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lundi 1 mars 2021

COVID- 19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (12), CRISE HAITIENNE, LA BULLE DE L’INSOUCIANCE.

 

COVID- 19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (12), CRISE HAITIENNE, LA BULLE DE L’INSOUCIANCE.

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1er  MARS 2021

Nos vœux de voir nos femmes et hommes politiques se concerter pour sauver notre Haïti, sont très loin de la réalité, l’esprit de la confrontation gagne du terrain par rapport à l’esprit de l’entente et de la concertation[1], malgré l’appel au dialogue du Président Moïse, devenu, selon l’opposition politique qui l’a « remplacé » par un juge de la Cour de Cassation, Me Mécène JEAN LOUIS, un président « de facto », « un usurpateur », ou « un dictateur » depuis le 7 Février 2021. Me André Michel, qui a servi de « coach » à un Me JEAN-LOUIS, très affaibli physiquement, pour sa première déclaration publique dans la nuit du 7 Février, est allé par la suite jusqu’à  traiter le Président Moïse de « petit vagabond, petit voleur », etc. A noter que ce mois de Février 2021, riche en événements , a démarré avec une grève réussie de 2 jours contre le kidnapping, les 1er et 2, et s’achève sur une méga manifestation contre « la dictature » organisée par le secteur protestant et appuyée par l’opposition politique et la majorité des corps organisés de la société civile. Entre temps, le pays se meurt, le kidnapping est là, le coronavirus également. Pourtant les acteurs politiques restent sur leur position. Le Président parle de dialogue mais continue de menacer les oligarques. Quant à l’opposition, elle ne jure que par le départ de l’autre, encore plus aujourd’hui avec la réussite de la méga manifestation du 28 Février 2021. Quelle est la place d’Haïti dans cette bataille? La crise persiste au grand dam de nous autres qui en subissons quotidiennement les conséquences. C’est la bulle de l’insouciance.

Comme on se bat, on n’a pas le temps de regarder ce qui se passe réellement dans le pays, et autour de nous, dans le monde et aux USA.

1.       SITUATION AU NIVEAU  MONDIAL, EN PARTICULIER AU NIVEAU DES USA

Joe Biden confronte des difficultés au sein de son propre parti, surtout sur son aile gauche, par exemple la question de salaire minimum à 15 USD qui se heurte au refus des républicains. Le vieux Joe a dû revoir sa copie sur cet aspect et aussi d’autres aspects, d’où le mécontentement de l’aile gauche de son parti. D’autant que le procès en destitution du parrain D. Trump s’est soldé comme prévu par un échec, les 17 sénateurs nécessaires au vote de destitution ont eu trop peur du parrain pour voter contre lui, au risque de perdre les élections mi-parcours de 2022, seule une poignée a osé voter contre le parrain.

Toutefois, le plan de relance économique post-Covid (1900 Mrd d’USD) de Biden est en passe d’avoir la bénédiction du parlement américain. Il faut noter aussi que le cap de 500,000 morts dus au covid a été franchi en ce mois de Février 21, malgré une très bonne avancée au niveau de la vaccination du peuple américain  et une baisse des cas de mortalité.

Cela nous ramène à jeter un coup d’oeil sur la situation du coronavirus au niveau mondial  se chiffrant à 114,417,054  cas de contamination , 2,537,563  cas de mortalité, et 75,136,341  cas de récupération au 1er Mars 2021[2]. Les USA sont toujours en tête suivis de l’Inde, du Brésil et de la Russie.

A côté de nous, Abinader veut, comme Trump avant lui vis-à-vis du Mexique, ériger son mur, une double clôture,  pour contrôler le flux migratoire haïtien. Il  pense à nous quand même puisqu’il projette de mettre en place à la frontière des structures de santé pour pallier nos faiblesses en la matière, le marché juteux haïtien oblige. Quant à nous, on regarde faire le président dominicain; certains d’entre nous sont plutôt heureux de l’entendre dire "avoir passé des instructions" au président d’Haïti en ce qui a trait au kidnapping de 2 ressortissants dominicains, relâchés depuis sans rançon à ce qu’il parait.

2.       SITUATION AU NIVEAU NATIONAL

C’est dans cette ambiance d’insouciance nationale que l’on a constaté une aggravation de la situation  sociopolitique  et de la situation socioéconomique. Nous autres peuple, on est en plein désarroi ne sachant à quel saint se vouer. Le Bon Dieu semble nous oublier, car nos pasteurs, qu’ils soient de confession catholique ou protestante, s’orientent beaucoup plus vers la politique, pour nous sauver des griffes du « dictateur », du « grand Satan », Jovenel Moïse, le responsable de tous nos maux avec son parti PHTK comme Aristide en 2004 avec LAVALAS.

2.1. Situation sociopolitique

Arrêtons-nous d’abord sur la situation du covid-19 en pleine période de carnaval, de manifestations de rue et de meetings du Président Moïse lors des activités d’inauguration de centrales électriques dans les villes de province, de pompes à énergie solaire, etc.; elle se traduit globalement depuis le 19 Mars 2020, par 12,448 cas de contamination, de 250 cas de mortalité et 9,712 cas de récupération, dont les cas de contamination relevés récemment à l’Hôpital Justinien et  la mort du chirurgien en chef.  

La situation sociopolitique s’envenime au cours de ce mois de Février. Elle est riche en événements, en rebondissements. Après la grève pleinement réussie des syndicats de chauffeurs, la tentative ratée  du Sénateur Lambert d’organiser, les 3 et 4 Février, le dialogue entre les protagonistes de la crise à Tara’s La Sapinière, la sortie catastrophique de« Fantom 509 », ce groupe de bandits dissident de la Police Nationale , le 5 Février 21,  soldée par la mort d’un policier régulier et de 4 membres de ce groupe, imaginez un instant que cette sortie aurait été différente, je suis persuadé que l’issue de la crise aurait pris une toute autre tournure, le 7 Février, la date de fin de mandat du Président Moïse, selon l’opposition politique et une multitude d’organisations de la société civile.

Au matin de cette date symbolique, le Président a annoncé avoir été victime d’une tentative de coup d’état. Le premier Ministre Jouthe et le Ministre de la Justice allaient préciser un peu plus tard la nature de cette affaire, « tentative de coup d’état et d’assassinat du Président Moïse ». On a appris  par la suite l’existence d’un autre président en la personne de Me Mécène Jean Louis. Haïti s’est donc retrouvée avec deux présidents, un président de l’opposition et le « président de facto » Jovenel Moïse. Cette affaire allait occuper tous les esprits jusqu’au premier jour gras, le dimanche 14 Février, où, d’un côté, l’opposition a fait une sortie remarquable avec des milliers de gens dans une manifestation anti gouvernementale, et de l’autre, le pouvoir a lancé le carnaval national de Port-de-Paix; la ville, investie par des milliers de carnavaliers, s’est revêtue de ses plus beaux habits depuis l’indépendance de notre pays. « Grâce à Jovenel » ! Et tous les groupes musicaux présents ont rendu hommage à "Jojo" qui a pu transformer la ville en moins de trois mois, rénovations urbaines, électricité, un hôpital en chantier.

Le Président Moïse qui, à la faveur de ce "coup d’état" manqué, venait de mettre à la retraite et procéder au remplacement de trois juges de la Cour de Cassation (CC), dont les noms ont été cités pour le remplacer, était aux anges à Port-de-Paix. Il paraissait tout puissant dans ses sorties devant la presse et s’est mêlé, flanqué de sa femme, à la foule  en plusieurs occasions durant les trois jours gras. Sa femme et lui toujours masqués tandis que la foule en liesse se déhanche dans l’insouciance la plus totale, sans tenir compte des mesures barrières et des précautions d’usage face au coronavirus. Il faut signaler aussi que l’opposition ne se comporte pas différemment lors des manifestations de rue, mis à part certains leaders. Toujours cette insouciance face aux choses sérieuses.

Au retour du carnaval, le Président Moïse a fait une escale spectaculaire aux Gonaïves, la ville rebelle qui venait de subir les incendies de son palais municipal, de son palais de justice, des véhicules d’Etat, dont le camion d’asphalte en charge d’imprégner la route carrefour Joffre-Port-de-Paix en construction, le véhicule du Directeur départemental du MTPTC, Ing Odivin, et aussi une ambulance de l’Hôpital  la Providence des Gonaïves. Ces incendies sont attribués aux groupes de bandits liés au pouvoir en place par Marie Yolaine Jules de la « Fondation JKL », tandis que le pouvoir accuse les bandes à l’ex-sénateur Youri Latortue sans le nommer. Flanqué de forces spéciales du palais national, des policiers basés aux Gonaïves, d’une bonne partie de la population et de sa femme Martine, le Président Moïse s’est donné une promenade à pied dans les rues de la ville et même à Raboteau, au fief même de Youri Latortue, avant d’aller visiter la centrale électrique des Gonaïves en panne depuis belle lurette. Il a promis de remettre cette centrale sur pied d’ici Avril 2021.

Alors que le Ministre Mathias Pierre chargé des affaires électorales organise une grande rencontre avec une centaine de partis politiques pour la remise du projet de la nouvelle constitution, pour qu’ils en prennent connaissance et motivent leurs partisans en vue de leur participation au prochain référendum, le Secrétaire Général  des Nations Unies a sorti son rapport sur Haïti mi-figue mi-raisin, beaucoup plus figue que raisin ; l’ONU comme l’OEA et les USA reconnaissent toujours l’autorité  de Jovenel Moïse dont le mandat, selon eux, prendra fin le 7 Février 2022. Toutefois, l’ONU s’inquiète des 2.5 millions de personnes non encore inscrites et non encore en possession de leur carte d’identification nationale(CIN) et insiste pour accélérer le processus d’inscription des haïtiens en vue de leur participation aux prochaines joutes électorales à réaliser aussitôt que la situation le permet.

Entre temps, le grand frère américain envoie des signaux contradictoires par rapport à sa compréhension de la crise haïtienne. L’establishment semble opter pour la fin du mandat de Moïse le 7 Février 2022, par contre certains parlementaires démocrates pensent que non, d’autant que trois universités américaines semblent adopter la thèse de la chaire Louis Joseph Janvier de l’Université Quisqueya qui opte pour le 7 Février 2021, comme l'ont fait bien longtemps avant, Mme Manigat, les Barreaux d’Haïti, l’Eglise Catholique, une partie des églises protestantes et  la plupart des membres de la société civile organisée qui ont été à la base de la marche du 14 Février.

L’intervention du Président Moïse par visioconférence devant le Conseil de Sécurité de l’ONU lui a permis de s’expliquer, mais, de l’avis général, n’a pas été très convaincante. En tout cas, il en a profité pour parler de ses priorités : élections, référendum et électricité. La question qui a attiré l’attention de tout le monde, c’est le kidnapping et l’intervention de la représentante de la France pour demander la tête de Jimmy Chérisier (Babekyou), une fois de plus, une fois de trop. Le Président paraissait embarrassé. Au cours de cette séance, on a appris que l’Etat a démantelé 64 gangs sur une centaine. N’empêche que le phénomène de kidnapping a pris de l’ampleur, on y reviendra un peu plus tard, d’autant que, avec l’évasion de plus de 400 prisonniers de la Prison de la Croix-des-Bouquets, la situation pourrait se compliquer davantage.

 Cette évasion a fait, selon le secrétaire d’Etat à la communication, 26 morts, dont Arnel Joseph descendu à Pont L’Esthère par la police, le fameux caïd qui a défrayé la chronique en 2019, et récemment lors de sa présentation devant la justice après plus d’un an d’incarcération, où il aurait fait, selon V. Numa de la Radio Vision 2000, des déclarations compromettantes contre les gens au pouvoir et dans l’opposition, qui l’auraient utilisé à des fins criminelles, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Ce qui nous conduit tout droit à la situation socioéconomique.   

2.2. Situation socioéconomique

Le kidnapping est un phénomène social. Il a pris de l’ampleur en 2004 après la fameuse « opération Bagdad » mise sur  pied par les partisans de l’ex-président Aristide, « kidnappé » par la communauté internationale et exilé en Afrique, suite aux manifestations antigouvernementales organisées par l’opération GNB (Grenn Nan Bouda), dont la plupart des concepteurs sont encore sur la scène politique. Il est devenu, à force de mutations, un phénomène sociopolitique et surtout socioéconomique.

Actuellement, il permet aux gangs de s’automiser financièrement et de challenger les politiciens et même l’Etat. Il appauvrit, il viole, il tue. Il fait peur, donc il paralyse et réduit considérablement l’activité économique. Pas plus tard que ce 28 Février, il nous a privés d’un docteur en médecine, pédiatre de son état, tué parce qu’il a refusé d’être kidnappé par des malfrats. Combien d’argent coute la vie d’un médecin haïtien? Combien de temps avons-nous besoin pour produire un bon médecin et très expérimenté en plus?

Les bandits ne réfléchissent pas à ces genres de balivernes, une pitance selon eux qui demandent des millions pour libérer des otages après les avoir violés. En tout cas, pour eux, l’argent n’est pas un problème, les politiciens paient très chers leurs services, le secteur privé également. La dégringolade à nouveau de la gourde depuis novembre 2020 est le cadet de leur souci (75.21 G à l’achat et 77.97 à la vente pour 1 USD), ils fonctionnent en dollar américain. Alors ?

Quant à l’accélération du rythme des déportations de nos compatriotes par les américains, ils s’en fichent royalement. Cela les arrange. Ces déportés sont des alliés potentiels qui viendront grossir leurs rangs en cas de besoin, N’oubliez pas que ce sont, pour la grande majorité, des criminels endurcis et prêts à se reconstituer et à s’organiser n’importe où. Avec plus de 400 prisonniers en cavale depuis cette évasion spectaculaire, et ces déportés qui viennent grossir les rangs des bandits et des kidnappeurs, déjà en pleine activité, les prochains jours s’annoncent plutôt catastrophiques. Kidnapping, déportation, évasion de prisonniers, qui s'en soucie vraiment?

En tout cas, avec l’Electricité 24/24 à Port-de-Paix, Jérémie, Fort Liberté, Ouanaminthe, etc., on aurait peut-être une chance avec les bandits, les kidnappeurs. « Pas de chance », ironise un ami. « Ils n’ont pas peur de la lumière du jour pour commettre leurs forfaits, ce n’est pas le courant 24/24 de Jojo, d’ailleurs très hypothétique, qui va nous sauver des bandits au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ». Mon ami qui est anti Jovenel croit dur comme fer « que Jovenel partira très bientôt ». Il n’ose pas donner de date cette fois-ci. Départ ou maintien? C'est notre seule préoccupation. Comme je dois terminer ma chronique, j’ai dû fermer mon WhatsApp, pour pouvoir me concentrer sur le dernier point saillant de l’actualité, « le dossier de Savane Diane». Un autre ami chez qui j’ai été le vendredi 26 Février, m’interrogeait sur les 18.5 M USD que Jovenel aurait donnés à Apaid. Je lui ai répondu « Je ne savais pas. Je vais aux nouvelles », juste pour ne pas opiner sur le sujet.

En fait de quoi s’agit-il ?

Aussitôt arrivé à la maison, comme d’habitude, j’ai tapé sur mon ordinateur pour voir ce que j’ai sur Savane Diane. Rien. Je suis allé sur mon blog : www.jrjean-noel.blogspot.com , j’ai tapé  dans recherche « Savane Diane » et j’ai trouvé trois de mes articles dont celui-ci : HAITI, LA TOURMENTE POLITIQUE ET SAVANE DIANE COMME POLE DE DEVELOPPEMENT AGROINDUSTRIEL(?)[1]. Il suffit de le lire avec attention pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, et même ce qui passe avec les dominicains eu égard aux dernières déclarations d’Abinader vis-à-vis de notre pays.  On constatera que, depuis  Septembre 2013, l’Etat Haïtien avait prévu de faire  de Savane Diane, « un pôle de développement agroindustriel», tout en tenant compte du passé et du présent  de la Savane à l’époque. L’Agr Dorcin, alors secrétaire d’Etat à la production végétale, était le principal initiateur de cet atelier sur Savane Diane, et Agr  Thomas Jacques était ministre de l’agriculture. Comme on le verra dans la lettre de Déjoie III, Agr Dorcin est un élément clé de ce qui se passe à Savane dans la zone franche actuelle. 

L’autre article qui vous mettra dans le bain, est celui  du Nouvelliste  basé sur la lettre de Louis Déjoie III : Savane Diane: «La zone franche est créée sur la propriété privée de ma famille et non sur une propriété appartenant à l’État haïtien», explique Louis Déjoie III[2]. Voici comment Le Nouvelliste a introduit cette affaire : « Face aux remous provoqués par la décision du président Jovenel Moïse d’accorder le « statut de zone franche au projet dénommé " Zone franche agro-industrielle de Savane Diane",  à Saint-Michel-de-l’Attalaye (Artibonite), le mandataire de la famille Déjoie clarifie. Nous publions dans son intégralité une note de presse à cet effet».

En guise de conclusion, ce film auquel nous avons assisté au cours de ce mois de Février,  s’est déroulé dans notre bulle d’insouciance qu’est devenue notre Haïti. On se fiche des vrais problèmes. On se  concentre uniquement sur l’aspect politique et on néglige tout le reste. C'est l'inssouciance, le deni du réel. J’ai peur que, lorsque la bulle de l’insouciance s’éclate, lorsque la réalité nous pète à la figure,  la catastrophe ne soit  irréversible.  A bon entendeur, salut !!!

 

lundi 1 février 2021

COVID-19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (11), LUTTE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING, LE CHOIX DE LA CONFRONTATION

 

COVID-19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (11), LUTTE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING, LE CHOIX DE LA CONFRONTATION

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 JANVIER 2021

La lutte politique est plus importante que notre pays, du moins c’est qui ressort de cette bataille rangée qui se prépare et dont l’issue sera connue le dimanche 7 Février 2021. Dans « le bilan 2021 et perspectives 2021[1] », nous espérions de toutes nos forces de voir les acteurs politiques trouver un terrain d’entente pour sauver notre pays, Haïti. Kesner Pharel, dans ses grands rendez-vous du début d’année 2021, avec le ministre de l’économie et des finances (MEF), Patrick Boisvert, avec le Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti, Jean Baden Dubois, avec le secteur Privé, Pierre Marie Boisson, avec Paul Farmer sur le Covid-19, et avec Frantz Duval du Journal Le Nouvelliste, a souhaité implicitement la même chose. Ses invités également. Après une année 2020 de récession économique, en grande partie liée au Covid-19 au niveau mondial, et liée en Haïti à l’instabilité politique qui a aggravé la situation économique exacerbée par le kidnapping et autres phénomènes connexes, on ne s’attendait pas à des miracles en ce mois de Janvier 2021 ni au cours de l’année en cours. Mais, je restais persuadé que, pour Haïti, « aucun sacrifice n’était trop grand de la part de nos politiciens », d’autant que le coronavirus a amorcé une remontée spectaculaire tant au niveau mondial qu’en Haïti. Malheureusement, nos hommes et femmes politiques ont choisi la voie de la confrontation comme en 2004, 17 ans plus tôt. D’où le titre  de cette chronique « COVID-19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (11), LUTTE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING, LE CHOIX DE LA CONFRONTATION ».

Pourtant, si nos politiciens se donnaient la peine d’écouter avec attention les cinq (5) interviews d’une facture inégalable de Pharel, ils auraient compris la nécessité de placer prioritairement notre pays au-dessus de la lutte politique pour les broutilles du pouvoir, d’éviter la confrontation et de sacrifier leur orgueil, leurs intérêts mesquins au profit du bien-être de la population haïtienne au bord de l’asphyxie, traversée par la pauvreté, la peur et la terreur du kidnapping politisé par les deux camps, s’accusant mutuellement d’en être les auteurs, sans penser à la population qui en subit  les conséquences désastreuses de court, moyen et long termes. On n’en a assez de tant d’inhumanité. On en a vraiment marre. De plus, on nous pousse à choisir entre la transition et le maintien, un débat stérile qui ne mène nulle part, sinon à aggraver la situation de sous-développement de notre pays.  

Essayons de voir ce qui se passe dans le monde, en particulier aux USA avant d’analyser la situation haïtienne de ce mois de Janvier 2021 sur les plans politique et socioéconomique.

La situation au niveau mondial, en particulier aux USA

Trump a fini par lâcher prise après avoir été pris en flagrant délit de velléité de coup d’Etat en incitant ses sbires à attaquer le Capitol, le symbole par excellence de la démocratie américaine, le 6 Janvier 2021, pour interrompre le processus de ratification de Joe Biden par le Parlement américain. Les parlementaires ainsi que le Vice-Président, Mike Pence, ont dû être mis à couvert pour se protéger des partisans de Trump prêts à tout (krazebrize et 5 morts). Des images terribles de leur envahissement du Capitol ont fait le tour du monde entier.

Non seulement Biden a été ratifié. Trump a subi sa 2e procédure d’empêchement. Malheureusement, sa destitution nécessiterait  17 sénateurs républicains pour atteindre le niveau de 2/3 indispensable (67 Sénateurs). Son procès en destitution est prévu pour le 9 Février 2021. Il a déjà choisi ses avocats de défense. Quant à Biden, il est donc confirmé comme le nouveau président des USA, il a prêté serment  et a fait un discours axé sur l’unité face à la fracture sociale laissée par Trump, et  dont il aura du mal à colmater.

Entre temps, le coronavirus, malgré les débuts prometteurs des divers processus de vaccination dans les grands pays, atteint des niveaux jusqu’ici non égalés[2]. Les cas de contamination (102, 741,314), les cas de mortalité (2, 223,750) et les cas de récupération (67, 307,216) ont franchi des sommets inimaginables, le 31 Janvier 2021. Ce qui a poussé certains pays et non des moindres à ré-confiner.

La Situation sociopolitique au niveau d’Haïti

En Haïti, les cas de contamination s’élèvent à 11,533, tandis ceux de mortalité atteignent 245, et ceux de récupération se chiffrent à 9,063. Il faut noter une augmentation des cas de fièvre et autres symptômes s’apparentant aux cas de coronavirus classique.  Face à l’augmentation des cas confirmés de contamination, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a recommandé au Premier Ministre de ré-confiner partiellement le pays comme en Mars 2020 de 10 h Pm à 6h Am. Jusqu’à présent, aucune décision n’est encore prise en ce sens. A l’approche de la période des jours gras qui pourraient favoriser une nette augmentation des cas de contamination, certains groupes ont fait savoir qu’ils ne vont pas performer au carnaval national de Port-de-Paix, d’autres attendent avant d’arrêter une décision définitive. Ils évoquent non seulement le coronavirus mais aussi la situation politique incertaine qui pourrait déboucher sur des confrontations incontrôlables.

L’opposition menace de « krazebrize » en des termes à peine voilés si le Président Moïse, dont « le mandat constitutionnel prend fin le 7 Février 2021 » selon elle, ne laisse pas le pouvoir à cette date. D’ailleurs tout le long de ce mois de Janvier, elle met en application ses menaces sans grand succès, car en face la police nationale d’Haïti (PNH) veille aux grains à coup de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, sans épargner personne, y inclus les journalistes. Il faut ajouter que la PNH continue sa lutte contre les Gangs, en désorganisant la plupart, mais « le G9 et alliés » ont organisé, ironie de l’histoire, une grande manifestation contre le kidnapping, l’insécurité et « le peyilok » sans intervention de la PNH. Ce qui a agacé les observateurs et dérangé la plupart des médias et l’opposition politique.

Le kidnapping fait rage, appauvrit, viole et tue, surtout le petit peuple et la classe moyenne. La peur s’installe. Le Président y va de son bilan, le 1er Janvier 2021 au Palais National, car interdit par l’opposition de se rendre aux Gonaïves, et dévoile ses priorités pour 2021, « Référendum sur la nouvelle constitution, les élections et l’énergie » dans un délai se terminant au 7 Février 2022.

L’intervention de la PNH au bas de Delmas contre Jimmy Chérisier, Babekyou, le chef de « G9 et alliés », est perçue comme une manœuvre de diversion. L’incendie des véhicules dans le  garage central de la PNH n’a pas eu trop d’écho au niveau de la presse, contrairement à l’arrestation, une semaine auparavant de l’ex-sénateur, Nenel Cassy, à Miragoâne, et vite relâché par le pouvoir, suite à des manifestations le soir même au niveau de la Capitale, Port-au-Prince. M. Cassy a accusé le Président Moïse d’avoir ordonné son arrestation. Le Ministre de la Justice, R. Vincent, a démenti cette information. On est plus enclin à croire l’opposant que le représentant du pouvoir, malgré l’arrestation de trois accompagnateurs de l’ex-sénateur avec des armes trafiquées, selon le porte-parole de la PNH.

Ce qui a jeté de l’eau au moulin de l’opposition et renforcé son semblant d’unité. Et « Haïti en Marche », l’un des fleurons de la presse écrite, n’a pas hésité à comparer Léon Charles, le chef de la PNH, à Ti Boulé, le tortionnaire chef de recherche criminelle sous Duvalier. De là à voir une certaine levée de bouclier contre la PNH, il n’y a eu qu’un pas et  les Journalistes, accompagnés de certaines personnalités des droits humains et de la société civile, l’ont franchi dans une marche contre la Police Nationale d’Haïti (PNH), où certains accusent cette institution de brutalité tout en gardant de se laisser aller en invectives, et d’autres, en infériorité numérique, de prendre position contre le pouvoir en place. Le scenario catastrophe est donc en train de prendre corps. Une PNH affaiblie et sur plusieurs fronts en même temps, coincée par les « G9 et Alliés » qui ont paralysé la zone métropolitaine par des barrages un peu partout ayant forcé beaucoup de paisibles citoyens à ne pouvoir accéder à leur domicile, le vendredi 29 Janvier au soir, et très certainement par d’autres gangs à l’affut, la bataille s’annonce plutôt sanglante.

Toutefois, à la fin du mois, les manifestations, comme l’a prédit Jean Charles Moïse, le leader de « Pitit Desalin », commencent à prendre corps. Me Michel André ameute les troupes dans un langage violent digne de la période de « peyilok ». Les étudiants choisissent leur camp du côté  de l’opposition à Port-au-Prince. Les Cayes ont donné le signal le vendredi 29 Janvier, Léogane le lendemain. La zone métropolitaine de Port-au-Prince le 31 Janvier, Carrefour Delmas/Aéroport et l’Eglise Saint Jean Bosco de Pétionville, les points de ralliement cités par Jean Charles Moïse, et cap vers le Palais National. Cette manifestation émaillée de violences et soldée par deux blessés par balle, a pu atteindre le Champs de Mars sans pouvoir franchir le barrage érigé par la PNH pour protéger le Palais National. Il faut noter les manifestions le même 31 Janvier, à Saint-Marc, Cap-Haïtien, Petit-Goâve, Jérémie. Tandis que les syndicats des transporteurs programment deux journées de grève les 1er et 2 Février à travers l’ensemble du territoire.

Le pouvoir attend de pied ferme l’opposition, selon le ministre de l’intérieur a.i, Conzague Edner Day, et promet que l’administration Moïse ne se laissera pas faire comme en 1986. Il n’y aurait pas de krazebrize. Le Président Moïse, tout en ouvrant ses bras à l’opposition politique, semble déterminer à défendre son mandat du bec et des ongles et n’est pas du tout, mais pas du tout, d’accord avec cet argument constitutionnel de fin de mandat le 7 Février 2021. Il ne rate pas une occasion pour le faire savoir, lors du lancement du Plan de Relance Economique Post-Covid (PREPOC 2020-2023, 4.83 Mrds USD), lors de sa causerie avec le peuple à travers les réseaux sociaux, lors de  sa participation au congrès constitutionnel de la diaspora, lors de la 5e Journée de l’économie[3] (28 Janvier), lors de l’inauguration du 5e centre germoplasme et de propagation végétale de Grand Pré, aux environs du Cap-Haïtien, et de l’inauguration de 2 systèmes de pompage solaire alimentant en eau 2 systèmes d’irrigation (500 ha), dans le Nord du Pays, à Limonade, le samedi 30 Janvier 2021.

Sur un autre plan, le pouvoir en place  par l’intermédiaire de la commission indépendante, a fait sortir la première version de la nouvelle constitution, qui fait une place de choix aux femmes (quota de 30 à 40%), à la diaspora haïtienne (susceptible de briguer n’importe quelle haute fonction dans le pays), à un parlement monocaméral, à un vice-président, à un président non mineur, à un procureur de la République en lieu et place du commissaire du gouvernement et sous la responsabilité du pouvoir judiciaire, etc.

De même, l’opposition a sorti son document de transition, une commission choisirait le président à la Cour de Cassation, les membres de l’organe de contrôle du gouvernement de 14 ministres ; ce gouvernement de 2 ans à partir du 7 Février 2021, serait dirigé par un premier ministre choisi par le président avec l’appui de la commission. L’organe de contrôle n’aurait rien à voir avec ce qui reste du Sénat actuel.  Justement, le président du Sénat actuel, Lambert, organisera un dialogue national entre les protagonistes politiques à Tara's, La Sapinière, les 3 et 4 Février 2021, en vue de trouver une solution pacifique à la crise politique.

Conclusion : Et si on adopte le leitmotiv, « Haïti d’abord et avant tout ! »

En guise de conclusion, tant au niveau mondial qu’en Haïti, la situation n’est pas du tout rose. Le monde est malade. Le coronavirus porte un coup fatal à l’économie mondiale. Les Etats essaient de mettre en place des plans de relance économique post-covid (USA, Haïti, etc.).

Les retombées politiques de cette pandémie sont terribles pour les USA, c’est en partie ce qui explique la chute de Trump, qui a minimisé les effets de cette maladie et l’a politisée au point de reconnaitre ses partisans par une nette tendance à la non utilisation des mesures barrières, comme le port des masques par exemple. Ce qui a favorisé une plus grande propagation de la maladie, amplifié la division au sein de la société américaine, et qui complique le travail et la tâche de son successeur Joe Biden.

A problème profond et complexe, solution profonde et complexe

Par contre, en Haïti, le coronavirus a exacerbé la situation sociopolitique et surtout socioéconomique. Le kidnapping, érigé en industrie, et qui est étroitement lié à l’entropie politique, a appauvri davantage la classe moyenne et les masses, et a favorisé l’autofinancement des gangs. Utilisé comme arme politique, le kidnapping exacerbe davantage la situation politique entre les deux  forces en présence et renforce encore plus les tendances à la confrontation que celles liées à l’entente.

Sur ce point, on rejoint la situation de division constatée aux USA, même si, selon Bernard Ethéart (chroniques sur Mélodie FM), la crise haïtienne est beaucoup plus profonde et complexe que la façon dont nous l’abordons jusqu’ici, ses racines historiques, sociologiques, économiques et financières, analysées à la lumière des éclairages d’auteurs haïtiens et étrangers qui se sont penchés sur la société coloniale domingoise et haïtienne, comme B. Ethéart, lui-même, Me Serge Moïse, et l’économiste Fritz Jean, pour ne citer que ceux-là. A problème profond et complexe, solution profonde et complexe. J’ai compris donc, en écoutant les chroniques de Bernard y relatives, cette approche superficielle de résolution de la crise, ne nous mènera nulle part, sinon à l’aggraver  et à compromettre davantage le développement du pays.

Je nourris l’espoir que, à force de discuter avec des gens de la société civile, des cadres et responsables de l’Etat, des cadres des partis politiques, et à force de produire des réflexions, on finira par provoquer la réalisation de cette grande concertation nationale avec une masse critique de gens maitrisant les fondamentaux de la crise haïtienne et susceptibles de guider nos hommes et femmes politiques dans la résolution définitive de la crise, en dehors de l’approche simpliste et manichéenne (pour ou contre), mais dans le cadre d’une approche holistique, avec un seul leitmotive : HAITI D’ABORD ET AVANT TOUT.  

jeudi 31 décembre 2020

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (10), BILAN 2020 ET PERSPECTIVES 2021, DE L’ENTROPIE POLITIQUE ET DU KIDNAPPING VERS UNE AGGRAVATION DE LA SITUATION OU UNE ENTENTE INTERHAITIENNE (?)

 

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (10), BILAN 2020 ET PERSPECTIVES 2021, DE L’ENTROPIE POLITIQUE ET DU KIDNAPPING VERS UNE AGGRAVATION DE LA SITUATION OU UNE ENTENTE INTERHAITIENNE (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 DECEMBRE 2020

 

1.       INTRODUCTION

Je pourrais reprendre le même titre du bilan 2019 et Perspectives  2020[1], tellement 2020 ressemble à 2019.Toutefois, si, sur le plan politique, on relève certaines similitudes, avec cette fois-ci, la prédominance du Pouvoir Exécutif, un Président de la République doté d’un pouvoir incontrôlable, contrairement  au pouvoir du Parlement, en 2019, et une opposition décidant du rythme de la vie quotidienne. Deux facteurs déterminants dans la vie de tous les jours en Haïti le kidnapping lié à l’entropie politique, qui s’est aggravé en 2020, et le Coronavirus qui s’est invité au festin de la vie quotidienne haïtienne à partir de Mars 2019 à date. Cette pandémie mondiale, qui a fait des dégâts considérables au niveau des grands pays, s’est comportée en bon enfant au niveau de la Caraïbe, en particulier en Haïti, où il a grandement contrarié les plans de l’opposition politique. En effet, l’opposition politique a bénéficié de l’apport non recherché du phénomène de kidnapping (à partir de Décembre 2019 à date) et de la rébellion policière soldée, après des incendies du Local logeant l’Etude de Me Madistin, des stands carnavalesques au Champs de Mars et des chars carnavalesques stationnés au Stade Sylvio Cator, par la création de syndicats au sein de la Police National d’Haïti (PNH). Malheureusement ou heureusement, l’arrivée du Covid-19 a permis au pouvoir en place de retourner la situation politique en sa faveur, sans arriver à juguler le phénomène du kidnapping. Toutefois, l’opposition se prépare à en découdre avec le pouvoir en place et lui donne jusqu’à 7 Février 2021, date, selon elle, de fin de mandat du Président Moïse, pour faire place à « la transition de rupture » prônée par cette opposition. Et le pouvoir en place a, lui-même, les yeux fixés sur le 7 Février 2022, malgré la défaite à la présidentielle américaine de son allié, Donald Trump, et confirmée par les grands électeurs, le 14 Décembre 2020. D’où le titre de ce bilan 2020 et perspectives 2021 : « COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (10), BILAN 2020 ET PERSPECTIVES 2021, DE L’ENTROPIE POLITIQUE ET  DU KIDNAPPING VERS UNE AGGRAVATION DE LA SITUATION OU UNE ENTENTE INTERHAITIENNE (?) ».

Notons que, pour produire ce bilan, j’ai dû revoir le bilan de l’année 2019, passer en revue toutes les chroniques mensuelles produites au cours de l’année 2020, jeter un coup d’œil sur les journaux traditionnels, écouter/visionner les stations de radio et de télévision de tous bords, jeter un œil critique sur les réseaux sociaux, et m’appuyer sur deux textes très intéressants de Frantz Duval[2] et de Thomas Lalime[3], etc.

C’est à la faveur de cette démarche que ce bilan est élaboré. Il passera en revue la situation mondiale en lien surtout avec le Covid-19, s’attardera sur la situation sociopolitique, l’entropie politique et sur la situation socioéconomique et financière, dégagera des perspectives pour 2021, tant sur les plans sociopolitique et socioéconomique, et  se termine sur ce questionnement en termes de l’aggravation de la situation ou d’une entente inter haïtienne (?).

2.       COVID-19, LA SITUATION AU NIVEAU MONDIAL ET EN HAITI

Le coronavirus a atteint, au 31 Décembre 2020[4], le seuil de 83, 207,199  cas de contamination, 1, 813,229  cas de mortalité et  54, 539,148  cas de récupération. La 2e vague de Covid-19 bat des records journaliers en termes de nouveaux cas de contamination en Amérique et en Europe. Ce qui a obligé certains pays européens (France, Allemagne, Italie, etc., et américains (Canada et quelques Etats américains à recourir au confinement de leurs populations). Qui dit confinement dit ralentissement de l’économie, récession (-4.4%)[5]. En effet, la récession mondiale bat son plein avec des taux de croissance négatifs du PIB, le critère de mesure par excellence de l’économie mondiale. Les prévisions pour l’année 2021, malgré la découverte et la distribution des vaccins anti-covid-19, sont plutôt sombres. Et comme le monde fonctionne à la manière d’un grand village, Haïti suit le courant comme tout le monde, certes à un degré moindre par rapport au Covid-19 mais très durement en matière économique.

En Haïti, la 2e vague (89 nouveaux cas 18 et 19 Décembre 2020) a vraiment démarré avec l’arrivée de la diaspora haïtienne, malgré le kidnapping. En septembre, Octobre, c’était plutôt l’accalmie. A ce qu’il parait certains hôtels affichent complets, ou tout au moins, a un taux de remplissage acceptable. Les nightclubs organisent des festivités et accusent un taux de remplissage acceptable vu les circonstances. L’inapplication des mesures barrières favorise cette 2e vague. Même si, comme pour la première vague, le pays n’a pas enregistré beaucoup de morts ni beaucoup de cas de contamination, on enregistre une hausse en ce mois de Décembre 2020. A date, la situation du Covid-19 se présente ainsi, 9,999 cas de contamination, 236 cas de mortalité et 8,598 cas de récupération[6]. La contamination récente de l’ex-président Michel Martelly ferait prendre conscience aux incrédules de la présence de la maladie dans le pays et les inciterait à appliquer les mesures barrières prônées par le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et dont on constate un regain du travail de sensibilisation en ce mois de Décembre 2020. Ce qui nous ramène à l’objet principal de cette chronique, Haïti bilan 2020.

3.       HAITI BILAN 2020

Le bilan de 2020 du pays haïtien sera analysé sous deux aspects essentiellement, la situation sociopolitique  et la situation socioéconomique.

3.1.  SITUATION SOCIOPOLITIQUE

2020, une tournure plutôt catastrophique

Depuis le début de l’année, la situation politique prend une tournure plutôt catastrophique. A la base de tout cela, un ensemble de faits marquants exacerbant davantage la polarisation de la situation politique :

(i)                  Le kidnapping qui va s’intensifiant, « près de 3000 cas durant 2020, dont plus de 1000 depuis Octobre »[7] et dont la plupart, en plus des rançons faramineuses réclamées, sont accompagnés de viols et d’assassinats;

(ii)                La caducité du Parlement qui a donné lieu à des débats contradictoires au sein de la société et a ouvert une sorte de « boulevard » au Président de la République, devenu par ainsi le seul maître à bord « après Dieu » ;

(iii)               L’échec du dialogue inter-haïtien au niveau de la Nonciature Apostolique qui a fait naitre beaucoup d’espoir mais qui a laissé un goût amer juste à cause de petits détails en lien avec les clans politiques et au détriment du pays ;

(iv)               La rébellion policière alimentée par la bataille pour syndiquer la police nationale d’Haïti (PNH), qui se retrouve, en fin de compte, avec deux syndicats en son sein, aggravant la division au sein de la seule institution du pays chargée de garantir les vies et les biens ;

(v)                 L’apparition au sein de la PNH de FANTOM-509, un corps de bandits  qui incendie principalement les objets appartenant à l’Etat, stands et chars carnavalesques, véhicules, bâtiments publics, en particulier ceux affectés à la confection et distribution, entre autres, des cartes d’identification nationale ou « cartes DERMALOG », selon le sobriquet de l’opposition politique ;

(vi)               La mise en place d’un gouvernement de facto conduit par le Premier Joseph JOUTHE, le 2 Mars 2020, sans un large consensus qui aurait permis de calmer la situation, mais qui a favorisé une reprise en main par le pouvoir exécutif de la situation politique ;

(vii)             L’apparition des deux premiers cas de contamination du Covid-19, le 19 Mars 2020, qui a affaibli considérablement les manœuvres de l’opposition politique et contrarié son agenda;

(viii)           La dégringolade continue de la gourde par rapport au dollar américain avec un pic de 125 G pour 1 USD, son appréciation surprise par rapport au dollar à partir de fin Août 2020 et l’amorce de sa dépréciation à nouveau à partir de Novembre 2020, tout cela a soulevé des débats enrichissants au sein de la société, tout en soulevant beaucoup de questionnement et faisant des heureux et des malheureux;

(ix)               Les multiples décrets controversés du pouvoir exécutif et les tollés provoqués jusqu’à la prochaine publication d’un autre et puis encore d’un autre, tout ceci pleinement assumé par le Président ;

(x)                 L’assassinat spectaculaire du bâtonnier de l’Ordre des Avocats, Dr Monferrier Dorval, et d’un certain nombre de paisibles citoyens, entrepreneurs, travailleurs de presse, dont le seul but est de nous faire peur, nous indigner ;

(xi)               La question de l’énergie qui est revenue sur le tapis mettant le pouvoir en porte-à-faux par rapport à la Cour Supérieur des Comptes et du contentieux administratif (CSCCA) et qui s’est soldée heureusement par une accélération du processus de doter le pays de courant 24/24, cher au Président de la République.

Trois domaines prioritaires du pouvoir en place

Par rapport à cette situation décrite plus haut, il faut mettre à l’actif du pouvoir, en plus de la question énergétique qui connait une grande amélioration, certaines actions de développement telles, (i) la construction du barrage de Marion (en cours), la réhabilitation du périmètre de Latannerie (en cours), la mise en place des pompes solaires sur les petits périmètres irrigués au niveau du Nord-Est, du Nord-Ouest, de l’Artibonite et du Centre ;(ii) la route Hinche–Saint Raphaël, la continuation des travaux sur les tronçons : Ennery-Cap-Haïtien, sur les tronçons : Gonaïves-Gros Mornes-Port-de-Paix-Anse-à-Foleur, sur le tronçon : Beaumont-Carrefour Charles (route Cayes-Jérémie) ;(iii) les travaux de rénovations urbaines à Port-de-Paix, à Port-au-Prince, la cité administrative, pour ne citer que celles-là. Pour les actions physiques, le pouvoir exécutif se concentre, entre autres, sur trois domaines prioritaires, l’énergie, l’agriculture et le transport/Travaux publics. Il faut noter aussi le renforcement de facto du système de santé publique, coronavirus oblige.

« La démocratie à la Jovenel »

Le pouvoir en place est en train de changer l’Etat ; la quarantaine de décrets pris va en ce sens. Pour l’opposition politique, c’est une orientation vers la dictature. Pour le pouvoir, c’est une orientation vers le changement en faveur du peuple haïtien. En tout cas, c’est une sorte d’autocratie et Le Nouvelliste parle de « déficit de démocratisation ». Le Président Moïse croit dur comme fer qu’il est sur la bonne voie dans le processus de changement de l’Etat « pezesouse », c’est « la démocratie à la Jovenel » en nette opposition à des « oligarques » qui prennent le pays en otage. Il croit être en train de casser le cou au monopole. Il croit, comme Préval avant lui, que la Constitution de 1987 favorise le maintien de cet Etat prédateur, corrompu. Il propose de la changer et met en place un comité consultatif indépendant pour rédiger une nouvelle constitution que le peuple haïtien aura à valider ou non dans un référendum, mode opératoire formellement interdit par la constitution de 1987. En plus des décrets déjà pris et à prendre, c’est cette nouvelle constitution(?) qui devrait sonner le glas de cet Etat prédateur mis en place en 1806. Le conseil Electoral provisoire(CEP), concocté de manière controversée, devrait organiser le référendum ainsi que les élections en 2021.

2021, l’année de tous les dangers

C’est bien beau tout cela, mais c’est sans compter avec l’opposition politique qui compte faire échec à tout ce processus assimilé à une marche vers la dictature à la manière de François Duvalier. Pour cela, elle se donne jusqu’à 7 Février 2021, pour forcer le Président Moïse à se démettre de ses fonctions, tandis que ce dernier ne compte laisser le Palais National que le 7 Février 2022. Ces deux dates  symbolisent les enjeux de la bataille politique pour le pouvoir. Elles annoncent la lutte acharnée entre les deux protagonistes politiques pour le pouvoir en 2021, l’année de tous les dangers.

Par rapport à cette situation, quel est le rôle des deux autres pouvoirs de l’Etat, le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Judiciaire, et de celui du 4e Pouvoir ?

Pour le Pouvoir législatif, il ne reste que 10 Sénateurs presque tous acquis à la cause du Pouvoir Exécutif, donc inexistant et très peu impliqué dans le débat politique. Mis en part le Sénateur Dumont qui montre au créneau de temps à autre, on n’entend même pas le bruit des autres Sénateurs. Ce sont des symboles d’un pouvoir inexistant dont le sort en monocaméralisme ou en bicaméralisme est en train d’être discuté sans sa participation à l’aune de la nouvelle constitution.

Quant au Pouvoir Judiciaire, c’est le silence ou l’attentisme pour l’héritage du pouvoir exécutif en cas de démission ou départ forcé du Président Moïse[8], le 7 Février 2021. En attendant, c’est le fonctionnement au ralenti ou le non fonctionnement car secoué par des grèves de certaines entités au sein du grand corps judiciaire à n’en plus finir. Le justiciable haïtien ne sait à qui s’adresser, tant ce pouvoir est inopérant. Mises à part les apparitions dans des cérémonies officielles organisées par le Pouvoir Exécutif, c’est le silence, l’indifférence, le wait and see, pour utiliser un anglicisme.

Organes de presse et la prédominance de l’approche binaire

Quant à la Presse ou le 4e Pouvoir, c’est la cacophonie, l’envahissement. Chaque entité de ce corps non organisé joue sa partition sans tenir compte des sons émis par les autres entités. La presse écrite se réduit comme une peau de chagrin, heureusement elle est supplée par la presse en ligne. Quant à la presse parlée, c’est la grosse caisse, beaucoup de bruit pour rien. La presse télévisée est concurrencée par une floraison de chaines sur YouTube, sur Facebook, le tout relayé par d’autres médias comme WhatsApp et  Tweeter. Les informations contradictoires circulent à la vitesse de la lumière. Elle est traversée globalement par les contradictions de la société haïtienne profondément liée à la situation sociopolitique prédominante. Les informations politiques sont légion et occupent l’essentiel de l’information. Tout le monde se déclare journaliste au niveau de ces médias ou leader d’opinion, abordant avec arrogance n’importe quel sujet en relation avec la faune politique.

L’approche binaire ou manichéenne (pour ou contre) est la caractéristique fondamentale de l’ensemble des médias ; très peu développent une attitude objective ou pratiquent l’objectivité qui est la caractéristique fondamentale de tout organe de presse. Ceux-là qui se sont conformés à ce critère de base sont qualifiés « d’équilibristes », dans le sens péjoratif du terme. C’est le règne de la pensée unique. En tout cas et heureusement, certains médias, certains organes de presse et pas des moindres, gardent encore un bon niveau d’objectivité, prenant leur distance par rapport à l’opposition politique ou au pouvoir en place. Ce qui nous permet d’avoir accès à une information de qualité. Malheureusement, les sujets liés au développement du pays n’occupent pas une place de choix au sein de ces médias et organes de presse. Il faut noter à leur décharge, qu’Haïti ne vit que de politique et nous politisons tout, « même le kidnapping », pour répéter «ambassadeur Marli» dans sa dernière sortie sur FB, cette jeune dame qui, dans ses vidéos, nous met face à notre conscience.

3.2. LA SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE

« L’année 2019 s’est achevée sur une accalmie politique sur fond de kidnapping, qui avait pris de l’ampleur durant la 2e moitié du mois de Décembre. C’était une année d’ouragan politique qui s’est traduit par un taux de croissance négatif (-1.2%)[9]selon le FMI, (-2%) selon le grand argentier du pays, Joseph JOUTHE », écrivais-je dans ma chronique mensuelle de Janvier 2020, publiée le 2 Février 2020. En fin de compte, le taux de croissance officiel pour l’exercice 2018-2019 était de (-1.7%). Jouthe prévoyait un taux de croissance du PIB de (0.2%)[10]pour2019-2020 contrairement à la Banque Mondiale qui tablait sur une décroissance de (-1.4%) ». Selon l’Agence de développement économique, information rapportée par Thomas Lalime, le taux de croissance  du PIB pour 2019-2020 serait de (-4%)[11]. Les taux de croissance cumulés pour les deux exercices écoulés, si le taux de (-4%) se confirmait, avoisineraient (-5.7%) ; ce qui nous rapprocherait du taux de croissance de 2010 de (-5.5%), après le tremblement de terre. 

Toujours par analogie, les catastrophes politiques, humanitaires (covid-19), naturelles (ISAAS) et le phénomène de kidnapping, qui saccagent le pays depuis les 6,7 et 8 Juillet 2018 à date, seraient comparables aux pertes et dégâts infligés au pays par le tremblement de terre du 12 Janvier 2010. Poussant plus loin mon analogie, au risque de choquer nos économistes, serait-il possible de chiffrer à 120 % du PIB de 2017[12], les pertes et dégâts enregistrés, toutes choses étant égales par ailleurs? Là où le bât blesse, en fonction des informations disponibles, il serait purement impossible d’atteindre en 2021 un taux de croissance du PIB de (5.7%), comme ce fut le cas en 2011 (5.5%) de croissance économique, un an après le tremblement de terre de 2010.  Le FMI prévoit une récession économique mondiale de (-4.4%). Dans la note de cadrage du Premier Ministre Jouthe relative au budget de 2020-2021 (254.7 Mrds de gourdes ou 4 Mrds de USD), il est prévu un taux de croissance positive du PIB de 2.4% en pleine année électorale et de catastrophes politiques annoncées et en pleine année de récession mondiale.

4.          CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 2021

D’un côté la situation politique annoncée est exacerbée. La polarisation de la situation politique en lien aux dates butoirs du 7 Février 2021 et du 7 Février 2022, qui nécessitent une entente « pour sauver le pays », message de Noël du Président Moïse, risque de s’aggraver. Le phénomène du kidnapping aussi, malgré les efforts de la PNH. La remontée du coronavirus en Décembre 2020 (89 cas en 24 h) et la mutation du virus pourraient, à partir de l’inapplication des mesures barrières, favoriser une 2e vague beaucoup plus sérieuse que la première. C’est vrai que les nouveaux vaccins suscitent beaucoup d’espoir. Comme la Caraïbe n’a pas été trop frappée, c’est naturel qu’il ne soit pas prévu assez de doses pour cette zone. Ce qui pourrait compliquer la situation socioéconomique en cas d’une 2e vague plus contagieuse.

De l’autre côté, la situation socioéconomique ne s’annonce pas du tout rose. Il est à signaler et à souligner, La dépréciation de la gourde depuis Novembre 2020, la vie chère qui s’ensuit, la situation socioéconomique précaire de la population en matière de sécurité alimentaire et de sécurité tout court où les cas de kidnapping forcent les gens à des débours très au-dessus de leurs capacités financières, les prévisions économiques et financières un peu trop optimistes de la part du pouvoir en place, en pleine année électorale, en pleine année de récession économique mondiale. Les perspectives sont plutôt sombres pour 2021.

PERSPECTIVES 2021

Les perspectives pour 2021 s’appuient principalement sur les deux textes respectivement de Frantz Duval du Journal Le Nouvelliste, et du docteur en économie, Thomas Lalime. Citons.

 

« Le cours de l’année qui vient n’est connu de personne. Les hommes et les femmes de ce pays ont en main une partie de leur destin. La providence, la chance, le hasard se chargeront de l’autre partie… Le pays va devoir digérer en 2021 la querelle sur la date de fin de mandat du président Jovenel Moïse, le processus de changement de la constitution qui avance sans consensus ni sur le fond ni sur la forme, les élections générales ou une transition. »

 

« Le premier janvier 2021, Haïti va se réveiller en plein dans le cauchemar de l'érosion de la démocratie. Il n'y aura pas de Parlement, une Constitution en veilleuse, une composition du Conseil électoral provisoire (CEP) contestée, pas assez de cartes d’identification nationale distribuées à un nombre significatif de citoyens et une flopée de décrets baignant dans un esprit autoritaire. Le tout sur la petite musique de la poursuite de la pandémie Covid-19 chez nos pays amis et pour la diaspora. Rien de facile ne nous attend en 2021. » Frantz Duval

 

« Les perspectives pour l’année 2021 ne sont guère reluisantes. Les nuages de turbulences politiques se pointent déjà à l’horizon. L’opposition réclame le départ du président Jovenel Moïse le 7 février 2021 alors que celui-ci voit son mandat se terminer le 7 février 2022. Il n’a jamais réalisé aucune élection depuis sa prise de fonction. En conséquence, des institutions démocratiques sont dysfonctionnelles. Avec la prolifération des gangs armés, il sera très difficile d’organiser des élections libres, honnêtes et démocratiques en 2021. La performance économique de l’exercice fiscal 2020-2021 dépendra du climat politique comme cela a été le cas depuis 34 ans. » Thomas Lalime.

 

Va-t-on vivre une aggravation de la situation socioéconomique et politique en 2021, comme tout le laisse présager, ou trouvera-t-on une entente entre nous « pour sauver notre pays », comme le suggère le Président Moïse dans son message de Noël ??? Question à 4 milliards de dollars américains pour amorcer le développement de notre pays ou sombrer  dans l’inconnu d’une énième occupation.

Nous faisons nôtre ce souhait de Frantz Duval et du Nouvelliste pour ne pas sombrer dans l’inconnu

« En souhaitant du courage et de la clairvoyance à tous en 2021, la rédaction du journal s’associe à la direction et à tout le personnel du Nouvelliste pour dire à chacun : n’ayez point crainte du pire, savourez le meilleur en 2021. ».

 

Meilleurs vœux 2021 à chacune et chacun de vous !!!



[5] FMI

[6] Idem que 4.

[8] Dans ce cas précis, il est prévu de passer la présidence à un membre du Pouvoir Judiciaire, issu de la Cour de Cassation (CC), la plus haute instance de ce pouvoir.

[10] [2]Interview du 1er Janvier avec K Pharel de Radio Métropole

[12] Le taux de croissance du PIB de  2017 est consécutif au passage, en Octobre 2016, de l’Ouragan Matthew, qui a causé des pertes et dégâts estimés à 32% du PIB (PDNA Janvier 2017)