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vendredi 1 octobre 2021

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (19), CRISE MIGRATOIRE A LA FRONTIERE DU TEXAS, LE 4E CHOC OU LA FASCINATION HAITIENNE POUR « L’ELDORADO AMERICAIN »

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (19), CRISE MIGRATOIRE A LA FRONTIERE DU TEXAS, LE 4E CHOC OU LA FASCINATION HAITIENNE POUR « L’ELDORADO AMERICAIN »

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1er  OCTOBRE 2021. REVU LE 5 OCTOBRE 2021

Dans la chronique du mois d’août 21, la 18e  sous le même thème depuis mars 2020, Haïti et le monde à la croisée des chemins[1] (?), nous avons analysé les trois chocs qui ont secoué Haïti du 7 Juillet 21 au 17 août 21, à savoir (i) l’assassinat crapuleux du président Moïse, (ii) le tremblement de terre du 14 août, et (iii) le passage de la tempête Grace, le 17 août, et nous  avons aussi passé en revue certains éléments de l’accord de Montana du 30 août et autres. Malgré la signature de l’accord du PM Henry, le 11 août 21,  par l’aile la plus radicale de l’opposition politique à Jovenel Moïse, la situation sociopolitique haïtienne continue de se détériorer beaucoup plus qu’elle était durant  les 4 ans et plus de la présidence de Jovenel Moïse, à cause de son corolaire le kidnapping[2] qui a monté d’un cran ces deux dernières semaines, à cause du Covid-19 toujours présent mais ignoré par la majorité des haïtiens, trop occupés à survivre dans l’enfer haïtien dominé par les gangs qui contrôlent la zone métropolitaine de Port-au-Prince. En outre, le pays vient de connaitre une crise migratoire, avec l’arrivée d’une quinzaine de milliers d’haïtiens en provenance de l’Amérique du Sud (Chili, Brésil) sous le Pont Del Rio, à la Frontière mexicano-américaine au niveau de l’Etat du Texas. Cette crise migratoire constitue un 4e choc pour Haïti depuis l’assassinat du président Moïse. D’où le titre de cette 19e chronique consacrée à la conjoncture du mois de septembre 2021: « COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ? (19), CRISE MIGRATOIRE A LA FRONTIERE DU TEXAS, LE 4E CHOC OU LA FASCINATION HAITIENNE POUR « L’ELDORADO AMERICAIN ».

Dans la chronique consacrée à la conjoncture du mois de septembre 2021, on jettera un coup d’œil rapide sur la situation haïtienne après les trois premiers chocs, on insistera sur le 4e choc, ses causes et conséquences sur  un pays en ruine après trois années consécutives de décroissance (PIB=-7%), et on utilisera quelques éléments de cette crise multiforme et multidimensionnelle, pour dégager des perspectives en vue de nous redonner de l’espoir.

    A.    La Situation Politique haïtienne  Par Rapport Aux Trois Chocs :

Avant de nous étendre sur l’omniprésence du sacrosaint aspect politique, voyons ce qui se passe avec le Covid-19. Au niveau mondial[3], on relève 233,833,601 cas  de contamination, 4,784,678 cas de mortalité; tandis qu’en Haïti, la situation se présente ainsi : 21,647  cas de contamination, 610 cas de mortalité. On est trop occupé ici en Haïti à fouetter d’autres chats, pour nous pencher sur le Covid-19, en particulier le cyclone  politique, qui demeure notre sport favori.

Par rapport aux 3 chocs, Assassinat De J. Moïse, Tremblement De Terre Du 14 Aout 21, Tempête Grace 17 Aout 21, la situation du cyclone politique, concentrée au niveau de la zone métropolitaine avec des conséquences socioéconomiques de plus en plus graves sur l’ensemble du pays, s’envenime. La macrocéphalie de la zone métropolitaine, où tout se concentre, empêche à nos politiciens et alliés de prendre conscience de la souffrance infligée au pays par la polarisation clanique et la défense d’intérêts mesquins des clans au détriment de ceux du pays. On dirait qu’ils ne sentent même le danger interne et externe qui nous guette. En tout cas, s’ils le sentent, ils s’en fichent au grand dam de la majorité silencieuse qui se terre ou s’expatrie (ceux qui en ont les moyens).

   Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, tous les chantiers d’irrigation, de transport, d’électricité sont suspendus. Les projets sous financements internationaux également. Actuellement, seule la péninsule Sud a un semblant de fonctionnement lié aux chocs 2 et 3. Les premiers éléments liés au PDNA 2021 consacré au grand sud, se traduisent, en termes de  pertes et dommages, en une valeur de 1.5 milliards d’USD,  soit 10% du PIB, estimé en USD courant à 15 Mrds. J’estime que les coûts des dégâts sont sous-estimés. Avec près de 138,000 maisons effondrées et gravement endommagées, des écoles, hôpitaux, églises, hôtels, systèmes d’irrigations, réseaux routiers et ouvrages d’art endommagés, des jardins pentus endommagés, des jardins en plaine inondés et des récoltes perdues ainsi que des pans entiers de forêts, d’arbres fruitiers éboulés, etc., j’estimerais à 20% du  PIB de 15 Mrds d’USD, la valeur des dégâts, soit un montant de 3 Mrds d’USD. De toute manière, j’adopterai le montant final des pertes et dommages décidé par le PDNA officiel, malgré mes réserves.

    Je voudrais signaler  à l’attention des autorités centrales et locales du pays, une proposition du GRANH, rapportée par le Dr Samuel Pierre lors d’une interview avec le Dr Jean Fils Aimé[4], pour la construction de 140,000 maisons à raison de 8,000 USD/Unité, pour la péninsule sud d’Haïti. Au lieu de répéter les erreurs du passé et reconstruire pareil, il serait bon pour le gouvernement d’adopter ces modèles parasismiques et para cycloniques, qui éviteraient, avec une supervision sérieuse lors de la reconstruction, les pertes et dommages aux passages des prochains cyclones et du prochain tremblement de terre. Même si le montant de 8,000 USD/U ne vise, à mon avis, que la grande masse nécessiteuse et non les catégories les plus huppées, qui, elles, pourraient profiter des facilités offertes par la Banque de la République d’Haïti, la Banque Centrale, pour reconstruire leurs maisons.

Espérons que nos dirigeants actuels, alliés et adversaires, au lieu de mettre en avant la prédominance de la lutte pour le pouvoir, de continuer avec la « déjovenélisation », se concentreront sur la reconstruction de la péninsule sud d’Haïti, sur le combat contre l’insécurité et le kidnapping (priorité absolue) et contre la domination des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, et assureront une gestion plus sérieuse de la crise migratoire par des politiques publiques axées principalement sur la capital humain haïtien.

B.    Le 4e Choc : Crise Migratoire A La Frontière Du Texas Ou La Fascination Haïtienne Pour L’eldorado Américain

Dans cette partie de la chronique, on parlera des faits liés à cette crise migratoire, les réactions provoquées aux USA, en Haïti et au niveau mondial, l’espoir que suscitent deux interviews réalisées par des confrères avec une fille de 10 ans et un garçon de 9 ans, et on jettera un coup d’œil un peu plus approfondi sur la question migratoire vers Haïti et vers l’extérieur du pays du 19e siècle à date.

2.1        Les faits, de l’Amérique du Sud à l’Amérique du Nord

Depuis quelque temps, il a été signalé le voyage périlleux effectué par des haïtiens de l’Amérique du Sud à l’Amérique du Nord, avec un seul objectif : atteindre l’Eldorado Américain. On a eu des reportages sur des groupes d’haïtiens en difficulté sur ce long parcours soldé dans certains cas par des disparitions. Malheureusement, à cause de la crise politique, l’administration Moïse ne s’est pas vraiment penchée sur la question.

Vint la campagne électorale pour la présidentielle américaine de 2020, où, contrairement à Donald Trump qui avait entamé la construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique, le candidat Biden avait promis un assouplissement dans la politique migratoire des USA. Les Haïtiens, qui rêvent de l’Eldorado Américain, une fois Joe Biden élu, ont pris la décision de rentrer aux USA, quoi qu’il en coute. A l’assassinat de Jovenel Moïse, Joe Biden a, dans un souci de faire un geste, promis le TPS à tout Haïtien qui se retrouve sur le sol américain à la date du 29 Juillet 2021. Malheureusement, cette information a été déformée par certains acteurs impliqués dans l’organisation des voyages. C’est ainsi que des Haïtiens, en général minoritaires au niveau de la frontière américaine, se retrouvent en majorité sous le pont à Del Rio. Ils étaient au nombre 14,000 migrants haïtiens, selon des sources concordantes.

La police américaine à la frontière de l’Etat du Texas a essayé de les contenir, mais, malheureusement, ils ont dû utiliser les chevaux et les rennes pour les contenir. Les images sont choquantes et rappellent un passé encore dans la mémoire des américains noirs des Etats du Sud des USA. L’administration Biden a agi dans la précipitation, pour refouler des milliers d’Haïtiens sans respect de leurs droits d’asile. 5405 migrants haïtiens ont été déportés du 19 au 29 septembre 21[5] dans l’enfer haïtien dominé par des gangs armés, des kidnappeurs et des politiciens véreux,  sans aucune autre forme de procès, soit une quantité largement supérieure aux 2248 personnes péries dans le tremblement du 14 aout 21. Et cela continue malgré une certaine sourdine pour cacher le pot aux roses, car, selon des sources dignes de foi, 30,000 autres Haïtiens seraient en route vers l’Eldorado Américains et Fox News parle de 85,000 Haïtiens en route vers les USA. Un véritable défi à gérer dans les prochaines semaines par l’administration Biden.  Les réactions ne se sont pas fait attendre tant aux USA qu’au niveau mondial.

2.2.       Les réactions par rapport aux traitements des migrants haïtiens

L’administration Biden, qui venait d’essuyer un échec cuisant au niveau de l’Afghanistan, et qui a eu un traitement particulier pour les 80,000-95,000 Afghans admis aux USA pour leur collaboration avec les administrations américaines durant 20 ans, est clouée au pilori pour la déportation  des Haïtiens. Deux poids deux mesures pour un pays nègre, Haïti, qui est sous l’influence américaine depuis 1915, et qui a sonné le glas du système esclavagiste mondial en se déclarant indépendant après une guerre acharnée contre l’empire colonial français.

L’envoyé Spécial en Haïti par l’administration Biden, Daniel Foote, a donné sa démission avec fracas à cause du traitement infligé à nos compatriotes. Il a dénoncé la politique américaine en Haïti, il a acculé l’ambassade américaine, dénoncé le Core group, composé de la Représentante de l’ONU en Haïti, Madame Lalime, et des principaux ambassadeurs accrédités dans le pays, dans la gestion du dossier Haïti, et passé un savon au gouvernement corrompu d’Haïti. Cette démission fracassante du diplomate américain a jeté de l’huile sur le feu. Il en a été de même un peu plus tard pour celle d'un autre haut fonctionnaire du département d'Eta américain, Harold KOH.  Le Président Biden a dû assumer seul toute la responsabilité de ce qui s’est passé à Del Rio. 

Ce dossier a causé beaucoup d’émoi au niveau mondial et a beaucoup affaibli l’administration Biden à l’intérieur, ce qui l’a poussé à envoyer deux émissaires de haut niveau en Haïti, le 30 septembre 21. Que veulent les américains pour Haïti[6] ? S’est questionné Le Nouvelliste. Le parti Républicain s’est, entre temps, emparé du dossier et profite de chaque information (vraie ou fabriquée) pour critiquer la politique migratoire de Biden, et étendre ses critiques sur tout ce que fait Biden, pour arriver à mettre l’opinion américaine de son côté en vue des élections de 2022, pour regagner la majorité au niveau du Congrès et au niveau du Sénat. Pour cela, les républicains profitent de la division au sein du parti Démocrate (l’aile gauche vs l’aile modérée), pour remettre en question toute l’action de l’administration Biden.

Le Gouvernement Haïtien a réagi par l’intermédiaire de son Ambassadeur à Washington, Edmond Bocchit, son représentant à l’ONU, et par l’intermédiaire de son Premier Ministre, Ariel Henry, lors de sa prise de parole à la 76e Assemblée Générale, à New York. Au niveau interne en Haïti, c’est l’émotion en de pareils cas. Les réseaux sociaux s’enflamment, le simple citoyen et la plupart de nos politiciens condamnent l’administration Biden et les démocrates.

Quant aux  dominicains, ils prennent le dossier à bras le corps, par l’intermédiaire de leur Président Abinader[7] qui  constitue un groupe de trois pays, victimes de la migration haïtienne, le Costa-Rica et le Panama, pour porter le dossier Haïti devant les instances internationales concernées pour une intervention en Haïti pour « pacifier la nation voisine ». « Cette « Alliance pour le renforcement de l'institutionnalité démocratique » a été signée à New York par le président du Costa Rica, Carlos Alvarado ; celui du Panama, Laurentino Cortizo, et celui de la République dominicaine, Luis Abinader, au bureau de la Mission permanente de la République dominicaine auprès des Nations unies". Rapporte le quotidien Haïtien Le Nouvelliste.

A remarquer que Haïti n’a pas été consultée. En tant que "pays failli", le voisin décide et propose à notre place. A ce qu’il parait un avion dominicain survole déjà cinq départements pour « photographier » le pays, selon ce qui est rapporté dans la presse haïtienne. Certains parlent même d’une intervention militaire probable des dominicains. Ce qui reste au stade de rumeur et n’est pas non plus à l’avantage des dominicains avec tous les risques que cela comporte. En tout cas, cette rumeur devrait interpeller les dirigeants actuels du pays. De toute manière, deux enfants nous font comprendre que, contrairement à tout ce qui se passe, tout n’est pas perdu pour notre chère Haïti.   

2.3.       L’espoir venu de deux enfants haïtiens de conditions modestes 

Ma petite chirurgienne en Herbe

Naïka 10 ans, qui vient de faire le parcours Chili-Amérique du Nord avec son père, sa mère et sa petite sœur, a été interviewée par Guy Wewe[8] sur sa chaine You Tube. Elle a laissé Haïti à 8 ans pour le chili. Elle est contente de « n’être pas déportée » contrairement à d’autres, mais si ç’avait été le contraire, elle aurait accepté et continuerait à se battre. Comme elle a cette chance d’être acceptée dans ce « pays de luxe », elle va se battre (lutter) pour en profiter et travailler pour réaliser ses rêves et aider sa famille. Elle veut être « chirurgienne » pour aider les démunis. C’est ma petite chirurgienne en Herbe.

Mon « petit entrepreneur de la rue de 9 ans, vendeur de Kokiyol»

Quant au petit garçon de 9 ans, Son, c’est un entrepreneur né. Il vend des kokiyol tous les jours. Il fait 100 pour 100 de bénéfice. Il paie ses déplacements en camionnette. Il met de l’argent de côté pour payer son écolage. Il a profité de la présence des déportés dans la zone de l’Aéroport International Toussaint Louverture, pour venir vendre ses Kokiyol. Il vit avec un ami et sa maman est en province. Quand il sera grand, il voudrait être policier pour régler leur compte aux vagabonds qui font du désordre.   C’est mon « petit entrepreneur de la rue de 9 ans, vendeur de Kokiyol».

N’y-a-t-il pas de quoi cultiver de l’espoir  pour cette Haïti de demain ?

2.4.       Bref coup d’œil  sur la question migratoire en Haïti

Savez-vous qu’au 19e siècle, la migration se faisait essentiellement vers Haïti ? Sous le long règne de Boyer (1818-1843), on recevait les américains noirs fuyant l’esclavage aux USA et d’autres personnes souffrant de l’oppression esclavagiste au niveau de la région. Le commerce de gros était dominé par des Francais, des Allemands, qui en profitaient, contrairement a la loi, pour se mettre au détail aussi. Ce qui a révolté les commercants haïtiens, selon Vernet Larose. Plus tard, à partir de la signature du Concordat en 1860 avec le Vatican, les religieux étaient revenus s’installer  en Haïti pour évangéliser et éduquer les Haïtiens. Un peu plus tard et même avant, sous les règnes de F. Soulouque (1847-1859), de F. Géffrard (1859-1867), de N. Saget (1970-1974) et L. Salomon(1879-1988) où Haïti était un « pays prospère » selon le Journaliste/historien Ady Jean Gardy, il a été relevé la présence de beaucoup d’étrangers, dont des français, des Allemands et des Arabes en provenance du Liban, de la Syrie à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Et durant la 2e guerre mondiale (1939-1945), Haïti a ouvert ses portes à des juifs, objets de persécutions en Europe par le Reich allemand et ses alliés.

Durant tout le 19e siècle, seuls nos chefs d’Etat et quelques membres de leur famille et de leur entourage partaient pour l’exil lorsqu’ils étaient destitués à coup de « révolutions ». Cela a commencé avec Boyer. Il faut noter que, durant la période d’occupation de l’Est par Boyer, il y avait un va-et-vient d’un côté comme de  l’autre de l’Ile d’Haïti. A part ces cas, les migrants haïtiens vers l’extérieur étaient constitués surtout d’étudiants (une constante dans l’histoire de notre pays), de cadres qui allaient parfaire leur formation en Europe, surtout en France, et plus tard (20e et 21e siècles) dans tous les autres continents, en particulier en Amérique du Nord.

La grande migration haïtienne de masse vers l’étranger remonte à un siècle, en particulier durant la période d’occupation américaine 1915-1934. Les masses rurales haïtiennes étaient encouragées, à partir de 1919, à aller travailler à Cuba et en République Dominicaine, par les américains qui étaient associés dans les usines sucrières de ces deux pays. Il ne faut pas oublier que les masses rurales étaient des réservoirs où puisaient les gens (politiciens) qui voulaient assauter le pouvoir à Port-au-Prince et aussi des patriotes  qui ont combattu les américains dans les premiers moments de l’occupation, avec Charlemagne Péralte et Benoit Batraville. Cette habitude est restée et se perpétue jusqu’à Duvalier.

Dans les années 1960, avec les balbutiements de la dictature, les élites ont vraiment laissé le pays en masse pour l’Afrique, le Canada, l’Amérique du Nord, pour les Antilles aussi et l’Amérique du Sud. Sous les  Duvalier, le phénomène allait prendre de l’ampleur et se maintenir jusqu’à date avec des vagues successives liées aux cyclones politiques et aux phénomènes naturels. Par exemple, après le tremblement de terre de 2010, ç’a été la ruée vers le Brésil et après le passage de Matthew  en 2016, ç’a été le tour du chili. Valéry Numa a immortalisé tout cela dans des documentaires sérieux, « Destination Brésil », « Chili à tout prix » et «  TPS ». On a donc connu le phénomène de « Fly People », de « Boat people ».

On estime actuellement la diaspora haïtienne à 3-4 millions de personnes à travers le monde, dont la grande majorité se retrouve dans l’Eldorado Américain (1.2 à 1.5 M, selon certaines sources), tandis que la République Dominicaine héberge 800 mille à 1 million de migrants haïtiens, et le reste éparpillé sur plusieurs continents. Selon la Banque Mondiale, 84% des cerveaux haïtiens sont à l’extérieur du pays (fuite des cerveaux). Le côté négatif de cette histoire, le pays manque cruellement de cadres pour réaliser son développement. Le côté positif, c’est la diaspora haïtienne qui permet à ce pays de tenir avec des transferts en nette progression (2 à 3.5 Mrds d’USD) d’année en année, surtout en période de catastrophes naturelles, tectoniques,  anthropiques (cyclones politiques) et pandémiques (Covid-19).

C’est vrai que, depuis plus de 70 ans, l’haïtien se comporte comme quelqu’un en transit, à la recherche d’opportunités n’importe où sur la planète terre. Son point d’attache préférentiel reste les USA. C’est son Eldorado. On comprend très bien le pourquoi des gens qui ont une résidence au Chili et au Brésil pour la plupart, risquent leurs vies et celles des enfants pour atteindre cet eldorado. C’est la fascination de l’haïtien pour l’Eldorado Américain, « ce pays de luxe » où l’argent se ramasserait à la pelle. Et pourtant !

C.          Conclusion et perspectives         

Le 4e choc décrit plus haut, ce phénomène migratoire de nos frères et sœurs au niveau de la frontière du Texas, à Del Rio, a , une fois de plus, une fois de trop en moins de trois mois, fixé les projecteurs du monde entier sur notre pays. Nous projetons une image négative de notre pays à la face du monde. Mais le traitement infligé à nos compatriotes qui se retrouvent à la frontière américaine, dans cette situation  dégradante, est  en partie la faute des américains qui, depuis l’occupation américaine, ne cessent de s’ingérer de manière grossière dans la gestion interne de l’action gouvernementale en Haïti. C’est aussi notre faute à nous qui ne cessons depuis belle lurette de courber l’échine devant les américains et appliquons à la lettre leurs diktats, sans  mettre en place de manière constante des politiques publiques tournées vers la grande majorité de nos compatriotes.

En ce sens,  la lettre  de démission de Daniel Foote et surtout la démission fracassante de Harold Koh, un haut fonctionnaire du Département d'Etat, pourraient faire prendre conscience aux américains de leurs approches politiques néfastes en Haïti, en contribuant à cette désespérance haïtienne les poussant à émigrer vers les rives inhospitalières américaines, cette grande puissance vendue comme un Eldorado à nos compatriotes, et faire prendre conscience au Core Group d’éviter d’imposer leurs points de vue aux responsables haïtiens.

Les réflexions  et  actions d’Abinader ainsi que les démissions francassantes de Foote et de Koh pourraient pousser les acteurs politiques haïtiens, la société civile et le secteur privé,  à trouver un terrain d’entente inclusive pour Haïti,  en fusionnant l’accord de Montana du 30 Août et celui du PM Henry du 11 Septembre 21 et les deux autres, malgré le processus de déjovenélisation inscrit dans ces accords et mis partiellement en application par le PM Henry dans la plupart de ses actes, démission du Secrétaire général du Conseil des Ministres, Renald Lubérice, révocation du Ministre de la Justice, Rockfeller Vincent et du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince (insubordination), l’élimination du CEP controversé, la mise en veilleuse des actions en cours. Certains actes posés par le PM sont revendiqués par le secteur démocratique et populaire (SDP) par la voix d’André Michel, qui a précisé avoir exigé tout cela du PM, et que Jovenel Moïse n’a rien à voir avec la nomination du PM Henry. C’est l’œuvre des américains et du Core Group.

Espérons que le séjour en Haïti, du 30 septembre au 1er octobre, de Brian A Nichols et de Juan Gonzalez, les deux émissaires du Gouvernement Américain, après leurs rencontres avec des groupes de la Société Civile et des acteurs politiques, et la présence de Martine Moïse, venue au pays pour repondre aux questions du juge d'instruction en charge du dossier d'assassinat de son mari, ainsi que sa tournée triomphale dans le grand sud du pays,  finiront par pousser ces acteurs haïtiens à s’entendre pour enfin s’occuper de choses sérieuses, (i) la question sécuritaire, (ii) la reconstruction suite au tremblement de terre du 14 août, (iii) la mise en branle d’un programme d’apaisement social, (iv) la continuation des actions en cours, (v) la reprise du processus de révision de la constitution et du processus électoral, (vi) l’organisation des consultations populaires pour l’approbation de la nouvelle constitution ou non et (vii) la réalisation des élections inclusives pour le choix des autorités légitimes qui prendront en charge les destinées du pays.

Ainsi, ces deux enfants, qui nous redonnent de l’espoir par leurs réflexions et actions (Réf. 2.3), trouveront une Haïti nouvelle pour vivre, évoluer et assurer la relève dans cette Haïti régénérée. Cette Haïti connaitra un développement harmonieux grâce à un nouveau système en parfait équilibre, basé sur un triangle équilatéral caractérisant les trois pouvoirs d’Etat et axé (i) sur un Capital Humain en parfaite santé et bien éduqué comme tenant et aboutissant du processus de développement ; (ii) sur un Capital Social et Culturel très bien organisé ; (iii) sur un Capital Environnemental totalement régénéré ; (iv) sur un Capital Infrastructurel très bien zoné, normé, supervisé, contrôlé et entretenu ; (v) sur un Capital Economique et Financier inclusif, et (vi) sur un Capital Politique orienté vers une gouvernance responsable, efficace, efficiente et redevable vis-à-vis de la nation.

mercredi 1 septembre 2021

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS 18 (?), DE CHOC EN CHOC, ACCORD SERIEUX POUR S’EN SORTIR (?)

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (18) (?), DE CHOC EN CHOC, ACCORD SERIEUX POUR S’EN SORTIR  (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 AOUT 2021

              En pleine incertitude politique après l’assassinat crapuleux du président Moïse[1], alors que l’instruction n’arrivait pas à être mise en place pour lui donner justice, le tremblement de terre de magnitude 7.2 du samedi 14 août 2021 et la tempête tropicale Grace du mardi 17 août  frappent de plein fouet  la péninsule sud d’Haïti. Plus de 2200 morts recensés liés à ces catastrophes, tandis que les décès liés au Coronavirus ont franchi le cap de près 600 en Haïti et d’environ 4, 500,000 à travers le monde[2] . Parallèlement, une branche de l’opposition a publié un accord[3] qui aurait dû être ratifié et signé par les parties prenantes (partis politiques, organismes des droits humains et société civile), ce 30 août 2021, à l’hôtel Montana, mais qui a tourné en pugilat entre partisans et opposants à l’accord. A noter d'autres accords en circulation par d'autres branches de l'opposition. D’où le titre de cette 18e chronique du mois d’aout 21  sous ce thème: « COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS(?)(18), DE CHOC EN CHOC, ACCORD SERIEUX POUR S’EN SORTIR  (?)

              Le monde et Haïti sont-ils toujours à la croisée des chemins (?). La réponse à cette interrogation se fait de plus en plus difficile par rapport au covid-19, par rapport à la débâcle américaine en Afghanistan après 20 ans de présence, et surtout par rapport aux chocs qui secouent notre pays Haïti, le tremblement de terre du 14 aout, et l’entropie politique qui perdure malgré la disparition brutale du président Moïse, « le chef de gang », « yo touye Chef Gang nan », pour reprendre mot pour mot le dernier quolibet de Me André Michel, lancé lors de sa dernière conférence de presse. C’est vraiment indignant d’entendre parler ainsi un leader politique vis-à-vis du président de son pays, assassiné dans les circonstances que l’on sait ! Ce qui expliquerait, s’il en était besoin, la haine des oppositions politiques vis-à-vis du président conduisant à son assassinat crapuleux.

              Avant de revenir un peu plus tard sur la situation politique après l’assassinat de Jovenel Moïse, regardons le tremblement de terre du 14 août 21 et la tempête Grace et leurs innombrables méfaits sur la péninsule sud d’Haïti.

1.       Le tremblement de terre du 14 août 21

              Selon le Comité interministériel pour l’aménagement du territoire (CIAT), dans son rapport provisoire sur le séisme : « Le 14 août 2021 un tremblement de terre d’une magnitude de 7.2 a secoué Haïti à 8.29 h am. L’épicentre a été localisé à 12km au nord-est de Saint-Louis du Sud, dans le massif de la Hotte, à 10 km de profondeur ».  La population de la péninsule sud d’Haïti couvrant les départements des Nippes, de la Grande Anse et du Sud, se chiffre à 1 585 802 habitants[4] sur une superficie totale de 5 964 km2, soit une densité de 566 hab. / km2 . En termes de comparaison avec le tremblement de terre du 12 janvier 2010,  « le tremblement de terre du 14 août 2021, de par sa localisation, est sans commune mesure avec celle de Port-au-Prince en 2010. Les superficies et les populations impliquées sont totalement différentes. Une population moindre que la région métropolitaine (plus de 5 millions d’habitants sur une superficie de moins de 200 km2 )», soit une densité de 25,000 hab. /km2.



Crédit CIAT.

              Pertes et dommages liés au tremblement de terre et à la tempête Grace

De plus, le tremblement de terre du 14 aout s’est concentré dans un espace essentiellement rural contrairement à celui de 2010, essentiellement urbain. Ce qui explique le différentiel de morts et de dégâts enregistrés, plus 2200 morts en 2021 (partiel) et plus 250,000 en 2010. Selon la Protection civile #Haïti, les trois (3) départements ont enregistré, selon le bilan partiel du 22 aout 2021, 2207 morts, 344 personnes disparues et 12,268 blessés, 53,923 maisons détruites, 77,006 maisons endommagées. Il a été constaté (i) des glissements de terrain dans plusieurs endroits, en particulier au niveau de la Nationale N0 7 (Cayes-Jérémie) qui a été momentanément coupée ; (ii) des dégâts au niveau de certains ouvrages de traversée, dont le plus important demeure le Pont Estimé sur la Rivière Grande Anse ; (iii)  des éboulements de pans entiers d’arbres forestiers, d’arbres fruitiers et des jardins sur des pentes fortes (35-45%) ; (iv) des affaissements de terrains (liquéfaction), (v) des tranchées béantes près de la ligne de faille ; (vi) l’arrêt momentané (72 h) de l’écoulement du Saut Mathurine et redémarré grâce aux pluies abondantes de la tempête Grace ;  et (vii) même, à Saint Michel du Sud, l’émergence d’un foyer de feu, qui ressemble à de la larve, heureusement arasée sur une petite surface au niveau du terrain naturel.

La population du grand Sud est donc frappée dans son essence (600,000 directement) par ce tremblement de terre qui a provoqué des pertes en vies humaines dont celle de Gabriel Fortuné, des dégâts matériels considérables tels qu’énumérés plus haut, a laissé un nombre important de personnes sans-abri et a augmenté considérablement le nombre de personne en insécurité alimentaire dans les cinq (5) catégories de référence dans le domaine de la sécurité alimentaire. Ce qui nécessite des mesures d’urgence, de relèvement et de développement. Le Post Desaster Needs Assessment (PDNA 2021) coordonné par le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE) et lancé par le PM Ariel Henry, le 31 aout 2021, viendra chiffrer en détails toutes les informations relatives à ces pertes et dommages liés au tremblement de terre et aussi liés à la tempête Grace  du 17 aout 21, qui est venue aggravée la situation.

Même si on ne connait pas encore exactement les pertes et dommages liés à ces deux chocs naturels, tremblement de terre du 14 août 2021 et tempête Grace du 17 août 21, le montant serait probablement en deçà de 50% du PIB négatif de 2020), en comparaison au PDNA de 2016 relatif au passage de Matthew sur la péninsule sud en octobre 2016 (32% du PIB), et  au PDNA de 2010 relatif au tremblement du 12 Janvier 2010 (120 % du PIB de 2009). Bien avant le lancement du PDNA de 2021, les aides affluent tant au niveau national et surtout international.

Indemnité, aide et promesse d’aide, liées au séisme

Depuis le tremblement de terre du 14 aout 21, l’aide et les promesses d’aide affluent de toutes parts, les USA, la Colombie, la République Dominicaine, le Canada, le Chili, le Brésil, la Russie, la France, la Chine. Certains pays comme les USA, à travers l’USAID et un bateau avec 200 soldats, sont à pied ’œuvre et interviennent au niveau de la zone impactée. D’autres sont en route. Pour les aides provenant directement d’Haïti ou de la diaspora, elles atteignent, pour la grande majorité, les populations impactées, en particulier au niveau des villes. Quant aux zones rurales reculées et enclavées, elles sont les moins touchées par les aides. Des efforts à dos d’ânes, à motocyclettes et en hélicoptères de l’armée américaine permettent d’atteindre certaines zones ; mais ces efforts méritent d’être intensifiés. Il faut noter la présence des politiciens, Jean Charles Moïse de Pitit Dessalin, Youri Latortue de AAA, le Secteur Démocratique et Populaire (SDP) d’André Michel et de Nenel Cassy, etc. Le Sénateur Rony Célestin du Centre a donné 25 M de gourdes, la Unibank, la Banque Interaméricaine de développement (BID) 1 M de dollars américains. La Banque de la République d’Haïti a arrêté un certain nombre de mesures pour soulager les familles et les entreprises de la péninsule Sud d’Haïti. En termes d’indemnité et autres, Haïti peut compter sur 264 millions[5] issus des droits de tirages spéciaux (DTS) et la Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF), une indemnité liée à la police d’Assurance CCRIF à laquelle adhère Haïti depuis 2007.

Si Possible, Haïti devrait se prémunir aussi contre les catastrophes politiques (entropie)

En effet, selon le Ministre Boisvert du MEF, « Depuis 2007, Haïti adhère à la police d’assurance CCRIF et paie régulièrement sa prime d’assurance. Cette compagnie, mise en place dans la Caraïbe, a déjà versé à cinq reprises des indemnités à Haïti. En 2010, après le tremblement de terre, Haïti avait reçu 7 millions de dollars. Après le passage de l’ouragan Matthew en 2016, la compagnie a versé 23,4 millions de dollars en termes d'indemnités. Suite aux inondations causées par le cyclone Laura en août 2020, le pays a bénéficié de 7,2 millions de dollars. Il y avait une indemnité accordée à Haïti à la suite de fortes pluviométries. Il y a enfin cette indemnité de 39,9 millions de dollars versée au pays après le séisme du 14 août 2021 ». L’allocation d’assurance payée par notre pays, qui était de 3.5 millions d’USD chaque année, est passée depuis 2017-2018 à 6.9 millions d’USD/an, compte tenu de la forte exposition du pays aux catastrophes naturelle. Si possible, Haïti devrait se prémunir aussi contre les catastrophes politiques (entropie) qui font autant sinon plus de dégâts que les catastrophes naturelles.

2.       Situation Politique et accord sérieux pour s’en sortir

Depuis 2004, je proposais la grande concertation nationale[6] comme solution à la crise multiforme haïtienne en suivant la trace du politicien haïtien, Turnep Delpé, de regretté mémoire. Je ne sais combien de papiers j’ai faits sur le sujet de 2004 à date, au point de me demander dans une de ces chroniques, la grande concertation nationale est-elle possible en Haïti[7]? C’est à croire que c’est impossible.

En effet, l’opposition politique plurielle a combattu Jovenel Moïse depuis sa première candidature à la présidence en 2015, durant sa présidence du 7 février 2017 au 7 juillet 2021 soldée par son assassinat crapuleux. Et même après sa mort. N’est-ce pas hier encore, Me André Michel qui le traite de « chef de gangs » ? Jovenel a tenté sans succès de réaliser les états généraux  sectoriels de la nation (EGSN) ; il a offert et tenté de dialoguer avec l’opposition politique plurielle. Rien. Les oppositions politiques ont proposé et signé des accords entre elles visant un seul objectif la démission de Jovenel Moïse. Il a résisté aux assauts des oppositions jusqu’à son brutal assassinat. Ces oppositions qui disaient aussitôt qu’il serait parti, le pays redeviendrait normal, les gangs disparaitraient, la paix reviendrait. Elles ont tout misé sur un départ hypothétique  de Jovenel Moïse, en nous faisant croire qu’elles avaient la solution à la problématique complexe du pays, entrainant dans leur sillage la majorité des secteurs organisés du pays qui n’ont pas hésité à prendre position contre J. Moïse, l’accusant de tous les maux du pays. Une fois ce dernier brutalement assassiné, on constate que toutes les oppositions ne visaient qu’une chose, « ôte-toi que je m’y mette ».

Au lieu de proposer un accord sérieux pour sortir le pays de cette situation invivable, chaque groupe va de son petit accord. L’article du Journal Le Nouvelliste sous la plume de Frantz Duval[8] est très édifiant à ce sujet. Quand on lit en profondeur la plupart des accords proposés par les oppositions, c’est comme si, avec la disparition brutale du président Moïse, le pouvoir leur revient de droit. Même Ariel Henry qui sort de leur sein car recommandé par la plupart d’entre  eux avant d’être choisi et nommé par J. Moïse, la veille de son assassinat crapuleux, ne trouve plus grâce à leurs yeux. Dans leurs petits accords, du fait d’avoir été nommé par le défunt, il n’y a pas de place pour lui. Quand on regarde les témoignages de l’un d’entre eux sur Télé Métropole, le sénateur Evalière Beauplan, nous expliquant qu’au fort du 3e pays lock en octobre 2019, le président Moïse avait accepté de leur donner « 95% du pouvoir », les ténors de l’opposition plurielle voulaient tout le pouvoir selon le principe  de « ôte-toi que je m’y mette ». Et le grand public a compris que Jovenel n’était pas le problème. La preuve, presque 2 mois après son assassinat, aucune solution sérieuse n’est proposée, sinon une transition de 24 mois sans trace des actions de Jovenel Moïse, en particulier l’élimination de ses actes législatifs au lieu de les réviser, pas un mot sur les travaux en cours (route, électricité, agriculture, changement de constitution), rien sur le rôle à jouer par le PM Ariel Henry qui tient les rênes du pouvoir. Par contre, tout y passe en ce qui a trait au discours anti-Jovenel, procès Petrocaribe, massacres La Saline, Bélair, Martissant, Delmas 2, Delmas 32, attribués à tort ou à raison à la seule présidence de Jovenel Moïse pour les besoins de la cause, et j’en passe. Le tremblement de terre n’est pas oublié. Changement du Système, Justice pour Dorval, Justice pour le président assassiné, aux abonnés absents. Assauter le pouvoir pour quoi faire ? Où est passé le principe de continuité de l’Etat ? Suivant ce principe, il faut évaluer ce qui est cours, corriger ce qui est nécessaire et avancer sur les mêmes bases ou sur de nouvelles bases. Il ne faudrait pas tout rejeter en bloc parce que c’était initié par l’autre.

Entre temps, malgré les efforts de la Police Nationale d’Haïti (PNH), les gangs reprennent du service. Les cas de kidnapping sont signalés à Pétionville, à la Plaine du Cul de Sac, sur la route Gros Morne –Port-De-Paix. La gourde se dégringole par rapport au dollar, se vend à 98 G pour 1 USD officiellement et n’est accessible que sur le marché parallèle à plus de 100 G pour 1 USD. La misère augmente, très certainement l’insécurité alimentaire aussi au niveau de l’ensemble du pays. En attendant les chiffres officiels, on peut présumer que la moitié de la population (6, 000,000  de personnes environ?) traversent des moments très difficiles en matière d’insécurité alimentaire à cause de la cherté de la vie et autres facteurs. Peut-on continuer avec nos petites querelles intestines et claniques liées à la politique politicienne au détriment du développement du pays ?

3.       Nécessité d’un accord sérieux pour Haïti (?)

Après ce terrible tremblement de terre du 14 août 2021, nous ne pouvons plus agir comme par le passé, nous ne pouvons pas répéter les erreurs de 2010 après le tremblement de terre  et  celles de 2016 après le passage de Matthew. Il nous faut agir autrement et faire de la politique autrement. Nous devons accepter que la manière dont faisons de la politique  soit contreproductive et agisse négativement sur le développement de notre pays. Continuer dans cette voie est tout simplement  criminelle. L’assassinat du président Moïse, le tremblement de terre et la tempête Grace, ce triple choc, c’est l’occasion rêvée pour la grande concertation nationale. Le PDNA de 2021 devrait nous permettre d’évaluer les effets du tremblement de terre et de la tempête Grace sur le grand Sud, d’affiner le diagnostic de  la situation sur le reste du pays et de proposer des solutions sur la péninsule Sud d’Haïti en particulier et sur l’ensemble Haïti en général.

Les PDNA de 2008, de 2010, de 2017 et les documents des ministères sectoriels peuvent aider dans l’approfondissement du diagnostic régional et national ainsi que dans les propositions de solution et des stratégies de mise en œuvre. Cette évaluation de 2021 et les propositions qui en découlent, pourraient servir comme point de départ pour un nouveau processus de développement sur une période de 20 ans, incluant les aspects d’urgence, de relèvement et de développement.

Eléments d’un accord minimal sérieux (?)

Ce document serait mis en œuvre partiellement par le gouvernement de consensus à deux têtes issu d’un accord minimal sérieux (i) incluant Ariel Henry,  (ii) combattant l’insécurité/banditisme, (iii) mettant en place un CEP de consensus, (iv) révisant le projet de constitution et les actes législatifs de J. Moïse, (v) traitant les urgences de l’heure, (vi) continuant les actions de développement en cours (route, électricité, irrigation (barrage sur Grande Rivière du Nord et mise en place des pompes solaires, etc.) et les actions relatives à l’environnement, à la santé (covid-19), à l’éducation, (vii) initiant les actions en justice, (viii) organisant un referendum pour l’adoption de la nouvelle constitution, (ix) réalisant les élections générales inclusives et transparentes   et (x) remettant le pouvoir au gouvernement issu des urnes au plus tard le 14 mai 2022, qui lui devrait continuer les actions en cours et initiées par le gouvernement de consensus.

Cet accord minimal ne donnerait pas l’impression d’une chasse aux sorcières et aurait l’adhésion des pro-oppositions et des pro-Jovenel et alliés. Ainsi, Haïti sortirait de cet imbroglio politique qui la ronge depuis sa naissance. Vive Haïti à tout jamais unie ! Faut rêver n’est-ce pas ?



[4] IHSI 2015

lundi 2 août 2021

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (17) : L’ASSASSINAT CRAPULEUX DU PRESIDENT JOVENEL MOISE, LA FIN D’UNE EPOQUE OU LE DEBUT D’UNE ERE NOUVELLE (?)

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (17) : L’ASSASSINAT CRAPULEUX DU PRESIDENT JOVENEL MOISE, LA FIN D’UNE EPOQUE OU LE DEBUT D’UNE ERE NOUVELLE (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

2 AOUT 2021 ; REVU, CORRIGE LE 5 AOUT 21

              Le contexte d’un assassinat crapuleux

On est en pleine période de recrudescence du covid-19[1], avec l’apparition du variant Delta, qui bouleverse encore plus le monde et Haïti par rapport à l’augmentation des cas de contamination (Monde :198,707,823 ; Haïti :20,157), des cas de mortalité (Monde :4,229,662 ; Haïti :555), et des cas de récupération (Monde: 129,993,646 ; Haïti :12,961), malgré la progression de la vaccination (Haïti s’y mêle). On est en pleine période d’inquiétude liée, au niveau mondial, à cette nouvelle forme de guerre froide  basée sur le renforcement des alliances entre les puissances mondiales (USA et Alliés occidentaux d’un côté et l’axe Chine/Russie et Alliés de l’autre). On en pleine période d’incertitude et de peur panique, en Haïti, liée à cette polarisation entre les protagonistes politiques. Cette polarisation favorise le grand banditisme à une échelle de contrôle territorial par les bandits au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ce qui met  en nette minorité les forces de l’ordre sous équipées et paralyse les activités économiques à l’échelle du pays. Elle  focalise (bataille de communication gagnée par l’opposition et alliés) tous les déboires d’Haïti sur un seul individu, le président J. Moïse, le diable personnifié, l’unique responsable de la situation chaotique haïtienne, d’où cette haine viscérale vis-à-vis de lui conduisant à son brutal assassinat. La 17e  chronique  du mois de Juillet 21, consacrée à la thématique « Haïti et le monde à la croisée des chemins », la dernière liée à cette administration si controversée et si combattue, s’irrigue donc du sang de Jovenel.  En effet, le fait dominant de ce mois  de Juillet 2021 reste l’assassinat crapuleux du 58e  président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse[2], 53 ans, par un commando parlant espagnol dans sa résidence privée, à pèlerin 5, Pétionville, dans la nuit du 6 au 7 Juillet 2021, décidément une date maudite pour Jovenel Moïse, rappelez-vous les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018, marquant le tournant dans les déboires de cette présidence.

Le choc

Ma femme m’a réveillé pour m’annoncer la nouvelle. Pour confirmation, J’ai capté Radiotélévision Caraïbes (RTVC) qui l’a confirmée vers 5h 30 du matin suite à un appel téléphonique un peu plus tôt au Premier Ministre ai Claude Josep. C’est un choc terrible pour le monde, pour Haïti et pour moi! J’étais abasourdi ! Un ami, qui connait mes relations de travail avec le défunt en tant que consultant du ministère de l’agriculture dans le cadre de la CASDA[3] et en tant que membre  de la Cellule de Pilotage de la Caravane du changement, m’a appelé au téléphone. Je lui ai répondu dans un murmure ironique : « Comme il était le problème selon ses adversaires et ennemis politiques, la crise haïtienne est donc maintenant résolue ». On a pris congé et je suis retourné un peu hagard aux nouvelles. Sa femme Martine Moïse, 47 ans, donnée pour morte dans un premier temps, n’est que blessée et évacuée par les soins des nouvelles autorités haïtiennes dans un hôpital en Floride aux USA et les trois enfants du couple présidentiel, Jovelain, Jormalie et Jovenel Jr sont en sécurité (une sorte de soulagement). Ces informations sont confirmées un peu plus tard dans la journée par le Premier Ministre ai. Claude Joseph, qui, dans un point de presse et après un conseil des ministres en urgence, a déclaré que « tout est sous contrôle » et que «  le pays est en état de siège  pour une période de 15 jours». Cet assassinat crapuleux, est-ce la fin d’une époque ou le début d’une ère nouvelle?

              L’Assassinat du Président Moïse par un commando colombien et les implications possibles, Dr Sanon et Co, « un véritable complot »

              Sans anticiper les réponses à cette double interrogation, la mort d’un président met fin d’une manière ou d’une autre à quelque chose, une époque, une période. Ce n’est plus le même interlocuteur, ni le même discours. Rappelez-vous la mort de Duvalier père (Papa DOC), Jean Claude Duvalier, le fils ou Baby Doc, avait certes continué "la révolution duvaliériste" mais en lui donnant une orientation économique et une certaine détente au niveau politique. Pour ce qui concerne la situation actuelle, cet assassinat brutal, crapuleux où la victime, en l’occurrence, Jovenel Moïse, a été le président en exercice, a donné lieu, dans un premier temps, à son remplacement par Dr Claude Joseph[4] qui a sollicité « une intervention militaire américaine », et, dans un second temps, par Dr Ariel Henry, un ancien du parti de l’UNITE, dans les deux cas avec l’aval de la communauté internationale, en particulier les USA, « le commandeur » selon le professeur A. D’Meza[5]. Normalement, cet assassinat devrait déboucher sur une réorientation de la chose politique, d’autant que Ariel Henry est le résultat de négociations en sous mains avec l’opposition politique. L’assassinat du président, chez lui, dans sa chambre, par un commando colombien[6] accompagné par deux étrangers d’origine haïtienne, implique forcément  la complicité interne, en particulier des services de sécurité de la présidence haïtienne[7],  et d’autres entités, en témoigne la complicité d’un pasteur, Dr Emmanuel Sanon[8] et d’autres personnes complices[9] comme un dirigeant d’agence de sécurité, soit une quarantaine de personnes actuellement en prison (44 personnes), et  en cavale comme l’ex-sénateur John Joël Joseph, l’ancienne Juge de la Cour de Cassation mise à la retraite pour complicité lors de la tentative de coup d’état du 7 Février 2021, Mme Wendelle Coq Thélot, etc., soit une dizaine  de personnes en cavale.

Aux dernières nouvelles, selon Le Nouvelliste, le dossier est « déféré au Cabinet d’instruction[10] ». On a appris dans cet article que Martine Moïse a été interrogée par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), et l’implication  d’autres acteurs religieux, politiques et du secteur privé. « En plus du mandat d'amener décerné contre cinq nouvelles personnalités, à savoir Paul Denis, responsable du parti politique INIFOS; Liné Balthazar, président du PHTK, le parti au pouvoir ; les pasteurs Gérald Bataille et Gérard Forges Janvier et de l'homme d'affaires Samir Handal, notre source au parquet de Port-au-Prince a fait savoir que d'autres mandats seront bientôt décernés ». Très certainement, il y a d’autres complices comme les auteurs intellectuels, les financeurs. C’est en ce sens que Me Michel André (interview avec Valéry Numa[11]), opposant farouche à Jovenel Moïse et qui l’a rendu et continue de le rendre responsable de tous les malheurs du pays, en insistant, une fois de plus,  sur sa responsabiliité dans les « massacres de La Saline, de Belair, de Cité Soleil,.. et l’assassinat de Me Dorval, qualifie de « véritable complot » l’assassinat du « président de facto ». Ce qui est sûr, c’est un crime transnational impliquant au moins 4 états : Colombie, USA, République Dominicaine et Haïti. D’où la présence de FBI américain et des enquêteurs colombiens à côté des services spécialisés de la Police Nationale d’Haïti (PNH).

              Le monde entier en émoi et l’indignation haïtienne à son comble (photos)

              Revenons aux effets immédiats de l’assassinat de Jovenel Moïse. En ce matin du 7 Juillet 2021, la nouvelle de l’assassinat du Président a causé une onde de choc à travers le monde et en Haïti. Cette onde a causé un tsunami mondial. Toutes les grandes chaines de TV  mondiales ne parlaient que de cela et diffusaient les réactions des personnalités mondiales. L'Organisation des Nations Unies (ONU) a rendu quelques jours plus tard un hommage grandiose  au prisident Moïse dans une cérémonie digne de ce nom et surout émouvanteoù défileront sur la tribune, avec des propos élogieux, les représentants de toutes les régions du mondeQuant aux réseaux sociaux, ils étaient inondés de cette nouvelle fracassante. Le monde entier était en émoi et l’indignation haïtienne était à son comble, surtout après la diffusion des photos de cet assassinat crapuleux où la victime a été écrabouillée, 12 balles dans ce frêle corps (15 balles selon HPM[12], une agence en ligne), un œil crevé, bras  et pieds fracturés. Cet assassinat était signé et contenait un message très clair pour les futurs présidents haïtiens et du monde (surtout dans le monde noir, selon l’ex-sénateur et chanteur Jacques Sauveur Jean sur Radio Télé Métropole) qui oseraient agir à la manière de Jovenel Moïse. C’était aussi le résultat  de la haine distillée tout le long de ce mandat par des adversaires et ennemis politique de Jovenel Moïse.

              On nous faisait croire que ce président était le plus impopulaire des présidents haïtiens et que son départ  du pouvoir causerait une explosion de joie.  A l’annonce de l’assassinat crapuleux du président, il n’en était rien. En ce jour du 7 Juillet 2021, une bonne partie de la population a plutôt accompagné la Police Nationale d’Haïti (PNH) dans la recherche des assaillants et a même lynché deux d’entre eux. C’est ce qu’on a relevé au niveau de la zone métropolitaine réputée hostile au président Moïse. Quant aux provinces, l’attitude de la population traduisait une hostilité vis-à-vis de tout ce qui pourrait représenter les assaillants, au point qu’il a été nécessaire de mettre en garde la population pour qu’elle ne tue pas des personnes à peau claire, en particulier les coopérants cubains vu leur ressemblance avec les  assaillants colombiens.

              Les réactions de ses adversaires et ennemis politiques et du simple citoyen

              Les adversaires et les ennemis politiques du feu président se sont mis de la partie pour condamner cet acte crapuleux ou ont gardé un silence prudent et complice. En tout cas, aucun n’a osé réclamer le pouvoir après cet assassinat pour ne pas être taxé de complice ou d’auteur intellectuel de cet acte crapuleux. Certes, sur les réseaux sociaux, certains partisans de ces leaders  ont osé exprimer leur joie, même là encore ils étaient en minorité. La condamnation de cet acte crapuleux était presque unanime. Il a fallu attendre 2 à 3 jours avant des sorties anti-Jovenel. Pour la plupart, des secteurs anti-Jovenel, religieux, barreaux des avocats, droits humains et autres) ont brillé par leur silence prudent et complice. Quant au simple citoyen interrogé, il était plutôt indigné et globalement en mode revanche. La voix de Martine de l’hôpital américain où elle est soignée, condamnant l’assassinat de son mari, a jeté une sorte de controverse et a réveillé l’opposition anti-Jovenel et un organe de presse a même affirmé que sa voix a été trafiquée. Certains médias et journalistes de renom ainsi que le gouvernement de Claude Joseph ont dû se jeter dans la bataille pour éclaircir la situation et confirmer la prise de position de Martine Moïse. Entre temps, ce qui reste du Sénat et certains partis politiques  y inclus le PHTK, le parti du feu président Moïse, ont appuyé un pouvoir à deux têtes, avec le Sénateur Lambert comme président et Ariel Henry, le premier ministre nommé et non installé par Jovenel Moïse et qui était contesté du vivant du défunt, comme premier Ministre, avec pour mission première d’annuler tous les actes posés par Jovenel Moïse.

              La lutte pour le pouvoir politique : Claude Joseph, Ariel Henry

              Ce pouvoir à deux têtes n’a pas eu l’aval de la Communauté Internationale et des américains qui ont endossé le premier Ministre ai, Claude Joseph. Cette lutte pour le pouvoir entre Claude Joseph et Ariel Henry n’a pas duré longtemps. Juste après le retour de Martine Moïse, le 17 Juillet 21, avec un bras en écharpe  qui a fait polémique (bras gauche avant, bras droite maintenant, tout est scruté à la loupe pour continuer l’assassinat de caractère de ce couple présidentiel), venue spécialement pour organiser les funérailles  de son mari, Dr Claude Joseph a donné sa démission au profit du Dr Ariel Henry qui l’a reconduit comme ministre des affaires au sein du nouveau gouvernement dont la mission essentielle est d’organiser les élections présidentielles et législatives. Parallèlement, une équipe de la société civile travaille sur une solution haïtienne à la crise de succession du président assassiné. Entre temps, le gouvernement démissionnaire de Claude Joseph a mis  le cap sur l’organisation des funérailles du président assassiné.

              Les funérailles de Jovenel Moïse au Cap-Haïtien et les incidents

              Selon le vœu du défunt, il devrait être enterré à côté de son père au Cap-Haïtien. C’est pourquoi, il y a eu d’abord une cérémonie funèbre à Port-au-Prince avec la présence de deux anciens présidents, Martelly et Avril, et ensuite, les funérailles au Cap-Haïtien, le 23 Juillet, émaillées d’incidents, avec la présence de la famille du défunt, d’une délégation de haut niveau des USA conduite par l’Envoyé Spécial américain en Haïti, M. Daniel Foote , de deux anciens PM, Evans Paul et Jack Guy Lafontant, des partisans de PHTK local  et d’un seul leader de l’opposition politique, Jean Charles Moïse, qui est arrivé à faire sourire Martine Moïse par un quelconque tour de parole, ce qui a donné lieu à des commérages sur les réseaux sociaux, et l’absence remarquée du secteur privé.

La plupart des gens du Nord ne voulaient pas que le feu président soit enterré avant la condamnation des coupables de cet assassinat crapuleux commis  par les gens de l’Ouest qui avaient assassiné, depuis Dessalines, 5 Chefs d’Etat venus du Nord dont Salnave, Saincinatus Lecomte, Vilbrun Guillaume Sam et Jovenel Moïse. Pour arriver à leur fin, ils ont bloqué, la veille, le jour même et le lendemain des funérailles, les routes, endommagé les ponts, brulé des véhicules, le magasin de Valério Canez au Cap-Haïtien et même un hôtel. Certaines délégations sur place n’ont pas pu participer aux funérailles, la délégation américaine a dû laisser précipitamment les funérailles  pour retourner à Port-au-Prince par voie aérienne car insultée par des badauds dont un quidam  en particulier accueilli comme un héros sur certains réseaux sociaux. Ces gens ont lancé des slogans séparatistes vis-à-vis de l’Ouest et ont programmé de mettre en place une république séparatiste dans le Nord du Pays (N, NE, NO et Centre). Peut-être l’Artibonite. On serait revenu au Royaume du Nord avec Christophe (1807-1820) et la République de l’Ouest avec Pétion (1807-1818), après l’assassinat de Dessalines le 17 Octobre 1806.

En tout cas, lors de ces funérailles, la famille de Jovenel Moïse[13], avec Martine Moïse en tête, a eu des prises de parole traduisant leur grande tristesse, leurs grandes frustrations, contenant un message on ne peut plus politique et réclamant justice. Et après son départ pour l’étranger, quelques jours après les funérailles, « avec enfants et même son chien » selon Matin Débat, Martine Moïse a donné une interview au Journal, Le New-York Times[14], où elle a raconté le film[15] de l’assassinat de son mari selon ce qu’elle a pu constater et entendre. Ce qui retient l’attention de tout le monde, c’est sa probable candidature à la présidence aux prochaines élections. Ce à quoi Dr Jean Fils Aimé[16] attribue à une sorte d’utilisation du personnage, Martine Moïse, veuve du défunt, par l’occident, en particulier les USA, pour arriver à perpétuer le système actuel, avec la candidature du Dr Claude Joseph ou, à défaut, avec celle d’un autre personnage tout acquis à leur cause et à celle des oligarques locaux. Il faut noter qu’avec le suicide de Me Gassant et l’arrestation de sa femme en République Dominicaine (libérée depuis), les partisans de l’opposition enflamment les réseaux sociaux et souhaitent l’arrestation de Martine Moïse pour l’assassinat de Jovenel Moïse. En tout cas, la famille Moïse et Martine en tête semblent assumer pleinement l’héritage de la présidence de  Jovenel Moïse.

              Eléments de bilan et l’héritage de Jovenel Moïse

              Il est difficile d’établir un bilan clair de la présidence de Jovenel Moïse, tellement l’homme touchait à tout et a beaucoup promis sans avoir les  moyens de sa politique, dans une conjoncture sociopolitique et économique à la limite de la catastrophe (PIB 2017 et 2018= 2.6% et PIB 2019-2020= -5%), marquée par l’entropie politique et la dégringolade de la gourde par rapport au dollar (+100 G pour 1 USD) ; quant à l’exercice 2021, il se soldera par une croissance faible ou négative. Les deux documents de référence qui pourraient aider à l’établissement d’un bilan objectif, « Le document de synthèse des plans d’action départementaux. 2018» et « le plan National de Sécurité alimentaire et Nutritionnelle-PNSAN actualisé 2018-2030 », n’ont pas été appliqués à la lettre. D’ailleurs, en toute logique, ces deux documents nécessitaient et  nécessitent, pour leur mise en œuvre, des fonds largement supérieurs aux budgets d’investissement des cinq ans de l’administration du président Moïse. Les éléments d’action tirés de ces documents et réalisés de manière partielle ont été confrontés à certaines contraintes majeures de la gouvernance haïtienne, le manque de ressources humaines qualifiées, le manque de planification, le manque de ressources financières au niveau des secteurs en charge de la mise en œuvre, et aussi à cette instabilité chronique et exacerbée tout le long de cette présidence. Il faut noter aussi qu’il est encore plus difficile, dans le cadre d’un article consacré principalement à l’assassinat brutal et crapuleux d’un président de la République, de donner un bilan exhaustif sur l’action globale d’une présidence de 4 ans et 5 mois interrompue de cette manière. N’ayant pas suffisamment d’informations sur les 150 établissements scolaires, dont a parlé ministre Agénor, ni sur les infrastructures d’eau potable (DINEPA a été plutôt dynamique) et hospitalières (Covid-19 oblige), je me concentre, juste pour donner une idée sur certaines actions entreprises dans 4 domaines : route, électricité, infrastructures agricoles et réforme institutionnelle.

Au niveau des infrastructures routières, en plus de la réhabilitation des routes en terre (+1500 Km) au niveau  de l’ensemble des départements géographiques grâce à l’achat de 123 M de dollars américains d’équipements lourds et la récupération d’environ 200 équipements dont 4 usines d’asphalte, 1 à Camp Perrin (Sud), 1 à Roseau (Grande-Anse), 1 à Gros Morne (Artibonite) et 1 à Trou du Nord (NE) réalisée mais non encore inaugurée, il faut aussi mentionner des routes revêtues (asphalte et béton). Grâce à ces usines et à d’autres du secteur privé, les réalisations phares en matière de routes revêtues avoisinent 200 km dont Cayes-Jérémie (Nationale No 7) 43 Km réalisés sous l’administration Moïse ; Carrefour Joffre-Port-de-Paix 80 Km dont 60 % de tronçons achevés selon le ministre Nader Joisséus  du MTPTC ; Hinche-St Raphaël (45 Km) sous financement UE ; Camp-Coq-Cap-Haïtien (36 Km), pour ne citer que ces tronçons ;  et des travaux de rénovations urbaines aux Cayes (centre-ville) ; Camp-Perrin (centre-ville et alentours) ;  Jérémie centre-ville, route de l’aéroport et aéroport de Jérémie ; Port-au-Prince (cité administrative, rues asphaltées et bâtiments publics) ; rues asphaltées et/ou bétonnées à Delmas , Tabarre, Pétionville, Gonaïves, L’Estère, Port-de-Paix, Trou du Nord, Ouanaminthe, Belladère, etc. Il faudrait aussi parler de places publiques construites et/ou rénovées dans diverses villes du pays.

Quant à l’énergie électrique, c’est un pays en chantier. La construction phare demeure la centrale de Carrefour 57 MW non encore inaugurée donc plus importante que Péligre (54 MW), celle de Port-de-Paix, celle de  Fort Liberté (6 MW), la réhabilitation de la Centrale hydroélectrique de Drouet (+ 3 MW), celle de ST Marc (en cours), celle du Cap-Haïtien (Sainte Philomène : 10 MW en cours), celle de Petit-Goâve, celle des Cayes, celle de Jérémie, celle de Jacmel, sans compter les petites centrales mixtes (Thermiques et Solaires) de 200 à 500 KW (Irois, Tiburon, Les Anglais, Chardonnières, etc.), et la distribution des kits solaires à des familles nécessiteuses dans des endroits isolés du monde rural.

Au niveau des infrastructures agricoles : Systèmes d’irrigation et Centres semenciers et de germoplasme, en plus des barrages phares de Marion  et de Grande Rivière du Nord (90% achevé), il faut noter la mise en place d’une cinquantaine de pompes à énergie solaire aux Gonaïves, à Anse-Rouge, à Port-de-Paix, Caracol, Ferrier/Fort Liberté, Plaine du Cul de Sac, dans les Nippes, etc. Soit environ 2500 ha. L’administration Moïse a mis en place 3 centres semenciers (Artibonite, NE et Sud) d’une capacité de 20,000 TM. Signalons aussi la mise en place de 5 centres de Germoplasme pour la production des plantules (Sud, GA, Nippes, NO et  N) d’une capacité de 4.5 M de plantules chacun par an.

Pour la réforme institutionnelle, elle se traduit par le vote et l’adoption d’une soixantaine  de lois, de décrets et d’arrêtés. Ces actes législatifs pour la plupart contestés plus par opposition à M. Moïse que pour des raisons vraiment valables. En tout cas, avec très peu de corrections, ces actes législatifs amélioreront l’arsenal législatif haïtien. De même, la réforme constitutionnelle entamée pourrait se concrétiser par de simples ajouts ou retraits du document élaboré par le Comité Consultatif Indépendant (CCI) mis en place par Jovenel Moïse. En fait, ce document était beaucoup plus contesté parce qu’initié par Moïse et non par l’opposition politique qui en avait parlé bien avant lui.

Conclusions et Perspectives

              Jovenel Moïse est brutalement assassiné par des mercenaires recrutés par des haïtiens et aidés dans leur salle besogne par des haïtiens chargés de sa protection. L’opposition à Jovenel n’a pas osé revendiquer le pouvoir plus par crainte d’être épinglée comme complice que par un quelconque regret d’y avoir contribué, mais manœuvre pour récupérer le pouvoir et annuler les actes posés par Jovenel dont certains décrets controversés. Il est difficile à date d’établir toutes les responsabilités dans le cadre de cet assassinat crapuleux, surtout les auteurs intellectuels. Les personnes écrouées jusqu’ici n’ont pas les moyens pour financer une telle entreprise. Le dossier « déféré au cabinet d’instruction » pourrait favoriser une belle avancée de l’enquête dans les prochains jours, semaines et mois.

Toutefois, il est clair que le président Moise a été victime de l’intolérance des hommes et femmes politiques et alliés, aussi de la plupart des structures organisées du pays, qui ont toujours été hostiles à son administration et à sa personne. Il suffit de relire  certains écrits, de revoir certaines vidéos et de réécouter certains enregistrements pour comprendre le niveau de propos haineux et de violences vis-à-vis de ce fils de l’arrière-pays, du pays en dehors. C’est ce qu’on qualifie de l’assassinat de caractère. Il en a parlé en plusieurs occasions. Sa femme également. L’ex-PM Evans Paul en a fait de même et en qualifiant Jovenel de "martyr" qui devient ainsi un problème sans fin contrairement à ce qui se passerait si on l'avait laissé terminer son mandat le 7 Février 2022. Bref, avec l'assassinat de caractère, le terrain était donc préparé pour son assassinat physique. Je vous réfère à mon article du 30 Septembre 2019[17] où j’avais pressenti l’assassinat du président Moïse. Et, quelles que soient les dérives de sa présidence, il ne méritait pas cette dégradante et macabre fin!

Donc, il est clair que la façon dont on fait jusqu’ici de la politique en Haïti est mauvaise, contreproductive et préjudiciable au pays et à la population. Une personne que je connais a développé une haine viscérale contre ce monsieur au point de déclarer être très contente de sa disparition, tout simplement elle a épousé la thèse de l’opposition politique et alliés que ce monsieur était responsable de tous les malheurs du pays. En 2004, cette personne avait la même attitude vis-à-vis d’Aristide qui avait subi le même matraquage médiatique. Aurait-elle été aussi contente de la disparition physique d’Aristide, prêtre défroqué de son état? Comment une chrétienne, disciple de l’apôtre de l’amour, pouvait-elle arriver à cette extrémité vis-à-vis de quelqu’un dont le seul péché a été d’occuper le fauteuil présidentiel? L’explication se retrouverait, selon moi, dans les discours haineux distillés par la majorité de nos hommes et femmes politiques et amplifiés par les médias de tous types et de toutes catégories.

Or Aristide et Moïse se battaient, tout au moins au niveau du discours (parfois haineux chez Aristide), pour les plus faibles, pour le changement du système « pezesouse » (surtout Jovenel), pour la réduction des écarts entre les riches et les pauvres (réduction des inégalités sociales et économiques), pour un système en équilibre, ce que j’appelle : « un système équilatéral avec un équilibre parfait entre les trois pouvoirs d’Etat ». La meilleure façon d’arriver à cela, c’est de produire ensemble une nouvelle constitution en améliorant l’avant-projet constitutionnel existant sans penser à celui qui l’avait initiée.

En tout cas, cet assassinat devrait nous permettre de mettre fin à une époque (l’intolérance politique) et de rentrer dans une nouvelle ère à partir d’une grande concertation nationale nous conduisant à une stabilité politique selon un seul leitmotiv : Haïti d’abord et avant tout, et débouchant sur une vision d’une Haïti Emergente en 2040 et Phare du monde en 2054, l’année du 250e anniversaire du premier Etat Nègre du monde. 

Ainsi, on ne dira plus « ki mò ki touye Lanperè ? » à propos de la non-élucidation jusqu’à date de la mort de l’Empereur Dessalines, le premier chef d’Etat Haïtien assassiné, car Jovenel Moïse, le dernier en date, trouvera justice d’une manière ou d’une autre, et on ne dira pas non plus « M’ap Jovenel ou » (« Tu auras le sort de Jovenel »), pour tout autre président, qu’il soit haïtien ou étranger, qui n’aurait pas respecté un deal avec des partenaires haïtiens (oligarques et autres) et étrangers (communauté internationale, « pays amis »), au cas où le deal se révélerait plus tard non conforme au bien-être  de la majorité des citoyens  d’Haïti ou de n’importe quel autre pays du monde, nègre ou pas.



[3] Cellule d’Appui Stratégique au Développement de l’Agriculture (CASDA)

[7] Gary Pierre Paul Charles Actes 1 : https://youtu.be/FtcbLCDAf-M  et 2 https://youtu.be/BmDEikrpw2E

[15] /lenouvelliste.com/article/230687/lassassinat-de-son-mari-et-son-intention-de-se-porter-candidat-a-la-presidence-martine-moise-se-confie-au-new-york-times

[16] Les magouilles de la candidature  de Martine Moïse : https://youtu.be/g46rUXMnspg