PROCESSUS
ELECTORAL A REPRENDRE A ZERO, CHAOS OU REVOLUTION TRANQUILLE EN HAITI ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
1er JUIN 2016, revu et corrig é le 4 juin 2016
Le 14 Mai
2016 n’a pas vu partir le Président Privert (départ différé au 14 Juin 2016 ?
selon PHTK et alliés) ; seulement des palabres et une manifestation de
PHTK, le parti de l’ex-Président Martelly, soldée par des jets de pierres sur
Radio Caraïbes. Entre temps, la Commission indépendante d’évaluation et de
vérification électorale (CIEVE) a
continué avec ses travaux jusqu’au verdict du 30 Mai 2016 au Palais National :
Il faut reprendre à zéro le processus électoral, tout au moins au niveau
présidentiel. En principe, ce résultat surprenant est loin de faire l’unanimité
et pourrait exacerber la crise. C’est à se demander qu’en dépit de tout, est-il
possible de conduire une révolution tranquille en Haïti en lieu et place du
chaos annoncé résultant, entre autres, du verdict de la commission indépendante
d’évaluation et de vérification électorale? Avant de répondre à cette interrogation,
passons en revue comme d’habitude les faits saillants du mois, faisons un clin
d’œil à la situation économique du pays, déduisons les conséquences possibles
du verdict de la ClEVE et terminons sur la nécessité d’une révolution
tranquille (?).
Faits saillants du mois
de mai 2016
La
Commission d’éthique et d’anti-corruption du Sénat continue minutieusement ses
travaux en relation avec les fonds PETROCARIBE. Le
16 mai 2016, le Commissariat des Cayes
est attaqué par des gens déguisés en militaires avec à la clé des blessés et
des morts (un policier sur place et les assaillants quelques heures plus tard
par la chute de leur véhicule dans un ravin en direction de Jérémie), et Guy
Philippe, le tombeur de l’ex-Président Aristide en 2004 et actuel candidat au
Sénat en ballotage favorable pour le second tour dans la Grande-Anse, est
accusé et convoqué (mandat) sans succès au parquet de Jérémie. Le budget
2015-2016 est rectifié à la baisse et n’est pas encore ratifié par le Parlement
à cause des négociations sur les fonds communaux (10 M HTG/Commune). Pourtant,
des nominations de secrétaires d’Etat sont enregistrées dans l’administration
publique. L’inflation est passée à 15.3% en avril 2016 et la gourde autour de
63 gourdes pour 1 dollar américain. Le salaire minimum est revu à la hausse
(175 HTG - 350 HTG). Les pluies provoquent des inondations un peu partout dans
le pays, en particulier à Léogane, avec des dégâts matériels et des morts. Le
banditisme aussi fait des morts et des blessés parmi la population et la police.
Heureusement, le 18 Mai, fête du drapeau et de l’université, grandiosement
commémoré à travers le pays, en particulier à l’Arcahaie où le Président
Privert a annoncé qu’une équipe du Palais National va travailler à la
préparation du dialogue national, démontre la ferveur de la jeunesse haïtienne
pour le drapeau. Il en a été de même pour l’événement annuel « Livres en
folies » avec ses près de 200 auteurs, leurs 1500 titres et plus, et les dizaines de milliers de visiteurs et d’acheteurs.
Face à une telle situation, que faire? Une révolution tranquille à la manière
du Canada? Avant d’y arriver, regardons ensemble la situation économique et la
situation politique suite aux résultats de la CIEVE.
Loin d’une révolution de croissance telle que souhaitée
En mai
2011, après la prise de pouvoir par Martelly le 14 mai de cette même année, j’avais
écrit, « Haïti, nécessité d’une révolution de croissance économique »
(réf : http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/05/haiti-necessite-dune-revolution-de.html
). Cinq (5) ans plus tard, il n’en est rien. Le PIB/hab. est actuellement à 800
USD selon Kesner Pharel du Group Croissance. Trop faible pour changer la donne
économique. Entre temps, la situation sur le plan démographique, environnemental,
socio-économique et politique demeure intacte, pour ne pas dire s’empire. Si la
croissance du PIB a été au rendez-vous (3.44% en moyenne de 2011 à 2015), elle
est loin d’une révolution de croissance telle que souhaitée. La situation
politique caractérisée par une exacerbation de la bataille des clans nous
plonge de plus en plus dans ce chaos annoncé mais heureusement différé à chaque
fois et nous fait ignorer notre situation économique, mis à part certains
spécialistes et des fouineurs comme moi. On dirait que nos politiciens, toutes
tendances confondues si toutefois il y a tendances, se fichent pas mal de la
dégradation générale du pays et de ses conséquences sur notre vie de peuple. La
prise du pouvoir pour le pouvoir (ôte-toi que je m’y mette) pour occuper l’espace
laissé par l’autre sans objectifs, ni stratégies, ni efforts, ni résultats
orientés vers le développement du pays, semble être leur seule motivation. De
gouvernement en gouvernement, on s’accuse de corruption et Haïti, pays riche en
ressources naturelles et minières, périclite en queue du classement mondial et
en tout, sauf dans la liberté d’expression : nous avons la diarrhée
verbale et rien d’autre, surtout en politique. La situation politique s’envenime
à l’approche du 14 juin 2016, date de fin de mandat du Président Privert selon
l’accord politique du 6 Février 2016.
Au niveau de la présidentielle le processus à reprendre à zéro
Le rapport de la CIEVE est un document très sérieux de 107 pages y
incluses les annexes. Il a diagnostiqué sans complaisance le processus
électoral de 2015 et a fait des recommandations pour reprendre le processus à
zéro (réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/159395/Rapport-de-la-Commission-independante-devaluation-et-de-verification-electorale).
Le travail technique de cette commission
n’a pas pu débaucher sur un reclassement
objectif des candidats à la présidence ni d’établir des fraudes
caractéristiques pour un seul candidat comme le claironnait l’opposition à
Martelly. Le rapport a établi la vérité des votes, a épinglé les partis politiques
et les mandataires, les observateurs électoraux qui ont gangréné la machine
électorale, avec souvent la complicité des membres des bureaux de votes. Ce
rapport nécessite une lecture approfondie de chaque haïtien susceptible de le
faire. Il ne faut pas se laisser intoxiquer par les politiciens et même par des
journalistes qui ne se sont pas donné la peine de bien lire ce rapport
avant d’en parler. C’est un rapport qui nous met en face de nous même.
Lisez avec attention la principale recommandation du rapport de la
CIEVE: « Vu
que le CEP a distribué des cartes d’accréditation « en blanc » aux
partis politiques pour être utilisées par n’importe quels mandataires, que le
CEP n’a pas gardé un registre de ces cartes d’accréditation aux fins de
vérification et /ou d’audits, que ces cartes d’accréditation pouvaient être transférées
entre partis politiques sans aucun contrôle et/ou autorisation du CEP, vu le
nombre important d’outils sensibles non retrouvés, les variances non justifiées
entre les différents outils, la proportion de votes irretraçables, la
proportion de fausses CIN enregistrées, et la proportion de dossiers incomplets,
l’analyse des résultats montre que les élections présidentielles étaient entachées
d’irrégularités, de négligences, de fautes professionnelles graves et / ou de
fraudes ». A la
lecture de cette recommandation, on comprend, pleinement maintenant et après
coup, le sens de la petite phase de François Benoit, le président de la CIEVE,
qui découle de cette recommandation et qui a fait la une de tous les médias. En effet, la CIEVE par l’organe de son président, François Benoit, « recommande que, tout au moins, au
niveau de la présidentielle le processus soit repris à zéro ».
Ce n’est pas tout à fait la même chose que dit le rapport qui, à mon
humble avis, remet tout le processus en question. Il ne faut pas oublier que
les élections (parlementaires 2e tour, municipales, et
présidentielles 1er tour) ont eu lieu en même temps. Le verdict pour
la présidentielle est valable pour l’ensemble du processus électoral.
Toutefois, si on remet en question les élections parlementaires, la présidence
de Privert, qui trouve sa légitimité dans le Parlement, pourrait être remise en
question. Déjà des voix s’élèvent pour demander son départ pour le 14 Juin 2016,
alors que lui voit son départ en 2017 lors de l’installation du nouveau
président issu des urnes dans de nouvelles élections à organiser par le nouveau
CEP dont le mandat vient d’être illégalement élargi. C’est donc une situation
assez compliquée et très complexe qui pourrait déboucher sur ce chaos
heureusement et intelligemment toujours différé.
On est donc
retourné à la case départ. Par cette recommandation, la CIEVE a pratiquement accusé tout le monde, ou,
tout au moins, nous met face à notre miroir pour paraphraser Le Nouvelliste. Selon la commission, le système étant
« gangréné » avec la présence des représentants des partis politiques,
tout le processus a été entaché d’irrégularités et de fraudes commises par ces
représentants de partis politiques avec la complicité de certains membres de la
machine électorale. Donc il ne sera plus question d’avoir les représentants des
partis politiques comme membres des Centres de vote et/ou de Bureaux de vote.
Quand on regarde l'ensemble des recommandations de la CIEVE, elles sont très spécifiques
pour redonner confiance au processus et nécessiteront du temps pour être mises
en application.
Le Président Privert a remis le rapport au CEP pour application et a demandé aux partis politiques de respecter les recommandations du rapport. Seront-ils d’accord avec le Président, en tout cas pas le PHTK qui n’a jamais reconnu cette commission, d’autant que le principal perdant de ce verdict reste son candidat à la présidence, Jovenel Moïse, qui est l’objet d’un changement de stratégie par la faune d’en face.
Le Président Privert a remis le rapport au CEP pour application et a demandé aux partis politiques de respecter les recommandations du rapport. Seront-ils d’accord avec le Président, en tout cas pas le PHTK qui n’a jamais reconnu cette commission, d’autant que le principal perdant de ce verdict reste son candidat à la présidence, Jovenel Moïse, qui est l’objet d’un changement de stratégie par la faune d’en face.
Changement
de stratégie par rapport à Jovenel Moïse
De toute
manière, bien avant les résultats de la CIEVE, l’opposition à Martelly avait
déjà réorienté sa stratégie anti Jovenel Moïse. Ils ont pu accéder à un certain
nombre de « contrats bidons » pour démontrer que J. Moïse a bénéficié malhonnêtement
de l’argent de l’Etat, donc l’éliminer
plus tard pour corruption. C’est le changement de stratégie par rapport à
Jovenel et PHTK amorcé depuis deux semaines avant la remise du rapport de la
Commission. Avec la mise en détention provisoire (illégale selon le Sénateur
Sénatus, ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince) d’Eustache
Saint-Lot, l’ancien directeur de BMPAD, qui assure la gestion des fonds de
PETROCARIBE, le mandat contre Guy Philippe, la menace de recourir à INTERPOL
pour faire revenir Roro Nelson en Haïti, des mesures d’interdiction de départ contre deux anciens premiers
ministres de Martelly, Lamothe et Paul, contre
les membres de l’ancien CEP réputés proches de l’administration Martelly (annulées aux dernières nouvelles suite à la sortie de l'ex-Premier Ministre E. PAUL accompagné de ses ministres pour aller vérifier à la Direction de l'immigration si oui ou non il y a eu interdiction), on a
cette impression, cette sensation même que
le Pouvoir en place semble vouloir, à travers ses commissaires du gouvernement,
en particulier, Danton Léger, passer à une autre phase. A-t-il les moyens de sa
politique? Les propos de Privert à son depart pour Cuba et la lettre du PM E. JEAN-CHARLES désapprouvent les mesures prises par Danton Léger, qui est d'ailleurs l'objet d'une convocation en justice de la part d'Evans Paul.
En tout cas, désapprouvé au pas, il envoie des signaux assez forts pour inquiéter PHTK et le forcer à abandonner la scène politique. Si le Commissaire Danton Léger arrive à effrayer suffisamment les proches de Martelly, obtiendra-t-il leur réduction sans résistance ? Rien ne le présage. Tout au moins pas Michel Martelly dont Sweet Micky a refait surface en force au cours de cette deuxième moitié du mois de mai 2016 tant en Haïti qu’à l’étranger, en se déhanchant sur la scène et en inventant de nouvelles musiques et danses. Alors, à quoi faudra-t-il s’attendre? A une réplique en bonne et due forme de l’équipe d’en face ou à une forme d'entente entre nous vers une révolution tranquille ?
En tout cas, désapprouvé au pas, il envoie des signaux assez forts pour inquiéter PHTK et le forcer à abandonner la scène politique. Si le Commissaire Danton Léger arrive à effrayer suffisamment les proches de Martelly, obtiendra-t-il leur réduction sans résistance ? Rien ne le présage. Tout au moins pas Michel Martelly dont Sweet Micky a refait surface en force au cours de cette deuxième moitié du mois de mai 2016 tant en Haïti qu’à l’étranger, en se déhanchant sur la scène et en inventant de nouvelles musiques et danses. Alors, à quoi faudra-t-il s’attendre? A une réplique en bonne et due forme de l’équipe d’en face ou à une forme d'entente entre nous vers une révolution tranquille ?
Nécessité
d’une révolution tranquille ?
Il est
clair que le rapport de la CIEVE a l’aval de l’administration Privert pour des
raisons évidentes. Et le G8 et le G30 se retrouveraient dans la
reprise totale du processus au niveau présidentiel. Très certainement pas
Jovenel Moïse, le premier classé selon le CEP
présidé par Pierre Louis Opont. La bataille pour le pouvoir au niveau
présidentiel est donc relancée avec son lot de surprises. Le PHTK menacé de
toutes parts devrait en principe réagir pour essayer d’évincer Privert du
pouvoir le 14 Juin 2016 ou après à la manière de l’ancienne opposition,
actuelle alliée de l'administration en place, qui a combattu avec acharnement et violences
l’administration Martelly. Les parlementaires proches de PHTK ne devraient pas non
plus accepter ce verdict de la CIEVE à cœur joie, à moins des négociations en sous-main.
L’ambition du Président Privert de ne remettre le pouvoir qu’en 2017 s’affiche
clairement maintenant. Il l’a dit d’ailleurs lors de sa prise parole à cette
cérémonie de remise de rapport de la CIEVE. Par rapport à ce tableau plutôt sombre,
ce chaos qui se précise, y-aurait-il une autre alternative que ce spectre de
guerre civile, le prétexte tout indiqué pour une intervention de très longue durée
de la communauté internationale et peut-être américaine, cette fois-ci non
déguisée? Une révolution tranquille à la manière du Canada ferait l’affaire.
Comment s’y prendre pour mener à bien cette révolution tranquille? En laissant
de côté nos intérêts mesquins de clans, en pensant Haïti d’abord et avant tout,
en s’asseyant ensemble pour dialoguer sur la vision, les objectifs et les
stratégies de cette Haïti que nous
voulons. Tout le monde, à part quelques rares énergumènes, sait qu’il n’y a pas
d’autre solution que le dialogue, la grande concertation nationale sans
exclusive ; c’est la seule porte de
sortie pour Haïti. A moins qu’on préfère le chaos et son lot de surprises
désagréables et d’incertitudes.
Chaos ou
révolution tranquille ?
La menace
du chaos, de guerre civile suivie d’une occupation de longue durée de notre
pays, suffit-elle à nous pousser vers cette révolution tranquille (ref. https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_tranquille ) à amorcer
après la grande concertation nationale (dialogue national) entre nous? Nous les
nains, si nous possédions ne serait-ce qu’un tout petit morceau de gêne de nos
héros forgeurs de patrie, il nous serait possible d’hériter de leur grandeur d’âme,
ou tout au moins de quelque chose qui lui ressemble. Alors chaos ou révolution
tranquille? La balle est principalement dans le camp de nos politiciens. Qu’ils
donnent pour une fois le signal de la grande entente nationale, de cette
révolution tranquille !!! En attendant, concentrons-nous sur la 100e édition de la COPA AMERICA qui a lieu aux USA du 3 au 26 Juin avec la participation historique d'Haiti. Une bonne chose pour nous sortir momentanément de cette grisaillerie politique!