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lundi 31 mai 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 MAI 2021

Cette chronique est la 15e abordée depuis Mars 2020 sous le thème : Covid-19 : Haïti et le Monde à la croisée des chemins (?). Jusqu’à date, cette interrogation demeure. Dans la chronique du mois de Décembre 2020[1], nous avons fait part de notre inquiétude par rapport à une probable deuxième vague du covid-19, avec des variants beaucoup plus contagieux et plus mortels. Dans cette chronique de Décembre, nous avons prévu une aggravation de la situation politique et de ses conséquences sur l’économie et le social en plein année électorale.  Dans notre 14e chronique[2], nous avons senti, à partir de notre optimisme habituel et en dépit de l’exacerbation de la polarisation politique, une lueur d’espoir d’un accord minimal entre nous avec l’OEA comme facilitateur et dont une mission[3] de haut niveau est attendue en Haïti dans les prochains jours. A bien regarder les positions radicalement opposées des protagonistes politiques s’exprimant dans une approche totalement manichéenne, même sur des sujets qui devraient faire consensus comme le coronavirus, le kidnapping, nous constatons de préférence une envenimation de  la crise politique  rendant  le pays invivable, tout au moins au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. C’est dans cette logique qu’il faut situer la chronique du mois de Mai 2021 : «COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE».

Cette chronique s’attardera sur la situation au niveau mondial en matière de coronavirus avec un clin sur la situation aux USA, analysera  la nouvelle vague de Covid-19 en Haïti, jettera un coup d'oeil  plus ou moins approfondi sur la crise haïtienne et ses conséquences sur l’économie, et se terminera sur des conclusions appropriées et des perspectives en termes de proposition pour un accord minimal.

SITUATION AU NIVEAU MONDIAL ET AUX USA

En matière de Coronavirus[4], alors qu’on constate une nette amélioration aux USA malgré la présence de variants anglais et brésilien et peut-être d’autres variants, l’inde et le Brésil sont toujours sous pression. En Europe, la situation semble connaitre une bonne amélioration au point que la finale de la coupe d’Europe des clubs champions (Chelsea- Manchester City : 1-0) et s’est réalisée avec la présence d’un certain nombre de spectateurs (1/3 du stade rempli). Quant à l’Amérique Latine, la situation s’empire au point que l’Argentine a dû renoncer à la COPA AMERICA. Globalement, voici comment se présente la situation du covid-19 : 170, 384,848 cas de contamination, 3, 542,587 cas de mortalité et 107, 630,598 cas de récupération depuis le début de la pandémie. Les USA sont toujours en tête avec 33,259,551 cas de contamination, 594,431 cas de mortalité, suivis de l’ Inde en 2e position, avec 28,047,534 cas de contamination, 329, 100 cas de mortalité, et 25,692, 342 cas de récupération, et du Brésil en 3e position, avec 16,515,120 cas de contamination, 461,931 cas de mortalité et 14,540,509 cas de récupération. La France est toujours en 4e position avec 5,608,347 cas de contamination, 108,574 cas de mortalité, et en première position en Europe.

Tous les pays affectés ont connu ou connaissent un ralentissement de leurs activités économiques. Les USA, la plus grande économie mondiale, a connu une période de ralentissement si terrible qu’elle a fait perdre les élections au parti républicain et coûté la présidence  à Donald G. Trump, actuellement sous investigation dans l’Etat de New York pour fraudes. Celui-ci n’a jamais accepté sa défaite, accusant les démocrates d’avoir fraudé (le gros mensonge) dans les élections de Novembre 2020, au point que certains républicains, et pas des moindres, reconnaissent encore Trump comme leur président, et Joe Biden comme un usurpateur.  Ce dernier a mené à pas de course l’Amérique durant les 100 premiers  jours de son mandat. Les programmes mis en œuvre ont permis une certaine relance de l’économie américaine comme on l’a expliqué dans la chronique précédente, et ce, malgré la mauvaise foi manifeste du parti républicain, majoritairement sous influence du « parrain Trump » qui opère à la manière de Marlon Brando et de Al Pacino dans le film du même nom. Abner Gelin de Haitian Public Media (HPM) parle même de « messie » en ce qui a trait à l’attitude et à l’allégeance  de la majorité des républicains vis-à-vis de Donald Trump. Pour faire passer ses programmes, l’actuel président Joe Biden a dû faire des concessions au parti républicain, en particulier pour le programme d’infrastructure dont le budget est revu à la baisse sous la pression de ce parti avec ses 50 sénateurs à la chambre haute. La relance de l’économie américaine influence positivement beaucoup de pays de la région, dont la République Dominicaine et Haïti.

NOUVELLE VAGUE DE COVID-19 EN HAITI

Jusqu’au mois dernier, Haïti était considérée comme un cas particulier en matière de Coronavirus. Ce qui m’a poussé à l’exprimer ainsi : « Le cas particulier d’Haïti se traduit par seulement 13,017 cas de contamination, 254 cas de mortalité et 12,143 cas de récupération », le 29 Avril 2021. Un mois plus tard, voici comment la situation se présente au 25 Mai 2021 (Réf. MSPP. Avi # 386 du 26/05/21) : 14,453 cas de contamination, 311 cas de mortalité et 12,541 cas de récupération. Ce qui se traduit  par 1436 cas de contamination et 57 cas de mortalité pour le seul mois de Mai 21. Durant les 14 premiers mois de la pandémie en Haïti depuis le 19  Mars 2020, la moyenne mensuelle de 929 cas de contamination et  surtout de 18 cas de mortalité est largement dépassée au cours de ce mois de Mai 2021 pour les informations disponibles au 25 Mai.

 Quand on sait qu’il faudrait multiplier par 5  les cas de contamination eu égard aux faiblesses de notre système de santé, on comprend aisément la panique qui s’empare des autorités, qui ont décrété un état d’urgence sanitaire[5], le 3e du genre par rapport au covid-19, pour une huitaine de jours à partir du lundi 22 Mai 2021, et celle des observateurs avertis par rapport à cette recrudescence  de la pandémie dans notre pays. Les journaux comme Le Nouvelliste et Le National parlent de « nouvelle vague » en lien avec les variants anglais et brésilien sur le sol haïtien. Pourtant, la population semble ne pas prendre conscience de la nouvelle tournure  de la pandémie, beaucoup plus contagieuse et surtout beaucoup plus mortelle, et ce malgré la mort du Directeur Général de l’ONA, Me Chesnel Pierre, celle du Dr Yolène Suréna, de l’ancien sénateur de la Grande-Anse, Maxime Roumer  et de la contamination de beaucoup de gens de renom.

En tout cas, au niveau de la zone de Duval, à Croix-des-Bouquets, les jeunes, en particulier les écoliers d’un collège, se sont donnés à cœur joie, le vendredi 28 Mai, à une séance de « raboday », se déhanchant à tue-tête, sans masque et sans respect de la distanciation physique, au sein même de l’établissement scolaire. Il faudrait s’attendre à une aggravation de la situation sanitaire dans le cas où la population continuerait de dénier la maladie et de se comporter vis-à-vis d’elle avec autant de désinvolture. Haïti est donc loin de sortir de l’auberge si l’on se réfère à la situation sociopolitique et économique.

SITUATION SOCIOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE EN HAITI

C’est vrai que la recrudescence du Covid-19 en fait l’un des faits saillants de l’actualité, mais la crise sociopolitique n’est pas pour autant occultée. Au contraire, elle demeure le principal fait d’actualité, d’autant que le référendum constitutionnel, un sujet très controversé entre le pouvoir en place et l’opposition, est toujours programmé pour le 27 Juin prochain. En dépit de la sortie de la deuxième version de l’avant-projet de constitution qui a pris en compte les principales remarques de l’opposition politique et celles des intellectuels qui ont lu et fait  des recommandations au comité consultatif indépendant (CCI) en charge de l’élaboration de l’avant-projet constitutionnel, l’opposition annonce un ensemble d’actions anti-gouvernementales et violentes allant, entre autres, jusqu’à la distribution de manchettes, à Léogane, pour bloquer le processus et empêcher la tenue du référendum du 27 Juin par « tous les moyens ». Ce à quoi le ministre de l’intérieur a.i., Gonzague Day, menace de sévir avec la dernière rigueur, en particulier contre des leaders comme Michel André et le président du Sénat, Joseph Lambert, qui incitent la population à attaquer les bureaux de vote (krazebrize). M. Day a promis de les arrêter si ces leaders osent  participer personnellement aux attaques contre les bureaux de vote (Kodnèf/ menotte). C’est dans cette ambiance manichéenne qu’évolue notre pays (pour ou contre). L’arrivée prochaine de la mission de l’OEA en Haïti pourrait atténuer  la polarisation de la situation, ouvrir la voie à une certaine forme de dialogue et déboucher sur un accord minimal entre les protagonistes de la crise. Rien n’est moins sûr si l’on se base sur la violence des propos d’une frange de l’opposition politique et la détermination du pouvoir à mener à terme le processus référendaire en Juin 21, et les élections générales en septembre 21.

D’un autre côté, le phénomène de kidnapping, qui s’est soldé par 91 cas d’enlèvement le mois d’Avril 21, se poursuit ce mois-ci, malgré une trêve  promise par les gangs de Village de Dieu et de Grand-Ravine. Certes le nombre de cas va diminuant, mais les médias ont signalé grosso modo  une dizaine de cas d’enlèvement, dont la plupart sont attribués au gang 400 Mawozo de la Croix-des-Bouquets et autres groupes. Ce qui confirme que plusieurs autres groupes de gangs opèrent au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

En plus du kidnapping, des morts sont signalés dans les conflits entre gangs de Cité Soleil, interdisant par ainsi l’accès à une partie de la Route 9 qui dessert la Capitale. Le principal leader du G9, Jimmy Chérisier, Babekyou, a été blessé lors de ces affrontements. La zone de Bélair, un quartier de Port-au-Prince, est toujours le théâtre d’affrontements entre gangs pro-pouvoir et pro-opposition avec des victimes collatérales et perturbations des activités de toutes sortes, en particulier scolaires, dans la zone et environs. En témoigne le non fonctionnement du Lycée Pétion, faute de professeurs et des manifestations d’élèves qui en réclament en accusant le pouvoir d’avoir failli à sa mission sécuritaire.

Dans ce même ordre d’idées, un officier de police a été assassiné au début du mois par le gang 400 Mawozo à la Tremblay, Croix-des-Bouquets. Des bandits ont attaqué à coups d'armes automatiques un mini bus faisant le trajet Gonaïves-Port-au-Prince, tuant un passager d’une balle à la tête et blessant d’autres. Deux journalistes de la Radiotélévision Caraïbe (RTVC) ont failli y « laisser leur peau», ce vendredi 28 Mai, au niveau de Titanyen[6], à l’entrée nord de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Haïti, ont causé des pertes en vies humaines à Belladère, à Pétionville et à Port-au-Prince (inondation).

On comprend, dans ces conditions, le ralentissement de l’activité économique et paradoxalement la dégringolade de la gourde par rapport au dollar qui frôle officiellement 90 HTG pour 1 USD et plus de 100 G pour 1 USD au marché parallèle, avec une rareté de dollars américains au niveau des banques commerciales. Ce qui nuit considérablement aux activités économiques ayant des liens avec l’étranger, surtout les micros, petites et moyennes entreprises. Il faut tout de même noter l’inauguration du Barrage de retenue de Marion, le 1er Mai, l’avancement des travaux sur le barrage de dérivation de Latannerie, l’avancement des travaux de route et d'électricité à travers le pays, en particulier la nouvelle centrale de Carrefour de 60 MW pratiquement achevée et qui sera mise en service le 4 juin prochain, si l’on en croit les informations distillées par le Directeur de l’EDH, Michel Présumé, et le Coordonnateur de l’ANASE, Dr Evenson Calixte. 

Dans un registre plus large, la vie chère s’accentue. La sécurité alimentaire est entrée dans sa phase d’urgence alimentaire (catégorie iv selon l’échelle utilisée en la matière), avec 4.4 millions de personnes en urgence alimentaire, si ce n’est plus vu l’évolution négative de la situation globale du pays en termes de crise politique, kidnapping, recrudescence du coronavirus et l’accentuation de la polarisation politique eu égard au référendum du 27 Juin 2021.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Le Coronavirus frappe de manière beaucoup plus virulente. La crise sociopolitique s’envenime et se répercute sur la situation économique. La misère s’installe. Nos politiciens continuent de se battre pour les broutilles de pouvoir, s’accusant mutuellement des cas de kidnapping, d’assassinat de paisibles citoyens, se préparant à en découdre sur la question référendaire et autres, sans se soucier de la situation de misère de la population. Haïti est un véritable baril de poudre, prête à exploser à la moindre étincelle. Les pays amis nous regardent avec pitié et nous font hypocritement la leçon en nous incitant du bout des lèvres à nous entendre, tout en continuant à pousser le chaud et le froid sur les deux camps en conflit (souvenez-vous des propos du président F. D. Roosevelt). Les USA, les Nations Unies et l’OEA semblent pencher du côté du Gouvernement de facto (Elections avec le Président Moïse), tandis que l’Union Européenne semble regarder du côté de l’opposition (Transition). Et notre pays périclite en « pour ou contre » au grand dam de ses vrais et dignes fils et filles qui semblent mieux comprendre les enjeux visés par cette communauté internationale que nos politiciens, eux-mêmes obnubilés malheureusement beaucoup plus  par le mirage du pouvoir pour le pouvoir que par la rédemption et le développement  d’Haïti.

Que peut-on espérer de l’arrivée de la mission de l’OEA dans les prochains jours ?

Depuis le 7 Février 2017, la branche radicale de l’opposition n’a jamais accepté la présidence de J. Moïse. Elle est rejointe en cours de route par l’opposition plurielle et la société civile. Depuis le 7 Février 2021, l’opposition plurielle ne considère plus Moïse comme le président d’Haïti qu’elle qualifie de « dictateur ». Quant au président, il se considère comme le président légitime et ne compte laisser le pouvoir que le 7 Février 2022. Il prend les dispositions pour organiser le référendum constitutionnel, le 27 Juin 2021, et les élections générales en septembre 2021. Pour cela, il demande à l’OEA de faciliter un dialogue entre lui et ses opposants pour un accord minimal. En face, une branche de l’opposition demande à l’OEA de venir l’aider à organiser un départ ordonné du président en vue de mettre en place une transition. La mission de l’OEA, c’est de faciliter un dialogue entre les protagonistes de la crise haïtienne.

Cette crise haïtienne dure depuis plus de 4 ans dans sa phase actuelle. Comment trouver un consensus/accord minimal entre les protagonistes pour Haïti? A partir de l’évolution actuelle de la situation, que pourrait faire l’OEA?

A mon humble avis, et eu égard à d’autres tendances et au vœu exprimé par Me Dorval avant son assassinat, il faudrait :

(i)                Favoriser, dans un délai très court (15 jours à 1 mois), un appui logistique et opérationnel  de la communauté internationale pour la question sécuritaire ;

(ii)               Demander au pouvoir en place:

1-   De surseoir provisoirement sur la question du référendum constitutionnel, 

2-   D’ouvrir le comité consultatif indépendant (CCI) à l’opposition politique et alliés en vue (1) d’améliorer l’avant-projet constitutionnel et (2) d’en faire un projet constitutionnel consensuel ; 

(iii)              Aider à la mise en place d’un Conseil Electoral Provisoire de consensus ;

(iv)              Favoriser la mise en place d’un gouvernement de consensus avec à sa tête un Premier Ministre issu de l’opposition politique et alliés en vue :

1-   De continuer certaines actions en cours,

2-   De mettre en œuvre un programme de création d’emplois temporaires de 6 mois (Juillet-Décembre 2021),

3-   D’organiser le référendum constitutionnel en Août 2021, et

4-   De réaliser les élections générales en Novembre 2021, sous l’égide de la nouvelle constitution ;

(v)               Remplacer le Président Jovenel Moïse par le Président issu des urnes le 7 Février 2022.

A noter que certaines actions pourraient être menées en parallèle. Cet accord minimal pourrait  nous aider à réduire drastiquement l’insécurité, à amorcer un vivre ensemble acceptable et un apaisement social, à favoriser le départ ordonné du Président Moïse, à favoriser la transmission du pouvoir de manière démocratique, à relancer l’économie du pays et à amorcer pour de bon son développement durable.



vendredi 30 avril 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (14), CRISE POLITIQUE, KINDNAPPIING, RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN EN HAITI

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (14), CRISE POLITIQUE, KINDNAPPIING, RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN EN HAITI

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 AVRIL 2021, REVU, CORRIGE ET AUGMENTE 1er MAI 2021 

C’est ma 14e chronique mensuelle consacrée à cette thématique, « Covid-19 : Haïti et le monde à la croisée des chemins ». Je ne sais pas combien de mes chroniques qui ont été consacrées à la crise politique haïtienne depuis 2000. Depuis 2004, je ne sais pas combien de chroniques où j’ai fait un clin d’œil au kidnapping. Depuis mi-Décembre 2019, le kidnapping revient constamment dans mes chroniques et domine l’actualité en Haïti. Quant au capital humain, le 1er  des six capitaux (humain, socioculturel, environnemental, infrastructurel, économique/financier et politique/gouvernance), cette thématique est l’élément-clé de l’approche hexagonale[1] développée par la FONHDILAC (Fondation Haïtienne pour le Développement Intégral Latino-Américain et Caribéen). « L’objectif de la Fondation est de contribuer au développement intégrale d’Haïti dans le contexte  Latino-Américain et Caribéen (LAC) ». L’approche hexagonale sert de guide aux membres de la fondation dont j’ai été le 1er président en l’année 2000. Selon cette approche, l’humain est le tenant et l’aboutissant de tout processus de développement. C’est en m’y inspirant que j’ai terminé ma dernière chronique, en formulant le vœu de nous voir nous mettre ensemble pour construire une nouvelle Haïti et produire, dans le cadre d’un accord de 25 ans, une masse critique de gens compétents à l’image de Dr Pape[2]. Le fait par le Group Croissance de choisir le thème « Renforcer le capital humain en Haïti dans le contexte post-covid » pour le 11e Sommet de la Finance, me pousse à en faire le titre principal de ma chronique du mois d’Avril 21.

Avant de nous attarder sur le renforcement du capital humain en Haïti, il sera utile de jeter un coup d’œil sur ce qui se passe au niveau mondial en termes de coronavirus, de passer en revue les 100 jours du Président Biden aux USA, d’analyser la crise haïtienne en mettant l’accent sur le kidnapping, en passant à pieds joints sur certains autres aspects dominants de la crise, et de dégager certaines perspectives en termes de la nécessité de l’incontournable stabilité politique et du renforcement du capital humain en Haïti à la lumière du 11e Sommet de la Finance du Group Croissance et de la 6e édition de la Fintech.

LA SITUATION AU NIVEAU MONDIAL, EN PARTICULIER AUX USA

Le coronavirus au niveau mondial accuse 149,718,851 cas de confirmation, 3,153,418 cas de mortalité, et  86,843,039 cas de récupération, en date du 29 Avril 2021[3]. Les USA sont toujours en 1ere position en dépit de la reprise d’une vie presque normale, avec 200 M de vaccinés ; l’Inde passe en 2e position ; le Brésil régresse en 3e position malgré environ 400,000 cas de mortalité ; la France demeure en 4e position ; la Turquie passe en 5e position par rapport à la Russie 6e position. Le cas particulier d’Haïti se traduit par seulement 13,017 cas de contamination, 254 cas de mortalité et 12,143 cas de récupération.

Le cas de l’Inde

Le cas de l’Inde mérite qu’on s’y attarde un peu. La population de l’Inde est de 1,390,790,274 milliards de personnes. En pleine 2e vague, l’Inde a enregistré 354,000 cas de contamination en 24 h, durant la dernière semaine du mois d’Avril 21, et les hôpitaux sont débordés. Cette situation découle d’une certaine relâche après la première vague, du non-respect des mesures barrières. A titre d’exemples : la campagne politique pour les élections régionales, les mariages. A la fin de la 1e vague, le FMI avait même prévu une reprise économique à 12% pour 2021. Ce qui a expliqué en partie cette relâche. Et puis, est arrivée la 2e vague avec le variant indien. La situation  a basculé  dans certaines régions  en Inde où, à New Delhi, ils sont obligés de bruler les cadavres. Cela est dû à la crise du système de santé privé, conçu en grande partie pour la classe moyenne au détriment de la masse. Le cas de l’Inde pourrait être transposé à d’autres pays. Ce qui pourrait déboucher, surtout en Afrique ou en Haïti, sur une sorte de tsunami de covid-19, en cas d’une autre vague avec de nouveaux variants plus contagieux et moins connus.  

La particularité américaine[4]

Certes en matière de covid-19, les USA sont toujours en tête, avec 32,230,809  cas de contamination  et 574,330 cas de mortalité. Toutefois, la marche forcée imposée par Biden depuis une centaine de jours à la gestion  du pays, tant sur le plan interne qu'externe, se traduit par des résultats spectaculaires. Ce sont ces résultats qu’il a exposés devant le Congrès. Il a signalé, au début de sa prise parole, la présence historique de deux femmes derrière lui, la vice-présidente Kamala Harris et la représentante Nancy Pelosi, deux femmes dans l’ordre de succession en cas d’empêchement du président selon la constitution américaine. Tout un symbole dans la lutte des femmes aux USA.

Sur le plan interne, Il a égrené ces résultats devant l’assistance, environ 200 M de personnes vaccinées, 1,300,000 emplois créés, 160 M de chèques de 1400 USD distribués dans le cadre du plan de relance (Stimulus plan) de 1900 Mrds d’USD. Il a cité, en ce qui a trait à son pays, la projection de 6% de croissance du FMI pour 2021.

 Sur le plan externe, il a envoyé des signaux clairs, en adoptant une posture ferme par rapport à la Russie, la Chine et l’Iran, en réintégrant l’accord de Paris sur l’environnement, l’OMC, l’accord Iranien sur le nucléaire. Il a maintenu les troupes américaines en alerte en Indo-Pacifique et en Europe, « non pas pour entrer en conflit mais pour le prévenir », précise-t-il lors de son premier « état de l’union » face au Congrès, le 28 Avril 2021.

Sa vision de long terme est exposée dans un plan de 2,900 Mrds d’USD, axé sur l’infrastructure, les technologies (intelligences artificielles et autres) et l’éducation (renforcer le capital humain), et qui vise, entre autres, à dépasser le niveau de compétitivité actuelle  et à maintenir l’avance américaine sur la Chine. Ce plan sera financé par une augmentation d’impôt  sur les riches. « Il est temps pour que les riches payent une juste part », ce qui a soulevé un tonnerre d’applaudissements des démocrates et un silence de cimetière de la part des républicains. A noter que le plan global avoisine 6000 Mrds d’USD.

C’est  une sorte de new deal à la manière de Roosevelt, une nette rupture par rapport au trumpisme (normal) et surtout par rapport au reaganisme, étape novatrice, que même Clinton et Obama n’ont pas osé franchir. Il a donc donné un coup de barre à gauche malgré le côté centriste de sa longue carrière politique. Il a aussi parlé de beaucoup d’autres choses, dont le contrôle des armes, la réforme de la police à partir d’une loi qu’il aimerait présenter le mois prochain marquant l’anniversaire de l’assassinat de Georges Floyd. Toute cette politique (approuvée par 64% des américains) aura des répercussions positives sur le monde entier, en particulier sur Haïti.

 

LA SITUATION AU NIVEAU D’HAITI

La situation d’Haïti est des plus critiques. On dirait une mort lente voulue par ses filles et fils. La bataille politique se fait au détriment du peuple et du pays. C’est l’exacerbation de la bataille des clans au détriment du pays. C’est le règne de l’insécurité : le kidnapping fait rage ; l’économie périclite ; l’insécurité alimentaire est entrée dans sa phase d’urgence (+ de 4.4 M de personnes).

La situation politique : kidnapping, insécurité

La situation politique est toujours dominée par cette instabilité politique liée à la polarisation en dépit de la tentative de « Religions pour la Paix » de trouver un accord politique, vite déchantée sous la pression de l’opposition politique ; cette dernière tentative pourrait sonner le glas de cette entité en Haïti. Au niveau de l’instabilité gouvernementale, le Premier Ministre (PM) Jouthe a donné sa démission au Pdt Moïse et a été remplacé ad intérim par le Ministre des Affaires étrangères, Dr Claude Joseph, le 6e PM de cette présidence, qui conserve son poste au MAE ; tandis le Ministre de l’économie et des Finances (MEF), Patrick Boisvert assure ad intérim le poste de Ministre de la Planification et de la coopération Externe (MPCE) ; il en est de même du ministre des haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE), Gonzague Day, qui assure l’intérim  au ministère de l’intérieur et des collectivités Territoriales (MICT).

Par rapport au phénomène de  kidnapping, politisé à outrance par nos politiciens, on a  enregistré 50 cas en Janvier, 65 cas en Février et 27 cas  en Mars. Pour le mois d’Avril 21, les informations ne sont pas encore disponibles. Quand on essaie de dénombrer les divers cas rapportés journellement par les médias de toutes catégories, depuis le 1er jour du mois jusqu’à date, on devient vraiment inquiet, tellement l’arrogance des kidnappeurs défie l’entendement et les forces de l’ordre, et continue d’exiger des rançons faramineuses en USD. Ceux de Grand Ravine, de Village de Dieu, de Croix-des-Bouquets, et de Cité Soleil opèrent au vu et au su de tout le monde, dans la rue, à la maison, kidnapping d’individus et de groupes d’individus de toutes catégories sociales (4 étudiants, 2 policiers, 3 chauffeurs, passagers, 2 docteurs, 2 infirmières tuées, 1 CASEC, 1 entrepreneur dans le secteur pétrolier), de toutes confessions religieuses (franc Maçon, pasteurs, prêtres, sœurs, fidèles, 20 personnes). L'église catholique a réagi en organisant des messes et en fermant les portes de ses établissements scolaires en deux temps de 3 jours.

 Dans un autre registre, ils ont pris des véhicules bondés de passagers, à Grand Ravine, à Croix-des-Bouquets, à Cité Soleil, et tiré sur un véhicule de transport, au moins 6 morts. Un homme d’affaire a été pris en chasse par des motards et tué au niveau de Canapé vert. Et, à chaque fois, les réactions de la population se font sentir au niveau de la rue (krazebrize, barricades, incendies de véhicules des passants, de l’Etat). A Petit-Goâve, la population a érigé un mur en maçonnerie sur la Nationale No 2 pour exiger la libération du CASEC, paralysant par ainsi trois départements. Un peu plus tôt, mi-avril, les bandits de Grand Ravine et de Village de Dieu avaient pris d’assaut la Nationale No 2, au niveau de Martissant, après avoir forcé les forces de l’ordre à vider les lieux. A Delmas, la population a incendié un corbillard et bloqué les rues. A Lascohobas, les manifestants ont paralysé la circulation sur la route internationale Belladère-Mirebalais, pour exiger la libération des 3 jeunes kidnappés, à Croix-des-Bouquets, par 400 Mawozo, qui vient de les libérer ainsi que les 5 autres religieux et le laïc, qui étaient  encore en leur possession sur les 10 personnes enlevées spectaculairement depuis près d’une quinzaine de jours. Il en a été de même, à l’Avenue Pouplard, Port-au-Prince, pour exiger la libération de l’ex-commissaire de police, ex-commandant du département du centre, Manuel Gaston Orival, enlevé chez lui, le 27 Avril dans la soirée, et libéré le 29 Avril.

Il faut ajouter à tout cela, les accidents de circulation causant la mort de temps à autre, dont le fameuse collision entre deux véhicules de transport, avec un bilan de 21 morts, 30 blessés, selon Stop Accident, rapporté par HPM.TV. Selon le juge de paix de l’Arcahaie, le bilan serait de 14 morts. A ce qu’il parait, les autres personnes sont décédées en cours de route vers les hôpitaux. Il faut noter que le service de circulation n’existe que de nom et les routes ne sont pas contrôlées ainsi que les véhicules. Ces genres d’accidents sont monnaie courante en Haïti.

Une situation d’urgence humanitaire

La situation économique est des plus terribles. La majorité de la population n’arrive pas à manger à sa fin. Le pouvoir d’achat s’amenuise de jour en jour, avec la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, 85.19 G pour 1 USD à l’achat et 87.75, selon le taux de référence de la Banque de la République d’Haïti (BRH), et 95-97 G pour 1 USD au marché parallèle. La vie chère s’installe, la faim également. Une situation d’urgence humanitaire!

On comprend que, dans ces conditions, les secteurs, Santé et éducation, traversés par des turbulences politiques, docteurs, infirmières et personnel de santé en grève ou empêchés, étudiants, écoliers, professeurs du secteur éducatif instrumentalisés (manifestations de rue), sont très fortement perturbés. Depuis le phénomène de paylok (2019), la situation d’instabilité politique, le Covid-19, le kidnapping, les pertes de jours de classe (2020,2021) qui en découlent, agissent considérablement et négativement sur ces secteurs et sur le capital humain.

              11E SOMMET DE LA FINANCE : RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN

              C’est dans cette ambiance délétère, dominée par le kidnapping et ses conséquences fâcheuses sur la vie quotidienne du peuple, que s’est déroulé, du 13 au 15 Avril 21, le 11e sommet de la finance sous le thème : Renforcer le Capital Humain dans le contexte post-covid-19. Le thème est vraiment approprié.

Le principal organisateur de cet événement annuel, qui a obtenu le prix de l’événement Online l’année dernière, le président du « Group Croissance », Kesner Pharel a su nous mettre dans l’ambiance dans ses propos d’introduction. Il nous a rappelé que cet événement totalement Online cette année, a eu une version 1.0 en présentiel, en 2010, juste après le tremblement de terre de 2010, fortement appuyée par la BRH, a dû innover pour s’adapter à la nouvelle conjoncture liée au COVID-19, et s’est transformé en une  version 2.0, Online, en s’appuyant sur la  BRH, Show Carel là, et PROFIN.TV. Il s’est déroulé simultanément sur 2 plateformes, celle de la BRH en relation avec la Macroéconomie et le développement, et celle de PROFIN en relation avec la microéconomie, l’entreprenariat et la finance. Les sous-thèmes principaux sont naturellement la Santé, l’éducation et la protection sociale, éléments fondamentaux du renforcement du capital humain.

La crise étant d’abord sanitaire avant d’être économique, heureusement pas encore financière, il est donc tout indiqué d’honorer cette année les docteurs  Pape et Paul Farmer, les deux sommités mondiales (haïtiens d’origine et « d’adoption ») qui contribuent à sa résolution. Pharel croit que, pour sortir de cette crise, il faut en premier lieu la stabilité politique, connecter la chaine de l’offre comme le font les dominicains, réaliser des partenariats au niveau de la région, sortir du niveau d’assemblage pour aller vers les produits électroniques, microprocesseurs en nette demande aux USA, vers des produits médicaux (Pourquoi pas un cluster médical au niveau de la zone de Mirebalais où il existe déjà un hôpital de grand renom ? Interview avec Dr Farmer), chercher comment mettre de la valeur ajoutée, d’où la nécessité de renforcer le capital humain haïtien (augmentation de la productivité et de la compétitivité pour pallier le retard dû au « peyilok » et au covid). Ce qui nous ramène aux trois piliers : Santé, éducation et protection sociale. Car même avec « une croissance de 10% du PIB, une bonne partie de la population ne sera pas touchée au bas de la pyramide haïtienne », a-t-il conclu.

Durant 24 h sur une période de trois jours, les 27 interventions (discours +panels), 15 sur la plateforme BRH et 12 sur la plateforme PROFIN, vont s’atteler à suivre les lignes directrices tracées par PHAREL, avec quelques nuances prêtes.

Prenons le discours du Gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois. Il a expliqué que la BRH, pour faire face à la conjoncture et projeter l’avenir, a adopté toute une panoplie de mesures et d’actions, la stratégie d’inclusion financière, l’éducation financière ; fourni des réponses conjoncturelles tout en visant les réponses structurelles ; procédé  à la modernisation du système financier, coopératives  d’épargnes et de crédits, fonds de soutien aux coopératives (100 M de G contribution de la BRH) ; pris  des lois et des circulaires  à caractère économique, dont de nouveaux produits financiers pour la population, la loi sur le bureau de crédit, sur les nouveaux billets de 2500 G, et 5000 G, la modernisation du système de crédit, la gourde digitale, la modernisation du système de paiement, l’interopérabilité, les lignes directrices pour les FINTECH, la modernisation de l’écosystème de la politique monétaire, les obligations corporatives, la titrisation immobilière et d’autres dettes (résidence à bon marché, programme 10,10, 20, soit 10% de down et 10% d’intérêt sur 20 ans), et donné accès aux crédits aux petites et moyennes entreprises.

Selon le gouverneur,   le capital humain constitue l’épine dorsale de toute politique de croissance et de création d’emploi, d’où des programmes de bourses (ambassade de France, bourse d’excellence, des partenariats avec des universités haïtiennes, etc. Par rapport aux lois de finances haïtiennes, il a constaté, en fonction des pourcentages accordés au secteur éducation, que le renforcement du capital humain n’a jamais été une vraie préoccupation pour nos dirigeants. L’éducation coute cher, mais constatons le prix que nous payons pour l’ignorance. « Le capital humain est incontournable  pour la réalisation  de grands objectifs », c’est sa principale conclusion si l’on veut déboucher sur cette nouvelle Haïti.

Je ne reviens pas sur les propos du responsable de PROFIN, Robert Paret Jr, sur ceux  du Dr Paul Latortue en relation avec l’université (1% du budget), «former du capital humain pour le développement : quel rôle pour les universités haïtiennes ? », et  sur ceux du panel, éducation entrepreneuriale et financière : Quel modèle d’école pour former du capital humain adapté au 21e siècle ? Si je me mets à résumer l’ensemble des thématiques du 11e Sommet, il me faudrait écrire un livre.

C’est pourquoi, je recommande de revivre les panels et les présentations de ce 11e événement sur la finance du Group Croissance et de ses partenaires. Revivre ces panels et présentations, c’est une forme de renforcement du  capital humain. On en apprend tellement que cela équivaudrait à une formation continue  d’un trimestre. En tout cas, c’est mon avis. A vous d’en profiter et de faire votre propre opinion. Revivez donc les Panels et Présentations de la 11ème Sommet de la Finance[5] et de la 6ème édition de la Fintech[6], et vous ne le regretterez pas.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 

            L’exacerbation de la polarisation politique autour du référendum, des élections, du départ forcé du pdt Moïse occulte tout le reste. Une frange de l’opposition opte pour un départ négocié, l’autre frange ne pense qu’à la mobilisation populaire, le lâchage du Pdt Moïse par les américains et la communauté internationale, pour forcer son départ; en ce sens, cette frange projette 7 jours de manifestations à partir du 1er Mai. Quant au pouvoir en place, il organise au Cap-Haïtien la foire traditionnelle de l'agriculture et de l'artisanat, met à la disposition de la Centrale électrique de Ste Philomene 10.8 MW (moteurs sur place et non encore opérationnels), et procédera, le 1er Mai, à l'inauguration du Barrage Marion, son projet-phare multifonction: 20 M de m3 d'eau stockés annuellement, 3000 ha en attendant, station d'eau potable pour les populations avoisinantes (en cours), usine hydroélectrique de 200 Kw (prévue), pêche/aquaculture et tourisme (projection). 

        En attendant, la situation économique se dégrade. Le pays fonctionne au ralenti, surtout au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, avec une population abandonnée à elle-même. L’instabilité politique, l’insécurité, le kidnapping et le Covid-19 ont grandement perturbé le fonctionnement normal du pays, en particulier le secteur éducatif. Le capital humain haïtien en a pris un grand coup qui aura des répercussions fâcheuses  sur le développement du pays. En comparant la situation d’Haïti par rapport à la République Dominicaine, la Jamaïque et Trinidad, un intervenant au 11e Sommet  a fait remarquer que c’est le système éducatif de ces pays qui leur a permis d’avoir un capital humain de qualité, en bonne santé, bien éduqué et compétitif. Et c’est ce qui fait la différence entre ces pays et le nôtre. Il suffit de comparer leur niveau de richesse par rapport à celui de notre pays pour s’en convaincre.

         La semaine de la finance axée sur le renforcement du Capital Humain nous indique plusieurs pistes de solutions que nous devrons exploiter à fond. Mais, sans cette stabilité politique, la crise perdurera, et on continuera à s’enfoncer. Pour rattraper le temps perdu, il nous faudra sortir du cycle infernal de la violence liée à cette bataille politique sans grandeur et sans lendemain. Pour sortir la tête de l’eau, le pays a besoin coûte que coûte d’un accord politique, pour garantir cette stabilité politique, « le premier des biens publics », selon le Pdt Moïse, et un plan de 25 ans axé sur les six capitaux, avec accent particulier sur le capital humain, tenant et aboutissant de tout processus de développement. Pour l'accord politique, le pouvoir et l'opposition font appel à l'OEA, même si les objectifs visés sont divergents. C'est déjà cela! Que Dieu bénisse Haïti !!!  

 

 

 



 

 

 

mercredi 31 mars 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (13), CRISE HAITIENNE, CONSTITUTION 1987/AVANT-PROJET DE CONSTITUTION, LA POLARISATION S’ACCENTUE.

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (13),  CRISE HAITIENNE, CONSTITUTION 1987/AVANT-PROJET DE CONSTITUTION, LA POLARISATION S’ACCENTUE.

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 MARS 2021 

REVU ET CORRIGE LE 2 AVRIL 2021

Depuis Mars 2020, c’est ma 13e  chronique sous la rubrique : «COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (13) ». La 12e était consacrée à notre insouciance de peuple par rapport à la crise profonde que traverse notre pays[1], et par rapport aux questions de fond laissées de côté par nos élites, en particulier notre élite politique.

J’aurais pu continuer et titrer ma chronique du mois de Mars 2021, la bulle de l’insouciance (2), en y incluant naturellement les thématiques de la conjoncture, comme le kidnapping, la tuerie du Village de Dieu (désormais zone d’état d’urgence sécuritaire[2]), les actions de FANTOM 509[3], la dégringolade de la  gourde par rapport au dollar, le dossier de Petit-Bois ou tentative de coup d’état[4], constitution 1987/avant-projet de constitution, le plaidoyer pour un accord de 25 ans, proposé par le  Mouvement National pour la Transparence (MNT)[5], sous l’initiative des deux auteurs de l’ouvrage à succès, « TOUTOUNI[6] », les trois journées de manifestations anti-gouvernementales  des 28,29 et 30 Mars, et sans évoquer le coronavirus, tout au moins pour Haïti, où Radio Métropole n’a constaté qu’un seul cas de coronavirus dans un reportage, à Port-de-Paix, la ville qui a hébergé le carnaval national de 2021, les 14,15,et 16 Février 2021.

L’étonnante Haïti a, une fois de plus, donné raison à notre insouciance de peuple face à cette pandémie qui fait des ravages dans le monde, et m’a fait mentir, à moi, qui croyais à une multiplication des cas de covis-19 après le carnaval et les manifestations de rue. Haïti, quasiment sans Covid-19 et au lieu d’en profiter, s’enlise dans cette crise sans fin et ses filles et fils s’opposent davantage politiquement.               

Avant d’analyser en profondeur la situation haïtienne, attardons-nous sur la situation aux USA  et sur la situation planétaire en matière de covid-19.

Situation au niveau des USA

La situation aux USA est dominée par (i) le début de la distribution des chèques de 1400 USD à chaque membre d'une famille réalisant un minimun de 0 USD à un maximum de 150,000 USD/an, plus de 100 M de personnes ont déjà reçu leur chèque, et (ii)  la première conférence de presse de Joe Biden sur la situation de son pays et sur les grands dossiers  mondiaux. On estime qu’il s’en est bien tiré malgré certaines absences pas trop inquiétantes. En tout cas, les priorités de son programme de gouvernement ont été mises en exergue, la lutte contre le Covid-19, le retour des enfants à l’école, la politique étrangère des USA, l’immigration, le changement climatique, l’économie avec une prévision de croissance de 6%, plus de 100,000 emplois déjà créés, etc. Ce qui m’a frappé dans cette rencontre avec la presse d’environ une heure de temps, c’est la maitrise des dossiers par le Président Biden âgé  de 78 ans, ses positions fermes par rapport à la Russie et la Chine, le multilatéralisme de sa vision en matière de politique étrangère.

Le coronavirus à l’échelle planétaire

Sur une échelle plus large, le Coronavirus continue de frapper les américains mais en nette diminution, plus de 100 M de personnes sont déjà vaccinées et cap vers 200 M durant les 100 premiers jours de la nouvelle administration, une baisse des cas de mortalité et de contamination, même s’ils ont franchi de loin le cap de 500,000  morts dus au covid-19. Toutefois, ils sont très loin des records journaliers du Brésil en termes de cas de mortalité.  A noter que, pour la situation globale présentée au paragraphe suivant, les USA sont toujours en première position, le Brésil en deuxième, l’Inde en troisième et la France en quatrième position, donc elle devient le premier pays européen en matière de Covid-19, dépassant la Russie, l'Angleterre et l'Italie.

D’une manière générale au niveau mondial, ce 31 Mars 2021, les cas de contamination avoisinent 128,451,295, les cas de mortalité 2,807,648  et les cas de récupération 72,732,785[7]. Les cas haïtiens extraits de la situation globale se traduisent en : 12,758 cas de contamination, 253 cas de mortalité, et 10,938 cas de récupération. Notre pays aurait dû en profiter, malheureusement, nos divisons internes ont exacerbé la bataille des clans en notre sein et libéré nos instincts destructeurs vis-à-vis de nous-même et de notre pays.

La conjoncture haïtienne du mois de Mars 2021

Cette conjoncture est dominée par un ensemble de thématiques énumérées plus haut. Dans le développement de cette partie de ma chronique, je ne m’attarderai que  sur certaines d’entre elles.

Le Kidnapping tourne aux tragédies

Le kidnapping a pris une tournure beaucoup plus tragique ce mois-ci. Deux reportages de la Radiotélévision  Caraïbes (RTVC) en témoignent. Je ne sais pas combien de personnes qui ont pleuré, en écoutant ces reportages si poignants en lien avec deux mères versant des larmes de sang sur l’assassinat de leur proche par des kidnappeurs sans foi ni loi. La première est cette mère  d’une fille de 5 ans, criant sa douleur déchirante à cause de l’assassinat de sa fille jetée sur une pile de fatras, faute de pouvoir trouver la rançon réclamée par les kidnappeurs. La deuxième est  cette jeune femme de 37 ans, épouse et mère de 4 enfants, à cause de l’assassinat de son mari malgré le versement d’une partie de la rançon en deux temps, fruit de la vente de leur maison et d’un escompte (120,000 USD et 50,000 USD sur les 250,000 USD réclamés), malgré les viols systématiques de cette femme courageuse en présence de son mari par des kidnappeurs drogués. Cette épouse humiliée, relâchée  sans culotte sur demande de son mari gardé en otage, pour aller chercher l’autre partie de la rançon, avec seulement 50 $ HTG pour se payer un taxi, a dû en plus revenir sur le lieu de rendez-vous, pour recevoir des mains des kidnappeurs son mari agonisant, avec une balle au flanc, et poussant son dernier souffle en cours de route et dans les bras de sa femme. Deux films d’horreur, expliqués avec un luxe de détails par ce reporteur de la RTVC ! Que de personnes se projetant en imagination à la place de ces femmes victimes des méfaits du kidnapping ! Quelle tragédie !

Dans un registre plus large, une dizaine de cas de kidnapping ont été recensés, dont celui d’un responsable d’une morgue privée, qui a donné lieu à des manifestations de défilement de corbillards comme à un enterrement par d’autres propriétaires de morgues privées; celui de Bassin Bleu qui a connu une fin heureuse; celui du Juge de Paix de Pétionville à la commune de Croix-des-bouquets, qui a donné lieu à des manifestions à répétition au niveau de la commune de Pétionville, et celui de ce petit bébé de 2 ans et de son père au niveau de Martissant et dont les cris déchirants de la mère à la RTVC ont touché le cœur des kidnappeurs qui les ont libérés sans la rançon de 2 M USD réclamée. Ce dernier cas démontre, s’il en était besoin, que certains des kidnappeurs ont encore un brin d’humanité, sont en mesure de comprendre la souffrance d’une mère, d’une épouse, et nous laissent entrevoir, dans cette tragédie haïtienne, l’espoir d’une possible rédemption. Pas vraiment, puisque, aux dernières nouvelles, des malfrats ont osé,en pleine séance d'adoration et en direct sur YOUTUB, kidnapper un pasteur et certains fidèles de l'Eglise Adventiste de Diquini!  

FANTOM 509, une grande menace pour le pays

L’autre cas tragique à signaler, c’est la tuerie des policiers au  Village de Dieu. Cette tragédie est le fruit d’une opération ratée de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Deux chars de la PNH ont pénétré le Village de Dieu, pour déloger le chef de Gang, "Izo 5 seconde". Les chars sont tombés dans un guet-apens. L’un a été brulé. L’autre a été pris en otage par les bandits. Quatre (4) policiers ont été massacrés par les bandits avec la complicité d’une partie de la population, selon les autorités, cinq (5) policiers selon le chef de gang. Huit (8) autres ont été blessés. D’autres sources ont rapporté six (6)  morts dont 1 décédé à l’hôpital Bernard Mews. Cette opération ratée, soldée par des morts et des blessés dans le rang de la PNH et la récupération du char exhibé auparavant comme un trophée par les bandits, met beaucoup plus à mal l’institution policière, traversée déjà par des divisions profondes politiquement motivées et instrumentalisées, et a été exploitée par l’opposition politique, la société civile et le Fantom 509, qui a occupé le devant de la scène depuis cet événement défrayant la chronique. Fantom, qui demeure une grande menace pour le pays, a défié la PNH, en particulier le haut commandement, décrié et cloué au pilori.

Ce groupe « illégal et criminel », a reçu l’appui d’une partie de la PNH en rébellion par rapport à ce qui s’est passé au Village de Dieu ; a tué au moins 1 policier régulier ; a libéré d’autres policiers en garde vue au Commissariat de Delmas saccagé, à la Prison Civile de la Croix-des-Bouquets sans résistance de la part des policiers sur place , et a provoqué l’incendie et le vol des véhicules au showroom de Nissan de l’homme d’affaires et homme politique, Réginald Boulos. Ce dernier a refusé d’accuser Fantom 509, tout en jetant la responsabilité sur le Président Moïse et le PHTK, le parti politique au pouvoir. Durant environ deux semaines, il s’est dégagé la désagréable impression que c’est la seule force qui domine la zone métropolitaine. On n’a pas senti la présence de la PNH. On avait peur jusqu’à la sortie de ces avis de recherche par la PNH contre les membres de cette organisation criminelle, fortement appuyée par le SPNH (l’un des 2 syndicats de l'institution), par l’opposition politique à travers la personne de Me André Michel, qui s’est porté avocat de la SPNH, dont le porte-parole du jour s’est montré anti-haut commandement et anti-Jovenel, pratiquement dans les mêmes termes que le farouche avocat opposant au pouvoir en place. Il faut noter qu’une seule organisation de la Société civile a vraiment condamné les agissements de Fantom 509, la FJKL, par la voix de la militante de droits humains, Mme Marie Yolaine Gilles. L’arrestation d’un membre présumé de Fantom 509 a donné lieu à des manifestations de la population au niveau de carrefour Feuille, un quartier de la zone métropolitaine, des manifestations doublées de casses et d’incendies de véhicules des passants.

Manifestations des 28,29, et 30 Mars 2021, succès mitigé, le drapeau de la Russie

On comprend que les manifestions anti-gouvernementales, projetées pour les 28, 29 et 30 Mars 2021, devraient connaitre un succès colossal. Les esprits étaient suffisamment surchauffés. Des diatribes à la radio contre le pouvoir en place étaient partout. Plusieurs organisations politiques et de la société civile ont appuyé les manifestations projetées. Il faut noter aussi le magnifique discours de l’ex-président Aristide, prononcé à l’occasion de la graduation des étudiants de l’Université de la Fondation Aristide (UNIFA) où, comme à ses habitudes, il a distillé de « petites pointes » comme « Héros barré Zéro », un slogan perçu par ses partisans comme le zéro obtenu par le pouvoir en place dans la gestion du pays, et repris par ses partisans et des organisations proches du Parti LAVALAS. Enfin, le pouvoir en place avance tête baissée et tête droite dans la préparation du référendum du 27 Juin 2021, à la veille du 29 Mars, date marquant le 34e anniversaire de la Constitution de 1987, en publiant l’avant-projet de la nouvelle constitution en créole, en posant des affiche dans plusieurs endroits encourageant la population à voter "oui", en décaissant 123 M HTH pour le Conseil électoral Provisoire (CEP) contesté, en organisant des fora sur l’avant-projet publié, en incitant le ministre aux affaires électorales, ING Mathias Pierre, à expliquer à la radio, à la Télévision, et dans les réseaux sociaux, l’état d’avancement des processus référendaire et électoraux. Les sorties du ministre semblent convaincre une bonne partie de la communauté internationale, la nouvelle administration américaine, l’OEA et l’ONU. Certes, tout ce beau monde ne parle pas du référendum, mais insiste sur la question des élections pour cette année 2021.  Ce qui a poussé un peu plus les opposants à Jovenel à participer à ces trois journées de manifestions de rue, certes moins achalandées en nombre de participants que celle du 28 Février 2021, mais plus soutenues par la présence des grands ténors de la politique comme Jean Charles Moïse de PITIT DESALIN, Maryse Narcisse de FANMI LAVALAS, pour ne citer que ceux-là.  En plus de la participation de qualité des opposants au régime PHTK, il faut signaler la présence du drapeau de la Russie, blanc, bleu et rouge, les slogans anti-américains, anti-OEA, anti-ONU, les arrachements des pancartes pro-référendum affichées par le gouvernement haïtien, et quelques incidents regrettables comme l’incendie du local de l’OAVCT à Turgeot, dans la zone de l’ Eglise du Sacré Cœur.

La constitution de 1987, arme de discorde dans la bataille politique

La crise haïtienne s’envenime de plus en plus. Le 7 Février 2021 marque la fin du mandat constitutionnel du Président Jovenel Moïse. Du moins c’est la position de l’opposition et de certains alliés tant au niveau de la société civile qu’au niveau de l’Etat, en particulier au niveau du Pouvoir Judiciaire et au niveau du Pouvoir Législatif ou ce qui en reste. La polarisation est encore plus exacerbée avec cet avant-projet de  constitution, de référendum et d’élections, mis en avant par le pouvoir en place. Certains alliés de l’opposition ont enjoint la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs (CSC /CA), un peu plus encline à s’opposer à J. Moïse, comme la plupart des entités du Pouvoir Judiciaire[8], d’ailleurs « en grève illimitée » (une aberration ) depuis l’arrêté présidentiel mettant à la retraite trois juges de la Cour de Cassation (CC), à ne pas honorer les demandes du CEP contesté pour engager des dépenses liées aux processus référendaire et électoraux. Jusqu’à présent, à ce qu’il parait, la CSC/CA, dont les prérogatives ont été réduites par un décret présidentiel et confirmées dans l’avant-projet constitutionnel, n’a autorisé à date aucune dépense pour le compte du CEP non assermenté. A ce sujet,  il faut rappeler deux choses, (i) le refus des organisations prévues par la Constitution 1987 non amendée de confirmer leur cadre au sein du CEP, et d’envoyer un autre cadre dans le nouveau CEP que voulait mettre en place  Jovenel Moïse et qu’il avait fini par instituer en utilisant un artifice selon l’esprit de la constitution non amendée, et (ii), l’absence calculée et volontaire de la plupart des membres de la CC qui auraient dû recevoir le serment des membres du nouveau CEP contesté. J. Moïse a passé outre. A noter que certains membres et même des entités du Pouvoir Judiciaire ont, par la suite, confirmé leur convergence de vues avec l’opposition politique lors des récents événements qui ont secoué le pays avant et après le 7 Février 2021.

Constitution de 1987 vs Constitution amendée

L’opposition politique et ses alliés évoquent la Constitution de 1987 pour contrecarrer les mesures prises par Jovenel Moïse, « entachées d’illégalité » depuis le 7 Février 2021 et même depuis le 13 Janvier 2020, date de la constatation par lui de la caducité du Parlement, selon les prescrits de la constitution amendée. C’est cette même constitution, en son article 134-2, qui est évoquée pour constater la fin du mandat du Président J. Moïse. Par contre, c’est la constitution de 1987 non amendée, qui est évoquée par l’opposition politique, pour le remplacer par un juge de la Cour de Cassation (CC), en l’occurrence, Me Mécène JEAN-LOUIS, le juge le plus ancien de la CC. Il est clair que si Jovenel Moïse n’avait pas évoqué la Constitution amendée pour constater la caducité du Parlement, la bataille politique actuelle ne se ferait pas autour de l’article 134.2, ni autour de la fin de son mandat constitutionnel en 2021.

Jovenel vs Opposition politique

La bataille politique aurait continué comme elle avait commencé par un refus systématique de Jovenel comme président: avant la prestation de serment du président élu, Jovenel Moïse, «  l’inculpé », le 7 Février 2017, le jour même de sa prestation de serment devant l’Assemblée Nationale, présidée par le brillant Sénateur Youri Latortue, son allié, et sans les 4 Sénateurs de l’opposition, Beauplan, Cassy, Chéramy et Pierre, issus des partis politiques qui n'ont jamais reconnu Jovenel Moise comme président du pays;  le 12 Septembre 2017, manifestation orchestrée par Jean Charles Moïse  autour du « budget criminel » ; les 6,7,8 Juillet 2018, autour de la tentative d’augmentation des  cours du carburant sur le marché haïtien ; le mois de Février 2019, 1er «Peyilok », autour du 1er Rapport Petrocaribe de la CSC/CA indexant l’entrepreneur J. Moïse, devenu, entre temps, Président de la République ; le mois de Juin 2019, 2e « peyilok », autour d’un autre rapport de Petrocaribe ; les mois de Septembre, d’Octobre et de Novembre 2019,  3e « Peyilok », autour d'un hypothétique départ forcé de Jovenel (démission exigée) et de son remplacement par un gouvernement de transition de l'opposition politique.

Durant toute cette période, J. Moïse, abandonné de la plupart de ses puissants alliés, honni de toute une bonne partie du peuple, ne dirigeait que son ombre et ne pouvait se rendre au Palais qu’en traversant des barricades enflammées de l’opposition politique, renforcée par ses alliés d’hier et d’autres forces vives du pays. Il a lancé appel sur appel au dialogue comme il le fait actuellement. Il a remanié le Gouvernement en plusieurs occasions laissant entrer certains opposants modérés. Rien. Après le « Peyilok », le phénomène du Kidnapping, jusque-là en veilleuse, s’est réactivé, à partir du 15 Décembre 2019, et se maintient jusqu’à sa mutation actuelle. Il a dû attendre, le 13 Janvier 2020, date du constat de la caducité du Parlement, pour reprendre l’initiative, tenter un dialogue avec ses opposants soldé par un échec sur la question de la date de fin  de mandat. C’est  ce moment-là que certains policiers ont choisi pour rentrer en rébellion, ce qui se traduira par la mise en place de deux syndicats au sein de la PNH, et une bataille politique féroce contre le carnaval 2020, soldée par des incendies (Bureau Madistin, stands et chars carnavalesques et attaques de stations de radios dont Caraïbes, Guinin ; etc.), avec des bandits déguisés en policiers qui s’identifieront plus tard en tant que Fantom 509. Le Pouvoir a été sauvé par le Coronavirus, mais la pomme de discorde demeure et s’est amplifiée jusqu’en ce mois de Mars, avec la question constitutionnelle.

Changement de la Constitution ? Tout le monde était d’accord

Avant, tout le monde était d’accord pour le changement de la Constitution, Me Dorval en premier, qui a même avancé sur Magik 9, juste le jour de sa mort, que « c’est le moment propice pour le faire, sans la présence du Parlement », Mme Manigat, Préval, Chaire Louis Joseph Janvier de l’Université Quisqueya et Jovenel Moïse. Le problème c’est que Jovenel s’y mêle. L'exacerbation de la polarisation politique actuelle par rapport à cet avant-projet constitutionnel vient tout simplement du fait que l’initiative émane de J. Moïse, un « président de facto », «  illégitime », « illégal», « un dictateur ». La lecture de cet avant- projet de constitution ne m’a pas laissé un gout aussi amer comme nos "spécialistes" le présentent. Certes, il faut préciser certaines choses comme la responsabilité du président, des ministres, des secrétaires d’Etat, surtout en termes de poursuites possibles après leur cessation de fonction en cas de fautes commises en tant que responsables d'Etat. Comme je ne suis pas spécialiste de la question, je laisse le soin aux spécialistes de mener les débats. Toutefois, ils doivent faire preuve d’objectivité et ne pas se laisser guider par leurs sentiments anti-Jovenel et anti-PHTK au détriment de leur amour maintes fois déclaré pour le pays.

Produisons une masse critique de gens compétents à l’image  de Dr Pape

Le Pays est vraiment fatigué du krazebrize et surtout des luttes intestines qui engendrent l’instabilité, augmentent l’insécurité générale et l’insécurité alimentaire, et ralentissent considérablement les activités de la maigrelette économie haïtienne. Il nous faut un accord de 25 ans comme recommandé par le MNT, pour réduire drastiquement la polarisation politique, pour asseoir définitivement le vivre ensemble haïtien, et, comme les autres pays, essayer de sortir de manière définitive de la croisée des chemins en choisissant le vrai chemin pour notre pays. Ne soyons plus un « pays d’échantillons » comme l’avait constaté le Professeur, Lesly Manigat. Construisons ensemble notre autre et nouvelle Haïti et produisons une masse critique de gens compétents à l’image  de Dr Pape, récemment choisi comme membre du Comité Scientifique de l’organisation mondiale de la Santé (OMS).



[2] Décret sur l’Etat d’Urgence Sécuritaire

[5] Akò Global pou 25 an Ayiti Mouvman Transparans Toutouni https://youtu.be/LrEZtVsW8Gw via @YouTube

[8] Heureusement la Cour d’appel de Port-au-Prince qui n’était pas en grève a procédé à la libération des prisonniers « impliqués dans la tentative de coup d’état » et arrêtés illégalement la nuit. Il était temps.