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lundi 29 février 2016

HAITI, LE CHAOS EVITE OU DIFFERE ? « KONPOZE OU DEKONPOZE ? »


HAITI,  LE CHAOS EVITE OU DIFFERE ? « KONPOZE OU DEKONPOZE ? »
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 FEVRIER 2016

Dans mon bilan 2015 et  perspectives 2016, j’avais insisté sur le rôle à jouer par le Parlement haïtien issu des élections contestées du 9 Aout et du 25 Octobre 2015 (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2016/01/haiti-bilan-2015-perspectives-2016-de.html ). En effet, le Parlement a changé la donne politique. Il a négocié par l’intermédiaire de ses deux présidents (Sénat et Chambre des Députés), Jocelerme Privert (LAVALAS) et Cholzer Chancy (Ayiti An Aksyon), le départ de Martelly, le 7 Février 2016, (Réf. http://ehaitinetwork.com/texte-de-laccord-signe-le-6-fevrier-2016-au-palais-national/# ). Il a accaparé la Présidence par une élection au second degré, mettant aux prises, en finale, le Président du Sénat, M. Privert, M. Egard Lablanc et M. Déjean Bélizaire, deux anciens présidents du Sénat, avec l’élection de M. Privert comme Président Provisoire de la République d’Haïti, le 13 Février, et son investiture, le 14 Février 2016 (« Coup d’Etat Parlementaire »). Le Président Privert, après consultation avec les forces vives du pays et les blocs parlementaires dont le Vice-Président du Sénat, M. Ronald Larêche, et le Président de la Chambre basse, M. Cholzer Chancy, a choisi et nommé comme Premier Ministre l’économiste, Fritz JEAN, ancien Gouverneur de la Banque de la République sous le régime LAVALAS, investi, le 26 Février 2016, en l’absence de M. Evans Paul, le Premier Ministre sortant qui a boudé, à tort ou à raison, la cérémonie d’investiture de son remplaçant, « pour ne pas cautionner la violation de l’accord du 6 Février et de la Constitution de 1987 amendée » , et a conseillé au Président Privert dans son langage imagé habituel mais, cette fois-ci, menaçant de « composer au lieu de décomposer », ponctué, à la fin, d’un « kreol pale, kreol komprann ». Que faut-il  comprendre de cette nouvelle conjoncture ? Et que faire ?

Confusion, insécurité politique et banditisme

J’ai oublié la réussite du Carnaval 2016 sans mort, le train-train quotidien qui nous tenaille et nous fait prendre conscience de notre précarité, l'inondation dans le Nord à Port-de-Paix (28-29 Fevrier) et au Cap-Haitien (en deux occasions) et dans l'Ouest (zone métropolitaine),  ponctuée de morts et de dégats matériels et due à des pluies qui anormalement arrosent le mois de Février, une bonne nouvelle pour la campagne agricole de Printemps 2016, un indice pour une bonne année agricole peut-être (?). Revenons à nos moutons politiques. 

En introduction,  j’ai énuméré les principales choses politiques, et,  même là encore, j’ai dû être sélectif. 

J’ai omis les déclarations de certains candidats à la Présidence et les notes du G8 qui donnent l’impression de ne pas se retrouver dans le processus en cours. Même la FANMI LAVALAS, qui semble, jusqu’ici,  être, sans oublier INITE et VERITE avec la présence de certains de leurs cadres au Palais National dont l'ex-Premier Ministre JM Bellerive (Ref. Le Nouvelliste), le principal bénéficiaire de la situation depuis le départ de Martelly, campe encore sur sa position d’avant ce départ, et a même été dans les rues, ce 29 Février, pour marquer le 12e anniversaire du second départ d'Aristide pour l'exil et fustiger le régime corrompu de Martelly qui devra impérativement être audité.

Quant à Jean Charles Moïse, il ne jure que par la mise à pied de l’autre Moïse, Jovenel, dans la course électorale (l’exclusion de l’autre).  André Michel, qui vient de sortir un livre sous le titre « Echec » en parlant de l’administration Martelly, est déçu du choix de M. Jean en lieu et place de Mme Manigat proposée par la Plate-Forme JUSTICE et qui avait l’aval de l’opinion publique. La FUSION est contre tout le processus en cours. Le silence de Jude Célestin, le principal catalyseur des énergies vers les événements du 22 Janvier  ayant fissuré de manière irréversible l’édifice de l’administration Martelly, qui ne réclame rien jusqu’à présent dans le gâteau et que tout le monde semble oublier, ne doit pas être perçu comme une acceptation de tout ce qui se passe actuellement et qui semble l’éloigner de la présidence du pays.

Quant à PHTK et consorts, principales victimes de la situation actuelle, ils enterrent leur candidat à la députation de Desdunes assassiné, M. Prévilon. Il était aussi ex-garde de corps du candidat Jovenel Moïse et du Président Martelly. La présence de l’équipe Têt Kalé, y inclus l’ex-Président Martelly et sa femme, Jovenel Moïse et le haut état-major de PHTK, et les discours prononcés à l’occasion  des funérailles de Toro, le surnom du candidat à la députation de Desdunes, témoignent de la volonté de cette équipe de continuer la lutte et de ne pas se laisser faire.

Les diverses sorties dans les médias du Premier Ministre, Evans Paul, KP rebaptisé « Koz Pèp La », « l’humiliation » subie par lui et son gouvernement lors de l’investiture du Président Privert, le choix de bouder l’investiture du nouveau Premier Ministre, la reprise du langage codé plutôt menaçant, l’évocation par lui de la non invitation de la KID, son parti, qui est représenté au Parlement, le rappel par lui de la présence de PHTK qui a une majorité relative au Parlement, une force avec laquelle il faut compter (interview avec Marie Lucie Bonhomme à Vision 2000),  laissent entrevoir qu’il a repris son manteau de leader politique et est prêt à se battre pour maintenir sa place sur l’échiquier politique.

Cette confusion politique, ce malaise, favorise la remontée de l’insécurité politique (mort du candidat de PHTK) et du banditisme (plusieurs cas motels et non mortels en relation avec le tirage d’argent à la banque, cambriolage de maisons d’habitation, de maisons d’affaires et autres). Pas un jour ne passe sans qu’il y ait un cas de vol des gens revenant de la banque ou plus grave encore un cas de mort par balle. Il en résulte une crispation générale ponctuée de peur et de crainte de la personne d’à côté, de l’autre, de cet inconnu qui rode dans notre quartier.

Et l’économie dans tout ça ?
La situation économique du pays n’est pas en reste. Le Président Privert l’a qualifiée de catastrophique. Ce qui a fait tiquer le ministre de l’économie et des finances, M. Wilson Laleau, et le Premier Ministre, Evans Paul. Ils ont démontré chiffres à l’appui que la situation n’est pas si mal que ça. Ils ont peut-être raison en comparaison aux années précédentes ou par  rapport aux prévisions budgétaires pour l’exercice 2015-2016 en cours. Mais le Président Privert n’a pas tort si on se réfère à la situation microéconomique. Nous avons actuellement une situation de misère presqu’intenable.

En effet, selon la Commission nationale de sécurité alimentaire (CNSA) et le Programme alimentaire mondial, « Une évaluation de la sécurité alimentaire en situation d’urgence (EFSA), menée par le PAM et la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) en Haïti, a estimé que environ 3,6 millions d’haïtiens sont en situation d’insécurité alimentaire (700,000 ménages). Parmi eux, environ 1,5 million (300,000 ménages) sont en insécurité alimentaire sévère ». De plus, le dollar varie entre 61 et 62.50 HTG selon la banque commerciale considérée. La finance est nerveuse et réagit en fonction de la donne politique. Les déclarations des responsables politiques et économiques en sont pour quelque chose. La vérité c’est que, à cause de la fluctuation à la hausse du dollar par rapport à la gourde,  de l’inflation autour de 13%, les ménages haïtiens ressentent dans leurs ventres et leurs poches les contrecoups de la situation économique et financière du pays.

Il faudra l’atténuer  rapidement par la mise sur pied d’un vaste programme de création d’emplois couvrant le territoire national et qui prenne en compte la campagne agricole de Printemps, la saison pluvieuse y incluse la saison cyclonique (Juin-Novembre 2016), la situation des gens les plus vulnérables qui ont besoin d’autres formes d’assistance. Il faut donc agir sur  l’urgence tout en initiant le durable.

L’élégance de Privert
Dans ses prises de parole, le Président Privert a évoqué la situation du pays, la question de la sécheresse, de l’insécurité alimentaire et la mise en application de l’accord du 6 Février. Lors de l’investiture du Premier ministre Jean, il a élégamment remercié le Premier Ministre Paul ainsi que son gouvernement pour avoir aidé le pays dans des moments difficiles et surtout ces derniers jours, et ce malgré les propos de ce dernier en relation avec la manière dont M. Privert conduit le processus en cours, et sa menace à peine voilée par rapport à ce chaos qui, selon lui, s’en vient, si la nouvelle administration ne « compose pas ». Il en a fait de même vis-à-vis de tous ceux qu’il a consultés avant de choisir le nouveau  Premier Ministre. Ce dernier se pose en rassembleur et promet de faire de son mieux pour faire face à la situation découlant de son choix un peu controversé. De toute manière, il doit jouer serré pour convaincre les blocs parlementaires lors de la présentation de son énoncé de politique générale et dans le choix de ses ministres. Sans quoi le processus recommencera tel que prévu par la Constitution amendée, nous fera perdre un temps précieux et pourra déboucher en fin de compte sur ce chaos qui fait peur.

La mise en application de l’accord
Tout ce processus rentre dans le cadre de la mise en application de l’accord du 6 Février 2016 entre la Présidence de Martelly et le Parlement, les deux institutions co-dépositaires de la souveraineté nationale. Cet accord a sciemment écarté l’option Pouvoir Judiciaire symbolisé par la Cour de Cassation (CC), en s’appuyant sur la constitution amendée qui n’aurait pas dû s’appliquer à  Martelly puisque publiée sous sa présidence. Malheureusement dans le souci d’écarter l’option CC, qui avait l’aval de la majorité des acteurs dont le l’Ex-Président Martelly et le G8, ils ont opté pour cet accord. C’est donc un accord inédit voulu par le Parlement et, en particulier, par Privert, l’un de ses rédacteurs et signataires.  Ce qui lui a permis de devenir président, élu par le Parlement au second degré, et de pouvoir choisir son Premier Ministre en la personne de Fritz Jean de tendance lavalassienne comme lui, plus ou moins dans les délais impartis.

Jusqu’à date, le Président Privert est dans les délais dans l’application de l’accord. Après l’élection du Président, la nomination du premier ministre (PM), il a mis le cap sur la redynamisation du Conseil électoral provisoire (CEP). Il est à noter qu’il a mené en parallèle le processus de mise en place du CEP et celui du PM. C’est ainsi que la plupart des secteurs prévus à l’article 289 de la Constitution de 1987 (Décret électoral) ont pratiquement refait ou sont en passe de refaire  le même exercice, si l’on excepte le secteur syndical qui a reconduit sa représentante, respectant par ainsi le mot redynamisation du CEP au lieu  de remplacement tel que exigé par la plupart des acteurs dont FANMI LAVALAS.

 En parlant de délais, alors que l’accord parle de 120 jours maximum au moment de sa signature, le 6 février 2016, on n’a pas vraiment 120 jours du 6 Février au 14 Mai 2016, la date prévue pour l’investiture du nouveau président élu. L’accord fait un certain nombre d’exigences qui seront difficiles à respecter, tels ses point IV  et V et leurs sous points, reproduits texto plus bas :

« IV. De la redynamisation du Conseil électoral provisoire (CEP)
« 1. Convocation, à l’initiative du Président provisoire des secteurs ayant délégué des représentants au précédent Conseil électoral provisoire (CEP) aux fins de confirmer ou de désigner de nouveaux membres en vue de la reprise des activités au CEP, dans un délai n’excédant pas 72 heure ». Déjà fait, mais pas dans  le délai imparti.

« 2. Publication de l’arrêté Présidentiel de nomination des nouveaux membres du CEP ». Pas encore fait car certains secteurs concernés prennent leur temps soit disant pour bien désigner leur représentant au sein du CEP.

« V. De la poursuite du processus électoral initié au cours de l’année 2015 ».
« 1. Relance par le CEP du processus électoral après évaluation des étapes déjà franchies :
« a) Mise en application des recommandations techniques de la Commission indépendante d’évaluation électorale ». L’accord n’a pas spécifié par qui ? Est-ce par le CEP redynamisé ou par une autre commission d’évaluation? A noter que l’accord parle d’évaluation et non de vérification comme exigé par le G8, FANMY LAVALAS et autres. Cette question de sémantique pourrait être une pomme de discorde entre l’ancienne opposition et l’actuelle administration.
« b) Finalisation et proclamation des résultats des élections municipales ».

« 2. Organisation du deuxième tour de l’élection présidentielle, des élections législatives partielles et des élections locales (24 avril 2016) ». C’est tout un travail à mener par le CEP pour rester dans les délais.

3. Proclamation des résultats définitifs (6 mai 2016).

4. Installation du Président élu de la République (14 mai 2016).

En guise de conclusion, les défis et la concertation

La bataille pour le pouvoir politique, l’adaptation de la nouvelle administration à la pratique du pouvoir, la primauté de l’intérêt des clans sur l’intérêt collectif, le rejet de l’ancienne opposition de tout ce qui rappelle Martelly, la réaction des bénéficiaires du régime Martelly, celle du PHTK et alliés par rapport à toute tentative éventuelle de les mettre hors-jeu, le  difficile équilibre à garder par l’administration actuelle, la polarisation qui se dessine au niveau du Parlement (risque de paralysie), la marginalisation du pouvoir judiciaire sont autant de défis à surmonter par les acteurs en présence.

Il ne faut pas négliger non plus l’attitude forcément attentiste de la communauté internationale (wait and see) qui s’est montrée par un passé récent plutôt proche de Martelly et qui devrait prendre son temps avant de se retrouver par rapport à la nouvelle administration dont la  tendance devrait se rapprocher de la manière lavalassienne.

C’est dans cette ambiance d’incertitudes qu’évolue la nouvelle administration. Ce chaos évité par l’accord du 6 Février 2016 s’éloignera-t-il définitivement ou seulement différé pour rebondir durant l’administration Privert ou après la clôture définitive du processus électoral? On ne devrait pas attendre longtemps pour la réponse à cette interrogation.


Une fois de plus, le maître mot reste et demeure la concertation, le dialogue. La revanche, l’exclusion, « l’ote-toi que je m’y mette » ne nous mèneront nulle part. N’oublions pas que l’administration actuelle n’est que le fruit d’un consensus, d’un « Accord politique pour la continuité institutionnelle à la fin du mandat du Président de la République en l’absence d’un président élu et pour la poursuite du processus électoral entamé en 2015.» 

dimanche 31 janvier 2016

HAITI : PLAIDOYER POUR UNE VRAIE SORTIE DE CRISE DANS LE CADRE D’UNE GRANDE CONCERTATION NATIONALE


HAITI : PLAIDOYER POUR UNE VRAIE SORTIE DE CRISE  DANS LE CADRE D’UNE GRANDE CONCERTATION NATIONALE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 JANVIER 2016

Ces derniers jours, il m’a été donné l’occasion (i) de visiter du 21 au 22 Janvier 2016, le Nord-Ouest du Pays où les manifestations de la Capitale Haïtienne du 22 janvier, obligeant le Conseil Electoral Provisoire à renvoyer les élections du 24 Janvier 2016 sine die et à se voir privé de son président, Pierre Louis OPONT et d’un autre membre influent, Pierre Manigat , n’avaient aucun écho ; (ii) de participer à Radio Mélodie FM, le mardi 26 Janvier 2016, à une émission  sur la crise haïtienne animée par Bernard Ethéart, Melody and Company ; (iii) de lire les diverses propositions de sortie de crise liées à la problématique haïtienne actuelle et au départ imminent du pouvoir  du Président Martelly, le 7 Février 2016, selon les prescrits de la constitution de 1987 amendée, et (iv) d’éplucher un texte intéressant de Yanick Lahens publié dans le journal, Le National, en mémoire d’Henri Bazin, « L’impasse ou la sortie du précariat », À la mémoire d’Henri Bazin, serviteur exemplaire de l’État (Réf : http://lenational.ht/limpasse-sortie precariat1/?fb_action_ids=10153413137391818&fb_action_types=og.comments). Il m’est donc venu l’idée sous l’insistance de Bernard Ethéart et de notre ami hollandais, Geert Van Vliet, de produire ce plaidoyer.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, le Lecteur doit noter que Yanick Lahens et Henri Bazin  sont des modèles à suivre. Selon moi, l'une est l'archétype du grand écrivain haïtien de la fin du 20e et du début du 21e siècle, et l'autre le plus grand fonctionnaire haïtien des 66 dernières années. Malheureusement, Ricot Bazin est parti. C'est normal que Yanick s'inspire de lui dans son article. C’est aussi normal que je cite ces deux noms en exemple pour mieux asseoir la vision d’une Haïti future peuplée en majorité de ces genres de personnes en lieu et place de ces défenseurs de clan que sont nos actuels politiciens avec, heureusement, quelques rares exceptions.

Ce parricide qui nous poursuit et nous fait perdre le nord
Tout ceci pour aboutir à la conclusion que la crise haïtienne est trop profonde pour la laisser uniquement entre les mains de nos politiciens à courte vue qui ne pensent, pour la grande majorité, qu'à leur clan respectif et jamais à Haïti, qui se mettent toujours contre quelque chose ou quelqu'un et jamais pour Haïti. Ce constat, qui traverse toute notre histoire de peuple libre et indépendant, s’est amplifié, durant toute la présidence de Martelly, pour culminer à ce que j’appelle « l’exacerbation de la bataille des clans », à cette crise permanente susceptible, cette-fois-ci, de déboucher sur la guerre civile. Il faut souligner que  cette crise s’enracine dans l'assassinat de Dessalines en 1806, ce parricide qui nous poursuit et nous fait perdre le nord.

Dans les propositions de sortie de crise, on insiste sur la nécessité d’un dialogue entre haïtiens, d’un pacte de gouvernabilité, de consensus, de dialogue politique. Notre grand ami Turnep Delpé aurait dit tout simplement « conférence nationale ». La Commission présidentielle d’évaluation électorale, qui avait été décriée par l’opposition politique, avait fait des propositions très sérieuses autour de la crise électorale, qui, si elles avaient été appliquées par le pouvoir en place, nous auraient évité le sommet atteint aujourd’hui dans le cadre de cette crise et toutes ces inquiétudes par rapport à l’avenir de notre pays.

Un cadre de référence pour le développement d’Haïti
A la réflexion et en relisant les divers textes produits depuis 1999 dans le cadre du réseau National Haïtien de FIDACIARA, (RENAH-FIDACIARA) devenu plus tard la Fondation Haïtienne pour le Développement Intégrale Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC), et en passant en revue la plupart de mes articles sur la problématique haïtienne, il m’est venu l’idée de revisiter le cadre de référence pour le développement d’Haïti basé sur l’approche hexagonale développée par la FONHDILAC autour des six capitaux, le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital économique et financier, et le capital politique (institution et gouvernance) (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2008/05/lapproche-hexagonale.html). Ces six capitaux combinés ensemble donnent un cadre théorique de 36 éléments fondamentaux, un cadre de référence pour le développement de notre pays.

Je reste donc persuadé et les cadres de la FONHDILAC aussi, en particulier, notre président, Bernard Ethéart, que la formule de sortie de crise haïtienne devrait forcément passer : (i) par un diagnostic sérieux des six capitaux haïtiens, et par (ii) des solutions très sérieuses en relation avec ce diagnostic en profondeur. Tout ceci doit être analysé et synthétisé dans le cadre d'une grande concertation nationale.         

La nécessité d’une grande concertation nationale
Cette grande concertation nationale se fera avec toutes les forces vives du pays, les représentants du Pouvoir Exécutif, ceux du Pouvoir Législatif et du Pouvoir Judiciaire ; ceux des collectivités territoriales ; ceux des partis politiques au pouvoir et dans l’opposition ; ceux de la Société civile et du Secteur Privé des affaires ; ceux des groupes de base et du secteur paysan; ceux des universités, la communauté internationale jouant un rôle d’observateur  et éventuellement de Co-financeur. Et de cette grande concertation sortira un plan définitif de sortie de crise (plan de développement) de 25 ans à appliquer par tranche de 5 ans par des gouvernements successifs issus d’élections, un pacte entre nous pour (i) vivre ensemble sur cette terre, (ii) améliorer la situation actuelle, et (iii) projeter sur le très long terme, la vision d'une HAÏTI EMERGENTE, d’où sortira cet HAITIEN COMPETITIF (en sante et bien éduqué), vivant en communauté dans son organisation articulée par rapport aux autres organisations sociales, économiques et politiques du pays, évoluant dans un environnement régénéré et bien équipé d'infrastructures appropriées, tout ceci financé à l'horizon 10 ans à partir des ressources propres (les ressources potentielles haïtiennes du sous-sol étant estimées à 100 trillions de USD) et actuellement à partir des dons, des prêts en attendant la génération des ressources propres du pays, et, enfin, grâce à la mise en place d'institutions fortes basées sur une gouvernance à toutes épreuves tant au niveau étatique ( Central et déconcentration administrative) qu'au niveau local (collectivités territoriales et décentralisation).

La vision d’un groupe appropriée par tout un pays (?)
Cette vision est celle de notre groupe, la Fondation Haïtienne pour le Développement Intégrale Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC) dont l'objectif est de contribuer au développement intégrale d'Haïti dans le concert caribéen et latino-américain. Dans cette situation de crise permanente susceptible de culminer à une guerre civile après le 7 février 2016 avec, à la clef, une occupation en bonne et due forme de notre pays, cette fois-ci et une fois de trop, par les américains 101 ans après celle de 1915, n’y a-t-il pas lieu d’une appropriation de cette vision par l’ensemble du pays ? En tout cas, il n'y a plus de place pour la plaisanterie. Haïti a besoin de tous ses cerveaux (son cerveau collectif actuel) pour, comme en 1803, rééditer, en 2016, le congrès de l'Arcahaie en vue de le remettre sur les rails du développement durable et équitable au bénéfice de toutes les couches de la société haïtienne sans exclusive.

dimanche 17 janvier 2016

HAITI: BILAN 2015, PERSPECTIVES 2016, DE MARTELLY A L'EXACERBATION DE LA BATAILLE DES CLANS OU A UNE ENTENTE POUR LE DÉVELOPPEMENT(?)


HAITI: BILAN 2015, PERSPECTIVES 2016, DE MARTELLY  A L'EXACERBATION DE LA BATAILLE DES CLANS OU A UNE ENTENTE POUR LE DÉVELOPPEMENT(?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
16 JANVIER 2016
                                
Le  mois de Décembre 2015 et le début de Janvier 2016 ressemblent à ce qui s’est passé à la même époque il y a un an avec quelques légères différences.  « La commission d’évaluation électorale » a remis son rapport comme « la commission consultative présidentielle » ; mais ses recommandations n’ont pas été totalement prises en compte par le Président Martelly comme l’année dernière. Le peuple, qui a été convoqué en ses comices sans succès pour le 2e tour de la présidentielle, le 27 décembre 2016, est re-convoqué par le Président Martelly pour le 24 Janvier 2016 sur fond de démission au sein du CEP. La rentrée parlementaire (branche Chambre des Députés)  se fait le dimanche 10 Janvier 2015, tandis que le Sénat a fait sa rentrée le 11 Janvier 2016. Cette rentrée et surtout l’élection du président du Sénat, M. Privert, et du président de la Chambre des Députés, M. Chancy, font émerger une nouvelle donne politique. L’opposition, constituée de l’ensemble des candidats arrivés après Jovenel Moise, le candidat du pouvoir, et du « Front de refus » (table rase et transition), programme des manifestations de rue contre la rentrée parlement (sans succès) et en réponse à la Présidentielle du 24 Janvier. La situation politique qui prévalait l’année dernière et qui s’est perpétuée tout au long de l’année 2015 connait une éclaircie due à un retour d’un certain équilibre des trois pouvoirs de l’Etat. Cette situation politique a influé sur tout le reste, en particulier sur l’économie du pays. D’où le titre de cet article : « Haïti, bilan 2015 et perspectives 2016, de Martelly à la continuité de la bataille des clans ou à une entente pour le développement(?)».

Cet article s’attardera sur le Bilan 2014-2015 avec des clins  d’œil sur le bilan de Martelly en matière sociopolitique et socioéconomique, dégagera les perspectives 2016 en matière sociopolitique et économique, et se terminera sur des conclusions et recommandations appropriées

A.     BILAN 2014-2015 ET CLINS D’ŒIL SUR L’ADMINISTRATION MARTELLY

La vision de Martelly selon le document « le courage de changer »

Comme l’année dernière, rappelons la vision de Martelly avant sa prise de fonction. Cette vision exprimée dans « le courage de changer » est axée sur : (i) La Relance de la production agricole nationale, (ii) la Sécurité des personnes et des biens, (iii) l’Education et la formation pour tous, (iv) Replacer Haïti sur la carte du monde, (v) Tourisme et culture, (vi) Santé préventive et soins pour tous, (vii) Dynamiser l’économie et le secteur privé. (Réfhttp://jrjean-noel.blogspot.com/2011/04/inite-et-martelly-ou-le-changement-dans.html ). Selon le bilan de l’année 2013-2014 (réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/12/haiti-bilan-2014-perspectives-2015-du.html), « cette vision s’est exprimée dans l’énoncé de politique générale du Premier Ministre Conille et appliquée dans celui du Premier Ministre Lamothe dans son programme axé sur les cinq (E) : Education, Emploi, Etat de droit, Environnement, et Energie. Ce programme est lui-même ancré dans le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement National d’Haïti (PARDNH), transformé en Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH). Il faut noter que  le programme de Martelly était estimé à 15 Mrds USD, soit un montant annuel d’environ 3 Mrds USD. Il faut souligner que le budget annuel durant la période Martelly  s’est rapproché de ce montant et est toujours mis en œuvre en retard à cause des divergences politiques avec le Parlement ». Il a été de même pour l’exercice 2014-2015 sous étude, en termes de montant (2.7 Mrds d’USD) et, comme il n’est resté qu’un embryon du Parlement avec 10 Sénateurs dont deux candidats à la présidence, on ne peut pas imputer le retard dans les décaissements à des querelles avec le Parlement pour l’exercice écoulé.
A1.       LA SITUATION SOCIO POLITIQUE 2014-2015

Comme signalé à l’introduction de cet article, la situation politique vécue au cours de ce mois de Décembre 2015 et début de Janvier n’est pas tellement différente de celle des autres mois de l’année si ce n’est cette lueur d’espoir avec la rentrée parlementaire de la 50e législature en  janvier 2016 qui marque un retour à un jeu d’équilibre entre les trois pouvoirs d’Etat, tout au moins théoriquement.

Une Entropie Politique persistante

L’année 2015 a prolongé l’année 2014 sur le plan politique, les manifestions de rue ont été une constante, sauf au moment où le Conseil électoral Provisoire inspiré de l’article 289 de la Constitution a lancé le processus d’inscription. Cette mesure a eu pour effets de déstabiliser l’opposition politique qui a décidé, contre toute attente, d’aller aux élections en ordre dispersé. C’était le calme avant la tempête. Tout le processus d’inscription, de rejet de candidats à tous les niveaux s’est fait plutôt dans le calme avec quelques incidents graves et sporadiques jusqu’aux élections parlementaires du 9 aout 2015 et les élections du 25 Octobre 2015. De 9 aout 2015 jusqu’à date, la tempête politique a renforcé cette entropie politique qui a caractérisé le  pouvoir de l’administration Martelly, surtout à partir de 2012. C’est une entropie politique persistante qui a influé tous les aspects de la vie nationale.


A2.       SITUATION POLITIQUE SOUS L’ADMINISTRATION MARTELLY

Pour comprendre 2015 et 2016, il faut remonter à la prise de pouvoir de Martelly en Mai 2011. Au début, on avait cette impression que l’équipe de Martelly ne comprenait rien à rien. Elle a sous-estimé la puissance du Parlement dans le rouage de la gouvernance du pays. Avec seulement, trois députés, l’administration Martelly pensait pouvoir appliquer sa vision « le courage de changer », en imposant les choses au parlement. Il faut souligner aussi que la façon d’agir de l’équipe rappelait plus la manière des Duvalier qu’autre chose. Ce qui a fait dire au Sénateur Lambert que Martelly agit « comme un éléphant dans un magasin de porcelaine ». Toujours est-il que l’administration a dû se contenter du gouvernement de Bellerive jusqu’en octobre 2011 après deux tentatives d’imposer deux premiers ministres, Rouzier et Gousse.

La ratification du Premier Ministre Conille était plus perçue comme une action de la communauté internationale qu’un choix de Martelly. La preuve c’est qu’après six mois d’une collaboration plutôt conflictuelle, le Président  a mis à pied le PM Conille et l’a remplacé en mai 2012 par son ami Laurent Lamothe qui était le ministre des affaires étrangères de Conille. C’est Lamothe qui va appliquer la vision de Martelly. De mai 2012 jusqu’à son départ en décembre 2014, le couple Martelly-Lamothe a fonctionné à plein régime après avoir constitué une certaine majorité au parlement, en particulier au niveau de la chambre basse.

Sur le plan politique, cette administration a pris la décision controversée de publier la constitution amendée, la mise en place d’un conseil électoral permanent tel que le veut la constitution amendée. Devant une opposition tout azimut, l’administration Martelly a dû mettre en place trois conseils électoraux provisoires. Cette opposition s’est renforcée au fil des événements jusqu’à renverser le PM Lamothe à la faveur des querelles intestines au sein du pouvoir (Palais National, Primature, etc.) et malgré les tentatives de Dialogue (El Rancho et autres réunions dans des grands hôtels de Pétionville). C’est pendant cette période que notre pays a connu  cette entropie politique. Avec le remplacement de Lamothe par Evans Paul, l’entropie politique, qui a persisté et s’est renforcée sous l’administration Martelly-Paul,  a influencé les actions de développement du pays et, en particulier, la situation socioéconomique tant au niveau macro, méso et microéconomique.

A3.       LA SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE 2014-2015 ET CLINS D’ŒIL SUR L'ADMINISTRATION MARTELLY

L’analyse de la situation économique et financière de 2014-2015 se référera aux prévisions budgétaires et aux résultats en termes macroéconomique et microéconomique.

A3.1.  Les prévisions financières 2014-2015

Deux aspects seront pris en compte en termes de prévisions financières : (i) la situation économique projetée et (ii) la performance de l’économie

La situation économique projetée en 2014-2015

Le Projet de loi de finances 2014-2015  (Réfhttp://jrjean-noel.blogspot.com/2014/07/haiti-football-gogo-beaucoup-de-bonnes.html ). Le projet de loi de finances 2014-2015, non voté par le Sénat comme pour l’exercice précédent mais mis en œuvre par le GOH à partir du 1er Octobre 2014, a fixé le montant global du budget à 122.7 milliards de gourdes (122.7 Mrds HTG ou 2.7 Mrds USD). Le budget se répartit comme suit : le secteur économique (44.3%), le secteur politique (18.8%), le secteur socioculturel (27.8%), et autres dépenses (9.1%) dont 4.1% pour le service de la dette externe. Les hypothèses de départ visent un taux de croissance du PIB de 4.6%, un taux de change en adéquation avec le taux de croissance, un taux d’inflation de 7.5%. Le taux de croissance de 4,6% du PIB, « sera supporté par les secteurs de l’agriculture +2,5%, de l’industrie +6 % et de la construction +8% » (Réf. Le Nouvelliste du 22/07/2014). Dans le budget rectificatif, le taux de croissance a été revu à la baisse à 3.5%, le taux d’inflation à 6%, etc.

Selon Michel Soukar dans le « Bilan 2015 » : « Un pays que l’on disait ouvert aux affaires (open for business) trébuche à cause de l’insécurité, de la violence, de l’instabilité politique et de la mauvaise gouvernance. En début d’année fiscale 2014-2015, les prévisions économiques tablaient sur un taux de croissance du PIB de 3.5%, un taux d’inflation de 6 à 8% en rythme annuel et un taux de change oscillant entre 48 et 50 gourdes pour un dollar américain. Sans doute, ces prévisions n’avaient pas tenu compte de facteurs internes comme la sécheresse, les manifestations politiques, les grèves et de facteurs externes comme la baisse du prix du baril de pétrole sur le marché international et la raréfaction de l’aide externe à Haïti ».

La performance de l’économie en 2015

Selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique dans  « LES COMPTES ECONOMIQUES EN 2015 » (Estimations Préliminaires) (Réf. http://www.ihsi.ht/pdf/comptes_economiques_en_2015.pdf),
« L’économie haïtienne a pâti en 2015 de la morosité qui a caractérisé l'environnement sociopolitique du pays ainsi que des déréglementations climatiques marquées par une sécheresse relativement rude. Cette situation se traduit par un ralentissement du rythme de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) qui, selon les estimations préliminaires, a enregistré une hausse, en volume, de 1.7% en 2015, contre 2.8% en 2014. La décélération a été observée dans la quasi-totalité des branches d'activité qui ont affiché des accroissements moins prononcés que ceux de l’année dernière ».

Pour les secteurs soutenant la croissance, il faut souligner, « l'Agriculture a grandement subi les effets distributifs négatifs des régions qui ont été très touchées par la sécheresse, provoquant ainsi une chute, en termes réels, de 3.5% de la valeur ajoutée agricole. Les industries manufacturières sont parmi les branches d'activité qui ont le plus contribué à la croissance du PIB en 2015 avec une hausse de 4.5%, supérieure à celle de l'année dernière (2.7%). Viennent ensuite la Construction (Bâtiments et Travaux Publics) et la branche Commerce Restaurant et Hôtel qui ont augmenté chacune de 2.3% et 3.5%, même s'il faut noter que leurs performances étaient meilleures l'année dernière avec des taux de croissance respectifs de 7.9% et 4.2% ».

Toujours selon les comptes économiques : « Du point de vue de la demande interne, malgré les effets néfastes de l'inflation, la consommation finale totale a progressé en volume de 1.1 %, bénéficiant notamment de la hausse, en valeur courante, de 11% des envois de fonds des travailleurs de la diaspora et de l'accroissement de 22% des traitements et salaires dans l'Administration Publique. L'investissement global, de son côté, a crû, en termes réels de 3.3%, particulièrement grâce au renchérissement de l'investissement direct étranger (5.3%)  et à certaines autres initiatives des secteurs public et privé. Pour ce qui a trait à la demande externe, en dépit de l'incertitude qui a marqué l'année fiscale 2015, les exportations haïtiennes se sont mieux comportées qu’en 2014 avec une augmentation, à prix constant de 4.6%, contre 4.5% précédemment ».

Enfin, les comptes économiques fournissent  les informations suivantes sur la consommation et l’inflation : « En ce qui concerne l'évolution des prix à la consommation, l'année fiscale 2015 s'est terminée avec 11.3% d'inflation en glissement annuel, un taux nettement supérieur à l'objectif de 6% qui était fixé dans le budget rectificatif de 2014-2015. Cette accélération des prix est consécutive, entre autres, à la rareté des produits locaux sur le marché et à la décote de la gourde par rapport au dollar américain » qui évolue dans une fourchette de 55 à 60 HTG pour 1 USD. « L’indice des prix a augmenté de 17% », selon Wayne Camard, représentant du FMI en Haïti.


A3.2. CLINS D’ŒIL SUR LA VISION DE MARTELLY ET SON APPLICATION

Les sept axes de la vision et leur niveau d’application en termes de perception : (i) La Relance de la production agricole nationale, (ii) la Sécurité des personnes et des biens, (iii) l’Education et la formation pour tous, (iv) Replacer Haïti sur la carte du monde, (v) Tourisme et culture, (vi) Santé préventive et soins pour tous, (vii) Dynamiser l’économie et le secteur privé,
(i)  La Relance de la production agricole nationale fait l’objet de plusieurs  documents élaborés par le ministère de l’agriculture, dont « le programme triennal  de relance agricole (2013-2016). Des actions intéressantes sont menées en matière de réforme institutionnelle, la création de nouvelles directions et d’unités au sein du ministère de l’agriculture, la mise à la retraite de certains anciens, le recrutement de jeunes cadres ; en matière de mise en valeur agricole, des efforts sont consentis tant du point de vue de l’agriculture familiale ( subvention engrais, crédit, voucher, assurance), que de l’agriculture à caractère commercial ( accompagnement des entrepreneurs agricoles à travers l’Unité de promotion des investissements privés dans le secteur agricole (UPISA). Toutefois les résultats obtenus sont en dent de scie. Ce qui est normal par rapport au montant du budget alloué au secteur (5-7%), sauf pour l’exercice 2015-2016 (9.7%) en tant que « locomotive de la croissance ». Il faut noter que (i) les décaissements se font toujours en retard et ne correspondent pas à l’année agricole, (ii) une grande instabilité institutionnelle s’est installée au sein du secteur depuis la prise de pouvoir de Martelly (6 ministres en 5 ans).

(ii) La Sécurité des personnes et des biens. Tout le long de la durée de cette administration, il y a eu des efforts soutenus pour sécuriser les personnes et les biens. Malheureusement, les résultats ont évolué en fonction de la crise politique permanente qui a caractérisé cette administration. En période de manifestations de rue, le taux d’insécurité (morts par balles, biens saccagés, voitures incendiées) suit la courbe ascendante. En période normale c’est l’inverse. Les résultats sont au-dessus de la moyenne, grâce à des efforts de la Police Nationale. Avec la remise en route de l’Armée à la fin du mandat, peut-être  que cela va aller s’améliorant.

(iii) L’Education et la formation pour tous. Malgré l’instabilité institutionnelle (4 ministres en 5 ans),  cette administration a toujours accordé beaucoup d’importance à l’éducation. On peut reprocher beaucoup de choses à cette administration mais pas sa volonté d’accorder une place prépondérante à l’éducation. Tous les ministres qui se sont succédé à ce poste ont fait des efforts pour améliorer la situation. Comme je l’ai écrit dans le bilan de l’année dernière, « pour le dernier en date, M. Nesmy Manigat, il m’a personnellement impressionné par son ouverture d’esprit et son courage. Non seulement, il a continué le travail de ses prédécesseurs, mais il l’a grandement amélioré en posant la problématique de la qualité de l’Education. On a accusé ce gouvernement d’utiliser les fonds de la Diaspora  à des fins d’enrichissement illicite. Mais personne n’a pu prouver jusqu’ici ces faits. L’avenir justifiera si oui ou non, les fonds de la Diaspora ont été dilapidés par cette administration ou mal utilisés ».

(iv) Replacer Haïti sur la carte du monde.  A mon humble avis, les résultats obtenus sont plutôt acceptables. L’administration a « bien vendu Haïti » à l’extérieur. Malgré la crise politique, les autorités ont pu attirer les investissements privés dans plusieurs secteurs, en particulier dans le Tourisme et l’agriculture. Il faut aussi signale les divers voyages effectués par les hautes autorités du pays, les fonctions occupées au niveau régional, les démarches effectuées au niveau des gouvernements étrangers, le slogan « Haïti is open for business », autant d’actions de cette administration qui témoignent des efforts consentis pour replacer Haïti sur la carte du monde. Certes, on reproche à cette administration de gaspiller de l’argent dans des « voyages inutiles ». Peut-être qu’il y eu gaspillage, mais on ne peut pas dire qu’elle n’a pas obtenu de résultats  en termes d’organisation de diverses activités internationales en Haïti. Il faut signaler enfin, la réhabilitation de l’Aéroport International de Port-au-Prince, la mise en service de l’aéroport international du Cap, l’initiation de la construction de l’aéroport international des Cayes, de l’Ile à Vache, de l’aéroport de Jérémie, d’autres actions achevées et en cours pour replacer notre pays sur la carte du monde.

(v) Tourisme et culture. Si cette administration peut s’enorgueillir de quelque chose, ce seront le Tourisme et la Culture. A ce niveau, on peut tout simplement parler de réussite. Durant toute la durée du mandat, il a été procédé à un ensemble d’activités culturelles et touristiques. Par exemple, les périodes carnavalesques ont été des moments extraordinaires de communion et de démonstration de notre riche culture en dépit des critiques de l’opposition politique. Ces moments ont favorisé grandement le tourisme intérieur et la venue de touristes étrangers et de la Diaspora haïtienne. Le travail au niveau de ce secteur est tout simplement fantastique tant au niveau de la grande terre qu’au niveau des îles. Mme Stéphanie Villedrouin, ministre du Tourisme, fait l’unanimité par son travail, sa compétence et sa détermination. Selon les observateurs avertis, le nombre de chambres d’hôtel a plus que doublé sous cette administration. En tout cas, cette administration a  vu l’ouverture de l’hôtel Oasis, de Servotel, de Best Western, l’agrandissement de Caribe Convention Center, la rénovation de Kinam, la présence  de la prestigieuse chaine  d’hôtel Mariott en Haïti, à Port-au-Prince et au Cap-Haïtien. Sans compter les divers investissements privés dans les villes de province dans l’hôtellerie.

(vi) Santé préventive et soins pour tous.  Ce secteur n’a pas connu d’incertitude institutionnelle, la même ministre durant toute la durée du mandat. Là encore, c’est un des secteurs où l’on peut parler de réussite, tout au moins en matière de construction d’hôpitaux, de centres de santé, de dispensaires. Certes en matière de santé préventive et de soins pour tous, on est encore loin. Mais les éléments de base sont là. Il suffit de bien les agencer, les renforcer et de les étendre. L’opposition politique peut reprocher à Mme Duperval son accointance avec la Première Dame, Sophia Martelly, on ne peut dire qu’elle n’a pas bien fait son travail. Ceci explique peut-être cela.

(vii) Dynamiser l’économie et le secteur privé. Rappelons que le secteur économique se compose des ministères de l’Economie, de la Planification, du Commerce et de l’Industrie, des Travaux publics, de l’Agriculture, de l’Environnement,  et du Tourisme. Ce secteur a toujours bénéficié  d’une part importante du budget national (40-50%). L’administration Martelly a appliqué la même politique budgétaire que les administrations passées. D’un autre côté, cette administration n’a pas réussi sur le plan environnemental. Elle a redynamisé le ministère du commerce, en accordant une place prépondérante à l’entreprenariat, l’initiation de la mise en place des « Micro Parcs » et autres mécanismes, et a donné des résultats en dents de scie en agriculture, et plus qu’acceptables en matière touristique, etc. Les mesures prises au niveau de la plupart de ces ministères du secteur économique ont incité le secteur privé à investir dans l’économie haïtienne. Quant au MTPTC, durant toute la durée de cette administration et malgré les difficultés de toutes sortes, il a plutôt bien tiré son épingle du jeu si l’on excepte le cas de l’énergie électrique qui est un défi à relever par la prochaine administration. Ces résultats sont dus aussi à la présence de l’Ing. J. Rousseau à la tête du ministère des Travaux publics durant toute l’administration Martelly. En général, c’est le premier secteur contribuant à la croissance et à l’emploi. Il faut noter que, depuis la prise de pouvoir de cette administration, si l’emploi n’a pas été l’objet de politique systématique (non documenté et même négligé), la croissance économique a toujours été au rendez-vous, très certainement en deçà des prévisions et pas suffisante pour nous sortir de la pauvreté, avec un taux de croissance de la population de 1.5 %/an.

La plus faible croissance de cette administration

Rappelons les taux de croissance du PIB obtenus par l’administration Martelly : 2011 (5.5%) avec un apport de l’administration Préval ; 2012 (2.9%) : une année de catastrophes naturelles ; 2013 (4.2%) : une année plutôt normale ; 2014 (2.8%) : une année de catastrophe politique ; 2015 (1.7%) : la plus faible croissance de cette administration en une année électorale, de persistance   de l’entropie politique et de grande sécheresse. Ces résultats sont, à mon humble avis, plutôt acceptables quand on se réfère à la vulnérabilité du pays en matière environnementale (changement climatique et autres) et surtout à cette crise politique qui a été une constante de l’administration Martelly.

Normalement, à la lumière de ces résultats, on devrait changer le titre du document de vision. C’aurait été mieux de le titrer « le courage de continuer » en lieu et place de « le courage de changer ». En effet, en matière d’actions de développement, Martelly a continué les actions entreprises par le Président Préval. Certes, son administration a son propre actif ; mais il a surtout appliqué le principe de continuité de l’Etat. Même son comportement comme Chef de l’Etat, c’est une combinaison de Jean Claude Duvalier, d’Aristide et de Préval : la tendance dictatoriale et fastueuse de Duvalier, la tendance à trop parler d’Aristide, le « naje pou soti » et « le koule anbayo » de Préval. Martelly a su utiliser le système à son avantage et placer ses pions dans tous les rouages, le Pouvoir Exécutif y incluse la Primature, le Pouvoir Législatif, le pouvoir Judiciaire, la Banque centrale, la BNC, le système de sécurité (Police et l’Armée), et la Communauté Internationale. En attendant le 24 janvier 2016, il s’est positionné comme l’homme fort du pays. Pourra-t-il résister au poids d’une telle combinaison de charges ? Le séisme politique claironné par l’opposition, s’il a lieu, détermine si sa force est herculéenne ou ne représente qu’un château de carte.


B. PERSPECTIVES 2016

La rentrée parlementaire change la donne politique

Sur le plan politique, la rentrée parlementaire tant au niveau de la Chambre basse que du Sénat, et les élections au niveau du Parlement changent totalement la donne politique. Le nouvel interlocuteur qu’est le Parlement va peser très lourd dans les décisions politiques. C’est le rééquilibrage au niveau des trois pouvoirs de l’Etat, tout au moins sur le plan formel. La mosaïque que constitue le Parlement reflète la configuration politique du pays, certes avec un certain avantage pour l’équipe « Tet Kalé », qui a su apprendre des leçons du passé et placer ses pions au sein du Parlement,  en faisant des alliances naturelles avec des partis de même tendance, et ceci bien avant les élections controversées du 9 et du 25 octobre 2015. L’élection du Député Cholzer Chancy (Ayiti An Aksyon) comme président de la Chambre basse et de Jocelerm Privert (Lavalas) à la Chambre haute, deux hommes modérés, traduit la tendance à la modération, à la conciliation, au dialogue et à l’entente dont le pays a besoin. C’est la meilleure chose qui pourrait arriver au pays dans cette conjoncture difficile et incertaine. En cas de vacance probable à la présidence en février au cas où la présidentielle n’aurait pas lieu le 24 janvier, on aurait plus de chance de trouver une solution à l’amiable au niveau du Parlement pour la mise en place du gouvernement provisoire de transition dont le mandat serait d’évaluer le processus électoral, de l’achever et d’initier le dialogue politique entre haïtiens sans exclusive. Pas de place pour les extrêmes, tout se règlerait au centre.

Un budget citoyen ( ?)

Sur le plan économique, l’enveloppe budgétaire de 122.6 Mrds HTG (2.30 Mrds USD), soit une augmentation de 11.8% par rapport au budget rectificatif 2014-2015,  vise un taux de croissance de 3.6 % de l’économie réelle.  Il faut souligner que : (i) « les dépenses courantes seront de 58.3 milliards de gourdes, les dépenses en personnel, en biens et services augmenteront respectivement de 12.3 % et de 15.3 % ; (ii) les dépenses de capital seront de 64.3 milliards de gourdes soit une augmentation de 8.1 % par rapport à l’année précédente ; (iii) les investissements les plus importants se feront dans les infrastructures agricoles et dans le secteur de la construction afin de soutenir la croissance ; (iv) les ressources courantes sont projetées à 77.2 milliards de gourdes soit une augmentation de 26.9 % par rapport à l’année fiscale précédente,(v) le financement interne est impératif, car les dons et emprunts seront réduits de 20 % ». D’où la nécessité de faire appel (i) « au sens civique des citoyens et des entreprises pour s’acquitter de leurs redevances fiscales afin de générer des revenus destinés au financement du développement national et à l’amélioration des services publics », et (ii) « à l’engagement citoyen dans la mise en œuvre des politiques publiques » et… des « entreprises à conjuguer leurs efforts afin de tirer le maximum de profit provenant de l’amélioration du cadre des affaires».(Réf.http://www.mef.gouv.ht/index.phppage=D%C3%A9tails%20de%20l%27actualit%C3%A9&id_article=416).

L’économie et la responsabilité citoyenne de la classe politique
Par rapport à sa mise en application durant les premiers mois, l’enveloppe budgétaire aura du mal à permettre à l’économie d’atteindre ses objectifs, d’autant que l’économie retourne à ses démons  inflationnistes à deux chiffres depuis septembre 2015, et d’autant que la plupart des mesures qui devraient permettre de financer le budget ont dû être mises en veilleuse pour ne pas aggraver la situation politique. Le taux de change a franchi le cap de 55 HTG pour 1 USD avec une tendance haussière vers 60 HTG pour 1 USD. Le panier de la ménagère (17% d’augmentation en 2015) s’en ressent  et les familles les plus vulnérables ont du mal à joindre les deux bouts. En outre, la classe paysanne, qui a été durement frappée par la sécheresse, fait face maintenant à un fléau, des insectes qui attaquent le petit mil et tout ce qui lui est associé. Ce qui affecte encore davantage notre économie anémiée et au bord de l’effondrement. Avec une exploitation malsaine de la situation économique par les politiciens s’accusant mutuellement d’en être la cause, Haïti pourrait connaitre des moments de turbulences susceptibles d’aggraver davantage la situation globale de notre pays. Pour une fois, nos politiciens devraient faire preuve de modération tant au niveau du langage qu’au niveau des actions politiques à mener sur le terrain pour ne pas mettre le feu aux poudres. C’est leur responsabilité citoyenne. 
     
C. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Martelly a eu le mérite de projeter une vision « le courage de changer » qui s’est transformée en « le courage de continuer » par son comportement et ses actions qui rappellent étrangement ceux de Duvalier, d’Aristide et de Préval, ses trois prédécesseurs. Il a, en ce sens, appliqué le principe de continuité de l’Etat avec du bon, du moins bon et du mauvais. A mon humble avis, Martelly n’a pas échoué comme l’opposition politique veut le faire croire. Un musicien dans l’arène politique ne pouvait pas faire mieux, d’autant que, dès le départ, il a été attaqué de toutes parts comme « un vagabond », « un usurpateur », « un éléphant dans un magasin de porcelaine ». Il faut souligner que son incompréhension du système politique haïtien découlant de la Constitution de 1987, son langage grivois de Sweet Micky, son côté artiste lui ont joué de mauvais tours. Malgré son côté plutôt sympathique et bon enfant, sa volonté de bien faire, l’opposition politique ne lui a jamais fait confiance, en particulier à cause de son entourage immédiat et ses fréquentations. Il a dû très certainement traverser des moments difficiles, très difficiles face à son entourage immédiat et à ses irréductibles adversaires politiques.

Pourtant, si on analyse ses réalisations en comparaison par rapport à ce qu’il a hérité du 12 janvier 2010, on ne peut pas parler d’échec mais de résultats mitigés. Il ne faut pas nous voiler la face par la perception de la corruption, qui a été beaucoup plus forte sous Martelly qu’avant, mais qui demeure une constante de la vie politique haïtienne, pour affirmer qu’ « il n’a rien foutu ». Certes, il aurait pu faire mieux avec les moyens dont il disposait avec une gouvernance tournée vers Haïti, en lieu et place d’une gouvernance tournée vers la satisfaction de son clan. Malheureusement, la politique clanique a été la plus forte et les actions de développement ont couté beaucoup plus chères au pays qu’au paravent. Si sur le plan économique, le pays a connu une période de croissance positive même inférieure aux prévisions, les effets de la croissance ont été beaucoup plus au bénéfice des nantis que des démunis. Ce qui a permis à l’opposition politique d’ébranler le pouvoir de Martelly,  mais n’a pu l’empêcher de terminer son mandat comme Préval et de pouvoir amorcer une continuité à travers ses pions placés dans tout le système étatique haïtien comme ses prédécesseurs, et mieux que ces prédécesseurs, en tissant des relations « basées sur des intérêts » avec la plupart des grands de la communauté internationale.

L’économie a toujours crû sous Martelly même avec une répartition non équitable des effets de la croissance. Sur le plan politique, le pays est divisé et au bord du gouffre. Le parlement devient l’un des éléments clé de la donne politique. Il nous faut faire preuve d’intelligence pour ne pas enfoncer davantage notre pays dans le désarroi. Il faudrait agir comme les politiciens vénézuéliens qui ont su se sacrifier pour sauver leur pays de la déroute économique. Sans quoi, « l'incertitude se poursuit avec le nouvel exercice fiscal 2015-2016 dont le premier trimestre a été surtout dominé par des turbulences post-électorales, handicapant du coup le bon fonctionnement des agents économiques. Cette situation, si elle perdure, risque d'hypothéquer l'objectif de croissance de 3.6% du PIB, fixé pour l'année fiscale 2016 ».

En termes de recommandations, il serait capital de :

(i)       Faire tous les sacrifices nécessaires pour éviter au pays cet avenir sombre qui se profile à l’horizon, en évitant coûte que coûte cette bataille des clans sans grandeur qui nous a conduit à ce « kafou danjiré » pour répéter le journaliste chevronné, Marvel Dandin ;
(ii)      Trouver une entente entre nous pour achever en beauté le processus électoral et éviter une crise majeure au pays qui se terminerait comme en 2004 ;
(iii)    Se tourner vers le Parlement qui est le parfait reflet de la classe politique actuelle pour enclencher le processus de résolution de la crise haïtienne permanente de manière globale.

Ainsi avec la fin du mandat de Martelly, Haïti amorcerait un virage à 90 degré vers une courbe de croissance ascendante et de développement équitable et durable au bénéfice de toutes les composantes de la société sans exclusive. Toutefois, sommes-nous assez grands pour des sacrifices pour Haïti au détriment de nos clans et de nos petits intérêts mesquins et individuels?