HAITI : FOOTBALL A GOGO, BEAUCOUP
DE BONNES CHOSES ET UN MALAISE INDEFINISSABLE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUILLET 2014
Le mois de juin 2014 ne se termine pas comme il a commencé.
Et Juillet était encore beaucoup plus calme politiquement. Les
manifestations de rues
anti-administration Martelly n’ont pas fait recette comme au début du mois de
juin au point que le député A. Bélizaire a dû user d’excès pour attirer
l’attention (UZI en bandoulière, prestation vodouesque publique, bourrade au
ministre chargé des relations avec le Parlement qui lui a valu d’être exclu de
la Chambre basse pour deux mois sans solde, et, fin juillet, grève de la faim).
Une période de folie footballistique avec le Mondial brésilien du 12 juin au 13
juillet 2014, des surprises footballistiques, du suspens, une belle fête !
Durant cette période de folie footballistique, le ministère de l’agriculture a
pu quand même organiser du 19 au 21 juin 2014, à Kaliko sur la Cote des
Arcadins, un intéressant atelier sur « Approche filière/Chaînes de Valeurs:
concepts, Enjeux et Implications Politiques» animé principalement par
l’économiste Kesner Pharel. Le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) et le Gouvernement Haïtien ont présenté le rapport sur les
objectifs du millénaire pour le développement (OMD), très instructif et
méritant de servir de base à tout programme politique sérieux surtout en une
année électorale. La mort du Président
Manigat a pratiquement clôturé le mois de juin, mais ne faut-il pas voir dans
cette disparition une entrée triomphale dans l’immortalité, surtout après les
réactions de la classe politique par rapport à cette disparition ? La mise
en application de la loi de finance 2013-2014 rectifiée et approuvée par le
Parlement en mai 2014, une entente pré-électorale (modification du CEP
provisoire avec l’inclusion de nouveaux membres et l’élection de Max Mathurin
comme Président en lieu et place de Me
Canton, vote probable de la loi électorale par le Sénat), autant de pistes qui traduisent des signes
encourageants vers une amélioration de la situation globale. Pourtant, à
écouter la radio, à regarder la TV, à lire les journaux et les médias en ligne
et à visiter les réseaux sociaux, on sent une sorte de malaise, en dépit du
dépôt par l’Exécutif de la loi de finance 2014-2015 à temps au Parlement (122.7 Mrds HTG), et malgré la 3e
édition du carnaval des fleurs fin juillet. D’où le titre de cet article : « Football
à gogo, beaucoup de bonnes choses et un malaise indéfinissable ».
Dans cet article, il serait intéressant d’analyser chacun
des points cités plus haut et montrer leur cohérence par rapport à la situation
globale du pays et expliquer ce sentiment de malaise qui en découle ; mais
une telle analyse serait fastidieuse et embrouillerait le lecteur. C’est
pourquoi nous nous contenterons de passer à pieds joints sur quatre d’entre
eux : 1) le Mondial brésilien, 2) la disparition du professeur Manigat, 3)
l’atelier du Ministère de l’Agriculture et 4) le projet de loi de finances
2014-2015, et de terminer cet article par des considérations appropriées.
L’humiliation du
Brésil
Du 12 juin Football à gogo jusqu’au 13 juillet 2014 dans le cadre du mondial brésilien et ses
surprises, le constat a été douloureux pour la plupart et heureux pour d’autres
comme il est de mise dans toute compétition sportive. Les deux continents,
ténors du football mondial, l’Europe et l’Amérique, se sont mesurés à travers
leurs équipes de football. Définitivement, l’Europe s’est adjugée la bonne part
du gâteau au détriment du Brésil et de l’Argentine. Le premier constat : Il
n’y a plus de petites équipes, la Colombie (malgré sa défaite en quart de final
contre le Brésil 2-1) et le Costa-Rica ont été les révélations du Mondial,
l’Algérie aussi qui a atteint le 8e de finale. Le Costa-Rica, après
avoir pris la tête de son groupe au détriment de l’Uruguay, de l’Italie et de
l’Angleterre, trois champions du monde, s’est retrouvé en quart de finale avec
plutôt beaucoup de panache, éliminé par la Hollande au tir au but. Il a laissé
le mondial sans perdre un match. Il s’est donc hissé parmi les grands. Le
deuxième constat, c’est le départ prématuré de certains grands : Espagne,
Italie, Uruguay, partis au premier tour
et au 8e de finale. Le troisième constat, le déclin du Brésil fini
en 4e position de son mondial loin derrière l’Allemagne. Le
quatrième constat, la montée en puissance du football européen, en particulier,
l’Allemagne qui a passé un sévère 7-1 au Brésil en demie finale après
s’être débarrassée de la France en quart
de finale (1-0) et qui a battu l’Argentine 1 à 0 en finale, et la Hollande qui
s’est adjugée la 3e place en battant le Brésil 3 à 0. Pour ce qui
concerne la grande surprise de cette coupe du monde, c’est l’humiliation du
Brésil sur son terrain par l’Allemagne puis la Hollande. Le cinquième constat, le
Mondial brésilien a été une belle fête. Enfin, sur 20 coupes du monde, l’Europe
s’est adjugée 11 contre 9 à l’Amérique du Sud ; Close, l’allemand, est
devenu le meilleur buteur de tous les temps de la Coupe du Monde avec 16 buts en 4 coupes du monde au détriment
de Ronaldo, le brésilien, qui en a marqué 15 en trois coupes du Monde.
Un monument !
En pleine période footballistique, la disparition du
professeur Manigat a fait la une de tous les medias. Que de bonnes choses on a
apprises sur la vie du professeur et de son œuvre colossale! Les funérailles
nationales organisées, le samedi 5 juillet, à St-Louis de Gonzague, par le
pouvoir en place, les propos élogieux et profonds de l’actuel Président de la
République, M. Martelly, vis-à-vis du professeur, la participation des
personnalités politiques de toutes tendances aux funérailles, les colloques et
émissions radiophoniques organisées démontrent, s’il en était besoin,
l’importance accordée par le peuple haïtien dans toutes ses composantes à cette
disparition et témoignent du vide laissé par ce grand disparu incompris de son
vivant. C’est un Patrimoine national. Un monument ! Je réfère le lecteur
aux divers articles consacrés au professeur après sa disparition par Le
Nouvelliste, « Haïti en Marche » et des medias en ligne. En tout cas,
à mon humble avis, Manigat c’est l’homme qui aurait pu mettre Haïti sur les
rails du développement. En témoignent ses quatre (4) mois au pouvoir et ses nombreux
ouvrages qui portent en eux tous les germes d’un développement harmonieux
d’Haïti. Malheureusement, comme pour Firmin, nous n’avons pas su choisir ou,
tout au moins, lutter pour le garder au pouvoir même si son choix comme
président nous était imposé par nos militaires et non par l’international comme
il est de coutume ces derniers temps.
Des concepts
complémentaires et non synonymes
En parlant du développement, il serait intéressant de nous
pencher sur l’atelier organisé par le ministère de l’agriculture. Cet atelier Approche
filière/Chaînes de Valeurs: concepts, Enjeux et Implications Politiques,
animé principalement par Pharel secondé par Agr Jeaniton et Dr Pierre, a permis
de bien différencier l’approche filière et la chaine des valeurs selon ma
compréhension des divers exposés. L’approche filière pourrait se définir selon
une démarche « de la fourche à la fourchette » avec une valeur ajoutée
à la production brute de départ (matière première, compte d’exploitation ),
tandis que la chaine des valeurs est beaucoup plus complexe faisant appel non
seulement à l’ensemble des acteurs directement impliqués mais aussi à des
structures interinstitutionnelles d’appui imbriquées, articulées et intégrées
pour déboucher sur des produits finis et compétitifs. Ce qui se traduit par une
approche plus globale de type cluster intégrant l’approche filière et la valeur
ajoutée à chaque niveau de ce processus complexe axé sur une gestion de l’ensemble
des informations. En d’autres termes, si l’approche filière se concentre sur
une ou des filière (s) porteuse(s), la chaine des valeurs fait appel à un
ensemble de valeurs ajoutées et de
filières susceptibles d’interagir entre elles et de déboucher, en termes de
contribution (avantages comparatifs et compétitifs), au développement durable.
Il est donc clair que, à mon humble avis, les deux (2) concepts, d’origines
diverses (française et anglo-saxonne), s’ils sont complémentaires, ne sont pas
interchangeables, et encore moins des synonymes comme on a tendance à les
utiliser dans les documents et au sein du ministère de l’agriculture.
La somme d’efforts
à consentir pour hisser Haïti au niveau des économies émergentes de la zone
Pour permettre à l’auditoire de mieux appréhender les
nuances de ces deux concepts, M. Pharel,
le principal animateur de cet atelier, a utilisé une approche de comparaison et
une approche du global au local contrairement aux autres intervenants qui se
sont concentrés, avec bonheur, sur leur sujet à partir d’une démarche plus classique axée sur la définition, la
clarification, le développement de ces concepts sur la base d’exemples bien choisis
et assez explicites et les recommandations ; car la démarche des deux
autres intervenants a permis aussi une meilleure compréhension des concepts. La
pluparts des interventions de Pharel se sont faites en référence à la
République dominicaine et la Jamaïque. Il s’est référé aux exigences de
compétitivité liées à la mondialisation pour expliquer les avancées/retards de
notre pays, s’est attardé sur le plan stratégique pour le développement d’Haïti
(PSDH) basé sur la refondation sociale, la refondation territoriale, la
refondation économique et la refondation institutionnelle, sur le ministère de
l’agriculture, dont il a remis en question le titre actuel qui implique trop de
responsabilités pour un seul ministère, et ses diverses politiques, plans et
stratégies en relation avec le PSDH, en particulier le plan triennal de relance
agricole (PTRA 2013-2015) et a achevé sa présentation en faisant un certain
nombre de comparaisons en matière de PIB, de budget d’investissements, de
politiques publiques, d’investissements privés, etc., par rapport aux deux (2)
pays de la Caraïbe cités plus haut. Cette démarche a permis à l’auditoire de
mieux appréhender les concepts, de mieux comprendre le fossé entre ces trois
économies et de mieux apprécier la somme d’efforts à consentir pour hisser Haïti
au niveau des économies émergentes de la zone à l’horizon 2030. D’où la
nécessité de répéter cet atelier non seulement pour plus de participants au sein du secteur agricole, quitte
à l’axer un peu plus sur des filières agricoles répertoriées dans le PTRA, mais
aussi au niveau de l’Etat d’Haïti dans toutes ses composantes, en vue
d’atteindre un niveau de masse critique maitrisant les outils de développement,
incluant les lois de finances qui, en principe, traduisent les priorités et
orientations gouvernementales.
Le Projet de loi
de finances 2014-2015
Comme pour l’exercice passé, l’Exécutif a fait l’effort de
soumettre au Parlement le projet de loi de finances comme l’exige la
Constitution espérant que, pour cet exercice 2014-2015, la loi de finances ne
connaitra pas le même sort que celle de l’exercice passé ( vote par la Chambre
Basse, rejet par le Sénat, reconduction du budget de l’exercice précédent
jusqu’en mai 2014, soit une loi de finances mise en application avec 7 mois de
retard). Du tort causé au pays à cause des querelles politiques entre
l’Exécutif et le Sénat! En tout cas, le projet de loi de finances 2014-2015
fixe le montant global du budget à 122.7 milliards de gourdes (122.7 Mrds HTG
ou 2.7 Mrds USD). Le budget se répartit comme suit : le secteur économique
(44.3%), le secteur politique (18.8%), le secteur socioculturel (27.8%), et autres
dépenses (9.1%) dont 4.1% pour le service de la dette externe. Les hypothèses
de départ visent un taux de croissance du PIB de 4.6%, un taux d’échange en
adéquation avec le taux de croissance, un taux d’inflation de 7.5%. Le taux de croissance de
4,6% du PIB, « sera supporté par les
secteurs de l’agriculture +2,5%, de l’industrie +6 % et de la construction +8% »
(Réf. Le Nouvelliste du 22/07/2014).
« L’emphase a été mise sur l’agriculture »
Comme l’a exigé le Président Martelly à Damien (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/05/haiti-de-la-turbulence-politique-la.html
), l’Education, l’Environnement et l’Agriculture ont subi une hausse budgétaire
par rapport à l’exercice écoulé mais n’ont pas crevé le plafond comme on s’y
attendait. Pour ce qui concerne l’agriculture, voici l’explication fournie par
la Ministre de l’Economie, Mme Jean-Marie : « Le
ministère des Travaux publics a été privilégié parce qu’il y a beaucoup de
projets en cours. Vous n’allez pas voir forcément de nouveaux chantiers. Il
importe de continuer avec les projets en cours. Quant au ministère de
l’Agriculture, c’est parce que tout l’effort déployé dans le cadre des
partenariats public-privé, l’emphase a été mise sur l’agriculture et la transformation
des produits agricoles. Le secteur agricole emploie jusqu’à présent 40% de la
population active. Cela ferait un grand bond si nous arrivons à améliorer les
revenus de cette tranche de la population ». Cet effort sur le secteur agricole
vise aussi à une augmentation de l’offre des produits alimentaires et à
diminuer les importations ». Selon ce qu’a
rapporté Le Nouvelliste du 22 juillet
2014. Il faut noter que les 6.1% alloués au secteur
agricole (7.49 Mrds HTG) sont loin
des 10% du budget de l’Etat souhaités par notre groupe,
la FONHDILAC, pour permettre au secteur de bien booster l’économie haïtienne.
« Une plus grande autonomie budgétaire »
La précision de Mme Jean-Marie :« Avec le recul constaté du financement
externe des projets d’investissement, le poids des recettes internes dans le
budget est passé de 40% dans le budget 2012-2013, à 43% dans celui de 2013-2014
et pour le projet de loi de finances déposé au Parlement dernièrement à 49%.
Donc, nous maintenons l’effort dans le sens d’une plus grande autonomie
budgétaire et cela commence à porter ses fruits » … « Progressivement, nous
essayons de nous affranchir de l’aide internationale. Dans la loi de finances
2014-2015, la part financée par les ressources domestiques augmente
progressivement par rapport à celle financée par les dons et les prêts des
bailleurs internationaux ». Concernant la fiscalité : « Il n’y a aucune
disposition fiscale prévue pour augmenter les taxes, que ce soit les droits de
douane ou les autres taxes. A l’exception d’une disposition relative aux droits
de douane concernant les produits pétroliers. Une disposition qui vise à
alléger le poids de la taxation pesant uniquement sur la gazoline. On va
répartir la taxation sur la gazoline, sur le kérosène et le diesel », a
révélé Madame Jean-Marie.
Considérations
Le jusqu’auboutisme haïtien
La situation haïtienne pour la période sous observation est marquée par notre grande passion pour le football. Le Mondial brésilien a aidé le gouvernement à souffler par rapport à cette opposition tout azimut qui a voulu le mettre hors jeu. La passion haïtienne pour le football a permis à la population de supporter la misère, d’oublier sa faim. Les fanatiques du Brésil qui sont les plus nombreux ont beaucoup souffert ; ceux de l’Argentine aussi, mais beaucoup moindre. Quand le Brésil a été balayé par l’Allemagne, les « argentins » ont sorti leur cercueil pour enterrer les « brésiliens ». Les « brésiliens » en ont fait de même lors de la défaite de l’Argentine face à la même Allemagne en prolongation. C’est le jusqu’auboutisme haïtien, en football comme en politique (Haïti en Marche). Il faut la disparition de l’adversaire, de l’ennemi. Pas de quartier, pas de négociation. Négociation égale lâcheté. Arnel Bélizaire a mis sa vie en danger pour faire passer ses revendications (grève de la faim au sein du Parlement). Les six sénateurs radicaux veulent tout simplement la tête de Martelly et de Lamothe. Ils ne veulent pas céder un pouce de terrain, la plupart de leurs alliés non plus. Comme en 2004, il faut la tête du coupable, en l’occurrence, le Président.
La situation haïtienne pour la période sous observation est marquée par notre grande passion pour le football. Le Mondial brésilien a aidé le gouvernement à souffler par rapport à cette opposition tout azimut qui a voulu le mettre hors jeu. La passion haïtienne pour le football a permis à la population de supporter la misère, d’oublier sa faim. Les fanatiques du Brésil qui sont les plus nombreux ont beaucoup souffert ; ceux de l’Argentine aussi, mais beaucoup moindre. Quand le Brésil a été balayé par l’Allemagne, les « argentins » ont sorti leur cercueil pour enterrer les « brésiliens ». Les « brésiliens » en ont fait de même lors de la défaite de l’Argentine face à la même Allemagne en prolongation. C’est le jusqu’auboutisme haïtien, en football comme en politique (Haïti en Marche). Il faut la disparition de l’adversaire, de l’ennemi. Pas de quartier, pas de négociation. Négociation égale lâcheté. Arnel Bélizaire a mis sa vie en danger pour faire passer ses revendications (grève de la faim au sein du Parlement). Les six sénateurs radicaux veulent tout simplement la tête de Martelly et de Lamothe. Ils ne veulent pas céder un pouce de terrain, la plupart de leurs alliés non plus. Comme en 2004, il faut la tête du coupable, en l’occurrence, le Président.
La valeur de l’autre se reconnait en
général à son départ
Mais quand vous n’êtes plus là, on reconnait votre valeur. C’est le cas du Professeur Manigat. Toute la classe politique haïtienne a vanté l’idéal politique de Manigat, l’homme intègre, le modèle. De son vivant, il était « un arrogant », « un traitre » qui a accepté le pouvoir des mains ensanglantées des militaires. C’était la même chose sous la présidence de Préval. C’était l’homme à abattre. Il a su, en deux occasions, bien manœuvrer (koule en ba yo, nagé pou soti) pour terminer ses mandats. Au pouvoir, toute l’opposition l’a accusé de n’avoir rien foutu. A son départ du pouvoir, heureusement encore en vie et vivant en paix dans son pays, toute l’opposition a reconnu qu’il a fait du bon travail pour notre pays et a même accusé le pouvoir actuel de procéder à l’inauguration de ce que Préval avait laissé (normal selon le principe de continuité de l’Etat). On pourrait citer d’autres exemples, le cas d’Estimé, le cas de Boniface Alexandre, du Premier Ministre Latortue. L’haïtien reconnait la valeur de l’autre quand il n’est plus là, surtout en politique. J’en tire une leçon : La valeur de l’autre se reconnait en général à son départ.
Mais quand vous n’êtes plus là, on reconnait votre valeur. C’est le cas du Professeur Manigat. Toute la classe politique haïtienne a vanté l’idéal politique de Manigat, l’homme intègre, le modèle. De son vivant, il était « un arrogant », « un traitre » qui a accepté le pouvoir des mains ensanglantées des militaires. C’était la même chose sous la présidence de Préval. C’était l’homme à abattre. Il a su, en deux occasions, bien manœuvrer (koule en ba yo, nagé pou soti) pour terminer ses mandats. Au pouvoir, toute l’opposition l’a accusé de n’avoir rien foutu. A son départ du pouvoir, heureusement encore en vie et vivant en paix dans son pays, toute l’opposition a reconnu qu’il a fait du bon travail pour notre pays et a même accusé le pouvoir actuel de procéder à l’inauguration de ce que Préval avait laissé (normal selon le principe de continuité de l’Etat). On pourrait citer d’autres exemples, le cas d’Estimé, le cas de Boniface Alexandre, du Premier Ministre Latortue. L’haïtien reconnait la valeur de l’autre quand il n’est plus là, surtout en politique. J’en tire une leçon : La valeur de l’autre se reconnait en général à son départ.
Tout est donc lié
En guise de conclusion, on ne sait pas ce qui va se passer après le carnaval
des fleurs truffé de couleurs, de belles chorégraphies et de musique
(fantastique! Mais bilan définitif: 2 morts et environ 700 blessés, de source policière). Ce carnaval a favorisé la prolongation de la période de folie
footballistique brésilienne et haïtienne (qualification des moins de 20 ans haïtiens
pour le 2e round qualificatif, à Trinidad, du mondial des U20) qui, elle-même,
a permis au pouvoir, et sans trop grande pression politique de l’opposition, de
continuer avec la routine, (conseils de gouvernement en direct, « gouvenman
lakay ou » dont un à Miami qui a fait coulé beaucoup d’encre), d’organiser
certains événements comme les examens d’Etat, l’atelier du ministère de l’agriculture
sur la filière/chaine des valeurs, d’innover avec lancement d’un programme de
reboisement par bombardement aérien, de faire le dépôt du projet de loi de finances. La question d’éducation
est primordiale, la formation continue aussi. Cet atelier sur la filière/chaine
des valeurs a fait ressortir cette nécessité d’imbrication, d’articulation et d’intégration
des actions pour l’obtention de meilleurs résultats, et mérite d’être étendu à
d’autres institutions étatiques (Exécutif, Législatif et Judiciaire). Il en est
de même pour la loi de finances2013-2014 qui a été présentée par Pharel lors de
l’atelier organisé par le MARNDR en insistant sur la part consacrée aux actions
du ministère de l’agriculture. Lors de la présentation du projet de loi de
finances 2014-2015, à l’Hôtel Oasis, en compagnie de la Ministre de l’économie,
l’accent a été mis sur la nécessité pour l’ensemble des acteurs et des agents
économiques de bien maitriser cet outil de développement, tout au moins, d’en
être informés. Il est indispensable de montrer, dans la mesure du possible et à
chaque occasion, que les réflexions et actions au sein de l’Etat, devraient
être en parfaite harmonie. Et c’est la raison pour laquelle le pays dispose d’un
plan stratégique, que le gouvernement présente une politique générale qu’il
devrait mettre en œuvre dans le cadre de programmes, de projets et de lois de
finances annuelles reflétant ses priorités et ses orientations. Tout est donc
lié. Le développement n’est avant tout que le développement de l’humain, et ne
s’obtient que par l’imbrication, l’articulation et l’intégration des actions au
sein d’un Etat. Le malaise indéfinissable ressenti ces derniers temps, n’est-il
pas lié à cette anthropie politique (ce désordre), cette désarticulation de l’Etat
d’Haïti où chacun essaie de tirer son épingle du jeu ou celle de son clan au
détriment du pays, en tentant de faire croire au bon vieux peuple, « analphabète
mais pas bête », qu’on se bat pour lui ?