HAITI : BILAN 2017, PERSPECTIVE 2018 :
D’UN BUDGET CHETIF AUX GRANDES PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT, DES DEFIS
PRESQU’INSURMONTABLES ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 DECEMBRE 2017
C’est la fin de l’année 2017, c’est le moment des bilans. Tout le monde
y va de son bilan. Pour le pouvoir en place, tout sera positif, la même chose
pour le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Pour l’opposition, tout
sera négatif. Pour nous autres, on essaie de rester objectif, de garder
l’équilibre. Nous savons que c’est un bilan annuel. Ce n’est pas en un an que
le pays allait se développer, surtout « que l’année fiscale 2017 était
mal partie à cause de la nature qui n'a pas été clémente dès les premiers
jours du mois d'octobre. Les résultats positifs obtenus, particulièrement dans
la campagne agricole de printemps 2016, ont été quasiment bousillés par le
passage du cyclone Matthew dans au moins quatre des dix départements
géographiques du pays (le Grand Sud). Cette catastrophe naturelle a
considérablement décapitalisé les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs
pour ne citer que ceux-là. Si des actions adéquates ne sont pas menées en vue
d'une recapitalisation appropriée, cette situation risque de mettre à mal la
performance attendue de l'économie haïtienne en 2017[1] ».
C’était la conclusion des comptes économiques de l’IHSI que nous avons adoptée
pour notre « bilan 2016 et perspectives 2017[2] ».
Les comptes économiques 2017 font état d’un taux de croissance du PIB de 1.2%
par rapport à l’année 2016 dont le taux était de 1.5% presqu’égal au taux de
croissance de la population (1.4%). Ce qui en principe traduirait une stagnation de la
situation économique du pays pour ne pas dire une aggravation de la situation. Alors, quel bilan pour l’année 2017 et quelles perspectives pour l’année 2018 ?
Que peut-on espérer d’un budget aussi chétif de 144 Milliards et 200 millions
de gourdes (2.3 Mrds d’USD), alors que nos voisins immédiats tablent sur des
budgets de 7 Mrds d’USD (Jamaïque) et 15 Mrds d’USD (République Dominicaine)?
Avant d’essayer de trouver réponses à ces interrogations, passons en
revue les faits saillants de l’année 2017 ainsi que ceux du mois de décembre
2017. Les réponses se retrouveront dans
l’analyse de la situation globale du pays eu égard à l’aspect socio-économique
et à l’aspect sociopolitique pour déboucher sur des conclusions appropriées
orientées vers le relèvement et le développement du pays en tenant compte de la
départementalisation des actions sectorielles prévue dans le cadre de la caravane du changement et des défis plutôt insurmontables.
A. Fait saillants de l’Année 2017 et du mois de Décembre
2017
Durant l’année 2017, Haïti, dont les indicateurs sont au rouge par rapport aux autres pays de
l’Amérique Latine et la Caraïbe (LAC), sauf en matière de sécurité globale où
elle se place en première[3]
position par rapport à ses voisins immédiats, Cuba, la République Dominicaine
et la Jamaïque. Par rapport aux autres indicateurs un seul exemple suffit pour une meilleure compréhension de la
situation : le faible taux de croissance enregistré cette année de
1.2%. Il ne saurait être autrement si on
se réfère à la plupart des faits saillants de l’année 2017
En 2017, le pays est marqué par : (i) le passage de Matthew au
début de l’exercice (octobre 2016) dont les dégâts sont estimés à 32% du PIB
dans le PDNA de Janvier 2017, publié par le ministère de la planification et de
la coopération externe (MPCE) ; (ii) les incertitudes politiques
(contestations des résultats de la Présidentielle, l’accusation de blanchiment
d’argent à l’encontre du Président élu) jusqu’à la prestation de serment du
Président Moïse le 7 Février 2017, (iii) la mise en place plutôt laborieuse du
gouvernement âprement négocié avec le Parlement pourtant allié de la nouvelle
administration tout de suite après le carnaval national aux Cayes décidé « point
barre » par le Président ;
(iv) le lancement de la stratégie
caravane du changement plutôt mal perçue à ses débuts mais mieux comprise eu
égard aux résultats immédiats obtenus tant au niveau de la Vallée de
l’Artibonite qu’au niveau de la Péninsule Sud;(v) les manifestations de rue liées à la loi des
finances 2017-2018 (Budget) qualifiée de « budget criminel » par
l’opposition politique, utilisé comme prétexte pour exiger le départ du
Président, et qui se sont maintenues
jusqu’en Novembre 2017 avec un certain ralentissement depuis la maladie du
principal leader de l’opposition, Jean Charles Moïse ; (vi) la publication
du rapport PETROCARIBE sur la corruption
indexant très majoritairement les anciens hauts responsables de l’ère Martelly
et quelques entreprises dont une des entreprises de l’entrepreneur Jovenel
Moïse devenu entre-temps Président de la République;( vii) la remobilisation de
l’Armée d’Haïti le 18 novembre 2017 contestée par la majorité des partis de
l’opposition;(viii) l’annonce de l’extension de la caravane du changement sur
l’ensemble du pays à partir de 7 Février 2018 avec la possibilité de réaliser
4000 Km de route, des infrastructures scolaires, sanitaires, aéroportuaires,
portuaires, agricoles et sociales (logements), etc, au cours du quinquennat et
l’implication politique et financière d’une telle démarche par rapport au
budget 2017-2018 et les budgets à venir.
De plus en Décembre 2017, il y a eu :
(i)
La commémoration du 75e
anniversaire de la consécration officielle d’Haïti à Notre Dame du Perpétuel
Secours. Une fête grandiose qui a montré la ferveur de la foi catholique et la
force de frappe de l’Eglise Catholique d’Haïti. Malheureusement, quelques
semaines plus tard, un prêtre catholique de grande renommée, Joseph Simoly, trouvera la mort
sous les balles assassines des bandits armés. Les bandits auraient été mis en
prison.
(ii)
La visite du Président en Europe pour
participer, à Paris, au sommet Planet One, rencontrer le Président Macron de la
France et le Roi de Belgique, à Bruxelles,
où, une fois de plus, les déclarations du Président par rapport à la
corruption au sein du Pouvoir Judiciaire (dénoncée auparavant par le Bâtonnier
Me Stanley Gaston) qui l’ « aurait
forcé » à nommer des juges corrompus et la valise de la Première Dame
par rapport à la petite bourse de la Reine de Belgique ont occulté l’essentiel
c’est-à-dire les discussions entamées et les promesses obtenues Par M. Moïse
lors de son passage en Europe et les fructueuses rencontres avec la diaspora
haïtienne et les entrepreneurs étrangers. Le grand public par la presse
interposée n’a retenu que les gaffes diplomatiques du couple présidentiel et la
déclaration inopportune du Président. Quant au Pouvoir Judiciaire, il a pris
très mal les propos du Président au point
de boycotter une invitation du Président au Palais National et d’exiger
des excuses de la part de ce dernier.
(iii)
L’organisation de deux événements inédits, la
rencontre des barreaux francophones en Haïti où il a été simulé un procès très
intéressant pour un non initié comme moi aux affaires juridiques et la rencontre
en Haïti des Parlementaires ACP (Afrique Caraïbe, Pacifique). Ces deux
rencontres se sont très bien déroulées à la satisfaction des organisateurs
haïtiens et de leurs invités étrangers. C’est assez positif pour notre pays de
recevoir près de 1000 invités étrangers sans incidents majeurs, en dépit de
l’état lamentable de la Capitale.
(iv)
Les activités festives de fin d’année avec le
retour au pays de la plupart des orchestres de la diaspora et du grand chanteur français, Charles
Aznavour, si petit par la taille. Les orchestres performeront tant au niveau de
la zone métropolitaine de Port-au-Prince qu’au niveau des villes de province.
Ce qui dénote un certain niveau de regain d’activités culturelles en cette fin
d’année liée aussi à un niveau de sécurité globalement acceptable.
(v)
Un fait saillant particulier, l’émission
Ranmase de ce samedi 30 décembre 2017 a été exceptionnelle. En l’absence de son
animateur vedette, Jean Mona Metellus, l’émission a été animée par un jeune,
Fernando Estimé à qui nous adressons nos plus vives félicitations. Pour une
fois, cette émission politique, la plus populaire du pays, avec une écoute presque planétaire,
a été plutôt technique avec sept invités dont cinq de marque : Thomas
Lalime, Etzer Emile, Azad Belfort, Lemoine Bonneau, Stanley Lucas, Peterson
Benjamin Noel et Lafortune Yves. On était loin de
la cacophonie habituelle antigouvernementale à partir des diatribes des
membres de l’opposition encouragées par l’animateur Metellus. C’était
surprenant pour les habitués de cette émission. Cette fois-ci, on avait droit à
des débats certes contradictoires essentiellement sur la situation économique
du pays mais tellement instructifs. Je pense que c’est l’orientation qu’il
faudra désormais donner à cette émission, tout en conservant son aspect
primordialement politique. Comme il n’y a pas de politique sans économie, un zeste économique et une certaine
neutralité de M. Metellus enverraient une image beaucoup plus positive de
notre pays tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’Haïti et pourraient contribuer
à la stabilité politique et à l’augmentation des investissements en Haïti.
B. Analyse de la situation Socioéconomique
L’analyse de la situation socio-économique se base essentiellement sur
les résultats officiels fournis par les comptes économiques annuels de
l’Institut Haïtien de Statistique et
d’informatique (IHSI), et des informations glanées çà et là au niveau des médias et de
certains documents.
Bilan économique
Comme nous nous sommes interrogés dans le bilan 2016 et perspectives 2017, le secteur agricole n’a pu refaire le même exploit en 2017 qu’en 2016[4]. C’aurait été difficile dans la conjoncture haïtienne de cette année de transition marquée par les faits marquants rapportés plus haut et surtout les impacts de Matthew tel que nous l’avons perçu en Octobre 2016[5] « Matthew aura des impacts macro-économique et social, avec un ralentissement de la croissance. Sur le plan social, l’ouragan est venu aggraver une situation déjà précaire au niveau des départements frappés, avec « une population en moyenne plus pauvre que la moyenne nationale. Par ailleurs, la forte concentration des ménages pauvres autour de la ligne de pauvreté extrême laisse présager un fort risque pour ces ménages de tomber dans la pauvreté extrême.» Insiste le document du MEF. De plus, avec les dommages et pertes enregistrés dans le secteur agricole, la situation de la sécurité alimentaire risque de s’aggraver aussi, sans oublier les risques d’exode vers Port-au-Prince, l’exacerbation « des problèmes de malnutrition et de retard de croissance des plus jeunes, ainsi que leur vulnérabilité aux maladies ». Pour atténuer ces risques et menaces, il faudrait rapidement venir avec ce plan de réponse national avec ses trois phases, urgence, relèvement et reconstruction/ développement. Ce plan de relèvement et de reconstruction devrait mobiliser des ressources financières substantielles tant au niveau interne qu’externe.» Ce plan est venu sous forme de la stratégie de la caravane du changement déployée dans la Péninsule Sud dont les trois départements ont été les plus touchés par Matthew et les actions sectorielles prévues dans le "plan d’action de relèvement et de développement de la Péninsule Sud" élaboré par la cellule de Pilotage de la Caravane du Changement ont pris du retard dans leur démarrage réel (mi-Aout 2017) à cause d’un déficit de communication ; ce qui fait que les effets immédiats de ces actions sectorielles ne sont pas pris en compte dans le bilan de l’IHSI, les informations n’étant pas encore disponibles.
Par conséquent, selon IHSI[6] « Comme pressenti, l’économie haïtienne n’a pas pu faire mieux en 2017
qu’en 2016. Selon les estimations préliminaires, le Produit Intérieur Brut
(PIB), en volume, n’a crû que de 1.2% contre 1.5% en 2016. Ce ralentissement du
rythme de croissance peut-être imputé au caractère particulier de l’exercice
fiscal 2016-2017. En effet, le premier semestre de l’année fiscale 2017 a été
surtout marqué par (i) le passage du cyclone Matthew (ii) la fin des
turbulences électorales de 2016 (iii) le départ du gouvernement de transition
et (iv) l’installation des nouvelles autorités, avec tout ce que cela suscitait
en termes d’incertitudes, d’attentisme et même de changement de priorité chez
les acteurs économiques tant privés que publics.» A mon
humble avis, cela aurait pu être pire avec des dégâts estimés à 32% du PIB
provoqués par Matthew, les inondations périodiques dans le Nord, le passage au
large de la côte Nord d’Haïti de deux ouragans de catégorie 5 (IRMA et MARIA),
le cyclone politique du 12 septembre 2017 avec le budget 2017-2018 comme
prétexte.
Regardons avec IHSI, la
situation au niveau sectoriel : (i)
Secteur Primaire, « La branche agricole, pour laquelle on
redoutait surtout une croissance négative suite aux dégâts causés par le
cyclone Matthew, a pu « garder la tête hors de l’eau » avec une progression de
0.8% de sa valeur ajoutée à prix constant, contre 3.0% en 2016. » (ii) Secteur secondaire avec un apport
significatif des industries agroalimentaires issues du secteur agricole « De leurs côtés, portées par les
fabrications de produits alimentaires et de boissons (2.8%), les industries
manufacturières n’ont crû que de 1.0%, à cause notamment de la chute des
industries textiles (2.0%) et de celles des fabrications de papier et des
activités d’impression (0.2%). Ces dernières avaient enregistré en 2016 une
augmentation de 2.7%, consécutive à la forte demande liée aux campagnes
électorales. L’autre branche qui a aussi contribué à la hausse du PIB en 2017
est la Construction (Bâtiments et Travaux Publics, BTP) dont la valeur ajoutée
à prix constant a progressé de 0.9%. Il convient toutefois de noter que depuis
l’année dernière, cette branche d’activité n’affiche plus le dynamisme dont
elle faisait montre de 2011 à 2015, ce qui dénote un certain ralentissement dans
le processus de reconstruction post-séisme". Pas forcément, puisque la
période de transition politique n’a mis l’accent que sur les élections et non
sur les aspects Bâtiments et Travaux publics. Ce qui est différent avec
l’administration actuelle qui a repris certains travaux mis en veilleuse depuis
la transition au cours du 4e trimestre de l’exercice écoulé et au
cours du premier trimestre de l’exercice 2017-2018. (iii) Secteur tertiaire.
« Pour sa part, mené par le Commerce
(1.3%), les Services non marchands (0.8%) et les Transports et Communications
(1.0%), le secteur tertiaire n’est pas en reste avec une croissance moyenne de
0.9% de sa valeur ajoutée ».
Si on regarde le
tableau suivant, on remarquera que les
trois secteurs sont presqu’en équilibre (0.8, 1.0 et 0.9). Avec de tels taux de
croissances et le taux global de PIB de 1.2 %, le processus de paupérisation
s’accentue, puisque le taux de croissance de la population (1.4%) est supérieur au taux de croissance de
l’économie (1.2%). On ne peut redresser
l’économie sans une politique agressive de réduction de population pour la
ramener au niveau de 1% l’an et même inférieure à 1%. En même temps, il nous faudrait une politique
économique visant des taux de croissance à deux chiffres. Ce qui nécessiterait
des investissements très importants, autour de 4 Mrds d’USD/an. Le budget de 4
Mrds d’USD sera financé comment ? Un élargissement de l’assiette fiscale ?
Des investissements étrangers et nationaux importants ? D’où la nécessité
d’abord d’une stabilité politique durable. Nos acteurs politiques en ont-ils
conscience? « La stabilité politique
est le premier des biens publics » a répété à maintes reprises le
Président Moïse. Quelles mesures concrètes adoptées pour convaincre les autres
leaders politiques ?
Laissons la politique
pour plus tard et revenons à l’économie, en particulier aux grandes composantes
du PIB avec IHSI.
PIB ET SES COMPOSANTES EN SEPTEMBRE 2017
|
||||||
PREVISIONS
ECONOMIQUES
|
2013
|
2014
|
2015
|
2016
|
2017
|
|
DEFINITIVES
|
SEMI
DÉFINITIFS
|
ESTIMÉES
|
ESTIMÉES
|
ESTIMEES
|
||
PIB
EN MILLIARDS HTG
|
15017
|
15 439
|
15 626
|
15 853
|
16039
|
|
Taux de croissance réel
|
4.2%
|
2.8%
|
1.2%
|
1.5%
|
1.2%
|
|
Secteur primaire
|
4.6%
|
-1.4%
|
-5.4%
|
3.0%
|
0.8%
|
|
Secteur secondaire
|
9.0%
|
5.5%
|
3.2%
|
0.8%
|
1.0%
|
|
Secteur tertiaire
|
5.0%
|
3.6%
|
2.9%
|
1.2%
|
0.9%
|
|
Source :
IHSI- Septembre 2017- Tableau reconstitué par l’Auteur de l’Article à partir
des comptes économiques de l’IHSI et le
tableau de septembre 2016 du MEF
Les grandes composantes du PIB. « En ce qui concerne les grandes composantes du PIB, l’analyse de
la demande globale indique que c’est surtout la Consommation finale (2.7%)
suivie de l’Investissement (0.9%) qui ont tiré la croissance, puisque les
exportations, en volume, ont plutôt chuté de 1.2%. La consommation finale a été
surtout boostée par la hausse des transferts de la diaspora (15.4%) et
l’accroissement de la masse salariale tant au niveau public (8.0%) que privé
(15.5%) .
Par ailleurs, en dépit d’une certaine stabilité du taux de change
(surtout à partir du mois de mai), des tensions inflationnistes ont été quand
même observées dans l’économie haïtienne qui a clôturé l’année fiscale 2017
avec 15.4% d’inflation en glissement annuel contre 12.5% en 2016. On notera
toutefois que les tensions inflationnistes ont été beaucoup plus prononcées du
côté des produits locaux (16.0%) que des produits importés (13.3%) ».
La non prise en compte des actions sectorielles dans le cadre de la caravane par l'IHSI
Nous insistons sur le fait que les effets immédiats de la caravane du changement n’ont pas été pris en compte dans l’analyse du bilan de l’IHSI,les premières estimations de l'augmentation de la production de riz au niveau de la Vallée datent de novembre 2017 et, même là encore, ce ne sont pas des informations officielles. Voyons maintenant certains aspects de la stratégie de la caravane du changement en termes de bilan partiel. La caravane du changement, qui est une construction dynamique et collective, un mouvement participatif utilisant une méthode itérative dans l’élaboration des documents d’exécution et la mise en œuvre des politiques publiques, vise à « mobiliser les forces vives du pays pour transformer les rapports sociaux historiques et aboutir au développement endogène et durable d’Haïti. » Elle ambitionne de favoriser une imbrication intra-sectorielle des actions, leur articulation intersectorielle et leur intégration à l’action gouvernementale en vue de maximiser leurs effets et impacts pour le bien-être des citoyens. Elle utilise deux modes opératoires : Opérations coup de poing (urgence) et Opérations Structurantes (relèvement et développement) sans compartimentage réel entre les deux. Cette nouvelle stratégie de coordination et de gouvernance privilégie une exécution déconcentrée et décentralisée des actions sectorielles. En témoignent ses interventions phares dans la Vallée de l’Artibonite et dans la Péninsule Sud d’Haïti. Ces interventions couvrent la période allant du 1er mai au 31 décembre 2017, soit une partie de l’exercice 2016-2017 de mai à septembre 2017, et le premier trimestre de l’exercice 2017-2018, d’Octobre à décembre 2017.
Nous insistons sur le fait que les effets immédiats de la caravane du changement n’ont pas été pris en compte dans l’analyse du bilan de l’IHSI,les premières estimations de l'augmentation de la production de riz au niveau de la Vallée datent de novembre 2017 et, même là encore, ce ne sont pas des informations officielles. Voyons maintenant certains aspects de la stratégie de la caravane du changement en termes de bilan partiel. La caravane du changement, qui est une construction dynamique et collective, un mouvement participatif utilisant une méthode itérative dans l’élaboration des documents d’exécution et la mise en œuvre des politiques publiques, vise à « mobiliser les forces vives du pays pour transformer les rapports sociaux historiques et aboutir au développement endogène et durable d’Haïti. » Elle ambitionne de favoriser une imbrication intra-sectorielle des actions, leur articulation intersectorielle et leur intégration à l’action gouvernementale en vue de maximiser leurs effets et impacts pour le bien-être des citoyens. Elle utilise deux modes opératoires : Opérations coup de poing (urgence) et Opérations Structurantes (relèvement et développement) sans compartimentage réel entre les deux. Cette nouvelle stratégie de coordination et de gouvernance privilégie une exécution déconcentrée et décentralisée des actions sectorielles. En témoignent ses interventions phares dans la Vallée de l’Artibonite et dans la Péninsule Sud d’Haïti. Ces interventions couvrent la période allant du 1er mai au 31 décembre 2017, soit une partie de l’exercice 2016-2017 de mai à septembre 2017, et le premier trimestre de l’exercice 2017-2018, d’Octobre à décembre 2017.
Malgré les faiblesses liées au secteurs impliqués dans la caravane surtout au niveau des
structures déconcentrées et décentralisées chargées de l’exécution directe des
actions sectorielles en principe avec l’appui des structures centrales de ces
secteurs (incompréhension du concept caravane au début, résistance au
changement, manque de personnel qualifié au niveau départemental, manque de
matériels lourds, manque et mauvaise habitude des opérateurs d’engins lourds,
manque d’encadrement des acteurs impliqués, etc. ), les effets immédiats sont
très encourageants. (i) l’amélioration de la disponibilité de l’eau au niveau
des périmètres irrigués (40,000 ha Vallée de l’Artibonite, Plaine des Cayes, de
Torbeck, de Cavaillon et des Nippes) par l’amélioration des conditions de drainage ;
(II) l’amélioration des conditions de circulation en termes de traitement de routes et pistes intercommunales et rurales, plus de 500
Km au niveau de la Vallée de l’Artibonite, du Sud, de la Grande-Anse et des Nippes,
en termes d’asphaltage et de bétonnage de route et de rues aux Cayes, à Camp-Perrin, Carrefour Méridien (environ 25
Km); (iii) la protection des villes, villages et terres agricole agricoles
par le curage et l’endiguement de
rivières avec des mouvements de matériaux (Maïssade, Léogane, Cayes, Cavaillons,
Nippes), soit une quantité de sédiments grossiers d’environ 500,000 m3 dont
328,000 réutilisés en remblais de protection et autres;(iv) La mise à
disposition des moyens de production agricole en termes de distribution de
tracteurs agricoles (45 Unités), d’engrais à prix subventionnés (10,000 TM),
de semences de qualité (740 TM de semences de riz TCS10 au niveau de la Vallée
de l’Artibonite, d’amélioration du cheptel animal (Nippes); (v) l’augmentation
de la production agricole au niveau de la Vallée particulièrement de 2.5 à 4TM à
l’hectare, ce qui correspond à une augmentation d'environ 30,000 TM de riz supplémentaires
globalement ; (vi) l’amélioration de la protection de l’environnement par la mise en place de structures mécaniques
(Sud) et biologiques (Sud, Grande-Anse
et Nippes) en termes de construction de méga pépinières de 4.5 M de plantules
fruitières et forestières et de distribution de centaines de milliers d’essences
fruitières et forestières ; (vii) l’amélioration de la qualité de vie de
la population en termes de réparation d’écoles avec l’Education Nationale
appuyée par le FAES (414 salles de classe réhabilitées), de cliniques
mobiles, de réparation de structure
sanitaires, de traitement de gîtes larvaires avec la Sante Publique, de réparation de 66 systèmes d’adduction d’eau potable avec la DINEPA au niveau de l’ensemble de la Péninsule Sud, de mise en place de station de
traitement sanitaire et d’eau potable (Lagrange), de réparation de logements sociaux
(70 Unités dont 25 totalement achevées au niveau de la Grande-Anse) avec l'EPPLS, d’électrification rurale en termes de mise en
place de réseaux intelligents à Les Irois en phase d’achèvement et de
distribution de kits d’énergie solaire à prix subventionnés à Lagrange
(Artibonite), à Tiburon (Sud) et
Chansolme (Nord-Ouest). Ces
interventions ont occasionné des dépenses
de l’ordre de 2.5 Mrds de Gourdes
et des engagements de l’ordre de 3 Mrds
de Gourdes, soit au total 5. 5
Milliards de gourdes (Réf. Rapport Bilan Caravane- Mai -Décembre 2017, CASDA 2017).
Ces effets immédiats devraient en principe améliorer la situation pour
l’exercice en cours, même s’il faut prendre en compte les inquiétudes exprimées
par les économistes eu égard au déficit budgétaire constaté et au financement monétaire (4 Mrds HTG en Décembre 2017) au premier
trimestre de l’exercice en cours, et aussi éviter d’autres cyclones politiques
annoncés par l’opposition radicale qui vise toujours le déboulonnage de l’administration
en place.
C. L’analyse de la situation politique
On ne va pas trop s’attarder sur la situation politique dont la plupart des faits saillants traités
plus haut ont contribué à la situation économique désastreuse d’Haïti. De plus,
durant tout l’exercice 2016-2017 et l’année civile 2017, les faits politiques
qui dominent l’actualité ont été abondamment analysés. Cette entropie politique
qui nous caractérise depuis des décennies et exacerbée ces 6 dernières années
devrait constituer notre principale préoccupation, car elle engendre l’instabilité
politique qui, elle, est l’ennemie de l’investissement donc du développement.
Si l’on en croit les propos du Président par rapport à la stabilité politique,
il doit faire de son mieux pour éviter toute parole et action pouvant nuire à
la stabilité du pays. Dans le cadre des états généraux sectoriels de la nation
en préparation, il doit tout faire pour avoir la participation de l’opposition
radicale, entreprendre la lutte contre la corruption, tout en créant des
conditions pour la stabilité gouvernementale et éviter de mettre à pied des
ministres comme cela s’est passé sous l’administration de M. Martelly. Il faut éviter aussi d’entrer en conflit avec
le Parlement et le Pouvoir judiciaire, tout en luttant contre toute tentative de corruption au sein de l’appareil étatique
et des collectivités territoriales. La décision d’étendre la caravane de
changement sur l’ensemble du pays est une bonne chose en soi. Le budget actuel
ne dispose pas assez de provisions pour soutenir les actions sectorielles
prévues dans le cadre de cette extension de la stratégie de la caravane sur
tout le pays. Ce qui devrait déboucher
sur une rectification du budget pour l’adapter aux circonstances et envisager
pour l’exercice 2018-2019 sa départementalisation et son augmentation substantielle.
Alors se posera la question de son financement. Avec cette mentalité haïtienne
de tout obtenir du gouvernement (services d’eau, d’électricité, emplois,
éducation, etc.) sans rien donner en retour, que va-t-on faire pour financer le
budget rectifié et surtout les autres lois budgétaires qui suivront ? Ce sont autant de défis à
relever dont on ne voit pas encore comment.
D. Conclusions et Recommandations
L’action gouvernementale a donné les résultats
analysés plus haut. Ces résultats sont loin d’être satisfaisants. La situation
de pauvreté et de misère du pays risque
de s’empirer en cas de cyclones politiques, de catastrophes naturelles liées
au changement climatique, à la position géographique d’Haïti sur la route des
cyclones et sur les failles tectoniques. Il faut noter aussi que la stratégie
caravane du changement pourra aider à faire face à certaines situations
prévisibles. En témoignent les premiers
effets immédiats et son grand potentiel d’ajustement et d’amélioration. « La
mise en œuvre des différentes opérations après seulement 7 mois d’exécution montre »
des signes encourageants, malgré
certaines faiblesses dues à sa jeunesse et héritées du mode de fonctionnement
du pays avec les résultats que l’on sait. « En
effet, les résultats de certaines interventions sont visibles, notamment au niveau
de la production rizicole dans la Vallée de l'Artibonite, au niveau de
l'amélioration des axes routiers, du curage et d’endiguement des rivières. Le
gouvernement, en guise de perspectives, mettra le cap sur la poursuite et le
renforcement des interventions déjà engagées afin que toutes
les activités qui étaient prévues dans ce plan soient mises en œuvre au
bénéfice de la population des départements
affectés et même les étendre à tout le pays en général » a
conclu le rapport bilan de la CASDA relatif
à la caravane du changement.
Selon les vœux exprimés par le Président, la caravane
s’étendra sur tout le pays le 7 février 2018, ce qui exigera des moyens
supplémentaires pour cette extension sur les 7 autres départements non encore
touchés et d’autres défis à surmonter dont la disponibilité d'engins lourds au niveau de l'ensemble des départements, au prorata des actions sectorielles départementales, de la taille des départements, des priorités communales et sections communales, etc., (Travaux publics, Agriculture, environnement, etc.) . L’administration Moïse a-t-il les moyens
de sa politique?
En termes de Perspectives pour 2018, référons nous à nouveau à l’IHSI, « Enfin,
tenant compte des goulots d’étranglement spécifiques auxquels l’économie a dû
faire face en 2017, toutes choses égales par ailleurs, l’année 2018 devrait
être plus prometteuse. Cependant, il ne faut pas non plus perdre de vue que le
pays, étant situé sur la trajectoire des cyclones, a besoin d’un plan de
contingence adéquat pour atténuer considérablement l’impact distributif négatif
des déréglementations climatiques. En tout cas, l’atteinte de l’objectif de
3.9% de croissance du PIB en 2018 passera, entre autres, par la relance
effective et garantie des activités agricoles, la redynamisation du secteur des
bâtiments et travaux publics et l’amélioration continue du climat des affaires.» Et nous ajoutons: l'amplification de certaines actions sectorielles prévues par la caravane du changement.
Aujourd’hui est le
dernier jour de l’année 2017. Demain, Haïti va avoir 214 années d’existence.
Les acteurs du développement, le pouvoir
exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, les collectivités territoriales,
la presse, la société civile, le secteur privé, la communauté internationale
veulent tous voir un mieux-être pour Haïti. C’est leur souhait à tous pour ce
pays. Travaillons ensemble réellement, sans arrière-pensée, pour le développement
intégral, endogène et durable de ce coin de terre qui pourra redevenir, avec l’appui
de tous ses fils et filles et de "ses amis" de la communauté internationale, la perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbes. Aussi
disons-nous à tous et à toutes, meilleurs vœux en la patrie commune ! Que
Dieu nous bénisse et bénisse notre chère Haïti!
[2] https://jrjean-noel.blogspot.com/2017/01/haiti-bilan-2016-perspectives-2017-le.html : HAITI : BILAN 2016, PERSPECTIVES
2017, LE SECTEUR AGRICOLE PRINCIPAL RESPONSABLE DE LA CROISSANCE DE 2016,
PEUT-IL IL REFAIRE « LE MEME EXPLOIT » EN 2017?