA POLITIQUE REPREND SA PLACE, AVEC L’ESPOIR DU MODÈLE, ANTOINE JOACHIM, POUR UNE HAITI EMERGENTE EN 2040 ET PHARE DU MONDE EN 2054
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUIN 2020 REVU LE 30 JUIN 2020 ET LE 1er JUILLET 2020

La conjoncture, tant au niveau mondial qu’en Haïti, est marquée par le coronavirus, avec un glissement de plus en plus net vers la politique qui reprend ses droits et entraine, avec elle, son cortège d’inquiétudes. En effet, l’organisation mondiale de la Santé (OMS) s’inquiète du pic le plus élevé de COVID-19 depuis le début de la pandémie, autour de 150,000 contaminations en en 24 h, en particulier en Amérique,  ce qui se traduit, en ce matin du 29 Juin 2020[1], par 10, 123,690 cas de confirmés, 501,410 cas de morts et 5, 103,391 cas de guérison, tandis qu’en Haïti, il est enregistré 5777 cas de contaminations, 100 cas de morts et 706 cas de récupérés. Avec le débat au niveau politique tant Haïti qu’ailleurs, et l’aggravation de la situation socioéconomique et politique, le monde et Haïti sont toujours à la croisée des chemins. Pour nous convaincre de pouvoir nous en sortir en Haïti, nous avons honoré pour la fête des pères, le 28 Juin 2020, un citoyen modèle, avec l’espoir de projeter une vision positive de notre pays, Haïti. Et nous titrons notre article sur la conjoncture : « CORONAVIRUS, LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS, LA POLITIQUE REPREND SA PLACE, AVEC L’ESPOIR DU MODÈLE, ANTOINE JOACHIM, POUR UNE HAITI EMERGENTE EN 2040 ET PHARE DU MONDE EN 2054.»


La situation au niveau mondial

Coronavirus, la décrue continue en Europe, c’est la reprise, avec les élections municipales en France et la présidentielle en Pologne, c’est aussi la reprise des divers championnats de football en Europe, tout au moins dans les grands pays, comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, le Portugal.

En Amérique, du Nord  au Sud, c’est la flambée, avec des crues  aux USA et au Brésil, les deux pays les plus peuplés et les plus riches du continent. Ce qui porte le nombre de contaminés à des pics non encore atteints au niveau mondial, plus de 150,000  en 24h, selon le Directeur Général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Présidents Trump des USA et Bolsonaro du Brésil, en grande difficulté politique, ne jurent que par le déconfinement, en dépit des milliers de morts et des contaminations en cascades dans des Etats économiquement les plus forts. La sortie du livre de son ex-conseiller en sécurité nationale, John Bolton[2],  accouplée à l’affaire Floyd, met Donald Trump dans une situation très embarrassante et donne l’avantage dans les sondages à Joe Biden, le candidat démocrate, pour les présidentielles de Novembre 2020. De plus, le chômage est autour  de 13%, avec plus de 30 M d’américains à la recherche d’un emploi.

Dans les autres continents, la situation n’est pas tellement grave, une certaine tendance à la hausse en Afrique, l’Asie et l’Océanie en décrue, avec quelques foyers en chine. Rien de grave. Certes, on s’inquiète, toutefois, la reprise se maintient. C’est de bon augure. On parle d’élections dans certains pays africains (Mali, Burundi, pour ne pas les citer).

La Banque Mondiale[3] accompagne la plupart des pays, une centaine, qui abrite 70% de la population mondiale, pour les aider à faire face au coronavirus et préparer l’après COVID-19, dont Haïti.

La situation en Haïti, se préparer au pire ?

Haïti, qui a franchi le cap de 100 morts et de plus de 5500 contaminés, et qui a récupéré plus de 700 personnes contaminées, avec une possibilité d'augmentation de cas de contamination dans l'ensemble du pays, à partir du retour de plus de 32,000 personnes de la République dominicaine et d'autres haitiens en provenance d'autres pays (ouverture Aéroport prévue pour le 30 Juin), se débat dans une sorte d’imbroglio politique, lié au mandat du Président Jovenel Moïse, 7 Février 2021 ou 7 Février 2022 ? Si on  se réfère aux arguments de chaque camp, tout le monde a raison. Il faut reconnaitre que nous autres haïtiens, nous avons vraiment cette grande capacité à nous écarter de l’essentiel pour embrasser le superflu. Que de bons textes écrits pour justifier le départ le 7 Février 21 ou 22 ! Et si on avait consacré toute cette énergie à proposer des choses pour sortir Haïti de sa situation actuelle (la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, le chômage, la faim, la maladie, le passage de la brume de sable en provenance du Sahara occidental, Afrique du Nord,  le taux d’inflation, la récession, avec une prévision d’une chute de 3.6%) !!! 

La sortie du budget 2019-2020 (198.6 M de gourdes, avec ce taux de change instable et constamment à la hausse autour de 115 G pour 1 USD, correspondrait à  1.73 Mrd d’USD, le taux de référence de la BRH étant de 113.2766 G. pour 1 USD,le 29/06/20) a été diversement interprétée par nos économistes quant à sa sincérité, contrairement au ministre de l’économie et des finances, P. Boisvert[4], Interview avec Pharel. Ce budget, en grande partie déjà consommé, vient de combler un vide budgétaire qui remonte à 2018, car, depuis, le pays vivait sous le régime du «  budget criminel » 2017-2018, qui a déclenché, le 12 septembre 2017, les manifestations anti-gouvernementales, qui se sont intensifiées en juillet 2018, pour culminer en 2019, avec les phénomènes de « peyilok », et prolongées en 2020 par la rébellion policière jusqu’à l’accalmie observée  avec l’apparition du coronavirus en Mars 2020. 

Et, quand on regarde la tendance, avec la sortie d’un ensemble de « décrets controversés » pris par l’administration Moïse-Joute, on est en droit d’être inquiet, surtout si on se réfère aux déclarations de l’opposition politique par rapport à la date du 7 Février 2021, date de fin de mandat du Président Moïse. Cette opposition exige le départ de Moïse et son remplacement par un gouvernement de transition, qui organiserait les élections après 2 ans. Elle est aussi contre la modification (réforme) de la Constitution de 1987, réforme voulue par le Core Group et le pouvoir en place. Donc, dans la mesure où J. Moïse devrait partir le 7 Février 2021, et être remplacé par un gouvernement de transition, l’administration issue des urnes en 2023, ne pourrait passer que 3 ans au pouvoir. Haïti n’est donc pas prête de sortir de l’auberge. Il faudrait donc se préparer au pire.

Les gangs se fédèrent en G9

En effet, si l’on en croyait, les conclusions de deux organisations des droits humains, RNDDH et FJKL, sur les heurts entre gangs, causant des dizaines de morts dans le pays, sans compter les assassinats des citoyens paisibles chez eux au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le pouvoir serait de connivence avec des gangs qui se fédèrent en G9, sous l’instigation d’un certain J. Chérisier, ex-policier (en principe recherché par la justice)  à la solde de l’administration en place, selon ces deux organisations. De là à rendre le pouvoir responsable de tous les crimes commis, il n’y a qu’un pas. En outre, à entendre parler Chérisier à la radio, on dirait un futur leader politique, tout au moins, un futur candidat. Le simple citoyen haïtien est donc très inquiet par rapport à cette situation d’insécurité, qui touche l’ensemble du pays et qui ralentit considérablement les activités économiques. Insécurité, la faim et le coronavirus, un vrai cocktail explosif qui attend la moindre étincelle pour exploser. A moins que nous prenions conscience de cette éventuelle et probable explosion et que nous nous mettions ensemble pour sauver ce qui peut encore l’être de notre pays meurtri.

Hommage à Antoine Joachin, Haïti émergente en 2040 et phare du monde en2054

C’est en ce sens qu’un groupe de citoyens, des professionnels de tous bords, ont décidé d’honorer, à l’occasion de la fête des pères, le 28 Juin 2020, le citoyen policier, Antoine Joachim,
un modèle qui a fait l’unanimité, puisque, durant le mois de préparation de cette cérémonie d’hommage, à Villa MAMIKA, Croix-des-Bouquets, deux autres groupes de citoyens sans aucune connexion avec le nôtre , nous avaient devancés. 
Dans notre groupe informel, nous avons, entre autres, des citoyens qui collaborent, à titre individuel, avec deux fondations, la fondation haïtienne pour le développement intégral Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC) et la fondation haïtienne pour le relèvement et le développement (FHRD), qui ont en commun la philosophie participative, en particulier, l’approche hexagonale, axée sur l’humain, le socio-culturel, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique
/finance, et la politique / gouvernance. Selon cette approche, il faudra arriver à un citoyen responsable, compétitif, honnête, soucieux de son environnement, vivant  dans un habitat acceptable, dans un pays bien équipé,   économiquement équitable et politiquement responsable.

C’est ce que symbolise, en partie, Antoine Joachim, ce policier responsable, honnête, bon père de famille, bon employé, bon citoyen et bon haïtien, avec un grand sens du devoir.
JOACHIM AU BOULOT
JOACHIM ET SES ENFANTS
Il faut le voir travailler dans la poussière, sous la pluie avec de l’eau boueuse couvrant totalement ses chaussures, pour comprendre notre choix. Ce choix a été déclenché par une photo prise par un de nos amis. Nous nous sommes tous, spontanément, embarqués dans cette aventure de cérémonie d’hommage à ce « potorik gason », qui redonne espoir à cette Haïti que nous voulons reconstruire, et en faire « Un Pays « émergent en 2040 et Phare du monde en 2054 » pour sonner le glas du système haïtien et mondial « Pezesouse», comme notre pays avait sonné le glas du système  esclavagiste mondial en 1804, avec des Héros comme Dessalines, Christophe, Pétion, Capois, pour ne pas les citer tous.

C’était là l’essentiel de mon discours de circonstance, désigné par mes pairs, comme membre du groupe, pour porter la parole officielle, en hommage à notre Antoine Joachim national, avec l’espoir d’avoir d’autres Joachim qui se reconnaissent en ce héros, et l’espoir de produire d’autres Joachim, dont la tâche primordiale serait de construire et  de perpétuer le nouveau système haïtien dans le concert des nations du monde.

C’est cette vision que nous offrons à notre pays, Haïti, et au monde entier, en cette période troublée, en suppliant nos hommes et femmes politiques à se mettre ensemble dans le cadre d’une grande concertation nationale, sans exclusive, pour aboutir à ce Pays émergent en 2040 et phare du monde en 2054, avec une masse critique d’Antoine Joachim pour le perpétuer, afin qu’il serve d’exemple vivant au monde entier. Que Dieu nous vienne en aide !!!

mercredi 3 juin 2020

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (3)- SECURITE ALIMENTAIRE, INVERSER LA TENDANCE[1] (2) : ELEMENTS D’UN PROGRAMME-CADRE AXE SUR L’ENVIRONNEMENT ET L’AGRICULTURE


COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (3)- SECURITE ALIMENTAIRE, INVERSER LA TENDANCE[1] (2) : ELEMENTS D’UN PROGRAMME-CADRE AXE SUR L’ENVIRONNEMENT ET L’AGRICULTURE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
3 JUIN 2020

Malgré les prévisions pessimistes, jusqu’à date, Haïti n’a pas encore franchi le cap de 100 morts, ni le cap de 3000 contaminés sur les 5,562 testés[2]. Toutefois, les 281 cas de contamination en 24 h enregistrés, le 28 Mai et le 1er  Juin2020, inquiètent et révèlent une tendance à la hausse qui pourrait culminer dans les prochaines semaines à des sommets non connus à date. En tout cas, les sceptiques haïtiens, qui refusaient même de parler de coronavirus, et attaquaient les endroits préposés aux éventuels patients au point de bruler vif un présumé patient à Carrefour, Lamentin 52[3], en incendiant sa résidence, sollicitent de plus en plus le ministère de la Santé Publique et de la population (MSPP) pour des tests, plus de 600,000 demandes, sur fond d’insécurité au niveau de la zone métropolitaine (tueries entre gangs). Le déni fait donc place à la panique, d’autant que de grandes personnalités politiques, de médias, de l’Etat, et de la Police Nationale d’Haïti (PNH) ont contracté la maladie ; un haut gradé de l’Armée en est mort, et des « foyers de fièvre » se constatent dans l’ensemble du pays, en particulier au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, et dans certaines villes de province, Gonaïves, St Marc, Cap-Haïtien, etc. Le Gouvernement, qui distribue les matériels médicaux commandés en chine pour 18.6 M USD, a déjà dépensé environ 56 M USD en relation avec la COVID-19, et  a prolongé l’Etat d’urgence sanitaire pour deux mois et rendu le port de masque obligatoire. Au niveau mondial, c’est la décrue et le déconfinement en Europe, sauf la Russie, contrairement à l’Amérique, avec les USA en tête, se débattant dans des révoltes/émeutes liées à l’assassinat de George Floyd, un noir de 46 ans, par un policier blanc, avec des répercutions au niveau mondial , suivis du Brésil avec plus de 1000 morts par jour. En clair, la situation au niveau mondial se traduit à date[4] par : 6,373,783 cas de personnes contaminées, 2,706,352 cas de personnes guéries et 379,844   cas de morts[5] ; tandis qu’Haïti enregistre officiellement, 2,509 cas de personnes contaminées, 24 cas de personnes guéries et 48 cas de morts. Les menaces de famine demeurent en Haïti et au niveau mondial.  D’où le titre de cet article, « COVID-19, HAITI ET LE MONDE ET A LA CROISEE DES CHEMINS (3), SECURITE ALIMENTAIRE, INVERSER LA TENDANCE(2) : ELEMENTS D’UN PROGRAMME-CADRE AXE SUR L’ENVIRONNEMENT ET L’AGRICULTURE ».

A.      PERSPECTIVES 10 ANS : INVERSER LA TENDANCE 65% PRODUITS ALIMENTAIRES LOCAUX ET 35% DE PRODUITS IMPORTES

Les premières conclusions par rapport à la situation alarmante d’Haïti liée, en majeure partie, à la vulnérabilité environnementale du pays haïtien, et à sa gestion socioéconomique et politique  et ses conséquences néfastes sur la vie de la population, conduisent tout droit vers des réponses de types stratégiques qui tiennent compte des expériences accumulées et des innovations à apporter dans tous les domaines de développement, en particulier l’agriculture, l’environnement, la gouvernance, et surtout  qui  visent une utilisation maximum de l’abondante main d’œuvre du pays liée à sa jeunesse, sa principale richesse.

Les réponses à fournir doivent impérativement s’articuler autour des stratégies prévues ou en cours d’application. Certaines remontent à quelques années, d’autres sont plutôt récentes. Avec l’imbrication de la communauté internationale dans la crise haïtienne et dans ses perspectives de solutions, ces réponses s’articuleront autour des stratégies mondiales ou régionales ayant une incidence directe sur Haïti, comme les 17 objectifs du développement durable (ODD) par exemple, autour du document de la stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), du Plan d’action pour le relèvement et le développement National d’Haïti (PARDNH 2010-2030), du Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH).

Plus spécifiquement, il faudra s’appuyer sur : (i) la politique de développement Agricole (PDA 2010-2025) ; (ii) le plan national d’investissement agricole (PNIA 2017-2021) et le programme triennal de relance agricole (PTRA 2013-2016) à actualiser ; (iii) le document de Synthèse des plans d’action départementaux et ses 17 axes prioritaires, en particulier ses axes liés à l’environnement (400,000 ha), l’agriculture (120,000 ha), le transport (4000 km) et la création d’emplois ; (iv) le Plan National de Sécurité alimentaire et Nutritionnelle (PNSAN 2018-2030), selon ces mêmes axes stratégiques ; (v) les diverses stratégies définies au niveau du Ministère de l’Environnement (MDE), du Ministère de l’Agriculture  (MARNDR) et au niveau de la commission nationale de sécurité alimentaire (CNSA). L’ensemble de ces stratégies constitue le cadre de référence de ce document.

En d’autres termes, avec la dépendance d’un pétrole dont le baril de brute ne cesse de battre des records de baisse[6] (autour de 36 USD/le baril), les crises de « payi lok » et du Coronavirus (COVID-19), l’intensification de la coupe des arbres pour le charbon de bois, une population devenant de plus en plus pauvre, une législation qui peine à se mettre en place et à se faire respecter, un certain laxisme des autorités face à la chose environnementale et l’absence d’un plan d’aménagement du territoire, l’aggravation de la dégradation des bassins versants va poursuivre sa progression avec les conséquences encore plus importantes que par le passé. Il faut donc agir et agir vite dans un schéma global cohérent, reposant sur une répartition territoriale  en fonction des potentialités identifiées par zone (les 5 châteaux d’eau du pays), tournant autour de la mutualisation des ressources, de l’imbrication intra-sectorielle des actions, de leur articulation intersectorielle et de leur intégration à l’action gouvernementale, centré sur la personne comme tenant et aboutissant du processus de développement, et orienté vers la production nationale, la commercialisation des produits et la redistribution de la richesse nationale.

Dans le cas contraire, la situation, vécue ces derniers mois (3e et 4e  trimestre 2019 et les 5 premiers mois de 2020, et après le passage  de la crise de COVID-19), deviendra la règle. Haïti deviendra une terre invivable et continuera de déverser ses survivants sur les rives des autres états de la Caraïbe, de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine. La pression démographique étant relativement élevée, il faut s’attendre à une dégradation plus importante de l’environnement global, une occupation plus anarchique des terres et par conséquent à des conséquences socioéconomiques de plus en plus dramatiques, des phénomènes naturels comme les ouragans, les cyclones et les tempêtes et les tremblements de terre, des phénomènes politiques de type « peyi lok », s’il n’y aura pas une prise de conscience nationale.

Cette prise de conscience devrait nous permettre d’inverser la tendance actuelle en matière de sécurité alimentaire qui se traduit par 65% de produits alimentaires importés et 35% de produits alimentaires locaux. Ne serait-il pas possible d’inverser réellement la tendance en faveur de notre pays ? Ce document propose certaines actions à entreprendre pour y arriver dans le cadre de ce programme de sécurité alimentaire axé sur l’environnement et l’agriculture et utilisant des approches appropriées.


B.      APPROCHES BASSIN VERSANT, PARTICIPATION, INTERCOMMUNALITE ET MULTISECTORIALITE


Les principales approches supportant les actions dans les bassins versants

L’historique des actions de réhabilitation de l’environnement montre des millions de dollars engloutis pour des résultats mitigés mais dans l’ensemble peu convaincants. Toutefois, deux grandes approches se sont dégagées dans le temps : l’approche bassin versant (années 1950-1960)  axée beaucoup plus sur les structures mécaniques dans une unité hydrographique ou BV, menée de manière dirigiste par l’Etat avec une implication très limitée des bénéficiaires dans les décisions, et l’approche parcelle (années 1980) axée sur les structures biologiques dans des micro ou sous bassins, impliquant au premier  chef les ONG avec une utilisation de la participation des bénéficiaires dans les décisions à tous les niveaux. Une troisième approche (années 1990-2000), une sorte de combinaison des deux précédentes, axée sur une implication effective des divers acteurs (Etat, ONG, Bénéficiaires et Collectivités territoriales) tente de s’imposer, en utilisant le contrôle de l’érosion comme un moyen plutôt qu’un but, en encourageant la production agricole par une  meilleure utilisation des sols, de l’eau et la fertilité, en visant surtout l’amélioration des conditions économiques des communautés locales bénéficiaires par l’utilisation de la méthode HIMO et autres. Les résultats sont encourageants mais la durabilité des actions laisse à désirer à cause du manque de suivi et de la prise en charge des actions par les acteurs, chacun en ce qui le concerne.

L’Intercommunalité et la multisectorialité

Les cinq châteaux d’eau du pays regroupent les 4 régions (Nord, Centre, Ouest et Sud), les divers départements et communes du pays, sont à cheval sur plusieurs communes, départements et régions. Ces communes, départements et régions hébergent l’ensemble  des actions sectorielles.  Ce qui implique ipso facto la nécessité des approches intercommunales et multisectorielles pour améliorer l’efficacité et l’efficience des actions d’urgence, de relèvement et de développement. Comme les rôles et les responsabilités ne sont jamais clairement définis, c’est ce qui explique la situation actuelle du pays où tous les indicateurs sont au rouge. Il y a lieu donc de combiner l’ensemble de ces approches, d’approfondir leurs modalités d’application et leur application effective par région, département, commune et section communale. Il y va de l’avenir d’Haïti.

C’est dans cette perspective d’agir autrement qu’il est proposé  ce programme et ses éléments clés.

C.       ELEMENTS CLES DU PROGRAMME-CADRE

                 Les actions à entreprendre

Pour mener à bien un tel programme, il y a lieu de retenir un certain nombre d’actions interalliées dont les 7 principales suivantes : (I)     Les actions de relèvement et de réhabilitation des bassins versants ; (II)   La remise en état, la réhabilitation et la construction des systèmes d’irrigation ; (III)            L’appui à la production agricole et à la valorisation des biens agricoles ; (IV).      La remise en état des pistes rurales vers des zones de production ; (V) L’appui à une définition institutionnelle claire et au renforcement de l’Etat et des collectivités territoriales ; (VI)           La prise en compte de la question de formation, et (VII)          L’utilisation de l’approche HIMO[7] comme mode d’exécution par excellence.

(I)          Les actions de relèvement et de réhabilitation des bassins versants

Les actions de relèvement et de réhabilitation au niveau des bassins versants, en particulier au niveau des 5 châteaux d’eau du pays et les sous-bassins (400,000 ha) surplombant les périmètres irrigués et irrigables, se concentreront sur la mise en place des structures mécaniques et biologiques pour  conserver les sols et l’eau et arriver à l’emblavement en cultures appropriées des bandes de terre entre les structures mécaniques et biologiques, là où c’est possible, en s’appuyant sur l’agroforesterie comme mode opératoire. Les ravines seront traitées selon les techniques appropriées, les sources seront captées et utilisées au besoin de la population, tandis que les rivières seront maintenues dans la mesure du possible dans leur lit par des techniques appropriées. La mise en place de pépinière sera encouragée. Il est proposé une approche intégrative[8] de réhabilitation de l’environnement associée à une utilisation optimum de la modalité HIMO pour déboucher sur des activités économiques génératrices de revenus. Ceci inclut également et, entre autre, au niveau de la gouvernance, la participation effective des collectivités territoriales concernées.

(II)         La remise en état, la réhabilitation et la construction des systèmes d’irrigation (120,000 ha)

Une attention soutenue sera accordée aux périmètres irrigués dans les bassins versants retenus. Des travaux de curage seront effectués suivi de travaux de réparation  et de réhabilitation/construction pour les rendre opérationnels et garantir, en combinaison avec d’autres facteurs, de meilleurs rendements pour une meilleure sécurité alimentaire. Au niveau de la sécurité alimentaire, les grands points d’intérêts identifiés par le MARNDR, la CASDA et la CNSA serviront d’éléments de base pour l’analyse mais surtout pour guider les propositions et recommandations à faire aux responsables nationaux, locaux et aux bailleurs à différents niveaux.

                 (III)    L’appui à la production agricole et à la valorisation des biens agricoles

Au niveau de la production agricole incluant la pêche, l’aquaculture et l’élevage, les actions sont très liées à celles de la sécurité alimentaire. Elle fait facilement le lien entre la gestion de l’environnement et la sécurité alimentaire. La production locale ne bénéficiant que de peu d’encadrement subit la concurrence des produits importés, souvent déjà subventionnés depuis leur pays d’origine. Toutefois des efforts sont faits dans le domaine de la production agricole dans certaines zones avec des succès pouvant se répliquer ailleurs dans le pays. L’appui à la production prendra la forme de services financiers de proximité, d’introductions de techniques culturales antiérosives, d’introduction de cultures à haute valeur ajoutée et adaptées au changement climatique, de transformation artisanale et industrielle de produits agricoles, de l’appui à la commercialisation de ces produits sur le marché local et sur le marché international.

                 (IV).      La remise en état des pistes rurales vers des zones de production

Le monde rural est desservi par un réseau de pistes totalisant approximativement 2000 KM. Ces pistes ne sont pour la plupart praticables qu’en saison sèche. Certaines nécessitent, même en saison sèche, d’être prolongées pour atteindre les zones de production. En saison pluvieuse, en général quand la production agricole est abondante, elles sont, pour la grande majorité, impraticables, causant des pertes énormes de produits agricoles comme les fruits, les légumes (40% environ). Ne serait-ce que pour réduire les pertes  de 50%, il serait vital pour l’économie haïtienne que l’Etat fasse quelque chose. Un programme de réparation, de réhabilitation, et de constructions de tronçons vers des zones de production serait le bienvenu (environ 750 Km de pistes prioritaires dans un premier temps et sur période relativement courte). Le document de synthèse des plans d’action départementaux pourrait aider à l’identification de ces pistes prioritaires, le MARNDR dispose des données sur ces pistes prioritaires (voir le document du MARNDR Bassin et Pistes rurales, études financées par la BID). Le CNGIS facilitera le travail des techniciens chargés de l’élaboration  de cet axe du programme en leur fournissant les cartes y relatives.

(V)         L’appui à une définition institutionnelle claire et au renforcement de l’Etat

Au niveau de la gestion environnementale, l’un des obstacles identifiés pour une gestion durable demeure l’inefficacité de la coordination institutionnelle actuellement. La faiblesse institutionnelle de l’état à travers le MDE ou encore le MARNDR et le manque de définition des rôles expliquent parfaitement leur incapacité à délivrer les services dus à la population. A cette faiblesse s’ajoutent le financement global, la qualité des extrants, le manque de ressources humaines qualifiées, disposées et disponibles et, dans une certaine mesure, un manque de volonté soutenue du côté des autorités du pays. D’où nécessité de fournir un appui  pour aider à la correction de ce problème mais aussi pour faire un plaidoyer sur un plan d’aménagement du territoire et un plan de renforcement de l’Etat et des collectivités territoriales (gouvernance étatique et gouvernance territoriale, déconcentration et décentralisation).

(VI)        La prise en compte de la question de formation

La formation, qui est transversale par rapport à l’ensemble des éléments stratégiques retenus, demeure la pierre angulaire pour la réussite de tout programme de réponse aux problématiques décrites. C’est l’élément clé par excellence. Elle prendra la forme de séminaires, de sensibilisation/information, de plaidoyer, de formation de moyen et long termes, et se concentrera sur les aspects participation des communautés, de gestion décentralisée des ressources naturelles, de l’intercommunalité  dans le souci d’une appropriation par les acteurs bénéficiaires.

(VII)      L’utilisation de l’approche HIMO comme mode d’exécution par excellence

L’utilisation de l’abondante main d’œuvre dont dispose le pays haïtien est un impératif. La main-d’œuvre haïtienne est en générale non qualifiée, mais elle est disponible et est façonnable à souhait surtout manuellement. L’expérience l’a prouvée. Malheureusement, elle n’a jamais fait l’objet d’une utilisation systématique dans le cadre d’une politique publique conçue à cet effet. D’où la nécessité, surtout dans la conjoncture actuelle, de réparer ce tort, en permettant aux couches les plus défavorisées de participer dignement au développement durable de leur pays. Toutefois l’approche HIMO n’écartera pas l’approche HIEQ[9] là où c’est possible et nécessaire, pour garantir la durabilité des infrastructures réhabilités et/ou construites

D.      CONSIDERATIONS FINALES

L’environnement d’Haïti reste et demeure son problème numéro 1. Chaque année, les bassins versants dégradés du pays déversent des tonnes d’eau  dans les villes et les champs, causant des pertes en vies humaines, au niveau des maigres infrastructures productives (Route, Irrigation, drainage urbain) et dans l’agriculture. Cette situation devient de plus en plus grave compte tenu du phénomène du Changement Climatique (CC) et demeure un frein sérieux au développement du pays. Dans l’espace de quatre ans (2004-2008), la ville des Gonaïves a été victime de deux tempêtes plutôt mineures par rapport à l’échelle de référence. En Janvier 2010, un tremblement de terre de 7.2 a fait périr plus de 300,000 personnes en 35 secondes et causer des pertes et dommages estimés à 120%du PIB. En octobre 2016, le pays est dévasté par l’ouragan Matthew de catégorie 4, dont les dommages et pertes sont estimés à 32% du PIB. Sans oublier les longues périodes de sécheresse alternées à des périodes d’inondations et les menaces liées aux saisons cycloniques annuelles et aux tremblements de terre dont celle du séisme du Nord du pays (prévision) qui dégagera une énergie équivalente à « 900 bombes atomiques », selon le Directeur du Bureau des Mines et de l’énergie, l’Ing. Claude Prépetit. Ce qui dénote le degré de fragilité et de vulnérabilité d’Haïti aux aléas hydrométéorologiques et tectoniques  par rapport aux autres pays de la région.

Pour contribuer à  l’atténuation de ce problème, Haïti a intérêt à se doter d’outils efficaces de politiques publiques orientées vers la gestion environnementale, l’adaptation aux CC et les risques tectoniques, à travers des institutions préposées à la gestion de ces menaces. La communauté internationale soutiendra sans doute une telle approche. En ce sens, elle serait disposée, avec l’aval du Gouvernement Haïtien (GOH), à participer à (i) l’accompagnement du GOH dans l’élaboration  d’un tel programme, (ii) à une contribution substantielle  au financement de l’exécution, et (iii) à la prise en charge des infrastructures par les bénéficiaires. D’où la nécessité d’un programme-cadre décennal bien ficelé, avec une définition claire et précise des rôles et responsabilités de chaque partie prenante, avec des possibilités d’extension sur un horizon plus large, 20, 25 ans, et couplé à d’autres programmes sectoriels en liaison avec la sécurité alimentaire, pour inverser la tendance actuelle en notre faveur, soit 65% de produits locaux et 35% de produits importés, et atteindre à terme un niveau d’autosuffisance alimentaire de 85%.



[2] On dénombre à l’Hôpital de Mirebalais beaucoup de cas asymptomatiques, donc il faut redoubler de vigilance.
[3] Rapporté par Enock Arismat de Vision 2000 sur son compte tweeter.
[4] https://infographics.channelnewsasia.com/covid-19/map.html, situation évolutive d’heure en heure.
[5] C’est la décrue aussi au niveau mondial en termes de nombre de morts/jour. C’est bon signe.
[6] Pour combien de temps encore, avec le déconfinement au niveau mondial? Rappelons qu’en 2008, lors des émeutes de la faim au niveau mondial, le baril de brute avoisinait 100 USD.
[7] Sans négliger là où c’est nécessaire la combinaison d’approches haute intensité d’équipements (HIEQ) et Haute intensité de main d’œuvre (HIMO).
[8] Mutualisation des ressources, imbrication intra-sectorielle, articulation intersectorielle et intégration à l’action gouvernementale.
[9] Haute intensité d’équipement  ou HIEQ