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vendredi 2 juillet 2021

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (16), LE MONDE BOUGE, HAITI S’ENFONCE DANS LE CHAOS ET L’INDIGNATION

 

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (16), LE MONDE BOUGE, HAITI S’ENFONCE DANS LE CHAOS ET L’INDIGNATION

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

2 JUILLET 2021

              A titre de rappel, je suis, en ce mois de juin 2021, à ma 16e chronique sous le même thème : «  Covid-19, Haïti et le monde à la croisée des chemins ( ?) » depuis Mars 2020. Pas encore de réponse à cette brulante interrogation. Au niveau mondial, c’est la première rencontre en présentiel du G7 depuis l’apparition du covid-19 en décembre 2019, les 7 grandes économies mondiales du monde occidental sous le leadership américain au Royaume Uni ; c’est aussi le Sommet russo-américain, à Genève, entre Joe Biden et Vladimir Putin. C’est d’un côté la coupe d’Europe des Nations avec présence certes limitée des spectateurs aux stades, c’est de l’autre la Copa America sans spectateurs. De quoi nous divertir du spectre chaotique haïtien : aggravation des cas de covid-19, guerre des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, gangs vs gangs, gangs vs populations, gangs vs la Police. Ce qui débouche sur des déplacés par milliers, des blessés, des morts, des  actes terroristes tels : le massacre[1] du 29 Juin de 15 personnes à Delmas 32, dont Netty Duclaire, une journaliste et activiste politique, et Diégo Charles, un journaliste de Vision 2000, le saccage  des installations de la DINEPA à Noailles, Croix-des-Bouquets[2], des tirs d’armes automatiques  sur des véhicules publics et privés, une détérioration  du marasme économique. Ce sont des conséquences de l’envenimation de la crise politique haïtienne, malgré la mission de trois jours de l’OEA[3] en Haïti et dont les recommandations se rapprochent étrangement de certains aspects de l’accord politique minimal[4]  proposé  à la fin de ma chronique de Mai 21, comme la question sécuritaire, le renvoi du référendum, la nomination d’un premier ministre de l’opposition à la Primature, la mise sur pied d’un autre CEP, etc. D’où le titre de cette chronique du mois de juin 2021 : COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (16), LE MONDE BOUGE, HAITI S’ENFONCE DANS LE CHAOS ET L’INDIGNATION.

              Cette chronique analysera la situation au niveau mondial eu égard au coronavirus, la situation haïtienne eu égard à la crise haïtienne et le dernier développement lié à l’aggravation des cas de covid-19, de la situation sécuritaire, au passage de  la mission de l’OEA en Haïti au cours du mois de Juin 2021, avec pour conséquences le renvoi du Referendum, le nouveau calendrier publié par le Conseil Electoral Provisoire (CEP), et le ralentissement de l’économie et se terminera sur les conclusions appropriées.

1.       La Situation au niveau mondial, Covid-19, Sommet G7, Sommet Russo-Américain

Avec 181,970,477 cas de contamination, 3,940,936 de mortalité et 119,299,329 cas de récupération, c’est la situation du covid-19 au niveau mondial[5]. Les USA sont toujours en première position suivis de l’Inde, du Brésil et de la France, le premier pays européen en la matière. Un pays  comme le Portugal envisage de rétablir le couvre-feu nocturne à partir du vendredi 2 Juillet dans 45 communes dont Lisbonne (#AFD), à cause de la présence du variant Delta beaucoup plus contagieux. En attendant, ces pays vibrent au son de  la musique du championnat d’Europe des Nations (football), qui se joue avec une participation limitée des spectateurs (30-60%), contrairement à l’Amérique Latine où la Copa America se joue pratiquement sans spectateurs, covid-19 oblige.

Dans un autre registre, parlons un peu du Sommet du G7[6]. « Ce sommet de trois jours en Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre), le premier en presque deux ans, marquait le retour des contacts directs après des mois de visioconférences pour le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon et le Canada » sous le leadership américain. « America is back », pour répéter Biden. C’est le renforcement des liens avec les alliés et partenaires du G7, la bataille contre le Covid-19 (1 milliard de vaccins pour les pays pauvres), action pour le climat, le renforcement du positionnement de l’occident par rapport à la montée de la puissance chinoise et l’attitude belliqueuse de la Russie vis-à-vis de son voisin l’Ukraine qui se place de plus en plus sous la protection de l’occident. C’est aussi l’envisagement des mesures pour renforcer les économies de l’occident. Comme par hasard, quelques semaines après le sommet, Selon l’INSEE, l’économie française en termes de PIB devrait croitre de 6% nettement supérieure à l’estimation du gouvernement (5%), grâce notamment à une forte reprise de la consommation des ménages (#AFP).

              Par rapport au sommet Biden-Putin, cette face à face a eu pour effet de dégeler un peu la situation entre ces deux puissances militaires. Certes les problèmes ne sont pas résolus, mais le fait de se parler a éclairci certains malentendus et apporté une certaine détente par rapport à la grande tension liée aux déclarations antérieures (renvoi des diplomates de part et d’autre, tentatives de Moscou d’influencer les élections américaines, le piratage des entreprises américaines (Gaz et autres) par des hackeurs basés en Russie. Dorénavant, il faudrait des relations plus « prévisibles » et une gestion des désaccords de façon « rationnelle», selon Biden. Et Putin a trouvé la rencontre « constructive » et sans « aucune animosité ».

              Quant à la politique interne des USA, les républicains bloquent pratiquement tout pour empêcher Biden de respecter ses promesses électorales, dont la plus connue demeure la question infrastructurelle. Malgré tout, la reprise est bien amorcée avec la maitrise du covid-19 (+ 45% de la population américaine ayant reçu les deux doses vaccinales et  cet indicateur augmente continuellement). Cette reprise a des répercussions sur l’économie mondiale en général et sur les petites économies de la Caraïbes, ne serait-ce qu’en termes de transferts.

2.       La situation socioéconomique et politique du pays haïtien 

              Par contre la situation haïtienne est des plus désastreuses. Le COVID-19 prend de l’ampleur à partir de la présence des variants anglais et brésilien. La nouvelle vague a causé la mort de beaucoup de personnes de renom comme le président de la Cour de Cassation, Me Sylvestre et la contamination présumée de l’ex-président Aristide, évacué en urgence sur Cuba et dont la mère est décédée entre temps à l’âge de 100 ans. Selon les dernières nouvelles, l’ex-président est testé négatif à Cuba. Ces  cas   poussent un plus grand nombre d’haïtiens à prendre conscience de la maladie, au point que les gens  qui, auparavant, étaient contre la vaccination de la population condamnent le ministère de la santé publique et de la population (MSPP) qui autorise les entreprises  privées à faire venir les vaccins, bref de privatiser le processus de vaccination, le seul pays au monde à le faire jusqu’à présent. 

        En tout cas, au-delà de toutes considérations, c’est qu’il y a une plus grande prise de conscience de la part de la population vis-à-vis de la pandémie de Covid-19. La situation se présente ainsi : 18,658 cas de contamination, 436 cas de mortalité et 12,847 cas de récupération. En comparaison au mois de Mai 21, cela fait 4205  cas de contamination  et 125 cas de mortalité en plus pour le mois de Juin.  Dans les deux cas, c’est vraiment inquiétant. Jamais Haïti n’a enregistré de tels chiffres en un mois. Quand on connait l’état de notre système de santé et la tendance de l’ haïtien à ne fréquenter l’hôpital qu’en cas d’extrême urgence, il faudrait au moins multiplier ces chiffres par 5. Il faudrait s’attendre au pire dans les prochains jours vu le déni de la grande majorité des haïtiens par rapport à cette pandémie. Il faudrait tout de même tempérer par rapport aux autres pays de la région comme la République Dominicaine, la Jamaïque et même Cuba qui ont connu une situation beaucoup plus alarmante que notre pays.

              Une guérilla urbaine..  un encerclement de type militaire

Comme si cela ne suffisait pas, Haïti fait face à une sorte de guérilla urbaine au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui  se traduit par cette ganstérisation à outrance de la zone et  par cette guerre des gangs. Tout d’abord, il faut remarquer un encerclement  de cette zone par des gangs (i) à l’entrée sud de la Capitale Port-au-Prince, au niveau de Martissant et de Fontamara, (ii)à l’entrée nord, au niveau  de Canaan, Titanyen (source Puante) et de Morne à Cabri, (iii) à l’entrée Est au niveau de Ganthier, et (iv) à l’Ouest, cette zone est adossée à la mer. Cette zone est contrôlée globalement  par 1) le Groupe G9 et Alliés Mayen Youn Manyen tout, une fédération de bandits, qui, ces derniers temps, en dépit des déchirements internes entre chefs de gangs (les généraux comme ils se nomment pompeusement) pour le contrôle des territoires à l’intérieur de la grande zone décrite,  se transforme, de bandes  de kidnappeurs, de voleurs, de malfaiteurs en une « force révolutionnaire »,  pour capoter « le système Pezesouse », et 2) par le Groupe 400 Mawozo, qui opère beaucoup plus comme des kidnappeurs, des pilleurs, des incendiaires. C’est ce Groupe qui s’est illustré dernièrement en kidnappant des religieux au niveau de Ganthier et les ont gardés pendant une vingtaine jours. Le Groupe G9  a la responsabilité de l’entrée Sud, le bord de mer et une partie de l’entrée nord, tandis que le Groupe 400 Mawozo s’occupe de la partie Est et une partie de l’entrée nord. Un encerclement de type militaire pour répéter le colonel Rébu, un ancien de l’Armée d’Haïti.

 Le mode opératoire  est le même pour les deux groupes. Si, dans le temps, ils dépendaient des politiciens de tous bords (pouvoir et oppositions) et du secteur des affaires pour le financement et leur alimentation en armes et munitions, on sent  que, depuis quelque temps, ils s’autonomisent, se finançant à base de kidnappings spectaculaires contre rançons faramineuses en dollars américains. Ils tirent à vue sur des véhicules publics, privés et de l’Etat. Ils brulent aussi ces véhicules, attaquent des commissariats de police, s’en occupent (Cité Soleil, Grand Ravine), les rendent non opérationnels (Portail Saint Joseph pratiquement détruit, Cité Soleil barricadé, Martissant et Grand Ravine inopérant et occupé). Plus grave encore, ils tuent des policiers, des gens paisibles, pillent des magasins, provoquent le déplacement des populations par milliers, attaquent les installations de l’Etat (EDH, DINEPA. Ces assauts contre l’Etat, ces agressions contre la population haïtienne sans défense et livrée à elle-même, et contre des citoyens paisibles provoquent de l’indignation. Les forces de l’ordre n’arrivent pas à faire face, étant acculées par l’assassinat des policiers, les attaques des commissariats et forcée de répondre aux urgences de tous les jours.

C’est vraiment indignant

Pour être plus précis, la situation sécuritaire se dégrade et devient infernale. Les gens se terrent chez eux pour la grande majorité, en tout cas ceux qui en ont les moyens, s’expatrient, et d’autres plus modestes se réfugient en province. Tout ceci est dû à la guerre des gangs, les attaques contre l’Institution policière, le pillage des magasins, les attaques contre les institutions étatiques (Installations DINEPA à Croix-des-Bouquets, commissariats de Police, contre les populations civiles à Martissant, Fontamara, Cité Soleil, Croix-des-Bouquets, Bas Delmas, Bélair, les réfugiés internes, le blocage de la Nationale No 2 au niveau de Martissant et de Fontamara, et la tuerie du 29 Juin 21 à Delmas 32 d’une quinzaine de personnes dont le journaliste et activiste politique, Diego Charles et Netty Duclaire ; un jeune de 25 ans a été tué à Croix-des-Bouquets, sans compter les blessés ; un journaliste est en soins intensifs et se bat contre la mort. Si on devait énumérer l’ensemble des assassinats perpétrés depuis les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018, qui marquent le tournant de la crise actuelle depuis la prise de pouvoir le 7 Février 2017 par Jovenel Moïse, cela dépasserait largement les morts provoqués par le Covid-19 en Haïti à date. C’est vraiment indignant qu’une crise politique basée essentiellement sur la lutte pour le pouvoir politique ait provoqué autant de pertes en vies humaines. Cette catastrophe politique, cette entropie politique aurait pu se résoudre depuis belle lutte si nos politiciens, qui crient sur tous les toits qu’aucun sacrifice n’est trop grand pour Haïti, avait un brin d’amour réel pour ce pays par rapport à leur égo surdimensionné.

Les deux voyages du Président en Equateur et en Turquie

 Malgré cette situation d’insécurité généralisée au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le Président Moïse a effectué deux voyages à l’étranger, un  en Equateur pour assister à l’investiture du Nouveau Président élu de ce pays et rencontrer les officiels d’autres pays dont le Représentant du gouvernement américain, et un en Turquie pour participer au Sommet de l’Antalya, la 4e ville de la Turquie, pour discuter avec les autres chefs d’Etat ayant participé à ce Sommet et solliciter l’aide du Président Recep Tayyip Erdogan de la Turquie en lien avec la question sécuritaire et de développement d’Haïti. Simple coïncidence, l’occupation de Laboule 12, une zone huppée de la zone métropolitaine, par des bandits armés qui rançonnaient la population et les véhicules des passants sur l’axe Pétionville-Kenscoff, a été vite résolue par la Police Nationale d’Haïti (PNH) appuyée par des consultants étrangers selon le DG de l’institution policière, des mercenaires étrangers (« dominicains et colombiens ») et des habitants armés de Laboule, selon d’autres sources.

Ce qui fait dire à Jimmy Chérisier, BABEKYOU, le chef du G9 et Alliés, allié de l’administration en place selon Pierre Lespérance, le principal responsable du réseau des droits humains RNDDH, que l’administration actuelle, y inclus le Président Moïse, est au service du système  contre lequel se bat « la force révolutionnaire » du G9 qu’il dirige. En effet, selon Chérisier, depuis un mois, les gangs de Ti Bois, de Grand Ravine, de Fontamara appartenant au G9 (c’est nous qui ajoutons), s’entredéchirent, brulant les maisons de paisibles citoyens, provoquant leur déplacement et bloquant toute communication entre le grand sud (Grande-Anse, Nippes, Sud, Sud-Est et une partie de l’Ouest, environ 4.5 départements sur 10 ) avec le reste du pays, paralysant  tout un pan entier de l’économie du pays, sans aucune intervention des forces de l’ordre et de l’Etat, sauf sporadiquement sur la Nationale No 2. Ce que Chérisier n’a pas dit, ce sont ses propres alliés qui provoquent cette situation depuis belle lurette, mettant en déroute les forces de l’ordre, assassinant les policiers à village de Dieu, prennant en otage des commissariats à Grand-Ravine, à Martissant, des antennes de la PNH au niveau de la zone métropolitaine, en particulier au niveau de Cité Soleil.

Les recommandations de la mission de l’OEA en Haïti

C’est dans cette ambiance  qu’a débarqué en Haïti  la mission de l’OEA au cours du mois de Juin 2021 pour rencontrer les acteurs politiques, le secteur religieux, le secteur privé, la société civile et essayer de favoriser un dialogue entre les protagonistes haïtiens de la crise haïtienne vers un accord minimal en vue de réaliser les élections à la fin de 2021. En effet, l’OEA : « De se féliciter de l'invitation lancée par le Président haïtien à l'OEA en vue de l'envoi d'une mission d'observation pour les élections prévues cette année, et d'offrir les bons offices de l'OEA, sous l'autorité du Conseil permanent, afin de faciliter un dialogue qui conduirait à des élections libres et équitables ». Le rapport de l’OEA de 9 pages donne un compte rendu fidèle des divers secteurs rencontrés et dont les points de vue ne sont pas aussi  tranchés par rapport à ce qu’on entend à la radio, lit dans les journaux en ligne, dans les quotidiens de la Capitale, dans les hebdomadaires, et qu'on visionne sur les réseaux sociaux. C’est comme si les acteurs haïtiens étaient devenus beaucoup plus conciliants en face du « blanc ». Les recommandations du rapport sont assez claires, pour rétablir la confiance de la population et relancer le processus électoral,

1)      Désignation rapide d'un Premier Ministre et d'un Cabinet qui auront la confiance du peuple haïtien.

2)      Mesures urgentes prises pour rétablir un climat de sécurité, conformément aux obligations en matière de droits de la personne.

3)      Nomination de nouveaux membres au Conseil électoral provisoire afin de garantir que le peuple haïtien ait confiance en cette institution essentielle et que les élections locales, législatives et présidentielles aient lieu cette année.

Ces recommandations correspondent plus ou moins à la proposition d’accord minimal proposé dans la chronique de Mai 2021. Il a été, entre autres, proposé, une aide de l’OEA pour régler la question sécuritaire, un premier ministre de l’opposition, un CEP de consensus, le renvoi du processus référendaire à une date ultérieure, l’organisation des élections et du référendum en même temps et à la fin de l’année. En tout cas, bien avant le rapport de l’OEA,  l’administration haïtienne a renvoyé sine die le référendum du 27 Juin 2021 sous prétexte de recrudescence du covid-19, et le CEP a publié à la fin du mois de Juin un nouveau calendrier électoral et référendaire. Selon ce qui se dit en coulisse, cette administration « négocie avec certains opposants » pour un autre cabinet ministériel de consensus. Attendons voir.

Le « Gang lok » et la situation économique

 Le « Gang Lok », pour répéter l’économiste K. Pharel,  produit un net ralentissement de l’économie[7], aggrave le marasme économique dans lequel patauge le pays depuis 2019 et pèsera très lourd sur la croissance du PIB de cette année. La dégringolade de la gourde par rapport au dollar, officiellement 92,73 HTG  à l’achat et 95,06 à la vente pour 1 USD et plus de 100 HTG pour 1 USD sur le marché parallèle, augmente considérablement la cherté de la vie et jette encore plus d’haïtiens dans l’insécurité alimentaire aigue et la misère la plus abjecte pour la plupart de la population haïtienne, surtout les plus défavorisés.

3.       En Guise de conclusion

              A la lumière de ce qui est analysé plus haut tant au niveau mondial qu’en Haïti, a-t-on besoin d’être un spécialiste pour conclure que le monde  bouge alors que  notre chère Haïti s’enfonce dans le chaos et l’indignation, surtout avec la tournure d’assassinat de paisibles citoyens en pleine rue de ces derniers jours que prennent les événements ? Sommes-nous devenus si inhumains ? Ces criminels qui tuent sans sommation sont très loin  de ces paisibles citoyens haïtiens d’antan et de ce peuple « qui  chantait et qui dansait ». Heureusement, ces paisibles citoyens qui subissent actuellement cette invraisemblable situation, existent toujours et sont en majorité dans l’ensemble du pays et c’est ce qui nous donne l’espoir d’un lendemain meilleur pour Haïti. Pensons « Haïti d’abord et avant tout » et la solution à toute cette problématique haïtienne fusera d’un moment à d’autre. Inévitablement !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

lundi 31 mai 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 MAI 2021

Cette chronique est la 15e abordée depuis Mars 2020 sous le thème : Covid-19 : Haïti et le Monde à la croisée des chemins (?). Jusqu’à date, cette interrogation demeure. Dans la chronique du mois de Décembre 2020[1], nous avons fait part de notre inquiétude par rapport à une probable deuxième vague du covid-19, avec des variants beaucoup plus contagieux et plus mortels. Dans cette chronique de Décembre, nous avons prévu une aggravation de la situation politique et de ses conséquences sur l’économie et le social en plein année électorale.  Dans notre 14e chronique[2], nous avons senti, à partir de notre optimisme habituel et en dépit de l’exacerbation de la polarisation politique, une lueur d’espoir d’un accord minimal entre nous avec l’OEA comme facilitateur et dont une mission[3] de haut niveau est attendue en Haïti dans les prochains jours. A bien regarder les positions radicalement opposées des protagonistes politiques s’exprimant dans une approche totalement manichéenne, même sur des sujets qui devraient faire consensus comme le coronavirus, le kidnapping, nous constatons de préférence une envenimation de  la crise politique  rendant  le pays invivable, tout au moins au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. C’est dans cette logique qu’il faut situer la chronique du mois de Mai 2021 : «COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE».

Cette chronique s’attardera sur la situation au niveau mondial en matière de coronavirus avec un clin sur la situation aux USA, analysera  la nouvelle vague de Covid-19 en Haïti, jettera un coup d'oeil  plus ou moins approfondi sur la crise haïtienne et ses conséquences sur l’économie, et se terminera sur des conclusions appropriées et des perspectives en termes de proposition pour un accord minimal.

SITUATION AU NIVEAU MONDIAL ET AUX USA

En matière de Coronavirus[4], alors qu’on constate une nette amélioration aux USA malgré la présence de variants anglais et brésilien et peut-être d’autres variants, l’inde et le Brésil sont toujours sous pression. En Europe, la situation semble connaitre une bonne amélioration au point que la finale de la coupe d’Europe des clubs champions (Chelsea- Manchester City : 1-0) et s’est réalisée avec la présence d’un certain nombre de spectateurs (1/3 du stade rempli). Quant à l’Amérique Latine, la situation s’empire au point que l’Argentine a dû renoncer à la COPA AMERICA. Globalement, voici comment se présente la situation du covid-19 : 170, 384,848 cas de contamination, 3, 542,587 cas de mortalité et 107, 630,598 cas de récupération depuis le début de la pandémie. Les USA sont toujours en tête avec 33,259,551 cas de contamination, 594,431 cas de mortalité, suivis de l’ Inde en 2e position, avec 28,047,534 cas de contamination, 329, 100 cas de mortalité, et 25,692, 342 cas de récupération, et du Brésil en 3e position, avec 16,515,120 cas de contamination, 461,931 cas de mortalité et 14,540,509 cas de récupération. La France est toujours en 4e position avec 5,608,347 cas de contamination, 108,574 cas de mortalité, et en première position en Europe.

Tous les pays affectés ont connu ou connaissent un ralentissement de leurs activités économiques. Les USA, la plus grande économie mondiale, a connu une période de ralentissement si terrible qu’elle a fait perdre les élections au parti républicain et coûté la présidence  à Donald G. Trump, actuellement sous investigation dans l’Etat de New York pour fraudes. Celui-ci n’a jamais accepté sa défaite, accusant les démocrates d’avoir fraudé (le gros mensonge) dans les élections de Novembre 2020, au point que certains républicains, et pas des moindres, reconnaissent encore Trump comme leur président, et Joe Biden comme un usurpateur.  Ce dernier a mené à pas de course l’Amérique durant les 100 premiers  jours de son mandat. Les programmes mis en œuvre ont permis une certaine relance de l’économie américaine comme on l’a expliqué dans la chronique précédente, et ce, malgré la mauvaise foi manifeste du parti républicain, majoritairement sous influence du « parrain Trump » qui opère à la manière de Marlon Brando et de Al Pacino dans le film du même nom. Abner Gelin de Haitian Public Media (HPM) parle même de « messie » en ce qui a trait à l’attitude et à l’allégeance  de la majorité des républicains vis-à-vis de Donald Trump. Pour faire passer ses programmes, l’actuel président Joe Biden a dû faire des concessions au parti républicain, en particulier pour le programme d’infrastructure dont le budget est revu à la baisse sous la pression de ce parti avec ses 50 sénateurs à la chambre haute. La relance de l’économie américaine influence positivement beaucoup de pays de la région, dont la République Dominicaine et Haïti.

NOUVELLE VAGUE DE COVID-19 EN HAITI

Jusqu’au mois dernier, Haïti était considérée comme un cas particulier en matière de Coronavirus. Ce qui m’a poussé à l’exprimer ainsi : « Le cas particulier d’Haïti se traduit par seulement 13,017 cas de contamination, 254 cas de mortalité et 12,143 cas de récupération », le 29 Avril 2021. Un mois plus tard, voici comment la situation se présente au 25 Mai 2021 (Réf. MSPP. Avi # 386 du 26/05/21) : 14,453 cas de contamination, 311 cas de mortalité et 12,541 cas de récupération. Ce qui se traduit  par 1436 cas de contamination et 57 cas de mortalité pour le seul mois de Mai 21. Durant les 14 premiers mois de la pandémie en Haïti depuis le 19  Mars 2020, la moyenne mensuelle de 929 cas de contamination et  surtout de 18 cas de mortalité est largement dépassée au cours de ce mois de Mai 2021 pour les informations disponibles au 25 Mai.

 Quand on sait qu’il faudrait multiplier par 5  les cas de contamination eu égard aux faiblesses de notre système de santé, on comprend aisément la panique qui s’empare des autorités, qui ont décrété un état d’urgence sanitaire[5], le 3e du genre par rapport au covid-19, pour une huitaine de jours à partir du lundi 22 Mai 2021, et celle des observateurs avertis par rapport à cette recrudescence  de la pandémie dans notre pays. Les journaux comme Le Nouvelliste et Le National parlent de « nouvelle vague » en lien avec les variants anglais et brésilien sur le sol haïtien. Pourtant, la population semble ne pas prendre conscience de la nouvelle tournure  de la pandémie, beaucoup plus contagieuse et surtout beaucoup plus mortelle, et ce malgré la mort du Directeur Général de l’ONA, Me Chesnel Pierre, celle du Dr Yolène Suréna, de l’ancien sénateur de la Grande-Anse, Maxime Roumer  et de la contamination de beaucoup de gens de renom.

En tout cas, au niveau de la zone de Duval, à Croix-des-Bouquets, les jeunes, en particulier les écoliers d’un collège, se sont donnés à cœur joie, le vendredi 28 Mai, à une séance de « raboday », se déhanchant à tue-tête, sans masque et sans respect de la distanciation physique, au sein même de l’établissement scolaire. Il faudrait s’attendre à une aggravation de la situation sanitaire dans le cas où la population continuerait de dénier la maladie et de se comporter vis-à-vis d’elle avec autant de désinvolture. Haïti est donc loin de sortir de l’auberge si l’on se réfère à la situation sociopolitique et économique.

SITUATION SOCIOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE EN HAITI

C’est vrai que la recrudescence du Covid-19 en fait l’un des faits saillants de l’actualité, mais la crise sociopolitique n’est pas pour autant occultée. Au contraire, elle demeure le principal fait d’actualité, d’autant que le référendum constitutionnel, un sujet très controversé entre le pouvoir en place et l’opposition, est toujours programmé pour le 27 Juin prochain. En dépit de la sortie de la deuxième version de l’avant-projet de constitution qui a pris en compte les principales remarques de l’opposition politique et celles des intellectuels qui ont lu et fait  des recommandations au comité consultatif indépendant (CCI) en charge de l’élaboration de l’avant-projet constitutionnel, l’opposition annonce un ensemble d’actions anti-gouvernementales et violentes allant, entre autres, jusqu’à la distribution de manchettes, à Léogane, pour bloquer le processus et empêcher la tenue du référendum du 27 Juin par « tous les moyens ». Ce à quoi le ministre de l’intérieur a.i., Gonzague Day, menace de sévir avec la dernière rigueur, en particulier contre des leaders comme Michel André et le président du Sénat, Joseph Lambert, qui incitent la population à attaquer les bureaux de vote (krazebrize). M. Day a promis de les arrêter si ces leaders osent  participer personnellement aux attaques contre les bureaux de vote (Kodnèf/ menotte). C’est dans cette ambiance manichéenne qu’évolue notre pays (pour ou contre). L’arrivée prochaine de la mission de l’OEA en Haïti pourrait atténuer  la polarisation de la situation, ouvrir la voie à une certaine forme de dialogue et déboucher sur un accord minimal entre les protagonistes de la crise. Rien n’est moins sûr si l’on se base sur la violence des propos d’une frange de l’opposition politique et la détermination du pouvoir à mener à terme le processus référendaire en Juin 21, et les élections générales en septembre 21.

D’un autre côté, le phénomène de kidnapping, qui s’est soldé par 91 cas d’enlèvement le mois d’Avril 21, se poursuit ce mois-ci, malgré une trêve  promise par les gangs de Village de Dieu et de Grand-Ravine. Certes le nombre de cas va diminuant, mais les médias ont signalé grosso modo  une dizaine de cas d’enlèvement, dont la plupart sont attribués au gang 400 Mawozo de la Croix-des-Bouquets et autres groupes. Ce qui confirme que plusieurs autres groupes de gangs opèrent au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

En plus du kidnapping, des morts sont signalés dans les conflits entre gangs de Cité Soleil, interdisant par ainsi l’accès à une partie de la Route 9 qui dessert la Capitale. Le principal leader du G9, Jimmy Chérisier, Babekyou, a été blessé lors de ces affrontements. La zone de Bélair, un quartier de Port-au-Prince, est toujours le théâtre d’affrontements entre gangs pro-pouvoir et pro-opposition avec des victimes collatérales et perturbations des activités de toutes sortes, en particulier scolaires, dans la zone et environs. En témoigne le non fonctionnement du Lycée Pétion, faute de professeurs et des manifestations d’élèves qui en réclament en accusant le pouvoir d’avoir failli à sa mission sécuritaire.

Dans ce même ordre d’idées, un officier de police a été assassiné au début du mois par le gang 400 Mawozo à la Tremblay, Croix-des-Bouquets. Des bandits ont attaqué à coups d'armes automatiques un mini bus faisant le trajet Gonaïves-Port-au-Prince, tuant un passager d’une balle à la tête et blessant d’autres. Deux journalistes de la Radiotélévision Caraïbe (RTVC) ont failli y « laisser leur peau», ce vendredi 28 Mai, au niveau de Titanyen[6], à l’entrée nord de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Haïti, ont causé des pertes en vies humaines à Belladère, à Pétionville et à Port-au-Prince (inondation).

On comprend, dans ces conditions, le ralentissement de l’activité économique et paradoxalement la dégringolade de la gourde par rapport au dollar qui frôle officiellement 90 HTG pour 1 USD et plus de 100 G pour 1 USD au marché parallèle, avec une rareté de dollars américains au niveau des banques commerciales. Ce qui nuit considérablement aux activités économiques ayant des liens avec l’étranger, surtout les micros, petites et moyennes entreprises. Il faut tout de même noter l’inauguration du Barrage de retenue de Marion, le 1er Mai, l’avancement des travaux sur le barrage de dérivation de Latannerie, l’avancement des travaux de route et d'électricité à travers le pays, en particulier la nouvelle centrale de Carrefour de 60 MW pratiquement achevée et qui sera mise en service le 4 juin prochain, si l’on en croit les informations distillées par le Directeur de l’EDH, Michel Présumé, et le Coordonnateur de l’ANASE, Dr Evenson Calixte. 

Dans un registre plus large, la vie chère s’accentue. La sécurité alimentaire est entrée dans sa phase d’urgence alimentaire (catégorie iv selon l’échelle utilisée en la matière), avec 4.4 millions de personnes en urgence alimentaire, si ce n’est plus vu l’évolution négative de la situation globale du pays en termes de crise politique, kidnapping, recrudescence du coronavirus et l’accentuation de la polarisation politique eu égard au référendum du 27 Juin 2021.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Le Coronavirus frappe de manière beaucoup plus virulente. La crise sociopolitique s’envenime et se répercute sur la situation économique. La misère s’installe. Nos politiciens continuent de se battre pour les broutilles de pouvoir, s’accusant mutuellement des cas de kidnapping, d’assassinat de paisibles citoyens, se préparant à en découdre sur la question référendaire et autres, sans se soucier de la situation de misère de la population. Haïti est un véritable baril de poudre, prête à exploser à la moindre étincelle. Les pays amis nous regardent avec pitié et nous font hypocritement la leçon en nous incitant du bout des lèvres à nous entendre, tout en continuant à pousser le chaud et le froid sur les deux camps en conflit (souvenez-vous des propos du président F. D. Roosevelt). Les USA, les Nations Unies et l’OEA semblent pencher du côté du Gouvernement de facto (Elections avec le Président Moïse), tandis que l’Union Européenne semble regarder du côté de l’opposition (Transition). Et notre pays périclite en « pour ou contre » au grand dam de ses vrais et dignes fils et filles qui semblent mieux comprendre les enjeux visés par cette communauté internationale que nos politiciens, eux-mêmes obnubilés malheureusement beaucoup plus  par le mirage du pouvoir pour le pouvoir que par la rédemption et le développement  d’Haïti.

Que peut-on espérer de l’arrivée de la mission de l’OEA dans les prochains jours ?

Depuis le 7 Février 2017, la branche radicale de l’opposition n’a jamais accepté la présidence de J. Moïse. Elle est rejointe en cours de route par l’opposition plurielle et la société civile. Depuis le 7 Février 2021, l’opposition plurielle ne considère plus Moïse comme le président d’Haïti qu’elle qualifie de « dictateur ». Quant au président, il se considère comme le président légitime et ne compte laisser le pouvoir que le 7 Février 2022. Il prend les dispositions pour organiser le référendum constitutionnel, le 27 Juin 2021, et les élections générales en septembre 2021. Pour cela, il demande à l’OEA de faciliter un dialogue entre lui et ses opposants pour un accord minimal. En face, une branche de l’opposition demande à l’OEA de venir l’aider à organiser un départ ordonné du président en vue de mettre en place une transition. La mission de l’OEA, c’est de faciliter un dialogue entre les protagonistes de la crise haïtienne.

Cette crise haïtienne dure depuis plus de 4 ans dans sa phase actuelle. Comment trouver un consensus/accord minimal entre les protagonistes pour Haïti? A partir de l’évolution actuelle de la situation, que pourrait faire l’OEA?

A mon humble avis, et eu égard à d’autres tendances et au vœu exprimé par Me Dorval avant son assassinat, il faudrait :

(i)                Favoriser, dans un délai très court (15 jours à 1 mois), un appui logistique et opérationnel  de la communauté internationale pour la question sécuritaire ;

(ii)               Demander au pouvoir en place:

1-   De surseoir provisoirement sur la question du référendum constitutionnel, 

2-   D’ouvrir le comité consultatif indépendant (CCI) à l’opposition politique et alliés en vue (1) d’améliorer l’avant-projet constitutionnel et (2) d’en faire un projet constitutionnel consensuel ; 

(iii)              Aider à la mise en place d’un Conseil Electoral Provisoire de consensus ;

(iv)              Favoriser la mise en place d’un gouvernement de consensus avec à sa tête un Premier Ministre issu de l’opposition politique et alliés en vue :

1-   De continuer certaines actions en cours,

2-   De mettre en œuvre un programme de création d’emplois temporaires de 6 mois (Juillet-Décembre 2021),

3-   D’organiser le référendum constitutionnel en Août 2021, et

4-   De réaliser les élections générales en Novembre 2021, sous l’égide de la nouvelle constitution ;

(v)               Remplacer le Président Jovenel Moïse par le Président issu des urnes le 7 Février 2022.

A noter que certaines actions pourraient être menées en parallèle. Cet accord minimal pourrait  nous aider à réduire drastiquement l’insécurité, à amorcer un vivre ensemble acceptable et un apaisement social, à favoriser le départ ordonné du Président Moïse, à favoriser la transmission du pouvoir de manière démocratique, à relancer l’économie du pays et à amorcer pour de bon son développement durable.



vendredi 30 avril 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (14), CRISE POLITIQUE, KINDNAPPIING, RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN EN HAITI

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (14), CRISE POLITIQUE, KINDNAPPIING, RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN EN HAITI

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 AVRIL 2021, REVU, CORRIGE ET AUGMENTE 1er MAI 2021 

C’est ma 14e chronique mensuelle consacrée à cette thématique, « Covid-19 : Haïti et le monde à la croisée des chemins ». Je ne sais pas combien de mes chroniques qui ont été consacrées à la crise politique haïtienne depuis 2000. Depuis 2004, je ne sais pas combien de chroniques où j’ai fait un clin d’œil au kidnapping. Depuis mi-Décembre 2019, le kidnapping revient constamment dans mes chroniques et domine l’actualité en Haïti. Quant au capital humain, le 1er  des six capitaux (humain, socioculturel, environnemental, infrastructurel, économique/financier et politique/gouvernance), cette thématique est l’élément-clé de l’approche hexagonale[1] développée par la FONHDILAC (Fondation Haïtienne pour le Développement Intégral Latino-Américain et Caribéen). « L’objectif de la Fondation est de contribuer au développement intégrale d’Haïti dans le contexte  Latino-Américain et Caribéen (LAC) ». L’approche hexagonale sert de guide aux membres de la fondation dont j’ai été le 1er président en l’année 2000. Selon cette approche, l’humain est le tenant et l’aboutissant de tout processus de développement. C’est en m’y inspirant que j’ai terminé ma dernière chronique, en formulant le vœu de nous voir nous mettre ensemble pour construire une nouvelle Haïti et produire, dans le cadre d’un accord de 25 ans, une masse critique de gens compétents à l’image de Dr Pape[2]. Le fait par le Group Croissance de choisir le thème « Renforcer le capital humain en Haïti dans le contexte post-covid » pour le 11e Sommet de la Finance, me pousse à en faire le titre principal de ma chronique du mois d’Avril 21.

Avant de nous attarder sur le renforcement du capital humain en Haïti, il sera utile de jeter un coup d’œil sur ce qui se passe au niveau mondial en termes de coronavirus, de passer en revue les 100 jours du Président Biden aux USA, d’analyser la crise haïtienne en mettant l’accent sur le kidnapping, en passant à pieds joints sur certains autres aspects dominants de la crise, et de dégager certaines perspectives en termes de la nécessité de l’incontournable stabilité politique et du renforcement du capital humain en Haïti à la lumière du 11e Sommet de la Finance du Group Croissance et de la 6e édition de la Fintech.

LA SITUATION AU NIVEAU MONDIAL, EN PARTICULIER AUX USA

Le coronavirus au niveau mondial accuse 149,718,851 cas de confirmation, 3,153,418 cas de mortalité, et  86,843,039 cas de récupération, en date du 29 Avril 2021[3]. Les USA sont toujours en 1ere position en dépit de la reprise d’une vie presque normale, avec 200 M de vaccinés ; l’Inde passe en 2e position ; le Brésil régresse en 3e position malgré environ 400,000 cas de mortalité ; la France demeure en 4e position ; la Turquie passe en 5e position par rapport à la Russie 6e position. Le cas particulier d’Haïti se traduit par seulement 13,017 cas de contamination, 254 cas de mortalité et 12,143 cas de récupération.

Le cas de l’Inde

Le cas de l’Inde mérite qu’on s’y attarde un peu. La population de l’Inde est de 1,390,790,274 milliards de personnes. En pleine 2e vague, l’Inde a enregistré 354,000 cas de contamination en 24 h, durant la dernière semaine du mois d’Avril 21, et les hôpitaux sont débordés. Cette situation découle d’une certaine relâche après la première vague, du non-respect des mesures barrières. A titre d’exemples : la campagne politique pour les élections régionales, les mariages. A la fin de la 1e vague, le FMI avait même prévu une reprise économique à 12% pour 2021. Ce qui a expliqué en partie cette relâche. Et puis, est arrivée la 2e vague avec le variant indien. La situation  a basculé  dans certaines régions  en Inde où, à New Delhi, ils sont obligés de bruler les cadavres. Cela est dû à la crise du système de santé privé, conçu en grande partie pour la classe moyenne au détriment de la masse. Le cas de l’Inde pourrait être transposé à d’autres pays. Ce qui pourrait déboucher, surtout en Afrique ou en Haïti, sur une sorte de tsunami de covid-19, en cas d’une autre vague avec de nouveaux variants plus contagieux et moins connus.  

La particularité américaine[4]

Certes en matière de covid-19, les USA sont toujours en tête, avec 32,230,809  cas de contamination  et 574,330 cas de mortalité. Toutefois, la marche forcée imposée par Biden depuis une centaine de jours à la gestion  du pays, tant sur le plan interne qu'externe, se traduit par des résultats spectaculaires. Ce sont ces résultats qu’il a exposés devant le Congrès. Il a signalé, au début de sa prise parole, la présence historique de deux femmes derrière lui, la vice-présidente Kamala Harris et la représentante Nancy Pelosi, deux femmes dans l’ordre de succession en cas d’empêchement du président selon la constitution américaine. Tout un symbole dans la lutte des femmes aux USA.

Sur le plan interne, Il a égrené ces résultats devant l’assistance, environ 200 M de personnes vaccinées, 1,300,000 emplois créés, 160 M de chèques de 1400 USD distribués dans le cadre du plan de relance (Stimulus plan) de 1900 Mrds d’USD. Il a cité, en ce qui a trait à son pays, la projection de 6% de croissance du FMI pour 2021.

 Sur le plan externe, il a envoyé des signaux clairs, en adoptant une posture ferme par rapport à la Russie, la Chine et l’Iran, en réintégrant l’accord de Paris sur l’environnement, l’OMC, l’accord Iranien sur le nucléaire. Il a maintenu les troupes américaines en alerte en Indo-Pacifique et en Europe, « non pas pour entrer en conflit mais pour le prévenir », précise-t-il lors de son premier « état de l’union » face au Congrès, le 28 Avril 2021.

Sa vision de long terme est exposée dans un plan de 2,900 Mrds d’USD, axé sur l’infrastructure, les technologies (intelligences artificielles et autres) et l’éducation (renforcer le capital humain), et qui vise, entre autres, à dépasser le niveau de compétitivité actuelle  et à maintenir l’avance américaine sur la Chine. Ce plan sera financé par une augmentation d’impôt  sur les riches. « Il est temps pour que les riches payent une juste part », ce qui a soulevé un tonnerre d’applaudissements des démocrates et un silence de cimetière de la part des républicains. A noter que le plan global avoisine 6000 Mrds d’USD.

C’est  une sorte de new deal à la manière de Roosevelt, une nette rupture par rapport au trumpisme (normal) et surtout par rapport au reaganisme, étape novatrice, que même Clinton et Obama n’ont pas osé franchir. Il a donc donné un coup de barre à gauche malgré le côté centriste de sa longue carrière politique. Il a aussi parlé de beaucoup d’autres choses, dont le contrôle des armes, la réforme de la police à partir d’une loi qu’il aimerait présenter le mois prochain marquant l’anniversaire de l’assassinat de Georges Floyd. Toute cette politique (approuvée par 64% des américains) aura des répercussions positives sur le monde entier, en particulier sur Haïti.

 

LA SITUATION AU NIVEAU D’HAITI

La situation d’Haïti est des plus critiques. On dirait une mort lente voulue par ses filles et fils. La bataille politique se fait au détriment du peuple et du pays. C’est l’exacerbation de la bataille des clans au détriment du pays. C’est le règne de l’insécurité : le kidnapping fait rage ; l’économie périclite ; l’insécurité alimentaire est entrée dans sa phase d’urgence (+ de 4.4 M de personnes).

La situation politique : kidnapping, insécurité

La situation politique est toujours dominée par cette instabilité politique liée à la polarisation en dépit de la tentative de « Religions pour la Paix » de trouver un accord politique, vite déchantée sous la pression de l’opposition politique ; cette dernière tentative pourrait sonner le glas de cette entité en Haïti. Au niveau de l’instabilité gouvernementale, le Premier Ministre (PM) Jouthe a donné sa démission au Pdt Moïse et a été remplacé ad intérim par le Ministre des Affaires étrangères, Dr Claude Joseph, le 6e PM de cette présidence, qui conserve son poste au MAE ; tandis le Ministre de l’économie et des Finances (MEF), Patrick Boisvert assure ad intérim le poste de Ministre de la Planification et de la coopération Externe (MPCE) ; il en est de même du ministre des haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE), Gonzague Day, qui assure l’intérim  au ministère de l’intérieur et des collectivités Territoriales (MICT).

Par rapport au phénomène de  kidnapping, politisé à outrance par nos politiciens, on a  enregistré 50 cas en Janvier, 65 cas en Février et 27 cas  en Mars. Pour le mois d’Avril 21, les informations ne sont pas encore disponibles. Quand on essaie de dénombrer les divers cas rapportés journellement par les médias de toutes catégories, depuis le 1er jour du mois jusqu’à date, on devient vraiment inquiet, tellement l’arrogance des kidnappeurs défie l’entendement et les forces de l’ordre, et continue d’exiger des rançons faramineuses en USD. Ceux de Grand Ravine, de Village de Dieu, de Croix-des-Bouquets, et de Cité Soleil opèrent au vu et au su de tout le monde, dans la rue, à la maison, kidnapping d’individus et de groupes d’individus de toutes catégories sociales (4 étudiants, 2 policiers, 3 chauffeurs, passagers, 2 docteurs, 2 infirmières tuées, 1 CASEC, 1 entrepreneur dans le secteur pétrolier), de toutes confessions religieuses (franc Maçon, pasteurs, prêtres, sœurs, fidèles, 20 personnes). L'église catholique a réagi en organisant des messes et en fermant les portes de ses établissements scolaires en deux temps de 3 jours.

 Dans un autre registre, ils ont pris des véhicules bondés de passagers, à Grand Ravine, à Croix-des-Bouquets, à Cité Soleil, et tiré sur un véhicule de transport, au moins 6 morts. Un homme d’affaire a été pris en chasse par des motards et tué au niveau de Canapé vert. Et, à chaque fois, les réactions de la population se font sentir au niveau de la rue (krazebrize, barricades, incendies de véhicules des passants, de l’Etat). A Petit-Goâve, la population a érigé un mur en maçonnerie sur la Nationale No 2 pour exiger la libération du CASEC, paralysant par ainsi trois départements. Un peu plus tôt, mi-avril, les bandits de Grand Ravine et de Village de Dieu avaient pris d’assaut la Nationale No 2, au niveau de Martissant, après avoir forcé les forces de l’ordre à vider les lieux. A Delmas, la population a incendié un corbillard et bloqué les rues. A Lascohobas, les manifestants ont paralysé la circulation sur la route internationale Belladère-Mirebalais, pour exiger la libération des 3 jeunes kidnappés, à Croix-des-Bouquets, par 400 Mawozo, qui vient de les libérer ainsi que les 5 autres religieux et le laïc, qui étaient  encore en leur possession sur les 10 personnes enlevées spectaculairement depuis près d’une quinzaine de jours. Il en a été de même, à l’Avenue Pouplard, Port-au-Prince, pour exiger la libération de l’ex-commissaire de police, ex-commandant du département du centre, Manuel Gaston Orival, enlevé chez lui, le 27 Avril dans la soirée, et libéré le 29 Avril.

Il faut ajouter à tout cela, les accidents de circulation causant la mort de temps à autre, dont le fameuse collision entre deux véhicules de transport, avec un bilan de 21 morts, 30 blessés, selon Stop Accident, rapporté par HPM.TV. Selon le juge de paix de l’Arcahaie, le bilan serait de 14 morts. A ce qu’il parait, les autres personnes sont décédées en cours de route vers les hôpitaux. Il faut noter que le service de circulation n’existe que de nom et les routes ne sont pas contrôlées ainsi que les véhicules. Ces genres d’accidents sont monnaie courante en Haïti.

Une situation d’urgence humanitaire

La situation économique est des plus terribles. La majorité de la population n’arrive pas à manger à sa fin. Le pouvoir d’achat s’amenuise de jour en jour, avec la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, 85.19 G pour 1 USD à l’achat et 87.75, selon le taux de référence de la Banque de la République d’Haïti (BRH), et 95-97 G pour 1 USD au marché parallèle. La vie chère s’installe, la faim également. Une situation d’urgence humanitaire!

On comprend que, dans ces conditions, les secteurs, Santé et éducation, traversés par des turbulences politiques, docteurs, infirmières et personnel de santé en grève ou empêchés, étudiants, écoliers, professeurs du secteur éducatif instrumentalisés (manifestations de rue), sont très fortement perturbés. Depuis le phénomène de paylok (2019), la situation d’instabilité politique, le Covid-19, le kidnapping, les pertes de jours de classe (2020,2021) qui en découlent, agissent considérablement et négativement sur ces secteurs et sur le capital humain.

              11E SOMMET DE LA FINANCE : RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN

              C’est dans cette ambiance délétère, dominée par le kidnapping et ses conséquences fâcheuses sur la vie quotidienne du peuple, que s’est déroulé, du 13 au 15 Avril 21, le 11e sommet de la finance sous le thème : Renforcer le Capital Humain dans le contexte post-covid-19. Le thème est vraiment approprié.

Le principal organisateur de cet événement annuel, qui a obtenu le prix de l’événement Online l’année dernière, le président du « Group Croissance », Kesner Pharel a su nous mettre dans l’ambiance dans ses propos d’introduction. Il nous a rappelé que cet événement totalement Online cette année, a eu une version 1.0 en présentiel, en 2010, juste après le tremblement de terre de 2010, fortement appuyée par la BRH, a dû innover pour s’adapter à la nouvelle conjoncture liée au COVID-19, et s’est transformé en une  version 2.0, Online, en s’appuyant sur la  BRH, Show Carel là, et PROFIN.TV. Il s’est déroulé simultanément sur 2 plateformes, celle de la BRH en relation avec la Macroéconomie et le développement, et celle de PROFIN en relation avec la microéconomie, l’entreprenariat et la finance. Les sous-thèmes principaux sont naturellement la Santé, l’éducation et la protection sociale, éléments fondamentaux du renforcement du capital humain.

La crise étant d’abord sanitaire avant d’être économique, heureusement pas encore financière, il est donc tout indiqué d’honorer cette année les docteurs  Pape et Paul Farmer, les deux sommités mondiales (haïtiens d’origine et « d’adoption ») qui contribuent à sa résolution. Pharel croit que, pour sortir de cette crise, il faut en premier lieu la stabilité politique, connecter la chaine de l’offre comme le font les dominicains, réaliser des partenariats au niveau de la région, sortir du niveau d’assemblage pour aller vers les produits électroniques, microprocesseurs en nette demande aux USA, vers des produits médicaux (Pourquoi pas un cluster médical au niveau de la zone de Mirebalais où il existe déjà un hôpital de grand renom ? Interview avec Dr Farmer), chercher comment mettre de la valeur ajoutée, d’où la nécessité de renforcer le capital humain haïtien (augmentation de la productivité et de la compétitivité pour pallier le retard dû au « peyilok » et au covid). Ce qui nous ramène aux trois piliers : Santé, éducation et protection sociale. Car même avec « une croissance de 10% du PIB, une bonne partie de la population ne sera pas touchée au bas de la pyramide haïtienne », a-t-il conclu.

Durant 24 h sur une période de trois jours, les 27 interventions (discours +panels), 15 sur la plateforme BRH et 12 sur la plateforme PROFIN, vont s’atteler à suivre les lignes directrices tracées par PHAREL, avec quelques nuances prêtes.

Prenons le discours du Gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois. Il a expliqué que la BRH, pour faire face à la conjoncture et projeter l’avenir, a adopté toute une panoplie de mesures et d’actions, la stratégie d’inclusion financière, l’éducation financière ; fourni des réponses conjoncturelles tout en visant les réponses structurelles ; procédé  à la modernisation du système financier, coopératives  d’épargnes et de crédits, fonds de soutien aux coopératives (100 M de G contribution de la BRH) ; pris  des lois et des circulaires  à caractère économique, dont de nouveaux produits financiers pour la population, la loi sur le bureau de crédit, sur les nouveaux billets de 2500 G, et 5000 G, la modernisation du système de crédit, la gourde digitale, la modernisation du système de paiement, l’interopérabilité, les lignes directrices pour les FINTECH, la modernisation de l’écosystème de la politique monétaire, les obligations corporatives, la titrisation immobilière et d’autres dettes (résidence à bon marché, programme 10,10, 20, soit 10% de down et 10% d’intérêt sur 20 ans), et donné accès aux crédits aux petites et moyennes entreprises.

Selon le gouverneur,   le capital humain constitue l’épine dorsale de toute politique de croissance et de création d’emploi, d’où des programmes de bourses (ambassade de France, bourse d’excellence, des partenariats avec des universités haïtiennes, etc. Par rapport aux lois de finances haïtiennes, il a constaté, en fonction des pourcentages accordés au secteur éducation, que le renforcement du capital humain n’a jamais été une vraie préoccupation pour nos dirigeants. L’éducation coute cher, mais constatons le prix que nous payons pour l’ignorance. « Le capital humain est incontournable  pour la réalisation  de grands objectifs », c’est sa principale conclusion si l’on veut déboucher sur cette nouvelle Haïti.

Je ne reviens pas sur les propos du responsable de PROFIN, Robert Paret Jr, sur ceux  du Dr Paul Latortue en relation avec l’université (1% du budget), «former du capital humain pour le développement : quel rôle pour les universités haïtiennes ? », et  sur ceux du panel, éducation entrepreneuriale et financière : Quel modèle d’école pour former du capital humain adapté au 21e siècle ? Si je me mets à résumer l’ensemble des thématiques du 11e Sommet, il me faudrait écrire un livre.

C’est pourquoi, je recommande de revivre les panels et les présentations de ce 11e événement sur la finance du Group Croissance et de ses partenaires. Revivre ces panels et présentations, c’est une forme de renforcement du  capital humain. On en apprend tellement que cela équivaudrait à une formation continue  d’un trimestre. En tout cas, c’est mon avis. A vous d’en profiter et de faire votre propre opinion. Revivez donc les Panels et Présentations de la 11ème Sommet de la Finance[5] et de la 6ème édition de la Fintech[6], et vous ne le regretterez pas.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 

            L’exacerbation de la polarisation politique autour du référendum, des élections, du départ forcé du pdt Moïse occulte tout le reste. Une frange de l’opposition opte pour un départ négocié, l’autre frange ne pense qu’à la mobilisation populaire, le lâchage du Pdt Moïse par les américains et la communauté internationale, pour forcer son départ; en ce sens, cette frange projette 7 jours de manifestations à partir du 1er Mai. Quant au pouvoir en place, il organise au Cap-Haïtien la foire traditionnelle de l'agriculture et de l'artisanat, met à la disposition de la Centrale électrique de Ste Philomene 10.8 MW (moteurs sur place et non encore opérationnels), et procédera, le 1er Mai, à l'inauguration du Barrage Marion, son projet-phare multifonction: 20 M de m3 d'eau stockés annuellement, 3000 ha en attendant, station d'eau potable pour les populations avoisinantes (en cours), usine hydroélectrique de 200 Kw (prévue), pêche/aquaculture et tourisme (projection). 

        En attendant, la situation économique se dégrade. Le pays fonctionne au ralenti, surtout au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, avec une population abandonnée à elle-même. L’instabilité politique, l’insécurité, le kidnapping et le Covid-19 ont grandement perturbé le fonctionnement normal du pays, en particulier le secteur éducatif. Le capital humain haïtien en a pris un grand coup qui aura des répercussions fâcheuses  sur le développement du pays. En comparant la situation d’Haïti par rapport à la République Dominicaine, la Jamaïque et Trinidad, un intervenant au 11e Sommet  a fait remarquer que c’est le système éducatif de ces pays qui leur a permis d’avoir un capital humain de qualité, en bonne santé, bien éduqué et compétitif. Et c’est ce qui fait la différence entre ces pays et le nôtre. Il suffit de comparer leur niveau de richesse par rapport à celui de notre pays pour s’en convaincre.

         La semaine de la finance axée sur le renforcement du Capital Humain nous indique plusieurs pistes de solutions que nous devrons exploiter à fond. Mais, sans cette stabilité politique, la crise perdurera, et on continuera à s’enfoncer. Pour rattraper le temps perdu, il nous faudra sortir du cycle infernal de la violence liée à cette bataille politique sans grandeur et sans lendemain. Pour sortir la tête de l’eau, le pays a besoin coûte que coûte d’un accord politique, pour garantir cette stabilité politique, « le premier des biens publics », selon le Pdt Moïse, et un plan de 25 ans axé sur les six capitaux, avec accent particulier sur le capital humain, tenant et aboutissant de tout processus de développement. Pour l'accord politique, le pouvoir et l'opposition font appel à l'OEA, même si les objectifs visés sont divergents. C'est déjà cela! Que Dieu bénisse Haïti !!!