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mercredi 3 mai 2023

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (37) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (14), CONTRE-OFFENSIVE ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE OU « BWA KALE » EST-IL LE PREMIER PAS VERS LA REALISATION DE LA VISION 2054 ?

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (37) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (14), CONTRE-OFFENSIVE ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE OU  « BWA KALE » EST-IL LE PREMIER PAS VERS LA REALISATION DE LA VISION 2054 ?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

2 MAI 2023

Dans la conclusion de la 36e  chronique, je m’interrogeais sur ce qui pourrait se passer en Haïti : « Va-t-on vers un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la crise par un appui musclé de la Communauté Internationale ? ».Biden envisage de transférer le dossier d’Haïti à nouveau à l’ONU, et Abinader, le président dominicain, notre voisin de l’Est, persiste et signe, la communauté internationale devra « Pacifier Haïti » ; en tout cas, c’est ce qu’il a déclaré lors du sommet Ibéro-américain qu’il a hébergé cette année. »

Effectivement, le dossier d’Haïti est retourné au niveau de l’ONU à la fin du mois d’Avril 23. Et l’on parle d’une probable intervention urgente, la nouvelle représentante du BINUH, Mme Salvador l’a clairement demandé dans son dernier rapport sur Haïti, surtout parce que le peuple a déclenché de manière inattendue une opération de déchoucage des bandits, plus connue sous le vocable « BWA KALE[1] ».

Dans cette 37chronique, la guerre en Ukraine occupe toujours le devant de la scène, avec  la guerre d’attrition dans le Donbass, en particulier à Bakhmuth, qui est presque encerclée par les russes ;  Biden a déclaré sa candidature à sa succession. Concernant l’actualité nationale haïtienne, le règne des bandits semble en passe de s’achever à partir de l’opération Bwa kale déclenchée spontanément par la population le 24 avril 23, au niveau de la zone de Canapé Vert, un quartier de Port-au-Prince, la capitale. D’où le titre de  cette 37e chronique : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (37) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (14), CONTRE-OFFENSIVE ( ?) ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE OU  « BWA KALE» EST-IL LE PREMIER PAS VERS LA REALISATION DE LA VISION 2054 ?

I.                    SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

1.1.  Biden vs Trump en 2024 ?

Biden a annoncé sa candidature pour la présidentielle américaine de 2024 en dépit d’une opinion publique défavorable à 70%. En principe, le parti au pouvoir ne présente pas de candidat en face du président en fonction. Dans le cas de Biden, il aura à faire face à un Kennedy prénommé Robert Jr, 69 ans, fils de Robert Kennedy, le frère et ministre de la Justice  de John Fitzgerald Kennedy (JFG),  comme le président Carter en 1980 face à Edouard Kennedy, un autre frère de JFK. Ce Robert Kennedy Jr ne semble pas faire le poids face à Biden qui sera désigné le candidat du parti démocrate.

En face de Biden, il y aura Trump qui est en ballotage favorable face à ses adversaires du parti républicain. Les problèmes de justice que confronte Trump blindent sa campagne. Et, quand bien même, il sera condamné pour ses nombreux crimes, il pourra quand même redevenir président si le peuple américain le préfèrera à Joe Biden. C’est la loi. En cas de la prise de pouvoir par Trump 2024, si la guerre en Ukraine ne se termine pas entre temps, l’appui de l’administration américaine à l’Ukraine sous Trump sera très compromis.

1.2. La guerre[2] en Ukraine, l’imminence de la contre-offensive(?)

Le 24 avril 2023, c’était le 14e mois de cette guerre qui rentre dans son 15e mois. On constate une certaine évolution de la situation par rapport au mois dernier. La guerre d’attrition se concentre toujours dans le Donbass sur environ 800 km, en particulier sur la ville de Bakhmuth à 88% russe aux dernières nouvelles. C’est une ville presqu’entièrement rasée par les russes pour éviter les ripostes des tireurs d’élite ukrainiens, qui, cachés dans ces grands bâtiments, ont causé des pertes énormes dans les rangs de la milice Wagner et dans l’armée russe (20,000 morts selon des sources occidentales).  Jusqu’à présent, la ville ne tombe pas encore totalement, puisque les ukrainiens occupent 12% de la ville presque encerclée par les russes et procèdent par des raids pour reprendre certaines positions. Cette fois-ci, on sent que la fin est proche.Mais… Les ukrainiens avaient-ils raison  de sacrifier autant d’hommes aguerris  pour une ville sans importance stratégique? En tout cas, cette ville est devenue un symbole de la résistance ukrainienne face à l’agression russe. Elle a permis de fixer une grande concentration de l’armée russe à cet endroit et d’en éliminer une quantité considérable d’hommes. A un moment donné, on parlait de pertes à raison de 1 pour 10 en faveur des ukrainiens.

La Russie a actuellement occupé 14% du territoire ukrainien et n'a gagné que 70 km2 ces derniers jours. Cependant, les Occidentaux continuent de soutenir financièrement et en armes l'Ukraine, qui prépare activement sa contre-offensive. Personne ne sait quand cette contre-offensive commencera, mais il est important de noter que 98% des véhicules de combat[3] promis par les Occidentaux sont déjà sur place. Avec ces armes, les Ukrainiens ont réussi à frapper des dépôts de munitions à Sébastopol en Crimée, dans le sud, ainsi qu'à Belgorod en Russie, en face de Kharkiv dans le nord-est de l'Ukraine, à saboter des trains de munitions en territoire ruse, à 60 km de la frontière. Certains considèrent ces frappes comme le début de la contre-offensive ukrainienne, malgré les conditions climatiques difficiles. Le président ukrainien, Zelensky[4], a clairement déclaré que "les principales batailles sont imminentes", la raspoutitsa. Certaines sources évoquent même une date possible pour le début de cette contre-offensive. Prigogine parle de 15 mai 2023. Il reste à voir si cette date est exacte ou si elle n'est qu'une supposition. Quoi qu'il en soit, il est clair que quelque chose est en route et que les événements dans la région continuent d'évoluer rapidement.

La Russie est en état d’alerte. Ils ont annulé le défilé traditionnel du 1er  mai 23 sur la place rouge. Elle se prépare à faire face à la contre-offensive ukrainienne. Comme le front s’étend sur plus de 800 km, il sera difficile pour les russes d’être fortement représentés sur toute la ligne de front.

Il est impossible de savoir exactement quelle est le niveau de préparation russe face à la contre-offensive ukrainienne, car les informations à ce sujet sont souvent contradictoires ou incomplètes. Cependant, on peut présumer que la Russie se prépare également à l'éventualité de cette contre-offensive ukrainienne, étant donné qu'elle a déjà déployé d'importants moyens militaires dans la région, notamment des troupes, des armes et des équipements, et elle peut compter sur ses bateaux de guerre en mer noire, en mer caspienne et sur ses bases pour frapper à distance l’Ukraine.

Il est possible que la Russie renforce par endroits ses défenses le long de la ligne de front pour se protéger contre des attaques, ou qu'elle prépare des contre-mesures pour neutraliser les forces ukrainiennes. Elle pourrait également chercher à consolider ses positions dans les zones qu'elle a déjà occupées en Ukraine, afin d'éviter toute avancée ukrainienne.

En outre, la Russie a essayé sans succès d’exercer une pression psychologique sur les alliés de l'Ukraine, en invoquant la menace nucléaire, pour les dissuader de fournir un soutien militaire supplémentaire à Kiev. Elle a également intensifié sa propagande pour influencer l'opinion publique internationale et justifier son intervention en Ukraine.

Cependant, il est important de noter que les informations sur les préparatifs russes ne sont pas publiques et que certaines informations peuvent être des rumeurs ou des spéculations. Par conséquent, il est difficile de déterminer avec précision quelle est la préparation russe face à une éventuelle contre-offensive ukrainienne.

Top of FormBottom of FormLula en Chine et au Portugal

En effectuant des visites aux USA, en Chine et au Portugal, le président brésilien Lula Da Silva remet son pays sur la scène internationale. En Chine, il plaide pour des échanges directs entre les pays à partir de leur monnaie et non à partir du dollar, tandis qu'au Portugal, il a de bons échanges avec l'ancienne puissance coloniale du Brésil, en dépit d'une différence d'approche sur le dossier ukrainien, en raison de son appartenance au BRICS.

L’ONU et le dossier Haïti

Lors des séances de l'ONU sur le dossier Haïti, l'affrontement entre l'Occident et ses deux principaux rivaux, la Russie et la Chine, est palpable. Ces deux géants anti-occidentaux n'hésitent pas à monter au créneau contre les États-Unis, considérés comme le principal responsable de la situation en Haïti décrite dans le rapport du secrétaire général sur Haïti, qui réclame le bénéfice de l'urgence pour notre pays. Il est à noter que le dernier développement de la situation haïtienne en lien avec l'opération de déchoucage des bandits, plus connue sous le vocable "Bwa Kale", y est très certainement pour quelque chose. 

II.    SITUATION AU NIVEAU D’HAITI

 En ce mois d’avril 2023, je m’étais proposé de consacrer une bonne partie de cette chronique à l’événement annuel du Group Croissance, Sommet International de la finance, en particulier me pencher, entre autres, sur l’intervention de Paul Latortue, que je résume à une des personnes qu’il a citée, Lavoisier  : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Malheureusement, l’opération Bwa Kale lui a volé la vedette.

Un revirement spectaculaire de la situation haïtienne

En effet, l’opération BRA KALE a surpris tout le monde par sa spontanéité, sa soudaineté et ses effets immédiats sur le règne sans partage  des gangs.  Le règne  des bandits à sapâtes,à souliers et à cravate  semble prendre un coup d’arrêt. Les chasseurs deviennent des gibiers. Pourtant au début du mois, personne ne s’attendait à un tel revirement de la situation. Les bandits régnaient en maitres et rendaient la vie impossible à la population haïtienne sous l’œil indifférent des autorités haïtiennes et de la communauté internationale.  La zone métropolitaine de Port-au-Prince et le bas Artibonite sous l’emprise totale des bandits regardaient les populations de la majorité  des quartiers de ces 2 zones se faire voler, violer et massacrer par ces terroristes. On a dénombré au niveau de Cité Soleil plus de 70 morts, au niveau de Source Matelas plus d’une cinquantaine de morts violentes, et au niveau du pays des maisons, des commissariats de police, des véhicules incendiés. Des médias traditionnels, des médias en ligne et réseaux sociaux rapportaient comme des faits divers ces atrocités commises par ces terroristes improprement qualifiés de bandits, de gangs. Ces terroristes rançonnaient la population, l’agaçait en se mettant en scène sur des réseaux sociaux. C’était l’enfer.

Et puis Ti Makak, le puissant chef terroriste de Laboule 12 a été tué. Ses ouailles ont pris peur et s’enfuyaient avec armes et bagages. Ces terroristes  ont été interceptés par la police au niveau de Pétionville et ont été conduits au commissariat de Canapé-vert. La population, ayant appris la nouvelle, a débarqué dans ce commissariat, s'est emparée de 14 bandits et les ont brulés vifs. C’était le déclic, le début de l’opération de déchoucage des bandits. Le peuple a donné un nom succulent à cette opération, « Bwa Kale ».

Bwa Kale, une déformation de Bukele

J’ai essayé de comprendre ce nom. Je n’ai pas vu le rapport avec la signification créole de cette expression. Et puis j’ai vu une vidéo sur Tik Tok qui fait la comparaison avec le président « » du Salvador, BUKELE, qui mène une lutte sans merci contre les gangs dans son pays et qui a offert son aide à Haïti deux mois auparavant. J’ai compris que « BWAKALE » est une déformation de « BUKELE ».  En tout cas, ce qui est sûr, c’est que plus de 200 bandits ont déjà perdu la vie dans des conditions atroces depuis le 24 avril à date. Et ça continue ! Les images de ces assassinats sont insoutenables. De plus, les foules de justiciers sont accompagnées par la police nationale d’Haïti (PNH). 

On comprend la panique de ces terroristes qui essaient par tous les moyens de s’échapper, de laisser la zone métropolitaine pour des cieux plus cléments. Malheureusement ou heureusement, la plupart ont pu être appréhendés par la PNH et par la population pour être « passés à l’infinitif ». On rapporte qu’un jeune bandit pris de panique s’est réfugié chez ses parents qui n’ont pas hésité à le tuer tout simplement. Ce cas exprime tout simplement le niveau de souffrance et de rejet qu’a dû endurer la population face aux exactions de ces bandits.

Face à ces atrocités qui choquent le monde civilisé, l’ONU décide d’ « agir en urgence ». Il faut dire aussi que certaines personnes commencent à demander aux foules de s’orienter vers les anciens commanditaires de ces bandits, de ces gangs, de ces terroristes, que je qualifie de « gangs à cravate ». Il s’agit de politiciens au pouvoir et dans les oppositions et de brasseurs d’affaires en Haïti, dont la plupart sont sanctionnés par le Canada, les USA, la République Dominicaine, et l’ONU.

Le gouvernement haïtien qui était indifférent au sort de la population a réagi par la voix du premier ministre. La communauté internationale, qui tergiversait récemment encore, lors des exactions des bandits, des gangs et de ces terroristes, réagit à cette situation qualifiée improprement de guerre civile et propose d’intervenir en urgence en Haïti. Comme l’a sollicité le mois dernier, le président dominicain Abinader, l’ONU va venir « pacifier Haïti ». Va-t-elle intervenir pour finir avec les terroristes ou pour protéger les bandits à sapâtes et à cravate. Faut noter que, jusqu’à présent, aucun des chefs de gangs connus n’a encore été victime de l’opération Bwa kalé. Au contraire, certains promettent de faire des représailles sur la population.

Ce mouvement doit être transformé en une révolution et non stoppé

Ce mouvement spontané devrait être canalisé pour débarrasser le pays de tous ces terroristes à cravate et à sapâtes. Certes, la méthode utilisée est trop violente ; mais il faut remarquer que c’est une réaction naturelle de la population face à ses oppresseurs, ses violeurs, ses bourreaux, des accapareurs de ses biens, face à tout ce système d’exploitation mis en place en 1806 et dont elle est la victime expiatoire. Ce système, qui est un prolongement du système esclavagiste contre lequel nos ancêtres se sont sacrifiés, exploite les plus faibles depuis cette date. A rappeler que les gangs ont été mis en place par des brasseurs d’affaires, des politiciens au pouvoir et des politiciens dans les oppositions pour préserver les intérêts de leurs clans respectifs tout en capturant l’Etat. Rappelez-vous les propos du sénateur Hyacinthe le 12 décembre 2017, qui a pointé du doigt ces trois catégories qui actuellement sont sous sanctions internationales. Ce mouvement doit être transformé en une révolution et non stoppé comme par le passé par la communauté internationale et les USA.  

3.                          III.  CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

L’Ukraine se prépare à la contre-offensive. Le monde occidental souhaite la réussite de cette contre-offensive. La Russie se prépare à lui faire échec pour s’accaparer de ce grand pays totalement ou partiellement contrairement à toutes les lois internationales. Les USA sont embourbés dans ses contradictions internes républicaines et démocrates, caractérisées par deux vieillards, TRUMP, 78 ans, et BIDEN 80 ans. Tout cela n’annonce rien de bon. L’occident est esseulé. Les non-occidents se renforcent. Les BRICS se battent pour un monde multipolaire qui fasse des échanges dans leur propre monnaie au détriment du dollar-roi. Le monde est vraiment à la croisée des chemins. La guerre en Ukraine favorise le début de ce nouveau monde en gestation. Ses effets sont mondialisés et tout le monde en paie les conséquences.

Haïti qui est devenue un enfer par l’entremise de ses propres fils à la solde de la communauté internationale, en particulier l’occident colonisateur, semble dire adieu au règne odieux de gangs à souliers, à cravate et à sapâtes, et semble s’orienter vers sa propre croisée des chemins  Ce mouvement spontané Bwa Kalé, qui est une réaction à tant d’atrocités subies en silence par un peuple résilient plutôt pacifique mais poussé à bout par des terroristes, met tout le monde au pied du mur.

Est-ce le premier pas vers la vision 2054 ?

J’avais écrit en décembre 22 que l’année 2023 devra être l’année de « redémarrage d’Haïti ». Je n’avais aucun argument sérieux pour l’écrire. Je le sentais tout simplement. Dans un show vidéo avec Jean Victomé, on s’était fixé une date, mars 2023, pour amorcer ce changement. Après mars, on s’est dit que tout était foutu. Et puis le 24 avril 23, contre toute attente, le peuple réagit et sort de sa torpeur, c’est l’opération Bwa Kale. Est-il possible  d’appuyer ce mouvement pour changer les choses, changer Haïti et jeter les bases pour concrétiser cette vision 2054, en faisant de notre pays, « le pays phare du monde en matière de démocratie solidaire, réduisant drastiquement l’écart entre les riches et les pauvres », en atteignant une première étape en 2032, avec 88% de souveraineté alimentaire, et une deuxième étape en 2042, un pays émergent à la manière de la Scandinavie, avant l’étape finale de 2054 ?



[1] Je pense que l’Opération BWAKALE a emprunté en le déformant le nom du président salvadorien « BUKELE » qui se bat efficacement contre les gangs dans son pays.

[3] https://www.youtube.com/watch?v=-hBQ2z6i7HA

[4] https://www.youtube.com/watch?v=ob4sRC5hGAQ

jeudi 6 avril 2023

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (36) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (13), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE OU LE REGNE DES GANGS

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (36) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (13), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE OU LE REGNE DES  GANGS

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 AVRIL 2023

« Va-t-on vers un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la crise par un appui musclé de la CI ? » me suis-je interrogé en terminant  ma 35e chronique relative à cette interrogation « Haïti et le Monde à la croisée des chemins(?) ». Cette interrogation qui s’est imposée à nous depuis les premiers cas de la pandémie mondiale, Covid-19, s’est insinuée davantage depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022.

Dans cette 36e chronique, l’actualité mondiale est toujours  dominée par la guerre en Ukraine, la Cour Pénale Internationale lance un mandat contre Vladimir Poutine pour crime de guerre, et la guerre d’attrition se concentre dans le Donbass, en particulier à Bakhmuth. Un autre point important de l’actualité internationale est l’inculpation de l’ex-président Trump. Quant à l’actualité nationale haïtienne, c’est  la persistance de l’instabilité politique et de l’insécurité généralisée avec des conséquences désastreuses sur l’économie du pays, surtout l’industrie du kidnapping  au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. D’où le titre de  cette 36e chronique : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (36) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (13) ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE OU LE REGNRE DES GANGS.»

I.                    SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

1.1.  Vladimir Poutine et Donald Trump indexés[1]

Prenons d’abord le cas de Trump. La saga Trump revient au-devant de l’actualité comme prévu. En effet, ce monsieur est indexé sur plusieurs dossiers chauds. On a relevé 5 grands dossiers d’accusation contre lui y inclus celui pour lequel il est inculpé, avec 34 chefs d’inculpation. Celui pour lequel il est inculpé concerne ses relations sexuelles avec une actrice pornographique. Il a promis à cette actrice de la recevoir dans un show télévisé qu’il animait. Il n’a pas tenu ses promesses. Lorsqu’il a déclaré quelques années plus tard sa candidature pour les présidentielles de 2016, l’actrice a décidé d’agir contre lui. Son avocat a dû bloquer l’affaire en la soudoyant (entrave à la justice). Elle est revenue à la charge après la fin du mandat de Trump. Le Grand Jury[2] a dû décider de faire inculper Trump. C’est pour la première fois que c’est arrivé dans l’histoire politique américaine, selon ce qui est rapporté par les grandes chaines de TV américaine, CNN, ABC, etc. Il y a 4 autres cas pendants, un dans l’Etat de New-York en relation avec le FISC, un autre à Georgia en relation avec la fraude électorale et un en relation avec l’invasion du CAPITOL le 6 janvier 2021, et enfin les documents « Top secret » qu’il a pris avec lui en laissant la maison blanche. A noter et c’est très important, même s’il est reconnu coupable de tous ces crimes, il pourra quand même redevenir président si le peuple américain le votera. C’est la loi. Naturellement, la  grande majorité des républicains parlent de persécutions  politiques.

En ce qui a trait à V. Poutine[3], il a déporté plus de 300,000 enfants ukrainiens vers la Russie sans le consentement de leurs parents. C’est un crime de guerre, le tribunal international a commencé par ce cas. D’autres suivront. Souvenez-vous des massacres de Boutcha et autres où les cas sont bien documentés. Poutine s’en fiche. Certains pays prennent des dispositions pour appliquer le mandat dont très certainement les pays de l’OTAN moins la Hongrie, tandis que les partenaires de la Russie ne sont pas favorables sauf l’Arménie ou gardent le silence sur le dossier. En tout cas, ce mandat réduit les possibilités de déplacement du président russe qui continue son « opération militaire spéciale en Ukraine », pour ne pas dire sa guerre, mot interdit en Russie.

1.2. La guerre[4][5] en Ukraine[6]

Le 24 mars 2023 a marqué le 13e mois de cette guerre. La situation n’évolue pas trop par rapport au mois dernier. La guerre d’attrition se concentre dans le Donbass sur environ 800 km, en particulier  la bataille Bakhmuth au prix de pertes énormes en vies humaines et en matériels des deux côtés, avec un ratio de 1 à 10 ou de 1 à 5 en faveur des ukrainiens. Jusqu’à présent, la ville ne tombe pas, alors que, depuis plus de deux mois, on annonce sa chute. Le centre de Bakhmuth est contrôlé par les russes. La bataille continue de faire rage au niveau de cette ville.

Plus globalement, la Russie occupe 14% du territoire ukrainien. Les occidentaux continuent de soutenir l’Ukraine financièrement et en armes. Elle prépare activement sa contre-offensive. Quand est-ce que cette contre-offensive va débuter. Personne ne sait. C’est le mystère total. Comme pour Kharkiv, elle a annoncé une contre-offensive sur Kherson au sud, mais l’Ukraine a attaqué au nord et a récupéré environ 6% de son territoire à date en un temps plutôt éclair. Ce qui a obligé les russes à lancer une forme de mobilisation de 300,000 conscrits, les a lancés sur le Donbass après avoir officiellement annexé 4 oblasts de l’Ukraine, Donets, Louhans,  Zaporijia et Kherson, et dont plusieurs parties de ces territoires sont encore sous domination ukrainienne, l’exemple de la ville Kherson.

La Russie n’est pas en reste. On dit qu’elle est en train de préparer aussi sa contre-offensive, tout au moins renforcer celle qu’elle mène déjà dans le Donbass. Pour cela, elle renforce ses relations avec la Biélorussie, un pays vassalisé frontalier de l’Ukraine, non seulement en y amassant les troupes et armes, en menaçant d’y déployer des armes nucléaires, à quelques encablures de l’Ukraine et surtout de l’Europe. En tout cas, contre-offensives de part et d’autre, elles ne pourront pas avoir lieu avant le dégel, la raspoutitsa, phénomène météo favorisant littéralement « la saison des mauvaises routes ». On verra.  

En attendant ces probables contre-offensives, le président E. Macron  de la France[7], qui se débat dans ses problèmes internes liés à la loi sur la retraite et les manifestations violentes qui s’en suivent, s’est rendu en Chine pour discuter avec le président Xi Jinping du changement climatique, de la biodiversité marine, de la sécurité alimentaire, de la paix et de la stabilité en Europe et … de lui demander de « ramener la Russie à la raison ». Quant au président chinois, il parle surtout du multilatéralisme, donc du nouvel ordre mondial qui se dessine. Avec la présidence du Conseil de Sécurité de l’ONU  sous la responsabilité de la Russie,  cela promet, d’autant que Biden, lors de son sommet avec Trudeau, a, entre autres, parlé de transférer le dossier d’Haïti  à l’ONU.

II.    SITUATION AU NIVEAU D’HAITI[8]

 En ce mois de mars 2023,  la situation haïtienne a évolué en pire. Les bandits règnent au niveau de la zone métropolitaine de de Port-au-Prince et le bas Artibonite. Les territoires de certaines zones du pays s’agrandissent au profit des bandits. Voici un bon résumé de la situation par l’Hebdomadaire, Haïti en Marche : « L’insécurité continue de battre son plein. Les derniers jours ont été particulièrement difficiles pour les résidents de la capitale. On n’a pas le temps de déplorer une victime qu’un autre drame surgit. C’est tous les jours que les Port-au-princiens tiennent un baromètre du crime pour indiquer par exemple à leurs proches quels endroits éviter. Cela n’aide que partiellement vu que rien n’arrête les malfaiteurs ».

Maintenant, voyons pour les détails de cet éditorial de l’Hebdo Haïti en Marche : « La semaine dernière, on a kidnappé un médecin. Des tentatives d’enlèvement à Kenscoff ont été enregistrées, même si certaines ont échoué. À Delmas, pareillement. Des bandits se sont même introduits jeudi dernier dans le Village des Palmes, quartier limitrophe de celui de Vivi Mitchel, non loin de là où habite le Premier ministre Ariel Henry. Heureusement qu’ils ont été repoussés par des forces de l’ordre. De temps en temps, les gangsters prospectent des zones résidentielles pour tenter de s’accaparer des terres des habitants et cette fois aussi, conscients de leur puissance, ils sont allés jusqu’à pénétrer dans une zone avoisinant la résidence du chef du gouvernement. Il y a certes des forces de police sur place mais cette action traduit toutefois l’audace démesurée des gangsters. Le week-end du 24 mars dernier, les hommes du chef de gang Ti Macaque ont chassé quarante familles de leurs maisons à Laboule 12. Les échanges de tirs entre gangs rivaux sont devenus monnaie courante. Des résidents lancent régulièrement des SOS sur les réseaux sociaux. En un mot, la situation ne fait que s’aggraver. Plus le temps passe plus les bandits s’enhardissent. On constate chaque jour l’incapacité de l’État à gérer la situation. L’aide promise par l’International pour remembrer la police va prendre un certain temps avant d’être effective. Le problème est qu’on n’a pas ce temps parce que les policiers sont débordés et que certains sont découragés par la violence décuplée des bandes armées urbaines. En plus de leur nombre insuffisant, la police doit de surcroît faire face à des espions liés aux bandits en son sein ».

Toujours selon l’éditorialiste de l’Hebdo Haïti en Marche, qui a rapporté les propos d’un journaliste canadien : « Analysant la situation critique d’Haïti, un journaliste canadien, Loïc Tassé, a écrit dans Le Journal de Montréal, que « Haïti risque de tomber complètement entre les mains de groupes mafieux qui se serviront encore davantage du paravent des institutions d’État pour mener leurs trafics et pour imposer leur ordre. La population deviendra plus misérable et le nombre de réfugiés augmentera. Cet enfer pourrait durer indéfiniment » (fin de citation) ».

Enfin, selon l’éditorialiste et je partage son constat : « Le pays a besoin d’une aide militaire internationale pour aider la police haïtienne à affronter les gangs. Mais pour toutes les raisons que l’on sait – désintérêt de l’étranger, déficit de légitimité des dirigeants, représentants peu convaincants côté haïtien etc., il ne l’obtient pas. Quand bien même bénéficierions-nous de cette assistance, cela sera insuffisant aussi longtemps que nous ne parvenons pas à trouver un consensus entre nous sur la manière de gérer le pays ».

3.                          III.  CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

La situation tant au niveau international que national ne laisse présager rien de bon. La guerre en Ukraine va rentrer dans une phase décisive dans les prochains jours avec les contre-offensives annoncées et les dispositions prises par les belligérants. Comme nous l’avons écrit, l’Ukraine est devenue plus forte qu’en février 2022. L’expérience acquise sur le terrain par ses soldats durant plus d’un an de guerre de haute intensité lui permettra de résister à toute contre-offensive d’une guerre conventionnelle avec la Russie. Ils savent se battre, en témoigne la bataille de Bakhmuth. Avec les moyens mis à disposition par les occidentaux, ils donneront beaucoup plus de fil à retordre aux russes, à moins que ces derniers décident d’utiliser l’arme nucléaire tactique ou stratégique. Donc le monde et Haïti sont de plein fouet dans cette croisée des chemins. Un effort de guerre de près de 200 milliards de dollars américains (USA +UE), cela pèse lourd dans l’économie mondiale et se répercute sur tout le monde, y incluse Haïti.

Notre pays importe pour plus de 3.5 Mrds d’USD dont près de 2 Mrds de produits alimentaires et dérivés. On comprend mieux le chiffre de 6 millions de personnes en insécurité alimentaire avancé par certains spécialistes et le taux de change sur le marché informel avoisinant 170 G pour 1 USD. Donc la cherté de la vie bat son plein en Haïti. Et les projections de ce journaliste canadien se révéleront judicieuses. Avec le règne de plus en plus marqué des gangs, et leur audacité arrogante vis-à-vis des représentants de l’Etat et de la population, ne sont-ils pas en train d’envisager la prise directe du pouvoir à travers des bandits à cravate ?  

Selon  de nombreuses analyses faites sur Jean-Robert Jean-Noël.TV[9] et Télé Provinciale[10], avec Jean Victomé et Reynald Orival, on s’est donné jusqu’à mars 2023 pour envisager une évolution positive de la crise multiforme et multidimensionnelle que traverse Haïti. Aucun signe durant ce mois de mars 2023. Au contraire, la situation tend à s’aggraver. Les gangs règnent. Les politiciens se battent pour le maintien et l’accès au pouvoir sans un regard compatissant pour le peuple haïtien et le pays qui les a vus naitre.  On dirait des inconscients!

Je reprends donc l’interrogation du mois dernier : « Va-t-on vers un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la crise par un appui musclé de la Communauté Internationale ? ».Biden envisage de transférer le dossier d’Haïti à nouveau à l’ONU, et Abinader, le président dominicain, notre voisin de l’Est, persiste et signe, la communauté internationale devra « Pacifier Haïti » ; en tout cas, c’est ce qu’il a déclaré lors du sommet Ibéro-américain qu’il a hébergé cette année.

 

 

 

mardi 7 mars 2023

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (35) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (12), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, PLUS DE TERRITOIRES POUR LES GANGS

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (35) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (12), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, PLUS DE TERRITOIRES POUR LES GANGS

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 MARS 2023

              J’ai terminé la 34e chronique relative au questionnement «  Haïti et le monde à la croisée des chemins (?), avec la certitude que notre pays, « Haïti ne pourra pas sortir de ce bourbier sans un appui musclé de la communauté internationale ». C’est aussi « la position de 69% de la population haïtienne ». Et j’ai écrit aussi  que  « la solution à la problématique haïtienne passera forcément par une proposition collective haïtienne en termes de programme d’urgence et de long terme appuyée par la communauté internationale. C’est la porte de salut pour Haït[1]i ! »  

              Dans cette 35e chronique, si, au niveau mondial, l’actualité est dominée (i) par le tremblement de terre (7.8 de magnitude) en Turquie et en Syrie, avec des dégâts considérables et près de 50,000 morts, et (ii) par la stagnation de la guerre en Ukraine au niveau de Donbass, dans l’est de l’Ukraine, avec un certain avantage pour la Russie,  au niveau d’Haïti c’est la mort subite de l’Ex PM Gérard Latortue[2], la persistance de l’instabilité politique et de l’insécurité avec des gains territoriaux de la part des gangs tant au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qu’au niveau de l’Artibonite. D’où le titre de  cette 35e chronique : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (35) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (11), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, PLUS DE TERRITOIRES POUR LES GANGS.»

  1.     SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

 

 La guerre en Ukraine[3]

Le 24 février 2023 a marqué le 12e mois de cette guerre et amorce le 13e mois. La situation n’évolue pas trop par rapport au mois dernier. Le Donbass demeure le centre névralgique  de la guerre d’attrition qui y sévit, avec un certain avantage pour la Russie.  Elle est en train de gagner la bataille Bakhmuth[4] au prix de pertes énormes en vies humaines et en matériels. Les soldats ukrainiens se retirent au fur et à mesure sur les hauteurs dominant la ville.

              La guerre en chiffres  

Plus globalement, après un an de guerre, la Russie, qui, dans les premiers mois (février-juin 22), avait occupé 20% du territoire ukrainien, a dû, face à la contre-offensive de l’été (août 22), en concéder 6% à l’Ukraine dont les territoires des grandes villes comme Kharkiv, Kherson, etc. Les pertes en vies humaines se chiffrent en  dizaines de milliers et même en centaines de milliers. Les ukrainiens admettent avoir perdu plus de 13,000 hommes, quant aux russes, ils parlent de 6000 hommes. Mais les sources occidentales parlent de près de 200,000 du côté russe et de 80 à 100,000 du côté ukrainien. Les civils ukrainiens atteignent au moins 100,000 morts. Quant aux réfugiés ukrainiens, on parle plus de 8,000,000 personnes, en excluant les 300,000 enfants déportés vers la Russie. Les pertes en matériels de guerre atteignent près de 10,000 du côté russe et près de 7000 du côté ukrainien. Quant aux dégâts matériels, ils se chiffrent à des centaines de milliards de dollars américains. Certaines villes ukrainiennes sont rasées à 90% par les bombardements russes. Les installations civiles en matière d’électricité, très endommagées jusqu’au début de l’Hiver, sont actuellement réparées ou en phase de réparation. Ce qui fait dire aux occidentaux que l’Ukraine a gagné la bataille de l’électricité.

Contre-offensive russe ou Ukrainienne ?

Pour la suite  de cette guerre de longue durée, les occidentaux ont fourni et fournissent, même avec beaucoup de retard, des armes sophistiquées offensives et défensives à l’Ukraine. Actuellement, l’Ukraine  est beaucoup mieux armée qu’elle ne l’était au début de la guerre. Avec les moyens mis à disposition par l’Occident, Etats Unis en tête, l’Ukraine deviendra encore plus forte et pourra mieux faire face à une probable contre-offensive russe et/ou mieux préparer une nouvelle contre-offensive dans les prochaines semaines ou deux prochains mois, très certainement après le dégel du printemps.

Joe Biden en Ukraine, Zelensky en Europe de l’Ouest

Il faut noter qu’au cours du mois de février, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, a effectué des visites d’Etat en Angleterre, en France, et a été reçu au Parlement Européen. Le président américain, Joe Biden, a effectué une visite surprise dans la capitale ukrainienne, à Kiev, le 20 février 23, et a promis d’autres appuis au président Zelensky, avant de se rendre en Pologne. Et le 24 février, le jour du 1er anniversaire de la guerre, l’Assemblée Générale des Nations Unies a voté, avec une majorité de 141 pays « pour », de 7 pays « contre » et de l’abstention de 32 pays dont naturellement la Chine, la résolution condamnant l’agression de la Russie contre l’Ukraine. La chine a présenté un plan de paix plutôt pro-russe sans consulter l’Ukraine, la victime de l’agression, dossier Taïwan oblige.

Le nouvel ordre mondial est en train de se dessiner

La guerre en Ukraine oriente le monde vers trois camps, les pro-russes, les pro-occidentaux et les pro-non alignés qui penchent un peu plus du coté russe. Le nouvel ordre mondial est en train de se dessiner.  Dans cette répartition du monde, le dossier d’Haïti à l’ONU oppose la Chine et la Russie d’un côté, les USA, la France et le Canada de l’autre. Et la crise multiforme d’Haïti s’invite dans la géopolitique mondiale.

        3.     SITUATION AU NIVEAU D’HAITI[5]

 En ce mois de février 2023, Haïti a beaucoup dansé, période carnavalesque oblige, sans pour autant baisser le niveau d’insécurité, sauf durant les trois jours  gras. Donc, il n’y a pas de différence entre le mois de février et les six derniers mois. La détérioration de la situation globale persiste, et l’insécurité prend de l’ampleur. L’origine de toute cette situation est bien décrite dans le rapport des Nations Unies sur le trafic d’armes et de drogue en Haïti qui est devenue un carrefour de trafics de tous genres. Malgré la 44e Réunion de la CARICOM à Bahamas, malgré la présence dans les eaux haïtiennes de 2 bateaux de guerre de la marine canadienne, malgré la présence d’une mission de la CARICOM, avec à sa tête le premier ministre de la Jamaïque, Andrew Holness, la situation semble connaitre une accélération négative. La mission de Mme Lalime à la tête du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a pris fin. C’est ce moment-là que l’ex-Pm Gérard Latortue a choisi pour danser « le dernier Tango[6] » à l’âge de 88 ans. Paix à son âme !

Le chaos, l’instabilité politique et l’insécurité généralisée

Dans le cadre de l’accord du 21 décembre 2022, il a été mis en place le Haut Conseil de Transition (HCT) le 6 février 2023, avec à sa tête Mme Manigat. Tout le long du mois de février, la situation générale du pays se détériore davantage. Comme on est un peuple qui chante et qui danse, la période carnavalesque aide beaucoup le pays à oublier ses problèmes quotidiens, en tout cas une bonne et grande partie  du peuple haïtien.

Toutefois, les bandits n’ont pas chômé. Un peu effrayés lors du survol du territoire haïtien par cet avion canadien et par l’opération tornade 1 déclenchée par la police nationale, les bandits se sont repris et ont agrandi leurs territoires tant au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qu’au niveau du Bas-Artibonite. Le leader des 400 Mawozo est revenu sur la scène, tandis que Vitelhomme Innocent, en difficulté un moment et coincé par la PNH, s’est replié pour rebondir. Ses hommes qui ont tué au moins 4 policiers au mois de janvier et plusieurs civils, ont envahi la zone de Fort Jacques, se sont emparés du commissariat du même nom, y ont mis le feu et calciné des véhicules de la PNH, et se sont attaqués à des résidences privées, volant, violant et tuant des personnes paisibles. Ce qui a provoqué un exode de la plupart des résidents vers des zones plus clémentes aux environs de la Capitale et dans les villes de province.

Quant aux bandits de l’Artibonite, en l’occurrence, Base GrandGrif et autres, ils ont étendu leurs territoires tout le long de la route interdépartementale, Pont-Sondé-Mirebalais, occupant les villes comme Désarmes, Verrettes, Deschapelles et Liancourt, s’accaparant par la même occasion les commissariats et sous-commissariats se trouvant sur leur parcours. Le commissariat de L’Estère a été évacué durant quelques jours ; heureusement la PNH en a repris le contrôle. 

Les conséquences de la situation décrite plus haut

Les territoires occupés sont des zones résidentielles, commerciales et de productions agricoles. Ce qui a des effets socioéconomiques très sérieux. Pour ce qui concerne la zone du Bas Artibonite, c’est là que se situe le plus grand système d’irrigation du pays où se concentre la plus grande rizière du pays (32,000 ha), sans compter les autres systèmes de moyenne importance qui, en plus du riz, produisent d’autres cultures vivrières. Imaginez les impacts de ces occupations de territoires sur la production nationale en générale, et la production agricole en particulier.

Les gangs se sont attaqués aux établissements scolaires en kidnappant les parents et les enfants, selon certaines sources ils ont kidnappé plus de 80 personnes pour le seul mois de février. Comme ils se sont mis à se battre entre eux pour des territoires (Bélair, Solino, Delmas 24, Nazon. Etc.), on dénombre des morts et des blessés. La plupart se sont permis de faire irruption dans des hôpitaux pour achever leurs rivaux blessés en présence des soignants (Docteurs, infirmières, auxiliaires). Ce qui a provoqué des fermetures d’hôpitaux, de centres de santé et autres dont le dernier hôpital géré par Médecins Sans Frontières. Là encore, imaginez les effets et les impacts sur la population haïtienne. C’est tout simplement l’enfer !

La Communauté Internationale et l’entente inter-haïtienne ?

Et la Communauté internationale (ONU, OEA, CARICOM, USA, CANADA) s’amuse avec le dossier Haïti, organisant des réunions, envoyant des missions, avions et bateaux en Haïti, avec un seul refrain, la nécessité d’abord d’une entente inter-haïtienne. Ce refrain dure depuis Jovenel Moïse, qui a été crapuleusement assassiné. Et son assassinat aurait été déjà oublié si les USA n’avaient pas continué à investiguer sur ce dossier. Un Procureur américain d’origine haïtienne, Mackenzie Lapointe, a fait venir d’Haïti les principaux prisonniers du Pénitencier National, dont Sanon et 3 autres, et  a fait coffrer 4 suspects américains de l’entreprise, dont le chef d’origine vénézuélienne, impliquée dans la planification de l’assassinat du président Jovenel Moïse.

Le rapport de l’UNODC et la crise haïtienne

Le rapport produit par l’UNODC sur le trafic des armes et de la drogue vers Haïti explique en grande partie la situation actuelle d’Haïti. Il suffit de bien regarder les schémas y relatifs pour comprendre les routes suivies par les armes et la drogue vers Haïti. Ce rapport nous a permis de comprendre les sources d’approvisionnement qui sont les USA et la Jamaïque, et de déduire les parties prenantes nationales impliquées dans l’approvisionnement des gangs en armes et en munitions. Ce rapport a retracé  les pays d’origine de la drogue, des pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe (Colombie, Venezuela, Costa-Rica et la Jamaïque. La drogue passe en transit en Haïti, va vers la République Dominicaine, les USA et vers l’Europe, Italie et autres. On comprend, à partir de ces informations, qu’il aurait été difficile pour notre Haïti, en tant que Carrefour, de ne pas en subir les conséquences. Le trafic d’armes et de la drogue contribue grandement au chaos, à l’instabilité politique, à l’impunité, et surtout à l’insécurité généralisée.

            3.    CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

J’aurais pu garder les conclusions et perspectives de la 34e chronique pour cette 35e chronique consacrée à cette interrogation «  Haïti et le Monde à la croisée des chemins ? ». J’invite mes lecteurs à y jeter un coup d’œil. En tout cas, à une année de la guerre en Ukraine, le monde est à peine commencé à subir les répercussions de cette « guerre mondialisée ».  Cette première année de guerre sur le sol européen entre la Russie et l’Ukraine semble partir pour durer. Certes, elle s’enlise maintenant dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, avec un certain avantage pour la Russie.

Malheureusement, les deux camps sont en train de préparer une sorte de contre-offensive. Personne ne peut prévoir à ce stade l’issue de la guerre. L’Ukraine est devenue beaucoup plus forte qu’elle ne l’était au début de la guerre. Les armes fournies par l’Occident et d’autres moyens mis à sa disposition devraient favoriser une meilleure résistance face à une éventuelle contre-offensive russe et même de pouvoir envisager une probable contre-offensive contre la Russie pour récupérer ses territoires en tout et en partie sous domination russe. Cette guerre continue d’impacter le monde entier, en redessinant l’ordre mondial actuel, en aggravant la crise économique mondiale par ses effets immédiats et de long terme sur le monde et sur Haïti.

Quant à Haïti, elle n’est pas prête de sortir de l’auberge. La crise multiforme et multidimensionnelle s’aggrave de jour en jour. L’occupation des territoires de plus importants par les gangs amenuise de plus en plus la marge de manœuvre de l’Etat, qui se révèle de plus en plus inexistant. Les politiques qui ne comprennent rien à rien, sinon le maintien ou la prise du pouvoir à n’importe quel prix, se fichent pas mal du sort du pays haïtien. C’est la bataille des clans au détriment du pays. Et la communauté internationale (CI) nous regarde nous entredéchirer en faisant semblant de se préoccuper de notre sort. Va-t-on vers un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la crise par un appui musclé de la CI ?