Rechercher dans ce blog et le WEB

dimanche 30 juillet 2017

LA CARAVANE DU CHANGEMENT : UNE STRATEGIE INNOVANTE ET GLOBALISANTE ET NON UN PROGRAMME

LA CARAVANE DU CHANGEMENT : UNE STRATEGIE INNOVANTE ET GLOBALISANTE ET NON UN PROGRAMME

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

 Revu le 31 JUILLET 2017  
             
La conjoncture haïtienne est toujours dominée par la caravane du changement, malgré son redéploiement dans la péninsule Sud depuis le 1er Juillet 2017, le Sud, la Grande-Anse et les Nippes. Le manque de compréhension du concept caravane du changement occasionne des sorties à la limite de cette incompréhension. La position de l’association des maires du Sud (AMSUD) qui s’inquiète de la mainmise des députés  et sénateurs de la zone  sur la caravane, la position presque similaire  du maire des Cayes Gabriel Fortuné, allié du pouvoir en place, la position de l’ex-premier ministre Evans Paul qui voit dans la caravane, « un programme improvisé », etc., ces prises de position publique mettent de l’eau au moulin des opposants à la caravane, rendent encore plus sceptiques les bienpensants, calment l’ardeur des surexcités et agacent un tout petit peu les techniciens qui s’y engagent.

Dans une conjoncture marquée, en plus de la caravane, (i) par le départ massif des jeunes vers le Chili, (ii) par la bataille pour le salaire minimum fixé en dernier ressort à 350 gourdes/jour par le Président Moïse (réf. Spécial No 23 Le Moniteur) après un discours d’appel au calme au lieu des 335 gourdes recommandées par le conseil supérieur des salaires, menace de reprise des manifestations  des syndicats exigeant toujours 800 gourdes/jour + avantages sociaux ;(iii) par la grève du petit personnel de l’hôpital universitaire de Port-au-Prince (Hôpital Général) et celle des greffiers ; (iv) par  la marche programmée et avortée du Collectif du 4 Décembre ; (v) par la présence quasi permanente de fatras au niveau de la zone métropolitaine, ce qui a poussé la présidence à offrir son appui aux maires dans le cadre de travaux à haute intensité de main d’œuvre ( HIMO) pour assainir les villes constituant la zone métropolitaine, sans oublier les autres éléments de grogne liés à la situation économique difficile des ménages haïtiens dont 73.8%, selon l’IHSI, croient à une amélioration de leur situation grâce  à l’omniscience de Dieu (Dieu seul sait, avec 63 G pour 1 USD), on comprend l’effet explosif de ces prises de position dont la plupart viennent des alliés du pouvoir. Il ne faut pas non plus oublier, l’arrêté présidentiel supprimant les privilèges des anciens Chefs d’Etat non élus dont Jocelerme Privert élu au second degré, « c’est inélégant » pour répéter Evans Paul ; la sortie du Sénateur Rony  Célestin du Centre, un autre allié du pouvoir, et la question controversée du recrutement par le ministère de la Défense des jeunes devant intégrer l’Armée d’Haïti en phase de remobilisation, sans la nomination préalable d’un Etat-major et une philosophie pour la nouvelle armée, et sans l’aval des anciens militaires qui menacent de se faire entendre. Ce qui a poussé le Sénateur Latortue, président du Sénat, à faire une proposition en dix (10) points pour remédier à la situation, en attendant la convocation du ministre de la défense par un groupe de députés de la Chambre basse.

C’est dans ce contexte plutôt sombre qu’il faudrait situer la sortie de ces alliés du pouvoir et d’autres personnes face à la caravane du changement.  En un certain sens, leur incompréhension est justifiée. L’administration n’a pas mis à la disposition du grand public les documents essentiels de la caravane. Mises à part les sorties du Président et de la communication du Palais National, le grand public, tout au moins les intellectuels et la presse, n’a pas accès à ces documents. C’est en théorie la raison pour laquelle chacun y va de sa définition et de sa compréhension de la caravane du changement, même s’il faut y ajouter un bémol. Comme en général on est beaucoup plus enclin à voir les choses du mauvais côté, surtout quand il s’agit de l’administration en place, on  a vu et entendu  toutes sortes de gens parler de la caravane du changement avec l’arrogance de l’ignorance propre à nous autres haïtiens. Aristide, Préval, Martelly en ont eu pour leur compte en leur temps. Si le Président Préval n’a pas présenté de programme, Aristide en avait un, « Investir dans l’humain", Martelly aussi, « le courage de changer », transformé plus tard en 5 E ; et l’énoncé de politique général du Dr Conille, le 1er  Premier Ministre de Martelly, a été en soi tout un programme quinquennal. Dans les trois cas cités plus haut, l’administration a été sévèrement critiquée, et fort souvent en dehors des documents soumis au grand public. Toutefois, certaines personnes sont allées aux sources pour parler de ces programmes et les critiquer ; tandis que d’autres, les éternels opposants et les omniscients, ne se sont même pas donné la peine de les lire, tout en les critiquant vertement. C’est le défaut majeur de nos compatriotes, discourir avec arrogance sur des choses non bien maîtrisées.

Dans le cas de la caravane, qui n’était même prévue dans l’énoncé de politique générale du PM Lafontant, c’est la vague déferlante anti-caravane malgré la bonne performance de l’opération coup de poing au niveau de la Vallée de l’Artibonite à la satisfaction de la grande majorité des bénéficiaires directs. Cette initiative présidentielle est donc perçue comme un programme, un projet du Président. Il n’en est rien. Certes, c’est une initiative présidentielle, mais elle n’est ni programme ni un projet. Elle prend sa source dans une stratégie du ministère de l’agriculture, le développement par pôle de croissance basé sur les cinq (5) principaux châteaux d’eau du pays dont la visée était de répondre à la déclaration de l’administration Martelly de faire du secteur agricole « la locomotive de la croissance ». Le cadre budgétaire 2015-2018 du ministère de l’agriculture a été monté dans le souci d’atteindre  cet objectif. Lors de la longue campagne présidentielle de J. Moïse, il s’est tu à répéter qu’il allait « continuer, corriger et innover ». Dès sa prise de pouvoir, il a proposé la caravane du changement comme stratégie pour continuer les actions en cours, les corriger au besoin et innover. La caravane du changement est donc cette stratégie innovante. Elle n’a pas de programmes propres, elle utilise les programmes existants en les améliorant si nécessaire, quand elle intervient dans une zone. 

Le cas de l’Artibonite

C’est le cas pour l’Artibonite. Chaque année, dans le cadre des campagnes agricoles, le ministère de l’agriculture dispose de l’argent pour mener ses campagnes agricoles tout le long de l’année agricole. A l’arrivée de l’administration Moïse, le ministère disposait de 197 M HTG non utilisés, cet argent a été en partie utilisé pour l’opération coup de poing dans le cadre de la caravane au niveau du grand périmètre de la Vallée de l’Artibonite sous le contrôle de l’organisme de développement de la Vallée de l’Artibonite (ODVA). Les matériels, les cadres de l’institution ont été mis à profit, complétés par d’autres matériels et d’autres cadres pour mener à bien les actions prévues, en les corrigeant et en innovant par la mise en synergie des compétences au niveau de l’Etat, pour maximiser les effets à partir de la méthode Haute intensité d’équipement (HIEQ) pour le curage mécanique des canaux et  drains principaux et primaires et les pistes agricoles et rurales.  

Parallèlement, la cellule ad hoc de pilotage de la caravane, associée au ministère de l’agriculture, a préparé un dossier pour la mise en place de 9 entreprises agricoles  couvrant 4500 ha (actuellement en cours), un protocole pour permettre à la Fédération des Associations d’irrigants de la Vallée de l’Artibonite (FASIVAL) d’entamer les travaux de curage manuel des canaux et drains secondaires et tertiaires par la méthode haute intensité de main d’œuvre (HIMO) en vue d’améliorer l’irrigation et le drainage au niveau des parcelles, et un dossier de plus de 180 M USD pour l’aménagement complet du grand périmètre  (32,000 ha )de l’ODVA durant tout le quinquennat de cette administration et même au-delà, avec accent  particulier sur la nécessité de réorganiser l’ODVA et de renforcer FASIVAL. Ce dernier dossier se base sur une étude de la Firme GOPA (2002).

Le cas de la Péninsule Sud

Fort de l’expérience encore en cours au niveau de la Vallée de l’Artibonite, la caravane du changement, après avoir monté, à travers la cellule ad Hoc, le dossier de la Péninsule Sud d’Haïti avec les cadres des diverses directions déconcentrées et décentralisées et aussi des cadres au niveau central des divers secteurs impliqués, en se basant sur les documents existants tels le PDNA (MPCE Janvier 2017),  « Vers une stratégie régionale de la Péninsule Sud (MPCE 2008) », les documents du MARNDR et de CNSA, et d’autres documents des autres secteurs impliqués, s’est redéployée dans le Grand Sud, le 1er Juillet 2017.  Le dossier s’intitule « Le plan d’action pour le relèvement et le développement de la Péninsule Sud (PARDPS) » .Il inclut l’ensemble des secteurs opérant dans la péninsule qui ont ajusté leur budget en fonction du plan et qui assurent la gestion technique et financière de leurs programmes et projets dans le cadre de la caravane. 

Comme l’a expliqué, lors d’une réunion,  le Président J. Moïse aux partenaires techniques et financiers (PTF), dont la BID qui a préalablement accepté de financer, à hauteur de 10 M USD avec possibilité d’aller jusqu’à 45-50 M USD, certaines activités dans le cadre de la caravane sous forme de remboursement, la caravane du changement n’a pas de budget, ce sont les secteurs qui en disposent, la caravane ne fait que les pousser à faire mieux et vite.

C’est ce qui est en train de se passer au niveau de la Péninsule, malgré les difficultés inhérentes à ces genres d’initiatives. Il faut rappeler que les objectifs au niveau de la péninsule Sud sont beaucoup plus ambitieux et diversifiés que dans la Vallée de l’Artibonite.  Ce qui implique beaucoup plus de risques à gérer. C’est pourquoi, il aurait fallu beaucoup plus d’explications, de communication, de sensibilisation avant le redéploiement dans la Péninsule. A postériori, il a fallu combler cette lacune en multipliant les rencontres d’explication avec les ONG, les maires, les directions déconcentrées sur la vraie nature de la caravane, son rôle catalyseur, sa stratégie de marier l’urgence au développement, son mode opératoire basé sur deux types d’intervention : (i) une opération coup de poing (3 à 6 mois) et une opération structurante (le reste du quinquennat et au-delà).

La caravane du changement, une stratégie innovante et globalisante et non un programme

La caravane encourage les acteurs et les secteurs à imbriquer leurs actions (harmonisation), à les articuler avec celles d’autres acteurs et secteurs (coordination) et à les intégrer à l’action gouvernementale pour maximiser leurs impacts. La caravane crée aussi les conditions pour réaliser les actions à moindre coût. Elle ambitionne d’englober l’ensemble des actions des secteurs et des autres acteurs au niveau de la zone d’intervention et encourage les élus, en particulier, les collectivités territoriales à jouer, en plus de leur implication directe dans le suivi rapproché, à jouer leur rôle de vigile pour réduire drastiquement le niveau de corruption dans le mise en œuvre des actions, en les poussant à prendre des mesures répressives  contre les fautifs.


Cet article, je l’espère, favorise une meilleure compréhension de la caravane du changement. Il est écrit dans le souci de fournir une information de première main à des lecteurs de bonne volonté qui l’apprécieront selon leur conviction intime. Pour les irréductibles, rien ne changera, ils continueront à ne voir dans la caravane que  le mauvais côté, même s’ils se donnent  la peine ou non de lire cet article. Pour d’autres personnes, le scepticisme va persister jusqu’aux résultats finaux à la fin du quinquennat ; ce sont des saints Thomas (normal). Pour les convaincus, ils vont suivre cette expérience avec intérêt et peut-être se l’approprier en y apportant les modifications jugées utiles. En tout cas, ce qu’il faut retenir c’est que  la caravane du changement est  une stratégie innovante et globalisante et non un programme gouvernemental. 

dimanche 2 juillet 2017

HAITI : LE DECALOGUE DE LA CARAVANE DU CHANGEMENT

HAITI : LE DECALOGUE DE LA CARAVANE DU CHANGEMENT
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 JUIN 2017

Aujourd’hui a vu la cérémonie de démobilisation  partielle de la caravane du changement de l’Artibonite et le processus de son redéploiement dans la Péninsule Sud (le lendemain 1er Juillet 2017), regroupant le Sud, la Grande-Anse et les Nippes. Ce 30 Juin est la date constitutionnelle pour le dépôt du budget de 144 Milliards  de gourdes (2.30 Mrds USD) à la chambre des députés avec une priorisation des secteurs économiques comme les Travaux publics, l’agriculture, l’environnement et les secteurs sociaux comme l’éducation et la santé publique.

  Les résultats obtenus au niveau de la Vallée de l’Artibonite dans le cadre de la caravane sont très au-dessus de la moyenne selon les informations datant du 30 juin 2017 traduisent une moyenne de 94% au niveau du curage mécanique des canaux d’irrigation(185 km/197 km), de 49.42% au niveau des drains (43 km/87 km), de 140% au niveau des pistes agricoles (140 km/100 Km) et 394% au niveau de la réhabilitation des berges de canaux d’irrigation (197 km/50 km) pour une consommation de 84% du budget de 197 M de gourdes, à la satisfaction de la majorité de la population directement concernée, même quand il faudrait déplorer certaines imperfections dues à un manque de matériels de compactage au niveau des pistes réhabilitées. Ce qui n’enlève rien à la performance globale des interventions.

Cette bonne performance obtenue, en moins de 60 jours,  au niveau de la Vallée de l’Artibonite à partir de l’opération coup de poing dans le cadre de la caravane et les actions en cours pour compléter le curage des drains primaires, pour curer manuellement les canaux secondaires et tertiaires et pour la mise en place des 9 blocs de production de riz de 500 ha sur la base du principe de regroupement foncier par capitalisation (opération structurante) n’ont pas  pour autant occulté les foyers de grogne au niveau de la Capitale Port-au-Prince : manifestations de rue des ouvriers de la sous-traitance, des employés de l’OAVCT (assurance véhicules) exigeant la révocation de leur directeur pour mauvaise gestion, des étudiants réclamant justice pour  leur ami étudiant heurté par le doyen de la faculté d’Ethnologie. De plus, il y a cette cherté de la vie qui tenaille le ventre des petites bourses et le phénomène d’insécurité,  qui est sous-jacent  depuis quelque temps, frappe de temps à autre une personne de renom comme la jeune doctoresse de 33 ans assassinée à Delmas.

Le décalogue de la caravane du changement
Malgré tout, la caravane continue son petit bonhomme de chemin et met le cap sur la péninsule Sud avec des objectifs beaucoup plus  ambitieux et plus diversifiés que la Vallée de l’Artibonite, en dépit des critiques négatives des uns, du scepticisme de la plupart des biens pensants et de la surexcitation de ses partisans. Pour une meilleure appréhension de ce nouveau concept et en lien avec les informations disponibles, il est conseillé  de s’approprier les dix éléments fondamentaux de cette stratégie du pouvoir en place, qui, toute partisannerie mise à part, pourrait s’appliquer à n’importe quelle administration.

1.      La Caravane du changement est une œuvre d’imagination et de créativité qui ambitionne de mettre « ensemble la terre, l’eau, le soleil, les femmes et les hommes » pour améliorer le bien-être collectif.

2.      La Caravane du changement, qui vise à « mobiliser les forces vives d'Haïti pour transformer les rapports sociaux historiques et aboutir à un développement endogène et durable du pays », se veut une construction dynamique et collective, une approche plus adaptée aux défis de l’heure et un appel à la solidarité, d’abord inter haïtienne, pour relever nos défis.

3.      La caravane du changement est une stratégie innovante et englobante et non un programme gouvernemental. Elle favorise une imbrication sectorielle des actions, leur articulation intersectorielle et leur intégration à l’action gouvernementale pour maximiser leurs effets et impacts en vue d’apporter le changement réel dans la vie des citoyens.

4.      Toute la stratégie de la Caravane sera structurée autour des "PACTES POUR L'EMPLOI et la CROISSANCE ECONOMIQUE INCLUSIVE" (PECEI) qui engageront l'ensemble des acteurs économiques et sociaux en fonction de leurs intérêts propres et des problématiques sociétales réelles.

5.      Elle convie à  une mobilisation collective, une mobilisation des entités de l’Etat pour des actions concertées et rapides en vue de donner accès à des services de base à la population et améliorer les conditions d’accès aux facteurs de production.

6.      La Caravane renvoie à l'idée du konbit, étendu à l'échelle nationale pour enfin donner sens à notre devise "l'union fait la force" en vue de relever définitivement le défi de la misère et de la pauvreté, en continuant les actions en cours, en les corrigeant si besoin est et en innovant.

7.      La Caravane favorisera une articulation intersectorielle pour livrer des services publics en matière de sécurité alimentaire, sanitaire et autres. Elle promeut l’amélioration de la pénétration des zones de production et leur connexion aux marchés.

8.      La Caravane du changement se révèle être une manière de réhabiliter le cadre de vie de la population en tenant compte de la situation d’urgence généralisée ; elle utilise deux types d’opérations complémentaires et non compartimentées : une opération coup de poing (urgence) et une opération structurante (relèvement et développement).

9.      C’est une modalité d’intervention qui permet de toucher directement la population, en priorité les plus vulnérables ; une méthode de travail qui permet une mobilisation intelligente et efficiente des ressources au moindre coût, et une injonction aux structures de l’Etat pour qu’elles se ressaisissent, se mettre en synergie et en condition de répondre aux besoins réels de la société. 

10.  La Caravane  se présente donc comme le grand espoir de changement souhaité par  tous les Haïtiens de bonne volonté ; la réussite de cette stratégie novatrice et unificatrice de relèvement et de développement, qui permettra à notre pays de commencer à rattraper son retard, nécessite la conjugaison  de tous les efforts et toutes les bonnes volontés autour du Président de la République.

mardi 23 mai 2017

HAITI ENTRE INTEMPERIES, ELEMENTS D’INSTABILITE ET CARAVANE DU CHANGEMENT


HAITI ENTRE INTEMPERIES,  ELEMENTS  D’INSTABILITE  ET CARAVANE DU CHANGEMENT
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
23 MAI 2017

Après le passage de Matthew, nous avions prédit, nous basant sur nos observations, que la saison pluvieuse 2017 pourrait être très mouillée. Jusqu’à présent c’est  le cas. Il en a été de même après Isaac et Sandy en 2012, et après Erika en 2015. Pourquoi serait-il différent en 2017 après le passage de Matthew? En tout cas, depuis le mois d’Avril jusqu’à date, Haïti est sous la pluie, pratiquement tous les départements du pays ont enregistré leurs lots d’inondations (Cap-Haïtien, Port-de-Paix, Sud, Grande-Anse, Nippes, Bas-Artibonite, pour ne pas les citer), suivies de morts, de blessés et de sans-abris.

Parallèlement à ces intempéries, le Président J. Moïse bouge comme la caravane du changement lancée le 1er Mai 2017, à Lagrange, dans l’Artibonite. Mais, bien avant le lancement et durant le séjour de sa caravane du changement dans la Vallée, le Président est partout : au niveau de la santé apaisant les gens de l’Hôpital Général, offrant appareils de dialyse, il a récidivé très récemment à l’Hôpital OFATMA ; au niveau de l’immigration pour la question de passeports (117,000 unités non livrées à l’époque), à date, il ne resterait que 30,000 unités à livrer, dans les divers centres[1] de livraison inaugurés entre temps et réduisant la pression sur le centre de Lalue[2], en attendant d’atteindre le nombres de 40 centres à travers tout le pays dont 14 centres avant la fin du mois de Mai 2017, a-t-il promis ;  au niveau des industries (boissons gazeuses, agro-alimentaires, traitement de déchets) ; et au niveau de l’Artibonite ( Vallée de l’Artibonite, Verrettes, Saint-Michel, Desdunes, l’Estère, Grande Saline) pour superviser les travaux de la caravane, promettant d’intervenir sur les nombreux problèmes soulevés par la population et au niveau du Centre pour annoncer des actions à Maïssade sur la Rivière Rio Frio. « Qui trop embrasse mal étreint ». Le Président en a-t-il conscience ? En tout cas, c’est la boulimie. Cette boulimie dérange, intrigue et favorise la spéculation.

Les démons de l’instabilité politique
Les intempéries et la caravane du changement ont occulté tout le reste, sauf l’augmentation du prix du carburant qui a fait quelques vagues malgré les négociations avec les principaux syndicats de transport. L’ultimatum de Jean-Charles Moïse à ce sujet fait injonction au Président Jovenel Moïse de revenir sur sa décision  d’augmentation du prix du carburant sous peine de le retrouver à la tête  des manifestations pour l’éjecter du pouvoir.

Il faut souligner : (i) la grève  du personnel à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs (CSCCA) ; (ii) les tentatives d’attentats contre le Président et la mort suspect de son chauffeur ; (iii) les journées d’arrêt de travail  du personnel[3] du service d’immigration suite à l’arrestation d’un cadre de ce service  par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) sur la base de soupçon de trafic de passeports ; (iv) les manifestations de rue des élèves à Port-au-Prince pour réclamer dans les salles de classe la présence de professeurs, qui paradoxalement les accompagnent dans la rue à la dernière manifestation en date ; (v) la réclamation des professeurs, qui fournissent des services dans le système éducatif, sans leur  intégration officiellement dans  le système ; (vi) les manifestations de rue des ouvriers du secteur sous-traitance, qui emploie 40,000 personnes à 350 HTG/jour (environ 5 USD par jour), pour réclamer une augmentation de salaire à 800 HTG/jour, plus que 10 USD par jour, réclamation qui semble avoir un bon écho  au niveau de certains membres du Parlement, en particulier ceux de l’opposition ; (vii) la vie de tous les jours devenue de plus en plus intenable malgré une certaine appréciation de la gourde par rapport au dollar américain (environ 64 G pour 1 dollar), et (viii) les menaces des maitres-bétons sociaux et politiques de reprendre du service.  Ce qui fait dire au Sénateur Salomon du Sud qu’Haïti serait au bord d’un soulèvement généralisé.

Il se pourrait que, en fonction de ces observations, les démons de l’instabilité politique à base de manifestations de rue reprennent et nous replongent dans cette incertitude. L’augmentation du prix du carburant pourrait être l’élément déclencheur de cette instabilité politique, avec la cherté de la vie comme vecteur et comme prétexte.

Le diagnostic du PM Lafontant et la rebuffade de Bastien
D’autant que le diagnostic du Premier Ministre Lafontant sur l’état de la nation confirme la situation catastrophique du pays sur le plan financier, même si, en essayant d’imputer uniquement cette catastrophe à l’administration Privert-Jean-Charles, cette tentative lui a valu une belle rebuffade de la part de l’ex-Ministre de l’économie et des finances, Yves Romain Bastien. Certes, la faute du PM Lafontant  d’accuser l’administration Privert a forcé Bastion à sortir à juste de titre de ses gongs, mais le diagnostic reste valable. Le pays va mal.

Il ne faut donc pas rejeter d’un revers de main le diagnostic du Premier Ministre. C’est un dossier sérieux qui permet de comprendre l’état actuel de la situation du pays et sur quelle base financière cette nouvelle administration a démarré. Si vraiment la nouvelle administration ne dispose que très peu de moyens au niveau du budget, il sera très difficile sinon impossible de mettre en œuvre son ambitieux programme. Un budget rectificatif qui tarde à venir et qui doit prendre en compte les actions des ministères concernés au premier chef par la caravane du changement : ministère de l’agriculture, ministère de l’environnement, ministère des travaux publics. Dans ces conditions, une reprise des manifestations de rue ne ferait que nous enfoncer davantage dans cet imbroglio qu’on n’a même pas eu le temps de nous affranchir malgré la transition, les élections générales directes réalisées, et les élections indirectes annoncées. Heureusement qu’il y a la caravane du changement qui fait aboyer « les humains haïtiens » pour paraphraser notre Lionel Trouillot national.

La caravane entre perception et réalité
En effet, la caravane du changement ne laisse personne indifférent. Ni ses opposants, ni ses partisans, ni la majorité silencieuse. Pour la grande majorité et surtout ceux-là qui ont marre de cette situation léthargique qui prévaut dans le pays depuis trop longtemps,  un certain espoir renait avec le discours optimiste du nouveau Président, sa caravane du changement, même si la réalité et le passé récent  sont là pour nous rappeler à l’ordre. Seul le bruit de la caravane du changement (par médias interposés) nous force à nous émerger du cauchemar quotidien dans lequel nous sommes plongés.

Depuis le lancement de la Caravane du changement le 1er Mai 2017 à Lagrange, le jour de la fête de l’agriculture et du travail (foire du 1er Mai 2017 aux champs de Mars, un succès), les médias s’en emparent. A partir des infos tirées des apparitions du Chef de l’Etat dans des spots publicitaires, des visites de terrain de ce dernier, des interventions des spécialistes et des spéculations de la plupart des intervenants, le commun des mortels se trouve perdu entre perception et réalité par rapport à la caravane du changement. 

La caravane du changement est perçue négativement selon que l’on soit opposant à PHTK, à Jovenel Moïse, ou septique par rapport à tout ce qui se fait ici en Haïti, ou réaliste par rapport à la situation économique et financière du pays. Ce qui fait que les explications sont souvent biaisées, mais aussi évolutives au fur et à mesure que les informations se précisent. Certaines personnes, qui étaient contre la caravane au départ, ont changé d’avis après les premières réalisations, mais restent réticentes par rapport à la manière d’opérer, par rapport à certaines figures de la cellule de pilotage ad hoc de la caravane. D’autres doutent de la durabilité de la caravane, et une dernière catégorie ne croira jamais à cette caravane même en cas de succès à la fin du quinquennat.

En réalité, la caravane du changement au niveau de la Vallée de l’Artibonite, vise, dans un premier temps, à curer mécaniquement 197 Km de Canaux et drains et réaliser 100 Km de pistes durant les 45 jours de l’opération coup de poing ; tandis que, dans un second temps, les actions visant à achever le grand périmètre de l’ODVA traverseront le quinquennat. Parallèlement, il a été procédé à la mise en place d’un bloc sanitaire moderne équipé de panneaux solaires, d’une petite centrale de traitement de l’eau du Fleuve Artibonite comme eau de boisson et la distribution à prix subventionnés des kits à énergie solaire pour l’éclairage des maisons à Lagrange, l’expérimentation de 9 blocs (4500 ha) de production du riz avec l’ambition de réaliser 4.5 TM de riz  à l’hectare durant une campagne au niveau de la Vallée qui en compte deux.

Cette réalité sera répliquée, en l’adaptant, à d’autres zones dépendant de leurs spécificités et potentialités propres, tout au moins c’est ce qui est projeté pour la Grande-Anse, le Sud et les Nippes, et, par extension, pour l’ensemble du pays. Les moyens dont disposera le budget rectificatif ne permettront pas de réaliser le programme ambitieux prévu, sauf si d’autres ressources seront mobilisées. Où les trouver?

En guise de conclusion, pour arriver à « mobiliser les forces vives d'Haïti pour transformer les rapports sociaux historiques et aboutir à un développement endogène et durable du pays », qui est la finalité de la caravane du changement, il reste beaucoup à faire, en commençant par un travail en profondeur d’information, de sensibilisation, de communication et de fine planification autour de cette stratégie innovante mise en place par la nouvelle administration et inspirée de la  stratégie  initiée par le ministère de l’agriculture[4] sur les cinq (5) pôles[5] de croissance et de développement basés sur les cinq (5)  principaux châteaux d’eau du pays. Le pôle 1 regroupant le Nord et le Nord-Est, le pôle 2 imbriquant le Nord-Ouest, le Pôle 3 regroupant l’Artibonite et le Plateau Central, le Pôle 4 regroupant l’Ouest et le Sud-Est, et le pôle 5 regroupant les Nippes, le Sud et la Grande-Anse. Les actions sectorielles liées à la caravane seront menées à l’intérieur des pôles de croissance et de développement. Tel est le cas pour le grand périmètre de la Vallée de l’Artibonite au niveau du pôle 3, et prochainement le Grand Sud au niveau du pôle 5. 

La saison cyclonique qui démarre le 1er Juin et les premiers signes d’instabilité politique mettront-ils des bâtons dans les roues de la caravane du changement? Ou la caravane sera-t-elle assez forte et solide pour traverser ces turbulences sans se faire dérailler, si turbulences il y aura?



















[1] Dans ces centres, selon les autorités, il est possible de retirer son extrait de naissance, sa carte d’identification nationale, son passeport, sa carte d’identité fiscale.
[2] à Pétionville, Rue Lamarre à Port-au-Prince, à Verrettes, à Tabarre, à Delmas, à Arcahaie, à Vaudreuil  au Cap-Haïtien, et très prochainement à Croix-des-Bouquets.
[3] Un arrêt de travail a été observé aussi au niveau des greffiers suite à l’arrestation de l’un des leurs pour corruption
[4] L’agriculture a été désignée locomotive de la croissance par l’administration Martelly en 2015.
[5] Cadre budgétaire et de programmation 2015-2018, Ministère de l’Agriculture Octobre 2015.