Rechercher dans ce blog et le WEB

lundi 2 août 2021

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (17) : L’ASSASSINAT CRAPULEUX DU PRESIDENT JOVENEL MOISE, LA FIN D’UNE EPOQUE OU LE DEBUT D’UNE ERE NOUVELLE (?)

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (17) : L’ASSASSINAT CRAPULEUX DU PRESIDENT JOVENEL MOISE, LA FIN D’UNE EPOQUE OU LE DEBUT D’UNE ERE NOUVELLE (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

2 AOUT 2021 ; REVU, CORRIGE LE 5 AOUT 21

              Le contexte d’un assassinat crapuleux

On est en pleine période de recrudescence du covid-19[1], avec l’apparition du variant Delta, qui bouleverse encore plus le monde et Haïti par rapport à l’augmentation des cas de contamination (Monde :198,707,823 ; Haïti :20,157), des cas de mortalité (Monde :4,229,662 ; Haïti :555), et des cas de récupération (Monde: 129,993,646 ; Haïti :12,961), malgré la progression de la vaccination (Haïti s’y mêle). On est en pleine période d’inquiétude liée, au niveau mondial, à cette nouvelle forme de guerre froide  basée sur le renforcement des alliances entre les puissances mondiales (USA et Alliés occidentaux d’un côté et l’axe Chine/Russie et Alliés de l’autre). On en pleine période d’incertitude et de peur panique, en Haïti, liée à cette polarisation entre les protagonistes politiques. Cette polarisation favorise le grand banditisme à une échelle de contrôle territorial par les bandits au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ce qui met  en nette minorité les forces de l’ordre sous équipées et paralyse les activités économiques à l’échelle du pays. Elle  focalise (bataille de communication gagnée par l’opposition et alliés) tous les déboires d’Haïti sur un seul individu, le président J. Moïse, le diable personnifié, l’unique responsable de la situation chaotique haïtienne, d’où cette haine viscérale vis-à-vis de lui conduisant à son brutal assassinat. La 17e  chronique  du mois de Juillet 21, consacrée à la thématique « Haïti et le monde à la croisée des chemins », la dernière liée à cette administration si controversée et si combattue, s’irrigue donc du sang de Jovenel.  En effet, le fait dominant de ce mois  de Juillet 2021 reste l’assassinat crapuleux du 58e  président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse[2], 53 ans, par un commando parlant espagnol dans sa résidence privée, à pèlerin 5, Pétionville, dans la nuit du 6 au 7 Juillet 2021, décidément une date maudite pour Jovenel Moïse, rappelez-vous les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018, marquant le tournant dans les déboires de cette présidence.

Le choc

Ma femme m’a réveillé pour m’annoncer la nouvelle. Pour confirmation, J’ai capté Radiotélévision Caraïbes (RTVC) qui l’a confirmée vers 5h 30 du matin suite à un appel téléphonique un peu plus tôt au Premier Ministre ai Claude Josep. C’est un choc terrible pour le monde, pour Haïti et pour moi! J’étais abasourdi ! Un ami, qui connait mes relations de travail avec le défunt en tant que consultant du ministère de l’agriculture dans le cadre de la CASDA[3] et en tant que membre  de la Cellule de Pilotage de la Caravane du changement, m’a appelé au téléphone. Je lui ai répondu dans un murmure ironique : « Comme il était le problème selon ses adversaires et ennemis politiques, la crise haïtienne est donc maintenant résolue ». On a pris congé et je suis retourné un peu hagard aux nouvelles. Sa femme Martine Moïse, 47 ans, donnée pour morte dans un premier temps, n’est que blessée et évacuée par les soins des nouvelles autorités haïtiennes dans un hôpital en Floride aux USA et les trois enfants du couple présidentiel, Jovelain, Jormalie et Jovenel Jr sont en sécurité (une sorte de soulagement). Ces informations sont confirmées un peu plus tard dans la journée par le Premier Ministre ai. Claude Joseph, qui, dans un point de presse et après un conseil des ministres en urgence, a déclaré que « tout est sous contrôle » et que «  le pays est en état de siège  pour une période de 15 jours». Cet assassinat crapuleux, est-ce la fin d’une époque ou le début d’une ère nouvelle?

              L’Assassinat du Président Moïse par un commando colombien et les implications possibles, Dr Sanon et Co, « un véritable complot »

              Sans anticiper les réponses à cette double interrogation, la mort d’un président met fin d’une manière ou d’une autre à quelque chose, une époque, une période. Ce n’est plus le même interlocuteur, ni le même discours. Rappelez-vous la mort de Duvalier père (Papa DOC), Jean Claude Duvalier, le fils ou Baby Doc, avait certes continué "la révolution duvaliériste" mais en lui donnant une orientation économique et une certaine détente au niveau politique. Pour ce qui concerne la situation actuelle, cet assassinat brutal, crapuleux où la victime, en l’occurrence, Jovenel Moïse, a été le président en exercice, a donné lieu, dans un premier temps, à son remplacement par Dr Claude Joseph[4] qui a sollicité « une intervention militaire américaine », et, dans un second temps, par Dr Ariel Henry, un ancien du parti de l’UNITE, dans les deux cas avec l’aval de la communauté internationale, en particulier les USA, « le commandeur » selon le professeur A. D’Meza[5]. Normalement, cet assassinat devrait déboucher sur une réorientation de la chose politique, d’autant que Ariel Henry est le résultat de négociations en sous mains avec l’opposition politique. L’assassinat du président, chez lui, dans sa chambre, par un commando colombien[6] accompagné par deux étrangers d’origine haïtienne, implique forcément  la complicité interne, en particulier des services de sécurité de la présidence haïtienne[7],  et d’autres entités, en témoigne la complicité d’un pasteur, Dr Emmanuel Sanon[8] et d’autres personnes complices[9] comme un dirigeant d’agence de sécurité, soit une quarantaine de personnes actuellement en prison (44 personnes), et  en cavale comme l’ex-sénateur John Joël Joseph, l’ancienne Juge de la Cour de Cassation mise à la retraite pour complicité lors de la tentative de coup d’état du 7 Février 2021, Mme Wendelle Coq Thélot, etc., soit une dizaine  de personnes en cavale.

Aux dernières nouvelles, selon Le Nouvelliste, le dossier est « déféré au Cabinet d’instruction[10] ». On a appris dans cet article que Martine Moïse a été interrogée par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), et l’implication  d’autres acteurs religieux, politiques et du secteur privé. « En plus du mandat d'amener décerné contre cinq nouvelles personnalités, à savoir Paul Denis, responsable du parti politique INIFOS; Liné Balthazar, président du PHTK, le parti au pouvoir ; les pasteurs Gérald Bataille et Gérard Forges Janvier et de l'homme d'affaires Samir Handal, notre source au parquet de Port-au-Prince a fait savoir que d'autres mandats seront bientôt décernés ». Très certainement, il y a d’autres complices comme les auteurs intellectuels, les financeurs. C’est en ce sens que Me Michel André (interview avec Valéry Numa[11]), opposant farouche à Jovenel Moïse et qui l’a rendu et continue de le rendre responsable de tous les malheurs du pays, en insistant, une fois de plus,  sur sa responsabiliité dans les « massacres de La Saline, de Belair, de Cité Soleil,.. et l’assassinat de Me Dorval, qualifie de « véritable complot » l’assassinat du « président de facto ». Ce qui est sûr, c’est un crime transnational impliquant au moins 4 états : Colombie, USA, République Dominicaine et Haïti. D’où la présence de FBI américain et des enquêteurs colombiens à côté des services spécialisés de la Police Nationale d’Haïti (PNH).

              Le monde entier en émoi et l’indignation haïtienne à son comble (photos)

              Revenons aux effets immédiats de l’assassinat de Jovenel Moïse. En ce matin du 7 Juillet 2021, la nouvelle de l’assassinat du Président a causé une onde de choc à travers le monde et en Haïti. Cette onde a causé un tsunami mondial. Toutes les grandes chaines de TV  mondiales ne parlaient que de cela et diffusaient les réactions des personnalités mondiales. L'Organisation des Nations Unies (ONU) a rendu quelques jours plus tard un hommage grandiose  au prisident Moïse dans une cérémonie digne de ce nom et surout émouvanteoù défileront sur la tribune, avec des propos élogieux, les représentants de toutes les régions du mondeQuant aux réseaux sociaux, ils étaient inondés de cette nouvelle fracassante. Le monde entier était en émoi et l’indignation haïtienne était à son comble, surtout après la diffusion des photos de cet assassinat crapuleux où la victime a été écrabouillée, 12 balles dans ce frêle corps (15 balles selon HPM[12], une agence en ligne), un œil crevé, bras  et pieds fracturés. Cet assassinat était signé et contenait un message très clair pour les futurs présidents haïtiens et du monde (surtout dans le monde noir, selon l’ex-sénateur et chanteur Jacques Sauveur Jean sur Radio Télé Métropole) qui oseraient agir à la manière de Jovenel Moïse. C’était aussi le résultat  de la haine distillée tout le long de ce mandat par des adversaires et ennemis politique de Jovenel Moïse.

              On nous faisait croire que ce président était le plus impopulaire des présidents haïtiens et que son départ  du pouvoir causerait une explosion de joie.  A l’annonce de l’assassinat crapuleux du président, il n’en était rien. En ce jour du 7 Juillet 2021, une bonne partie de la population a plutôt accompagné la Police Nationale d’Haïti (PNH) dans la recherche des assaillants et a même lynché deux d’entre eux. C’est ce qu’on a relevé au niveau de la zone métropolitaine réputée hostile au président Moïse. Quant aux provinces, l’attitude de la population traduisait une hostilité vis-à-vis de tout ce qui pourrait représenter les assaillants, au point qu’il a été nécessaire de mettre en garde la population pour qu’elle ne tue pas des personnes à peau claire, en particulier les coopérants cubains vu leur ressemblance avec les  assaillants colombiens.

              Les réactions de ses adversaires et ennemis politiques et du simple citoyen

              Les adversaires et les ennemis politiques du feu président se sont mis de la partie pour condamner cet acte crapuleux ou ont gardé un silence prudent et complice. En tout cas, aucun n’a osé réclamer le pouvoir après cet assassinat pour ne pas être taxé de complice ou d’auteur intellectuel de cet acte crapuleux. Certes, sur les réseaux sociaux, certains partisans de ces leaders  ont osé exprimer leur joie, même là encore ils étaient en minorité. La condamnation de cet acte crapuleux était presque unanime. Il a fallu attendre 2 à 3 jours avant des sorties anti-Jovenel. Pour la plupart, des secteurs anti-Jovenel, religieux, barreaux des avocats, droits humains et autres) ont brillé par leur silence prudent et complice. Quant au simple citoyen interrogé, il était plutôt indigné et globalement en mode revanche. La voix de Martine de l’hôpital américain où elle est soignée, condamnant l’assassinat de son mari, a jeté une sorte de controverse et a réveillé l’opposition anti-Jovenel et un organe de presse a même affirmé que sa voix a été trafiquée. Certains médias et journalistes de renom ainsi que le gouvernement de Claude Joseph ont dû se jeter dans la bataille pour éclaircir la situation et confirmer la prise de position de Martine Moïse. Entre temps, ce qui reste du Sénat et certains partis politiques  y inclus le PHTK, le parti du feu président Moïse, ont appuyé un pouvoir à deux têtes, avec le Sénateur Lambert comme président et Ariel Henry, le premier ministre nommé et non installé par Jovenel Moïse et qui était contesté du vivant du défunt, comme premier Ministre, avec pour mission première d’annuler tous les actes posés par Jovenel Moïse.

              La lutte pour le pouvoir politique : Claude Joseph, Ariel Henry

              Ce pouvoir à deux têtes n’a pas eu l’aval de la Communauté Internationale et des américains qui ont endossé le premier Ministre ai, Claude Joseph. Cette lutte pour le pouvoir entre Claude Joseph et Ariel Henry n’a pas duré longtemps. Juste après le retour de Martine Moïse, le 17 Juillet 21, avec un bras en écharpe  qui a fait polémique (bras gauche avant, bras droite maintenant, tout est scruté à la loupe pour continuer l’assassinat de caractère de ce couple présidentiel), venue spécialement pour organiser les funérailles  de son mari, Dr Claude Joseph a donné sa démission au profit du Dr Ariel Henry qui l’a reconduit comme ministre des affaires au sein du nouveau gouvernement dont la mission essentielle est d’organiser les élections présidentielles et législatives. Parallèlement, une équipe de la société civile travaille sur une solution haïtienne à la crise de succession du président assassiné. Entre temps, le gouvernement démissionnaire de Claude Joseph a mis  le cap sur l’organisation des funérailles du président assassiné.

              Les funérailles de Jovenel Moïse au Cap-Haïtien et les incidents

              Selon le vœu du défunt, il devrait être enterré à côté de son père au Cap-Haïtien. C’est pourquoi, il y a eu d’abord une cérémonie funèbre à Port-au-Prince avec la présence de deux anciens présidents, Martelly et Avril, et ensuite, les funérailles au Cap-Haïtien, le 23 Juillet, émaillées d’incidents, avec la présence de la famille du défunt, d’une délégation de haut niveau des USA conduite par l’Envoyé Spécial américain en Haïti, M. Daniel Foote , de deux anciens PM, Evans Paul et Jack Guy Lafontant, des partisans de PHTK local  et d’un seul leader de l’opposition politique, Jean Charles Moïse, qui est arrivé à faire sourire Martine Moïse par un quelconque tour de parole, ce qui a donné lieu à des commérages sur les réseaux sociaux, et l’absence remarquée du secteur privé.

La plupart des gens du Nord ne voulaient pas que le feu président soit enterré avant la condamnation des coupables de cet assassinat crapuleux commis  par les gens de l’Ouest qui avaient assassiné, depuis Dessalines, 5 Chefs d’Etat venus du Nord dont Salnave, Saincinatus Lecomte, Vilbrun Guillaume Sam et Jovenel Moïse. Pour arriver à leur fin, ils ont bloqué, la veille, le jour même et le lendemain des funérailles, les routes, endommagé les ponts, brulé des véhicules, le magasin de Valério Canez au Cap-Haïtien et même un hôtel. Certaines délégations sur place n’ont pas pu participer aux funérailles, la délégation américaine a dû laisser précipitamment les funérailles  pour retourner à Port-au-Prince par voie aérienne car insultée par des badauds dont un quidam  en particulier accueilli comme un héros sur certains réseaux sociaux. Ces gens ont lancé des slogans séparatistes vis-à-vis de l’Ouest et ont programmé de mettre en place une république séparatiste dans le Nord du Pays (N, NE, NO et Centre). Peut-être l’Artibonite. On serait revenu au Royaume du Nord avec Christophe (1807-1820) et la République de l’Ouest avec Pétion (1807-1818), après l’assassinat de Dessalines le 17 Octobre 1806.

En tout cas, lors de ces funérailles, la famille de Jovenel Moïse[13], avec Martine Moïse en tête, a eu des prises de parole traduisant leur grande tristesse, leurs grandes frustrations, contenant un message on ne peut plus politique et réclamant justice. Et après son départ pour l’étranger, quelques jours après les funérailles, « avec enfants et même son chien » selon Matin Débat, Martine Moïse a donné une interview au Journal, Le New-York Times[14], où elle a raconté le film[15] de l’assassinat de son mari selon ce qu’elle a pu constater et entendre. Ce qui retient l’attention de tout le monde, c’est sa probable candidature à la présidence aux prochaines élections. Ce à quoi Dr Jean Fils Aimé[16] attribue à une sorte d’utilisation du personnage, Martine Moïse, veuve du défunt, par l’occident, en particulier les USA, pour arriver à perpétuer le système actuel, avec la candidature du Dr Claude Joseph ou, à défaut, avec celle d’un autre personnage tout acquis à leur cause et à celle des oligarques locaux. Il faut noter qu’avec le suicide de Me Gassant et l’arrestation de sa femme en République Dominicaine (libérée depuis), les partisans de l’opposition enflamment les réseaux sociaux et souhaitent l’arrestation de Martine Moïse pour l’assassinat de Jovenel Moïse. En tout cas, la famille Moïse et Martine en tête semblent assumer pleinement l’héritage de la présidence de  Jovenel Moïse.

              Eléments de bilan et l’héritage de Jovenel Moïse

              Il est difficile d’établir un bilan clair de la présidence de Jovenel Moïse, tellement l’homme touchait à tout et a beaucoup promis sans avoir les  moyens de sa politique, dans une conjoncture sociopolitique et économique à la limite de la catastrophe (PIB 2017 et 2018= 2.6% et PIB 2019-2020= -5%), marquée par l’entropie politique et la dégringolade de la gourde par rapport au dollar (+100 G pour 1 USD) ; quant à l’exercice 2021, il se soldera par une croissance faible ou négative. Les deux documents de référence qui pourraient aider à l’établissement d’un bilan objectif, « Le document de synthèse des plans d’action départementaux. 2018» et « le plan National de Sécurité alimentaire et Nutritionnelle-PNSAN actualisé 2018-2030 », n’ont pas été appliqués à la lettre. D’ailleurs, en toute logique, ces deux documents nécessitaient et  nécessitent, pour leur mise en œuvre, des fonds largement supérieurs aux budgets d’investissement des cinq ans de l’administration du président Moïse. Les éléments d’action tirés de ces documents et réalisés de manière partielle ont été confrontés à certaines contraintes majeures de la gouvernance haïtienne, le manque de ressources humaines qualifiées, le manque de planification, le manque de ressources financières au niveau des secteurs en charge de la mise en œuvre, et aussi à cette instabilité chronique et exacerbée tout le long de cette présidence. Il faut noter aussi qu’il est encore plus difficile, dans le cadre d’un article consacré principalement à l’assassinat brutal et crapuleux d’un président de la République, de donner un bilan exhaustif sur l’action globale d’une présidence de 4 ans et 5 mois interrompue de cette manière. N’ayant pas suffisamment d’informations sur les 150 établissements scolaires, dont a parlé ministre Agénor, ni sur les infrastructures d’eau potable (DINEPA a été plutôt dynamique) et hospitalières (Covid-19 oblige), je me concentre, juste pour donner une idée sur certaines actions entreprises dans 4 domaines : route, électricité, infrastructures agricoles et réforme institutionnelle.

Au niveau des infrastructures routières, en plus de la réhabilitation des routes en terre (+1500 Km) au niveau  de l’ensemble des départements géographiques grâce à l’achat de 123 M de dollars américains d’équipements lourds et la récupération d’environ 200 équipements dont 4 usines d’asphalte, 1 à Camp Perrin (Sud), 1 à Roseau (Grande-Anse), 1 à Gros Morne (Artibonite) et 1 à Trou du Nord (NE) réalisée mais non encore inaugurée, il faut aussi mentionner des routes revêtues (asphalte et béton). Grâce à ces usines et à d’autres du secteur privé, les réalisations phares en matière de routes revêtues avoisinent 200 km dont Cayes-Jérémie (Nationale No 7) 43 Km réalisés sous l’administration Moïse ; Carrefour Joffre-Port-de-Paix 80 Km dont 60 % de tronçons achevés selon le ministre Nader Joisséus  du MTPTC ; Hinche-St Raphaël (45 Km) sous financement UE ; Camp-Coq-Cap-Haïtien (36 Km), pour ne citer que ces tronçons ;  et des travaux de rénovations urbaines aux Cayes (centre-ville) ; Camp-Perrin (centre-ville et alentours) ;  Jérémie centre-ville, route de l’aéroport et aéroport de Jérémie ; Port-au-Prince (cité administrative, rues asphaltées et bâtiments publics) ; rues asphaltées et/ou bétonnées à Delmas , Tabarre, Pétionville, Gonaïves, L’Estère, Port-de-Paix, Trou du Nord, Ouanaminthe, Belladère, etc. Il faudrait aussi parler de places publiques construites et/ou rénovées dans diverses villes du pays.

Quant à l’énergie électrique, c’est un pays en chantier. La construction phare demeure la centrale de Carrefour 57 MW non encore inaugurée donc plus importante que Péligre (54 MW), celle de Port-de-Paix, celle de  Fort Liberté (6 MW), la réhabilitation de la Centrale hydroélectrique de Drouet (+ 3 MW), celle de ST Marc (en cours), celle du Cap-Haïtien (Sainte Philomène : 10 MW en cours), celle de Petit-Goâve, celle des Cayes, celle de Jérémie, celle de Jacmel, sans compter les petites centrales mixtes (Thermiques et Solaires) de 200 à 500 KW (Irois, Tiburon, Les Anglais, Chardonnières, etc.), et la distribution des kits solaires à des familles nécessiteuses dans des endroits isolés du monde rural.

Au niveau des infrastructures agricoles : Systèmes d’irrigation et Centres semenciers et de germoplasme, en plus des barrages phares de Marion  et de Grande Rivière du Nord (90% achevé), il faut noter la mise en place d’une cinquantaine de pompes à énergie solaire aux Gonaïves, à Anse-Rouge, à Port-de-Paix, Caracol, Ferrier/Fort Liberté, Plaine du Cul de Sac, dans les Nippes, etc. Soit environ 2500 ha. L’administration Moïse a mis en place 3 centres semenciers (Artibonite, NE et Sud) d’une capacité de 20,000 TM. Signalons aussi la mise en place de 5 centres de Germoplasme pour la production des plantules (Sud, GA, Nippes, NO et  N) d’une capacité de 4.5 M de plantules chacun par an.

Pour la réforme institutionnelle, elle se traduit par le vote et l’adoption d’une soixantaine  de lois, de décrets et d’arrêtés. Ces actes législatifs pour la plupart contestés plus par opposition à M. Moïse que pour des raisons vraiment valables. En tout cas, avec très peu de corrections, ces actes législatifs amélioreront l’arsenal législatif haïtien. De même, la réforme constitutionnelle entamée pourrait se concrétiser par de simples ajouts ou retraits du document élaboré par le Comité Consultatif Indépendant (CCI) mis en place par Jovenel Moïse. En fait, ce document était beaucoup plus contesté parce qu’initié par Moïse et non par l’opposition politique qui en avait parlé bien avant lui.

Conclusions et Perspectives

              Jovenel Moïse est brutalement assassiné par des mercenaires recrutés par des haïtiens et aidés dans leur salle besogne par des haïtiens chargés de sa protection. L’opposition à Jovenel n’a pas osé revendiquer le pouvoir plus par crainte d’être épinglée comme complice que par un quelconque regret d’y avoir contribué, mais manœuvre pour récupérer le pouvoir et annuler les actes posés par Jovenel dont certains décrets controversés. Il est difficile à date d’établir toutes les responsabilités dans le cadre de cet assassinat crapuleux, surtout les auteurs intellectuels. Les personnes écrouées jusqu’ici n’ont pas les moyens pour financer une telle entreprise. Le dossier « déféré au cabinet d’instruction » pourrait favoriser une belle avancée de l’enquête dans les prochains jours, semaines et mois.

Toutefois, il est clair que le président Moise a été victime de l’intolérance des hommes et femmes politiques et alliés, aussi de la plupart des structures organisées du pays, qui ont toujours été hostiles à son administration et à sa personne. Il suffit de relire  certains écrits, de revoir certaines vidéos et de réécouter certains enregistrements pour comprendre le niveau de propos haineux et de violences vis-à-vis de ce fils de l’arrière-pays, du pays en dehors. C’est ce qu’on qualifie de l’assassinat de caractère. Il en a parlé en plusieurs occasions. Sa femme également. L’ex-PM Evans Paul en a fait de même et en qualifiant Jovenel de "martyr" qui devient ainsi un problème sans fin contrairement à ce qui se passerait si on l'avait laissé terminer son mandat le 7 Février 2022. Bref, avec l'assassinat de caractère, le terrain était donc préparé pour son assassinat physique. Je vous réfère à mon article du 30 Septembre 2019[17] où j’avais pressenti l’assassinat du président Moïse. Et, quelles que soient les dérives de sa présidence, il ne méritait pas cette dégradante et macabre fin!

Donc, il est clair que la façon dont on fait jusqu’ici de la politique en Haïti est mauvaise, contreproductive et préjudiciable au pays et à la population. Une personne que je connais a développé une haine viscérale contre ce monsieur au point de déclarer être très contente de sa disparition, tout simplement elle a épousé la thèse de l’opposition politique et alliés que ce monsieur était responsable de tous les malheurs du pays. En 2004, cette personne avait la même attitude vis-à-vis d’Aristide qui avait subi le même matraquage médiatique. Aurait-elle été aussi contente de la disparition physique d’Aristide, prêtre défroqué de son état? Comment une chrétienne, disciple de l’apôtre de l’amour, pouvait-elle arriver à cette extrémité vis-à-vis de quelqu’un dont le seul péché a été d’occuper le fauteuil présidentiel? L’explication se retrouverait, selon moi, dans les discours haineux distillés par la majorité de nos hommes et femmes politiques et amplifiés par les médias de tous types et de toutes catégories.

Or Aristide et Moïse se battaient, tout au moins au niveau du discours (parfois haineux chez Aristide), pour les plus faibles, pour le changement du système « pezesouse » (surtout Jovenel), pour la réduction des écarts entre les riches et les pauvres (réduction des inégalités sociales et économiques), pour un système en équilibre, ce que j’appelle : « un système équilatéral avec un équilibre parfait entre les trois pouvoirs d’Etat ». La meilleure façon d’arriver à cela, c’est de produire ensemble une nouvelle constitution en améliorant l’avant-projet constitutionnel existant sans penser à celui qui l’avait initiée.

En tout cas, cet assassinat devrait nous permettre de mettre fin à une époque (l’intolérance politique) et de rentrer dans une nouvelle ère à partir d’une grande concertation nationale nous conduisant à une stabilité politique selon un seul leitmotiv : Haïti d’abord et avant tout, et débouchant sur une vision d’une Haïti Emergente en 2040 et Phare du monde en 2054, l’année du 250e anniversaire du premier Etat Nègre du monde. 

Ainsi, on ne dira plus « ki mò ki touye Lanperè ? » à propos de la non-élucidation jusqu’à date de la mort de l’Empereur Dessalines, le premier chef d’Etat Haïtien assassiné, car Jovenel Moïse, le dernier en date, trouvera justice d’une manière ou d’une autre, et on ne dira pas non plus « M’ap Jovenel ou » (« Tu auras le sort de Jovenel »), pour tout autre président, qu’il soit haïtien ou étranger, qui n’aurait pas respecté un deal avec des partenaires haïtiens (oligarques et autres) et étrangers (communauté internationale, « pays amis »), au cas où le deal se révélerait plus tard non conforme au bien-être  de la majorité des citoyens  d’Haïti ou de n’importe quel autre pays du monde, nègre ou pas.



[3] Cellule d’Appui Stratégique au Développement de l’Agriculture (CASDA)

[7] Gary Pierre Paul Charles Actes 1 : https://youtu.be/FtcbLCDAf-M  et 2 https://youtu.be/BmDEikrpw2E

[15] /lenouvelliste.com/article/230687/lassassinat-de-son-mari-et-son-intention-de-se-porter-candidat-a-la-presidence-martine-moise-se-confie-au-new-york-times

[16] Les magouilles de la candidature  de Martine Moïse : https://youtu.be/g46rUXMnspg

vendredi 2 juillet 2021

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (16), LE MONDE BOUGE, HAITI S’ENFONCE DANS LE CHAOS ET L’INDIGNATION

 

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (16), LE MONDE BOUGE, HAITI S’ENFONCE DANS LE CHAOS ET L’INDIGNATION

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

2 JUILLET 2021

              A titre de rappel, je suis, en ce mois de juin 2021, à ma 16e chronique sous le même thème : «  Covid-19, Haïti et le monde à la croisée des chemins ( ?) » depuis Mars 2020. Pas encore de réponse à cette brulante interrogation. Au niveau mondial, c’est la première rencontre en présentiel du G7 depuis l’apparition du covid-19 en décembre 2019, les 7 grandes économies mondiales du monde occidental sous le leadership américain au Royaume Uni ; c’est aussi le Sommet russo-américain, à Genève, entre Joe Biden et Vladimir Putin. C’est d’un côté la coupe d’Europe des Nations avec présence certes limitée des spectateurs aux stades, c’est de l’autre la Copa America sans spectateurs. De quoi nous divertir du spectre chaotique haïtien : aggravation des cas de covid-19, guerre des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, gangs vs gangs, gangs vs populations, gangs vs la Police. Ce qui débouche sur des déplacés par milliers, des blessés, des morts, des  actes terroristes tels : le massacre[1] du 29 Juin de 15 personnes à Delmas 32, dont Netty Duclaire, une journaliste et activiste politique, et Diégo Charles, un journaliste de Vision 2000, le saccage  des installations de la DINEPA à Noailles, Croix-des-Bouquets[2], des tirs d’armes automatiques  sur des véhicules publics et privés, une détérioration  du marasme économique. Ce sont des conséquences de l’envenimation de la crise politique haïtienne, malgré la mission de trois jours de l’OEA[3] en Haïti et dont les recommandations se rapprochent étrangement de certains aspects de l’accord politique minimal[4]  proposé  à la fin de ma chronique de Mai 21, comme la question sécuritaire, le renvoi du référendum, la nomination d’un premier ministre de l’opposition à la Primature, la mise sur pied d’un autre CEP, etc. D’où le titre de cette chronique du mois de juin 2021 : COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (16), LE MONDE BOUGE, HAITI S’ENFONCE DANS LE CHAOS ET L’INDIGNATION.

              Cette chronique analysera la situation au niveau mondial eu égard au coronavirus, la situation haïtienne eu égard à la crise haïtienne et le dernier développement lié à l’aggravation des cas de covid-19, de la situation sécuritaire, au passage de  la mission de l’OEA en Haïti au cours du mois de Juin 2021, avec pour conséquences le renvoi du Referendum, le nouveau calendrier publié par le Conseil Electoral Provisoire (CEP), et le ralentissement de l’économie et se terminera sur les conclusions appropriées.

1.       La Situation au niveau mondial, Covid-19, Sommet G7, Sommet Russo-Américain

Avec 181,970,477 cas de contamination, 3,940,936 de mortalité et 119,299,329 cas de récupération, c’est la situation du covid-19 au niveau mondial[5]. Les USA sont toujours en première position suivis de l’Inde, du Brésil et de la France, le premier pays européen en la matière. Un pays  comme le Portugal envisage de rétablir le couvre-feu nocturne à partir du vendredi 2 Juillet dans 45 communes dont Lisbonne (#AFD), à cause de la présence du variant Delta beaucoup plus contagieux. En attendant, ces pays vibrent au son de  la musique du championnat d’Europe des Nations (football), qui se joue avec une participation limitée des spectateurs (30-60%), contrairement à l’Amérique Latine où la Copa America se joue pratiquement sans spectateurs, covid-19 oblige.

Dans un autre registre, parlons un peu du Sommet du G7[6]. « Ce sommet de trois jours en Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre), le premier en presque deux ans, marquait le retour des contacts directs après des mois de visioconférences pour le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon et le Canada » sous le leadership américain. « America is back », pour répéter Biden. C’est le renforcement des liens avec les alliés et partenaires du G7, la bataille contre le Covid-19 (1 milliard de vaccins pour les pays pauvres), action pour le climat, le renforcement du positionnement de l’occident par rapport à la montée de la puissance chinoise et l’attitude belliqueuse de la Russie vis-à-vis de son voisin l’Ukraine qui se place de plus en plus sous la protection de l’occident. C’est aussi l’envisagement des mesures pour renforcer les économies de l’occident. Comme par hasard, quelques semaines après le sommet, Selon l’INSEE, l’économie française en termes de PIB devrait croitre de 6% nettement supérieure à l’estimation du gouvernement (5%), grâce notamment à une forte reprise de la consommation des ménages (#AFP).

              Par rapport au sommet Biden-Putin, cette face à face a eu pour effet de dégeler un peu la situation entre ces deux puissances militaires. Certes les problèmes ne sont pas résolus, mais le fait de se parler a éclairci certains malentendus et apporté une certaine détente par rapport à la grande tension liée aux déclarations antérieures (renvoi des diplomates de part et d’autre, tentatives de Moscou d’influencer les élections américaines, le piratage des entreprises américaines (Gaz et autres) par des hackeurs basés en Russie. Dorénavant, il faudrait des relations plus « prévisibles » et une gestion des désaccords de façon « rationnelle», selon Biden. Et Putin a trouvé la rencontre « constructive » et sans « aucune animosité ».

              Quant à la politique interne des USA, les républicains bloquent pratiquement tout pour empêcher Biden de respecter ses promesses électorales, dont la plus connue demeure la question infrastructurelle. Malgré tout, la reprise est bien amorcée avec la maitrise du covid-19 (+ 45% de la population américaine ayant reçu les deux doses vaccinales et  cet indicateur augmente continuellement). Cette reprise a des répercussions sur l’économie mondiale en général et sur les petites économies de la Caraïbes, ne serait-ce qu’en termes de transferts.

2.       La situation socioéconomique et politique du pays haïtien 

              Par contre la situation haïtienne est des plus désastreuses. Le COVID-19 prend de l’ampleur à partir de la présence des variants anglais et brésilien. La nouvelle vague a causé la mort de beaucoup de personnes de renom comme le président de la Cour de Cassation, Me Sylvestre et la contamination présumée de l’ex-président Aristide, évacué en urgence sur Cuba et dont la mère est décédée entre temps à l’âge de 100 ans. Selon les dernières nouvelles, l’ex-président est testé négatif à Cuba. Ces  cas   poussent un plus grand nombre d’haïtiens à prendre conscience de la maladie, au point que les gens  qui, auparavant, étaient contre la vaccination de la population condamnent le ministère de la santé publique et de la population (MSPP) qui autorise les entreprises  privées à faire venir les vaccins, bref de privatiser le processus de vaccination, le seul pays au monde à le faire jusqu’à présent. 

        En tout cas, au-delà de toutes considérations, c’est qu’il y a une plus grande prise de conscience de la part de la population vis-à-vis de la pandémie de Covid-19. La situation se présente ainsi : 18,658 cas de contamination, 436 cas de mortalité et 12,847 cas de récupération. En comparaison au mois de Mai 21, cela fait 4205  cas de contamination  et 125 cas de mortalité en plus pour le mois de Juin.  Dans les deux cas, c’est vraiment inquiétant. Jamais Haïti n’a enregistré de tels chiffres en un mois. Quand on connait l’état de notre système de santé et la tendance de l’ haïtien à ne fréquenter l’hôpital qu’en cas d’extrême urgence, il faudrait au moins multiplier ces chiffres par 5. Il faudrait s’attendre au pire dans les prochains jours vu le déni de la grande majorité des haïtiens par rapport à cette pandémie. Il faudrait tout de même tempérer par rapport aux autres pays de la région comme la République Dominicaine, la Jamaïque et même Cuba qui ont connu une situation beaucoup plus alarmante que notre pays.

              Une guérilla urbaine..  un encerclement de type militaire

Comme si cela ne suffisait pas, Haïti fait face à une sorte de guérilla urbaine au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui  se traduit par cette ganstérisation à outrance de la zone et  par cette guerre des gangs. Tout d’abord, il faut remarquer un encerclement  de cette zone par des gangs (i) à l’entrée sud de la Capitale Port-au-Prince, au niveau de Martissant et de Fontamara, (ii)à l’entrée nord, au niveau  de Canaan, Titanyen (source Puante) et de Morne à Cabri, (iii) à l’entrée Est au niveau de Ganthier, et (iv) à l’Ouest, cette zone est adossée à la mer. Cette zone est contrôlée globalement  par 1) le Groupe G9 et Alliés Mayen Youn Manyen tout, une fédération de bandits, qui, ces derniers temps, en dépit des déchirements internes entre chefs de gangs (les généraux comme ils se nomment pompeusement) pour le contrôle des territoires à l’intérieur de la grande zone décrite,  se transforme, de bandes  de kidnappeurs, de voleurs, de malfaiteurs en une « force révolutionnaire »,  pour capoter « le système Pezesouse », et 2) par le Groupe 400 Mawozo, qui opère beaucoup plus comme des kidnappeurs, des pilleurs, des incendiaires. C’est ce Groupe qui s’est illustré dernièrement en kidnappant des religieux au niveau de Ganthier et les ont gardés pendant une vingtaine jours. Le Groupe G9  a la responsabilité de l’entrée Sud, le bord de mer et une partie de l’entrée nord, tandis que le Groupe 400 Mawozo s’occupe de la partie Est et une partie de l’entrée nord. Un encerclement de type militaire pour répéter le colonel Rébu, un ancien de l’Armée d’Haïti.

 Le mode opératoire  est le même pour les deux groupes. Si, dans le temps, ils dépendaient des politiciens de tous bords (pouvoir et oppositions) et du secteur des affaires pour le financement et leur alimentation en armes et munitions, on sent  que, depuis quelque temps, ils s’autonomisent, se finançant à base de kidnappings spectaculaires contre rançons faramineuses en dollars américains. Ils tirent à vue sur des véhicules publics, privés et de l’Etat. Ils brulent aussi ces véhicules, attaquent des commissariats de police, s’en occupent (Cité Soleil, Grand Ravine), les rendent non opérationnels (Portail Saint Joseph pratiquement détruit, Cité Soleil barricadé, Martissant et Grand Ravine inopérant et occupé). Plus grave encore, ils tuent des policiers, des gens paisibles, pillent des magasins, provoquent le déplacement des populations par milliers, attaquent les installations de l’Etat (EDH, DINEPA. Ces assauts contre l’Etat, ces agressions contre la population haïtienne sans défense et livrée à elle-même, et contre des citoyens paisibles provoquent de l’indignation. Les forces de l’ordre n’arrivent pas à faire face, étant acculées par l’assassinat des policiers, les attaques des commissariats et forcée de répondre aux urgences de tous les jours.

C’est vraiment indignant

Pour être plus précis, la situation sécuritaire se dégrade et devient infernale. Les gens se terrent chez eux pour la grande majorité, en tout cas ceux qui en ont les moyens, s’expatrient, et d’autres plus modestes se réfugient en province. Tout ceci est dû à la guerre des gangs, les attaques contre l’Institution policière, le pillage des magasins, les attaques contre les institutions étatiques (Installations DINEPA à Croix-des-Bouquets, commissariats de Police, contre les populations civiles à Martissant, Fontamara, Cité Soleil, Croix-des-Bouquets, Bas Delmas, Bélair, les réfugiés internes, le blocage de la Nationale No 2 au niveau de Martissant et de Fontamara, et la tuerie du 29 Juin 21 à Delmas 32 d’une quinzaine de personnes dont le journaliste et activiste politique, Diego Charles et Netty Duclaire ; un jeune de 25 ans a été tué à Croix-des-Bouquets, sans compter les blessés ; un journaliste est en soins intensifs et se bat contre la mort. Si on devait énumérer l’ensemble des assassinats perpétrés depuis les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018, qui marquent le tournant de la crise actuelle depuis la prise de pouvoir le 7 Février 2017 par Jovenel Moïse, cela dépasserait largement les morts provoqués par le Covid-19 en Haïti à date. C’est vraiment indignant qu’une crise politique basée essentiellement sur la lutte pour le pouvoir politique ait provoqué autant de pertes en vies humaines. Cette catastrophe politique, cette entropie politique aurait pu se résoudre depuis belle lutte si nos politiciens, qui crient sur tous les toits qu’aucun sacrifice n’est trop grand pour Haïti, avait un brin d’amour réel pour ce pays par rapport à leur égo surdimensionné.

Les deux voyages du Président en Equateur et en Turquie

 Malgré cette situation d’insécurité généralisée au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le Président Moïse a effectué deux voyages à l’étranger, un  en Equateur pour assister à l’investiture du Nouveau Président élu de ce pays et rencontrer les officiels d’autres pays dont le Représentant du gouvernement américain, et un en Turquie pour participer au Sommet de l’Antalya, la 4e ville de la Turquie, pour discuter avec les autres chefs d’Etat ayant participé à ce Sommet et solliciter l’aide du Président Recep Tayyip Erdogan de la Turquie en lien avec la question sécuritaire et de développement d’Haïti. Simple coïncidence, l’occupation de Laboule 12, une zone huppée de la zone métropolitaine, par des bandits armés qui rançonnaient la population et les véhicules des passants sur l’axe Pétionville-Kenscoff, a été vite résolue par la Police Nationale d’Haïti (PNH) appuyée par des consultants étrangers selon le DG de l’institution policière, des mercenaires étrangers (« dominicains et colombiens ») et des habitants armés de Laboule, selon d’autres sources.

Ce qui fait dire à Jimmy Chérisier, BABEKYOU, le chef du G9 et Alliés, allié de l’administration en place selon Pierre Lespérance, le principal responsable du réseau des droits humains RNDDH, que l’administration actuelle, y inclus le Président Moïse, est au service du système  contre lequel se bat « la force révolutionnaire » du G9 qu’il dirige. En effet, selon Chérisier, depuis un mois, les gangs de Ti Bois, de Grand Ravine, de Fontamara appartenant au G9 (c’est nous qui ajoutons), s’entredéchirent, brulant les maisons de paisibles citoyens, provoquant leur déplacement et bloquant toute communication entre le grand sud (Grande-Anse, Nippes, Sud, Sud-Est et une partie de l’Ouest, environ 4.5 départements sur 10 ) avec le reste du pays, paralysant  tout un pan entier de l’économie du pays, sans aucune intervention des forces de l’ordre et de l’Etat, sauf sporadiquement sur la Nationale No 2. Ce que Chérisier n’a pas dit, ce sont ses propres alliés qui provoquent cette situation depuis belle lurette, mettant en déroute les forces de l’ordre, assassinant les policiers à village de Dieu, prennant en otage des commissariats à Grand-Ravine, à Martissant, des antennes de la PNH au niveau de la zone métropolitaine, en particulier au niveau de Cité Soleil.

Les recommandations de la mission de l’OEA en Haïti

C’est dans cette ambiance  qu’a débarqué en Haïti  la mission de l’OEA au cours du mois de Juin 2021 pour rencontrer les acteurs politiques, le secteur religieux, le secteur privé, la société civile et essayer de favoriser un dialogue entre les protagonistes haïtiens de la crise haïtienne vers un accord minimal en vue de réaliser les élections à la fin de 2021. En effet, l’OEA : « De se féliciter de l'invitation lancée par le Président haïtien à l'OEA en vue de l'envoi d'une mission d'observation pour les élections prévues cette année, et d'offrir les bons offices de l'OEA, sous l'autorité du Conseil permanent, afin de faciliter un dialogue qui conduirait à des élections libres et équitables ». Le rapport de l’OEA de 9 pages donne un compte rendu fidèle des divers secteurs rencontrés et dont les points de vue ne sont pas aussi  tranchés par rapport à ce qu’on entend à la radio, lit dans les journaux en ligne, dans les quotidiens de la Capitale, dans les hebdomadaires, et qu'on visionne sur les réseaux sociaux. C’est comme si les acteurs haïtiens étaient devenus beaucoup plus conciliants en face du « blanc ». Les recommandations du rapport sont assez claires, pour rétablir la confiance de la population et relancer le processus électoral,

1)      Désignation rapide d'un Premier Ministre et d'un Cabinet qui auront la confiance du peuple haïtien.

2)      Mesures urgentes prises pour rétablir un climat de sécurité, conformément aux obligations en matière de droits de la personne.

3)      Nomination de nouveaux membres au Conseil électoral provisoire afin de garantir que le peuple haïtien ait confiance en cette institution essentielle et que les élections locales, législatives et présidentielles aient lieu cette année.

Ces recommandations correspondent plus ou moins à la proposition d’accord minimal proposé dans la chronique de Mai 2021. Il a été, entre autres, proposé, une aide de l’OEA pour régler la question sécuritaire, un premier ministre de l’opposition, un CEP de consensus, le renvoi du processus référendaire à une date ultérieure, l’organisation des élections et du référendum en même temps et à la fin de l’année. En tout cas, bien avant le rapport de l’OEA,  l’administration haïtienne a renvoyé sine die le référendum du 27 Juin 2021 sous prétexte de recrudescence du covid-19, et le CEP a publié à la fin du mois de Juin un nouveau calendrier électoral et référendaire. Selon ce qui se dit en coulisse, cette administration « négocie avec certains opposants » pour un autre cabinet ministériel de consensus. Attendons voir.

Le « Gang lok » et la situation économique

 Le « Gang Lok », pour répéter l’économiste K. Pharel,  produit un net ralentissement de l’économie[7], aggrave le marasme économique dans lequel patauge le pays depuis 2019 et pèsera très lourd sur la croissance du PIB de cette année. La dégringolade de la gourde par rapport au dollar, officiellement 92,73 HTG  à l’achat et 95,06 à la vente pour 1 USD et plus de 100 HTG pour 1 USD sur le marché parallèle, augmente considérablement la cherté de la vie et jette encore plus d’haïtiens dans l’insécurité alimentaire aigue et la misère la plus abjecte pour la plupart de la population haïtienne, surtout les plus défavorisés.

3.       En Guise de conclusion

              A la lumière de ce qui est analysé plus haut tant au niveau mondial qu’en Haïti, a-t-on besoin d’être un spécialiste pour conclure que le monde  bouge alors que  notre chère Haïti s’enfonce dans le chaos et l’indignation, surtout avec la tournure d’assassinat de paisibles citoyens en pleine rue de ces derniers jours que prennent les événements ? Sommes-nous devenus si inhumains ? Ces criminels qui tuent sans sommation sont très loin  de ces paisibles citoyens haïtiens d’antan et de ce peuple « qui  chantait et qui dansait ». Heureusement, ces paisibles citoyens qui subissent actuellement cette invraisemblable situation, existent toujours et sont en majorité dans l’ensemble du pays et c’est ce qui nous donne l’espoir d’un lendemain meilleur pour Haïti. Pensons « Haïti d’abord et avant tout » et la solution à toute cette problématique haïtienne fusera d’un moment à d’autre. Inévitablement !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

lundi 31 mai 2021

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 MAI 2021

Cette chronique est la 15e abordée depuis Mars 2020 sous le thème : Covid-19 : Haïti et le Monde à la croisée des chemins (?). Jusqu’à date, cette interrogation demeure. Dans la chronique du mois de Décembre 2020[1], nous avons fait part de notre inquiétude par rapport à une probable deuxième vague du covid-19, avec des variants beaucoup plus contagieux et plus mortels. Dans cette chronique de Décembre, nous avons prévu une aggravation de la situation politique et de ses conséquences sur l’économie et le social en plein année électorale.  Dans notre 14e chronique[2], nous avons senti, à partir de notre optimisme habituel et en dépit de l’exacerbation de la polarisation politique, une lueur d’espoir d’un accord minimal entre nous avec l’OEA comme facilitateur et dont une mission[3] de haut niveau est attendue en Haïti dans les prochains jours. A bien regarder les positions radicalement opposées des protagonistes politiques s’exprimant dans une approche totalement manichéenne, même sur des sujets qui devraient faire consensus comme le coronavirus, le kidnapping, nous constatons de préférence une envenimation de  la crise politique  rendant  le pays invivable, tout au moins au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. C’est dans cette logique qu’il faut situer la chronique du mois de Mai 2021 : «COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE».

Cette chronique s’attardera sur la situation au niveau mondial en matière de coronavirus avec un clin sur la situation aux USA, analysera  la nouvelle vague de Covid-19 en Haïti, jettera un coup d'oeil  plus ou moins approfondi sur la crise haïtienne et ses conséquences sur l’économie, et se terminera sur des conclusions appropriées et des perspectives en termes de proposition pour un accord minimal.

SITUATION AU NIVEAU MONDIAL ET AUX USA

En matière de Coronavirus[4], alors qu’on constate une nette amélioration aux USA malgré la présence de variants anglais et brésilien et peut-être d’autres variants, l’inde et le Brésil sont toujours sous pression. En Europe, la situation semble connaitre une bonne amélioration au point que la finale de la coupe d’Europe des clubs champions (Chelsea- Manchester City : 1-0) et s’est réalisée avec la présence d’un certain nombre de spectateurs (1/3 du stade rempli). Quant à l’Amérique Latine, la situation s’empire au point que l’Argentine a dû renoncer à la COPA AMERICA. Globalement, voici comment se présente la situation du covid-19 : 170, 384,848 cas de contamination, 3, 542,587 cas de mortalité et 107, 630,598 cas de récupération depuis le début de la pandémie. Les USA sont toujours en tête avec 33,259,551 cas de contamination, 594,431 cas de mortalité, suivis de l’ Inde en 2e position, avec 28,047,534 cas de contamination, 329, 100 cas de mortalité, et 25,692, 342 cas de récupération, et du Brésil en 3e position, avec 16,515,120 cas de contamination, 461,931 cas de mortalité et 14,540,509 cas de récupération. La France est toujours en 4e position avec 5,608,347 cas de contamination, 108,574 cas de mortalité, et en première position en Europe.

Tous les pays affectés ont connu ou connaissent un ralentissement de leurs activités économiques. Les USA, la plus grande économie mondiale, a connu une période de ralentissement si terrible qu’elle a fait perdre les élections au parti républicain et coûté la présidence  à Donald G. Trump, actuellement sous investigation dans l’Etat de New York pour fraudes. Celui-ci n’a jamais accepté sa défaite, accusant les démocrates d’avoir fraudé (le gros mensonge) dans les élections de Novembre 2020, au point que certains républicains, et pas des moindres, reconnaissent encore Trump comme leur président, et Joe Biden comme un usurpateur.  Ce dernier a mené à pas de course l’Amérique durant les 100 premiers  jours de son mandat. Les programmes mis en œuvre ont permis une certaine relance de l’économie américaine comme on l’a expliqué dans la chronique précédente, et ce, malgré la mauvaise foi manifeste du parti républicain, majoritairement sous influence du « parrain Trump » qui opère à la manière de Marlon Brando et de Al Pacino dans le film du même nom. Abner Gelin de Haitian Public Media (HPM) parle même de « messie » en ce qui a trait à l’attitude et à l’allégeance  de la majorité des républicains vis-à-vis de Donald Trump. Pour faire passer ses programmes, l’actuel président Joe Biden a dû faire des concessions au parti républicain, en particulier pour le programme d’infrastructure dont le budget est revu à la baisse sous la pression de ce parti avec ses 50 sénateurs à la chambre haute. La relance de l’économie américaine influence positivement beaucoup de pays de la région, dont la République Dominicaine et Haïti.

NOUVELLE VAGUE DE COVID-19 EN HAITI

Jusqu’au mois dernier, Haïti était considérée comme un cas particulier en matière de Coronavirus. Ce qui m’a poussé à l’exprimer ainsi : « Le cas particulier d’Haïti se traduit par seulement 13,017 cas de contamination, 254 cas de mortalité et 12,143 cas de récupération », le 29 Avril 2021. Un mois plus tard, voici comment la situation se présente au 25 Mai 2021 (Réf. MSPP. Avi # 386 du 26/05/21) : 14,453 cas de contamination, 311 cas de mortalité et 12,541 cas de récupération. Ce qui se traduit  par 1436 cas de contamination et 57 cas de mortalité pour le seul mois de Mai 21. Durant les 14 premiers mois de la pandémie en Haïti depuis le 19  Mars 2020, la moyenne mensuelle de 929 cas de contamination et  surtout de 18 cas de mortalité est largement dépassée au cours de ce mois de Mai 2021 pour les informations disponibles au 25 Mai.

 Quand on sait qu’il faudrait multiplier par 5  les cas de contamination eu égard aux faiblesses de notre système de santé, on comprend aisément la panique qui s’empare des autorités, qui ont décrété un état d’urgence sanitaire[5], le 3e du genre par rapport au covid-19, pour une huitaine de jours à partir du lundi 22 Mai 2021, et celle des observateurs avertis par rapport à cette recrudescence  de la pandémie dans notre pays. Les journaux comme Le Nouvelliste et Le National parlent de « nouvelle vague » en lien avec les variants anglais et brésilien sur le sol haïtien. Pourtant, la population semble ne pas prendre conscience de la nouvelle tournure  de la pandémie, beaucoup plus contagieuse et surtout beaucoup plus mortelle, et ce malgré la mort du Directeur Général de l’ONA, Me Chesnel Pierre, celle du Dr Yolène Suréna, de l’ancien sénateur de la Grande-Anse, Maxime Roumer  et de la contamination de beaucoup de gens de renom.

En tout cas, au niveau de la zone de Duval, à Croix-des-Bouquets, les jeunes, en particulier les écoliers d’un collège, se sont donnés à cœur joie, le vendredi 28 Mai, à une séance de « raboday », se déhanchant à tue-tête, sans masque et sans respect de la distanciation physique, au sein même de l’établissement scolaire. Il faudrait s’attendre à une aggravation de la situation sanitaire dans le cas où la population continuerait de dénier la maladie et de se comporter vis-à-vis d’elle avec autant de désinvolture. Haïti est donc loin de sortir de l’auberge si l’on se réfère à la situation sociopolitique et économique.

SITUATION SOCIOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE EN HAITI

C’est vrai que la recrudescence du Covid-19 en fait l’un des faits saillants de l’actualité, mais la crise sociopolitique n’est pas pour autant occultée. Au contraire, elle demeure le principal fait d’actualité, d’autant que le référendum constitutionnel, un sujet très controversé entre le pouvoir en place et l’opposition, est toujours programmé pour le 27 Juin prochain. En dépit de la sortie de la deuxième version de l’avant-projet de constitution qui a pris en compte les principales remarques de l’opposition politique et celles des intellectuels qui ont lu et fait  des recommandations au comité consultatif indépendant (CCI) en charge de l’élaboration de l’avant-projet constitutionnel, l’opposition annonce un ensemble d’actions anti-gouvernementales et violentes allant, entre autres, jusqu’à la distribution de manchettes, à Léogane, pour bloquer le processus et empêcher la tenue du référendum du 27 Juin par « tous les moyens ». Ce à quoi le ministre de l’intérieur a.i., Gonzague Day, menace de sévir avec la dernière rigueur, en particulier contre des leaders comme Michel André et le président du Sénat, Joseph Lambert, qui incitent la population à attaquer les bureaux de vote (krazebrize). M. Day a promis de les arrêter si ces leaders osent  participer personnellement aux attaques contre les bureaux de vote (Kodnèf/ menotte). C’est dans cette ambiance manichéenne qu’évolue notre pays (pour ou contre). L’arrivée prochaine de la mission de l’OEA en Haïti pourrait atténuer  la polarisation de la situation, ouvrir la voie à une certaine forme de dialogue et déboucher sur un accord minimal entre les protagonistes de la crise. Rien n’est moins sûr si l’on se base sur la violence des propos d’une frange de l’opposition politique et la détermination du pouvoir à mener à terme le processus référendaire en Juin 21, et les élections générales en septembre 21.

D’un autre côté, le phénomène de kidnapping, qui s’est soldé par 91 cas d’enlèvement le mois d’Avril 21, se poursuit ce mois-ci, malgré une trêve  promise par les gangs de Village de Dieu et de Grand-Ravine. Certes le nombre de cas va diminuant, mais les médias ont signalé grosso modo  une dizaine de cas d’enlèvement, dont la plupart sont attribués au gang 400 Mawozo de la Croix-des-Bouquets et autres groupes. Ce qui confirme que plusieurs autres groupes de gangs opèrent au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

En plus du kidnapping, des morts sont signalés dans les conflits entre gangs de Cité Soleil, interdisant par ainsi l’accès à une partie de la Route 9 qui dessert la Capitale. Le principal leader du G9, Jimmy Chérisier, Babekyou, a été blessé lors de ces affrontements. La zone de Bélair, un quartier de Port-au-Prince, est toujours le théâtre d’affrontements entre gangs pro-pouvoir et pro-opposition avec des victimes collatérales et perturbations des activités de toutes sortes, en particulier scolaires, dans la zone et environs. En témoigne le non fonctionnement du Lycée Pétion, faute de professeurs et des manifestations d’élèves qui en réclament en accusant le pouvoir d’avoir failli à sa mission sécuritaire.

Dans ce même ordre d’idées, un officier de police a été assassiné au début du mois par le gang 400 Mawozo à la Tremblay, Croix-des-Bouquets. Des bandits ont attaqué à coups d'armes automatiques un mini bus faisant le trajet Gonaïves-Port-au-Prince, tuant un passager d’une balle à la tête et blessant d’autres. Deux journalistes de la Radiotélévision Caraïbe (RTVC) ont failli y « laisser leur peau», ce vendredi 28 Mai, au niveau de Titanyen[6], à l’entrée nord de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Haïti, ont causé des pertes en vies humaines à Belladère, à Pétionville et à Port-au-Prince (inondation).

On comprend, dans ces conditions, le ralentissement de l’activité économique et paradoxalement la dégringolade de la gourde par rapport au dollar qui frôle officiellement 90 HTG pour 1 USD et plus de 100 G pour 1 USD au marché parallèle, avec une rareté de dollars américains au niveau des banques commerciales. Ce qui nuit considérablement aux activités économiques ayant des liens avec l’étranger, surtout les micros, petites et moyennes entreprises. Il faut tout de même noter l’inauguration du Barrage de retenue de Marion, le 1er Mai, l’avancement des travaux sur le barrage de dérivation de Latannerie, l’avancement des travaux de route et d'électricité à travers le pays, en particulier la nouvelle centrale de Carrefour de 60 MW pratiquement achevée et qui sera mise en service le 4 juin prochain, si l’on en croit les informations distillées par le Directeur de l’EDH, Michel Présumé, et le Coordonnateur de l’ANASE, Dr Evenson Calixte. 

Dans un registre plus large, la vie chère s’accentue. La sécurité alimentaire est entrée dans sa phase d’urgence alimentaire (catégorie iv selon l’échelle utilisée en la matière), avec 4.4 millions de personnes en urgence alimentaire, si ce n’est plus vu l’évolution négative de la situation globale du pays en termes de crise politique, kidnapping, recrudescence du coronavirus et l’accentuation de la polarisation politique eu égard au référendum du 27 Juin 2021.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Le Coronavirus frappe de manière beaucoup plus virulente. La crise sociopolitique s’envenime et se répercute sur la situation économique. La misère s’installe. Nos politiciens continuent de se battre pour les broutilles de pouvoir, s’accusant mutuellement des cas de kidnapping, d’assassinat de paisibles citoyens, se préparant à en découdre sur la question référendaire et autres, sans se soucier de la situation de misère de la population. Haïti est un véritable baril de poudre, prête à exploser à la moindre étincelle. Les pays amis nous regardent avec pitié et nous font hypocritement la leçon en nous incitant du bout des lèvres à nous entendre, tout en continuant à pousser le chaud et le froid sur les deux camps en conflit (souvenez-vous des propos du président F. D. Roosevelt). Les USA, les Nations Unies et l’OEA semblent pencher du côté du Gouvernement de facto (Elections avec le Président Moïse), tandis que l’Union Européenne semble regarder du côté de l’opposition (Transition). Et notre pays périclite en « pour ou contre » au grand dam de ses vrais et dignes fils et filles qui semblent mieux comprendre les enjeux visés par cette communauté internationale que nos politiciens, eux-mêmes obnubilés malheureusement beaucoup plus  par le mirage du pouvoir pour le pouvoir que par la rédemption et le développement  d’Haïti.

Que peut-on espérer de l’arrivée de la mission de l’OEA dans les prochains jours ?

Depuis le 7 Février 2017, la branche radicale de l’opposition n’a jamais accepté la présidence de J. Moïse. Elle est rejointe en cours de route par l’opposition plurielle et la société civile. Depuis le 7 Février 2021, l’opposition plurielle ne considère plus Moïse comme le président d’Haïti qu’elle qualifie de « dictateur ». Quant au président, il se considère comme le président légitime et ne compte laisser le pouvoir que le 7 Février 2022. Il prend les dispositions pour organiser le référendum constitutionnel, le 27 Juin 2021, et les élections générales en septembre 2021. Pour cela, il demande à l’OEA de faciliter un dialogue entre lui et ses opposants pour un accord minimal. En face, une branche de l’opposition demande à l’OEA de venir l’aider à organiser un départ ordonné du président en vue de mettre en place une transition. La mission de l’OEA, c’est de faciliter un dialogue entre les protagonistes de la crise haïtienne.

Cette crise haïtienne dure depuis plus de 4 ans dans sa phase actuelle. Comment trouver un consensus/accord minimal entre les protagonistes pour Haïti? A partir de l’évolution actuelle de la situation, que pourrait faire l’OEA?

A mon humble avis, et eu égard à d’autres tendances et au vœu exprimé par Me Dorval avant son assassinat, il faudrait :

(i)                Favoriser, dans un délai très court (15 jours à 1 mois), un appui logistique et opérationnel  de la communauté internationale pour la question sécuritaire ;

(ii)               Demander au pouvoir en place:

1-   De surseoir provisoirement sur la question du référendum constitutionnel, 

2-   D’ouvrir le comité consultatif indépendant (CCI) à l’opposition politique et alliés en vue (1) d’améliorer l’avant-projet constitutionnel et (2) d’en faire un projet constitutionnel consensuel ; 

(iii)              Aider à la mise en place d’un Conseil Electoral Provisoire de consensus ;

(iv)              Favoriser la mise en place d’un gouvernement de consensus avec à sa tête un Premier Ministre issu de l’opposition politique et alliés en vue :

1-   De continuer certaines actions en cours,

2-   De mettre en œuvre un programme de création d’emplois temporaires de 6 mois (Juillet-Décembre 2021),

3-   D’organiser le référendum constitutionnel en Août 2021, et

4-   De réaliser les élections générales en Novembre 2021, sous l’égide de la nouvelle constitution ;

(v)               Remplacer le Président Jovenel Moïse par le Président issu des urnes le 7 Février 2022.

A noter que certaines actions pourraient être menées en parallèle. Cet accord minimal pourrait  nous aider à réduire drastiquement l’insécurité, à amorcer un vivre ensemble acceptable et un apaisement social, à favoriser le départ ordonné du Président Moïse, à favoriser la transmission du pouvoir de manière démocratique, à relancer l’économie du pays et à amorcer pour de bon son développement durable.