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mardi 30 juillet 2019

HAITI, DU PAYS LOCK 2 A LA NOMINATION D’UN NOUVEAU PM, M. F.W. MICHEL, A L’ARRESTATION DU PUISSANT CHEF DE GANG, ARNEL JOSEPH, ET A LA NECESSITE D’UN NOUVEAU SYSTEME


HAITI, DU PAYS LOCK 2 A LA NOMINATION D’UN  NOUVEAU PM, M. F.W. MICHEL, A L’ARRESTATION DU PUISSANT CHEF DE GANG, ARNEL JOSEPH, ET A LA NECESSITE D’UN NOUVEAU SYSTEME
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30  JUILLET 2019

La situation  haïtienne du mois de juillet 2019 a été dominée, au début, par le football. Haïti  a obtenu la 3e à la Gold Cup après son élimination par le Mexique qui a battu les USA (1-0) en finale ; tandis que Brésil a été sacré Champion de la Copa América aux dépens du Pérou (2-0). Cette équipe haïtienne a fait la fierté de l’ensemble des Haïtiens et a favorisé un rare moment de communion entre nous, ce qui, avec la victoire du Brésil à la Copa America et le travail de sensibilisation réalisé par le ministre de l’ éducation nationale au sujet des examens d’Etat (un succès malgré certaines carences et les tentatives de destabilisation), a permis de casser la mobilisation politique relative à l’opération Pays lock 2[1], pour déloger le Président Jovenel Moïse au Palais National. La tentative par les petro-challengers de relancer la mobilisation en vue de fêter le premier anniversaire des événements des 6, 7, 8 Juillet 2018, et l’adhésion de l’opposition politique à cette mobilisation dans le cadre de l’ « opersyon amagedon », n’ont pas eu le succès escompté malgré un bon travail médiatique. La période d’accalmie qui s’en est suivie, en dépit de quelques épisodes d’insécurité (Croix-des-Bossales, abandon du marché par les marchandes sous les exactions des gangs, Matissant des tirs nourris et sporadiques), l’administration Moïse a choisi la date du 22 Juillet 2019 pour annoncer la démission du Premier Ministre (PM) Lapin, la nomination d’un nouveau premier ministre et l’arrestation de Arnel Joseph, le caïd le plus recherché du pays, ces derniers temps, tout en proposant, pour plus tard, un gouvernement d’ « Union Nationale ». D’où le titre de l’article du mois de juillet 2019 : «  Haïti, du pays lock 2 à la nomination d’un nouveau PM, Fritz Michel William, à l’arrestation du chef de gang, Arnel Joseph, et à la nécessité d’un nouveau système ».

Dans cet article, on passera à pieds-joints sur les conséquences de l’opération pays lock, en y faisant un clin sur les examens d’Etat; on s’attardera sur la nomination du nouveau premier ministre et de son gouvernement dans le cadre de l’ancien système qui ne veut pas mourir, les tweets attribués au nouveau PM qui en a porté un démenti formel,  et les révélations/rumeurs éclaboussant sur le plan médiatique la rapidité des actions du 22 Juillet 2019 de l’administration Moïse; et, enfin, on tournera vers la nécessité d’un nouveau système avec une vision claire et un équilibre parfait entre les composantes fondamentales du  système.

1.       Pays lock 2 et ses conséquences

On ne va pas s’attarder sur le pays lock 2e version largement traité dans l’article du mois de Juin 2019[2] . Comme il est de mise dans de pareil cas, le pays a été paralysé. Le gouvernement intérimaire de M. Lapin n’a pas eu l’aval du Parlement, qui a tout fait pour l’empêcher de fonctionner durant les quatre (4) mois de son existence, les services de l’Etat n’avaient  pas fonctionné durant la période de pays lock. Les services de la douane et de la direction générale des impôts (DGI) ont eu beaucoup de difficultés à fonctionner, le pays (secteurs étatique et privé) a eu toutes les peines du monde à avoir un semblant de fonctionnement normal. Il en résulte un effondrement  de l’économie lié à un manque de production, à une crise de change, à un déficit budgétaire, à une Inflation/stagflation : 18.6% au mois de juin 2019 ; ce qui met le pays à la limite d’une crise humanitaire, selon un économiste bien connu, d’autant que, selon les dernières informations (FAO/CNSA), 2.6 millions de personnes en insécurité alimentaire (AI) dont 2 millions en situation de crise (niveau  3) et 571,000 en situation d’urgence (niveau  4) dont 50% en milieu rural.

Dans une émission de Mise au Point, le 22 Juillet 2019, sur la TNH, Etzer Emile[3] a fourni toutes les informations en rapport avec la dégradation de l’économie haïtienne : 55% de chômage, taux de change 94 G pour 1 USD, prévision de croissance 0.4% pour 2018-2019 ; la situation d’oligopole qui structure l’économie haïtienne où, par exemple, 6 importateurs contrôlent le marché du riz. C’est à peu près la même chose pour les autres secteurs, comme le secteur bancaire par exemple. Il a décrit un Etat d’Haïti « en captivité ». Il pense qu’il faudrait une cassure, une sorte de rupture vers un « Etat visionnaire ». On y reviendra à la fin de cet article. 

Malgré tout, les Examens d’Etat ont eu lieu

En dépit de cette situation décrite plus haut,  les examens d’Etat à travers le pays ont pu avoir lieu. Le mérite revient en partie au ministre de l’éducation nationale sortant, M. Agénor,  qui a mené une bonne bataille médiatique. Les manœuvres de l’opposition politique et de certains syndicats n’ont pu empêcher la réalisation de ces examens. Il faut aussi mentionner la détermination des parents qui, pour la plupart, ont accompagné leurs enfants jusqu’aux lieux de ces examens et ont veillé jusqu’à la fin des épreuves au péril de leurs vies.

A noter que le retrait de la plupart des petro-challengers par rapport à la mobilisation programmée pour les 6 et 7 Juillet 2019 a handicapé la mise en route de l’operasyon amagedon de l’opposition politique, lancée pour la même période et au-delà, avec un objectif clair de saboter les examens d’Etat ; puisque cette opération, qui aurait dû couvrir toute la période d’examens, aurait été tout simplement fatale pour l’organisation des examens d’Etat. On en prend pour preuves les perturbations de ces examens dans certaines écoles à Saint-Marc.

Il faut signaler aussi le parcours extraordinaire de la sélection haïtienne à la Gold Cup et du Brésil à la Copa America. Cette ambiance footballistique a créé un climat favorable à l’organisation des examens d’Etat. Et, enfin, la lassitude de la population haïtienne face à cette bataille politique beaucoup plus pour le pouvoir que pour le changement du système et Haïti. A entendre, certaines personnes engagées dans la bataille, soit disant, pour changer le système, le focus est beaucoup plus mis sur la démission de Jovenel Moïse et la mise à côté de PHTK. Comme quoi, dès qu’on se débarrasse de ce régime, le problème d’Haïti serait résolu. Cela nous laisse un parfum de 2004, avec Aristide et Lavalas comme le problème. On sait ce qu’il en est résulté. C’est vrai que le système, mis en place en 1804 et affiné en 1806 après le parricide du 17 octobre 1806 (assassinat du père de la nation Jean Jacques Dessalines le Grand), a permis, de régime politique et régime politique, un ensemble de pratiques de prébendes, de prédation, de corruption, etc., qui conduisent à la situation d’aujourd’hui, ce qui nécessite un changement du système, car l’ancien a atteint ses limites.

2.       La nomination du nouveau Premier Ministre et de son gouvernement

Bien avant les pétro- challengers, les esprits avisés avaient réclamé le changement du système, et la FONHDILAC, se basant sur certaines réflexions des auteurs haïtiens et étrangers, avait proposé, fin des années 1990 et début des années 2000, toute une approche, l’approche hexagonale[4], pour le diagnostiquer, le faire fonctionner mieux et/ou le changer, malheureusement vingt ans plus tard, le système se perpétue parce que mis sous perfusion par ses profiteurs et vrais maitres[5].

C’est dans ce système que vont évoluer le nouveau Premier Ministre, Fritz William Michel, 38 ans, le 4e  PM de Jovenel Moïse[6], et son gouvernement, composé de neuf (9) femmes, plutôt jeunes.  Le nouveau PM nommé et non encore ratifié par le Parlement, a fait le dépôt de ses pièces au Parlement. Bien avant cette étape, M. Guichard Doré, conseiller spécial du Président Jovenel Moïse, a présenté le gouvernement de M. Michel comme un gouvernement de transition en vue de permettre le fonctionnement de l’Etat, et après, il sera remplacé par un gouvernement d’union nationale, qui sera issu des négociations avec l’opposition politique (Chita tande).

Rapidité des actions de l’administration stoppée par les « tweets du PM » et les « révélation/rumeurs » d’Arnel Joseph

La démission du PM Lapin et la nomination du PM Michel et de son gouvernement ont été  faites avec une rapidité étonnante. Ainsi que l’arrestation d’Arnel Joseph, le caïd le plus recherché du pays. Cette rapidité dans l’action de la part du pouvoir en place a été stoppée nette par des « révélations/rumeurs » sur des tweets attribués au PM nommé et datant de plus de dix (10) ans. Malgré le démenti apporté par le PM et son secrétaire d’Etat à la communication, M. Alexis, les réseaux sociaux se sont emparés de ces tweets. Il en a été de même pour les prétendues révélations du bandit Arnel Joseph, tout au moins au niveau des réseaux sociaux. La remarque c’est que ces «révélations » viendraient conforter la thèse développée par l’opposition politique et les organisations des droits humains. Les noms cités sont tous des gens proches de PHTK ou des conseillers du Président Moïse. Le Président, lui-même, aurait été en contact direct avec le caïd. C’est un peu insensé pour un esprit avisé de s’entendre dire qu’une administration utilise les services des bandits pour se déstabiliser, car c’est de cela qu’il s’agit, payer des bandits pour escroquer la population, pour kidnapper, pour détourner des camions de marchandises. Cela dépasserait l’entendement.

Si le cas de massacre de La Saline s’avérait ainsi que les attaques perpétrées par les bandits contre les marchandes de Croix-des-Bossales, on aurait tendance à croire que toutes révélations mettant en cause cette administration pourraient se révéler vraies. Même si, en ce qui concerne le marché de la Croix-des-Bossales, un groupe de trois marchandes a révélé, au micro de Marie Lucie Bonhomme de Vision 2000, que  ce qui se passe au niveau du marché est le résultat de la bataille pour le contrôle du marché par deux groupes de bandits qui, tous les deux, avaient l’habitude de les rançonner sous une forme ou une autre, et que ces bandits ne sont pas forcément liés à l’administration. Où est la vérité dans cet imbroglio ? Toujours est-il qu’un marché, qui brasse plus d’un  million de dollars américains par jour, et qui aide des milliers de marchandes à se tirer d’affaire sans l’appui de l’Etat, serait l’objet d’attaques de la part des bandits à la solde des gens de l’administration en place. Tout ceci laisserait tout esprit avisé ébahi.

« L’incertitude est l’ennemi no 1 de l’activité économique ».

En tout cas, ces tweets et ces « révélations » ont détourné l’attention du grand public de la mise en place du nouveau gouvernement. On attend la semaine en cours pour voir ce qui va se passer. Pour l’opposition « institutionnelle », au niveau de la Chambre basse et du Sénat, il est question plutôt  de la mise en accusation du Président de la République pour haute trahison (Chambre Basse) et de sa démission  pour se mettre à la disposition de la Justice. On est donc très loin  des demandes formulées contre le gouvernement de Lapin, à savoir de nouvelles personnalités qui n’ont pas prêté leurs services au plus haut niveau de l’Etat (ministres et autres). C’était la principale raison évoquée pour boycotter le gouvernement de Lapin. Or ce gouvernement nommé répond à deux exigences, (i) de nouveaux visages pour les petro-challengers, et (ii) de nouveaux ministres pour le  Sénat. Pourtant, on a de sérieux doutes sur l’organisation des séances au Parlement et surtout sur la ratification  de la politique générale du PM. Donc, on nage en plein dans l’incertitude. Pour répéter, Etzer Emile, « l’incertitude est l’ennemi no 1 de l’activité économique ».

3.       La nécessité d’un nouveau système

Dans le système actuel, à bout de souffle à cause de ses pratiques prédatrices de prébendes et de corruption, producteur de pauvreté et de banditisme, et basé sur des oligopoles, il est pratiquement impossible pour Haïti de faire « yon pa kita, yon pas nago ». C’est pourquoi l’opposition politique et les petro-challengers exigent au préalable la démission du Président pour se mettre à la disposition de la Justice. C’est cette bataille, depuis juillet 2018, contre le pouvoir en place qui nous a valu la situation actuelle, la mise à pied d’un PM (Jack G Lafontant), la résiliation d’un autre (Ceant), la non ratification du dernier en date (Lapin), et la nomination de ce dernier jeune loup (Michel); donc la gourde a perdu 40% de sa valeur par rapport au dollar américain (94 G= 1 USD), l’inflation est à 18.6%, 55% de la population en âge de travailler au chômage, 2. 6 millions d’haïtiens en insécurité alimentaire.  C’est normal puisque la bataille pour le pouvoir est plus importante que notre chère Haïti: 229 M d’USD de la FMI en attente d’un nouveau gouvernement, 150 M d’USD de Taïwan (accord non encore ratifié par le Parlement), les services de la Douane et de la DGI n’ont pas pu atteindre les objectifs fixés à cause du ralentissement de l’économie en général. C’est vrai ce n’est pas la nomination d’un nouveau gouvernement qui va nous permettre de changer le système actuel, est-ce une raison pour laisser pourrir la situation dans le seul but d’obtenir la démission du Chef de l’Etat ?

             En passant par le nécessaire dialogue inclusif entre nous

L’administration par l’organe de M Doré parle d’un gouvernement de transition en vue de faire fonctionner l’Etat. Pourquoi ne pas le prendre au mot ? D’autant que, jusqu’à présent, il n’y a pas encore d’alternative au remplacement du Président actuel. Comme le disait mon ami, B. Ethéart, en 1986, en se servant du cas de Jean Claude Duvalier, "pourqu'il y ait départ d'un président, il faut 3 conditions, (i) la volonté du Président de partir, (ii) la mobilisation de la rue, et (iii) le lâchage du Président par l’administration américaine". Cette assertion a été vérifiée avec Aristide en 2004. Actuellement, deux des conditions ne sont pas réunies, la rue seule ne peut pas évincer le Président actuel. Dans ce cas, il ne reste que la négociation, le chita pale, le nécessaire dialogue entre nous, la conférence nationale. Il y a un point sur lequel, les politiques et les pétro-challengers sont d’accord, il faut changer le système. A l’Arcahaie, Jovenel Moïse s’est considéré comme un accident du système. Guichard Doré a parlé de la possibilité d’un gouvernement d’Union Nationale, issu des négociations avec l’opposition politique. Qu’est-ce qui empêche aux politiciens de jouer le jeu, aux petro-challengers, aux représentants des droits humains, à la Société civile, aux représentants des syndicats et des organisations populaires, etc., d’entrer dans ce jeu pour Haïti ?

Ainsi, on pourrait mettre à profit la proposition de la plupart de ces secteurs visant, entre autre, le changement du système, selon ce qu’a rapporté en primeur Le Nouvelliste[7] : « Mettre en place une gouvernance de la transition qui sera désignée par les secteurs représentatifs et organisés de la société ; un organe de contrôle des actions gouvernementales sera constitué de la même façon ; organiser la conférence nationale dont l’objectif est de trouver des solutions appropriées pour engager la rupture avec le système actuel ; organiser le pré-dialogue, établir les thèmes de référence de la conférence… »

« Equilatéralité » du  nouveau Système

On termine cet article pour dire que toute structure ne vaut que par ses composantes et les personnes qui l’intègrent. Il en est de même pour un système. Quant au système actuel, caractérisé principalement par les trois pouvoirs d’Etat, l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, il souffre d’un profond déséquilibre, la constitution fait du Législatif le maitre du jeu, l’Exécutif, son otage,  et le Judiciaire, l’otage des deux. C’est une sorte de triangle quelconque, avec un grand côté (le Pouvoir législatif), un moyen côté (le Pouvoir exécutif) et un petit côté (le pouvoir Judiciaire). Il faudrait rééquilibrer le système par la mise en place d’un triangle équilatéral, avec le pouvoir judiciaire à la base, et les deux autres pouvoirs constituant les deux autres côtés. Le cercle Haïti serait circonscrit autour de ce triangle parfait avec « une vision de croissance et d’emploi » pour répéter Etzer Emile. C’est pourquoi je qualifierais ce nouveau système, de système équilatéral, et que j’inventerais le concept « Equilatéralité du Système ».

Ce nouveau système se baserait, selon l’approche hexagonale, sur six axes fondamentaux avec : « (i)Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national ; (ii) Le capital social et culturel comme élément fondamental de socialisation ; (iii)  Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; (iv)  Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ; (v)  Le capital financier et économique, à partir de la bonne gouvernance, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et (vi)  Le capital politique comme élément fondamental de coordination d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance ». Tout ceci avec des objectifs bien précis et des résultats concordants soutenus[8] et mis en œuvre à partir d’une stratégie participative, imbriquant les actions intra-sectorielles, articulant les actions intersectorielles et intégrant ces actions à l’action gouvernementale, pour aboutir à des effets et impacts positifs  sur la population haïtienne dans son ensemble, "sans exclusive", pour reprendre l'expression du professeur Manigat.















[2] idem
[3] Interview d’Etzer Emile avec Sergihio Lyndor : https://www.youtube.com/watch?v=LA_wo8HDCe8&feature=youtu.be
[8]  Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne. https://jrjean-noel.blogspot.com/search?q=Document+d%27orientation+pour+la+refondation+de+l%27Etat+d%27Haiti+selon+une+vision+haitienne

lundi 25 février 2019

HAITI, PAYS LOCK ET PERSPECTIVES



HAITI, PAYS LOCK ET PERSPECTIVES
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
24 FEVRIER 2019

Le rapport Petrocaribe (31 Janvier 2019) de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif  (CSC/CA)  a été l’étincelle  qui a mis le feu aux poudres le 7  Février 2019. L’opposition plurielle, en particulier l’opposition radicale, regroupée sous le vocable secteur démocratique et populaire et rejointe par un ancien allié du pouvoir en place, Ayiti An Aksyon (AAA) et qui vient de contribuer très fortement  à placer à la tête du Sénat, le Sénateur Carl Murat Cantave, transfuge de la Konfederasion  inite democratik (KID), a su bien exploiter le momentum (Réf. mécontentement de la population par rapport à la cherté de la vie, découlant de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar[1], du taux d’inflation de plus de 15% (janvier 2019) et de la publication du rapport de Petrocaribe, qui, entre autres, a épinglé la Firme AGRITRANS dont le principal responsable a été le Président du Conseil d’Administration, M. J. Moïse, entrepreneur, pour lancer « l’opération Peyi lock » en vue de pousser le Président de la République, M. Jovenel Moïse, à la démission.

La méthodologie utilisée  et établie par nous  en écoutant la radio, en visionnant les vidéos sur les réseaux sociaux, en regardant les reportages sur les  télévisions haïtiennes en relation avec les manifestations, en lisant les journaux traditionnels et en ligne, et en observant le fonctionnement de certaines barricades soit directement, soit à partir des personnes interposées,   est la suivante :

1)      Profiter au maximum de l’émotion de la population en relation avec sa situation de misère, le dossier petrocarbe, et exploiter à merveille les erreurs, fautes et omissions du pouvoir en place;
2)      Amplifier et déformer les informations, les rumeurs en les focalisant sur le Président de la République (diaboliser au maximum, la même méthode en 2004 contre Aristide) et traiter le responsable du Palais de tous les noms et même de «voleur » ;
3)      Présenter les actions sectorielles de l’administration comme des échecs cuisants et les dépenses y relatives comme du gaspillage d’argent, d’où le déficit budgétaire record enregistré. Il en résulte une aversion pour les informations fournies par le gouvernement perçues comme de la pure propagande, malgré l’évidence des résultats immédiats obtenus dans certains cas (Cayes, Cam-Perrin, Carrefour, Tabarre, Thomazeau, Gonaïves, Gros Mornes, Cap-Haïtien, Trou du Nord, Marion, etc., pour ne pas les citer) ;
4)      Annoncer des manifestations de rues avec des propos incendiaires pour chauffer les esprits et provoquer la panique dans les familles qui se terreront chez elles, le moment venu ;
5)      Encourager et profiter de la participation des petrochallengers  et d’autres groupes ayant une capacité de mobilisation ;
6)      Faire la tournée des stations de radios par les leaders politiques et sociaux et les petrochallengers ;
7)      Intervenir dans  des émissions de radios de grande écoute (ramase, Intersection et autres), surtout celles favorables au départ du Président ou appartenant aux membres de l’opposition ;
8)      Tirer des rafales d’armes à feu la veille et durant la nuit ;
9)      Imprégner d’huile  certains tronçons de routes pentues ;
10)   Encourager la mise  en place de barricades enflammées dans des zones stratégiques, les grandes artères et les artères secondaires les plus fréquentées ;
11)   Assurer le contrôle  des barricades  par des groupes souvent armés (bandits) et acquis à la cause de l’opposition politique ;
12)   Distribuer de l’argent  à partir des fonds mis à disposition par les sponsors et commanditaires intéressés, par exemple distribution d’argent dans la zone de Plateau Central par AAA selon le Sénateur Willo Joseph[2], ce qu’a démenti le Député Abel Descolines mis en cause dans cette distribution ;
13)   Rançonner les automobilistes qui prennent la rue par obligation, certains automobilistes ainsi que des motocyclistes en ont fait mention ;
14)   Annoncer et notifier, tout au moins dans un premier temps, le parcours de la manifestation ou des manifestations si les parcours sont différents ;
15)   Mettre en branle des manifestions de rues de concert avec les petro challengers, les groupes politiques et sociaux acquis à la cause ;
16)   Modifier le parcours des manifestations en cours de route, tout en provocant la police à partir des groupes extrémistes au sein des manifestants, pour la forcer à commettre des bavures, tirs, gaz lacrymogène ;
17)   Attaquer, une fois la bavure ou les bavures  commises et parfois même sans bavure, les entreprises, la police, les magasins, les maisons privées, les véhicules en stationnement et mettre le feu pour détruire et créer la panique, et le tour est joué ;
18)   Répéter ces opérations encore et toujours durant toute la période de blocage du pays et même après de manière partielle.

Cette manière d’opérer n’a pas produit les résultats escomptés mais a eu des effets néfastes sur le fonctionnement global du pays et aussi quelques lueurs d’espoir.

Le pays a été bloqué durant une dizaine de jours sans aucune communication entre la Capitale Port-au-Prince et les autres départements, et sans aucune communication entre les chefs-lieux des départements et les communes et sections communales. Une cartographie des barricades à travers  le pays devrait permettre de confirmer l’ampleur du mouvement et de prévenir une autre opération de ce type à l’avenir. A titre d’exemple, plus de 100 traces de barricades entre carrefour Nationale No 1 et Route 9, et Hotel Decameron (Montrouis).

Plus d’une quinzaine de morts violentes à travers le pays, une insécurité permanente avec des bandits opérant sans inquiétude. Des dégâts matériels importants évalués à des centaines de millions de dollars américains si l’on se réfère aux évaluations suite au passage des ouragans en termes de comparaison. Cet ouragan politique devrait se situer à plus d’un demi-milliard de dollars américains si ce n’est plus.

Les familles haïtiennes ont eu toutes les peines du monde à fonctionner durant ce blocage de 10 jours. La grande majorité n’a pas eu accès à la nourriture, à l’eau potable, aux soins de santé déjà précaires avant ces 10 jours. Les hôpitaux ont lancé des alertes pour leur approvisionnement en médicaments essentiels, pour favoriser la circulation des ambulances, du corps médical. L’hôpital de Mirebalais, très fréquenté, a dû braver les barricades enflammées pour faire venir les médecins de Port-au-Prince. Le convoi a eu toutes les peines du monde à traverser les barricades ; heureusement, l’hôpital a eu l’ingénieuse idée de demander aux médecins de mettre leur blouse et cela a facilité la traversée des barricades.

Le pays est rayé de la carte touristique mondiale, nos deux aéroports internationaux ne figurent plus sur la listes des grandes agences mondiales (Expedia.com, trip adviser.com), déclarés « illégaux » dans un premier temps et « invalides » actuellement, impossible de faire une réservation sur ces sites[3]. Les USA, le Canada ont rappelé le personnel non essentiel de leur ambassade. Les hôtels sont au bord de la faillite (voir l’interview de Richard Buteau, PDG de Convention Center pour bien comprendre ce qui est en train de se passer dans le secteur hôtelier, une sorte d’embargo sur Haïti vue comme un pays en guerre).

Une situation conflictuelle entre les deux têtes de l’exécutif semble s’approfondir si l’on en croit les propos des proches du Président et du Premier Ministre. Selon le premier Ministre, les mercenaires en majorité américains[4] (7 individus)   arrêtés par la Police Nationale d’Haïti (PNH), qui auraient l’appui d’un ex-ministre proche de PHTK, seraient venus pour l’exécuter. Mais selon le Sénateur Youri Latortue[5], des officiels du gouvernement (Secrétaire d’Etat à la Sécurité publique et le ministre de la Justice, qui par la suite va signer la note autorisant le transfert des américains aux USA)  sont intervenus pour demander la libération de ces bandits étrangers. Dans son intervention à la nation bien avant l’épisode de « mercenaires américains », le Président a informé que sa vie était visée[6] (un ancien commissaire surnommé Flex a été arrêté et déporté aux USA suite à l’intervention du Président). Il est clair que les deux se sentent menacés, on dirait non pas par l’opposition politique, mais par eux-mêmes à en croire les interventions de leurs proches dans les médias. Il faut rappeler à ces deux têtes de l’Exécutif que « toute maison divisée est condamnée à périr ». A noter que l’opposition parlementaire de la Chambre des Députés a proposé la mise en accusation du Président de la République.

En fin de compte, le Président est toujours là et a demandé au PM Céant, toujours en place, d’annoncer les mesures arrêtées, ce que ce dernier a fait dans son discours du 16 Février 2019 en 9 points[7].  Ces mesures sont interprétées différemment d’un économiste à l’autre. En tout cas, si elles étaient appliquées, ne serait-ce que partiellement, elles devraient provoquer une certaine amélioration de la situation (stabilisation du taux de change et une appréciation de la gourde à court et moyen termes, une réduction du train de vie de l’Etat, la création d’un certain nombre d’emplois temporaire, etc.).  Les actions prévues par le ministère de l’Agriculture sur les dix filières retenues[8], une fois mises en œuvre correctement, devraient aussi favoriser une amélioration de la situation en matière de sécurité alimentaire. Le Sénat a officiellement remis le dossier Petrocaibe au PM Céant pour les suites nécessaires.

Le Président, quant à lui, a rencontré le Nonce apostolique et l’ex-Président Privert, et a créé un comité de facilitation du dialogue inter-haïtien avec 7 membres[9] dont un petrochallenger. 

En termes de perspectives, la situation s’annonce plutôt sombre si l’on se base sur les propos des opposants au régime en place, même si les appels pour  « locker le pays » à nouveau n’ont pas fait recette la semaine écoulée. Pour combien de temps encore ? Il suffit d’une erreur grossière de la part de l’administration en place, pour favoriser une autre  explosion politique et sociale. On n’a pas l’impression que l’administration en place comprenne très bien l’ampleur de la situation. Normalement, les deux têtes de l’administration auraient dû offrir une image  d’unité, de sérénité face à l'opposition qui parle de « tabula rasa». Comment dialoguer avec les autres si on ne dialogue avec ses proches? Comme l’a demandé Réginald Boulos dans sa lettre à la nation, il faudrait commencer par là.

Comme je suis un optimiste de nature, j’espère que nos politiciens, principaux responsables de la situation actuelle, finiront par entendre raison et s’assiéront autour d’une table pour sauver ce qui peut encore l’être. Franchement, je ne comprends pas. Qu’est-ce qu’il y a de si profond entre nos politiciens (pouvoir et opposition) pour qu’ils n’arrivent à trouver un terrain d’entente  en plaçant les intérêts d’Haïti au-dessus de leurs intérêts de clans. Haïti d’abord et avant tout devrait interpeler chacun de nous. Aucun sacrifice ne devrait être trop grand pour sauver notre pays. C’est ce que vous dites tous en substance, messieurs les politiciens. A moins que vous mentiez tous !

Entendez-vous donc pour changer le système et favoriser l’émergence d’un système équilatéral avec les trois pouvoirs d’Etat (Triangle équilatéral avec les pouvoirs exécutif et législatif (les élus) à la base et le pouvoir judiciaire au sommet), basé sur (i) l’humain haïtien, (ii) son système socio-culturel, (iii) son système environnemental, (iv) son système infrastructurel, (v) son système économique et financier, et  (vi) son système politique/gouvernance. La combinaison de ces six (6) axes débouchera[10], selon la FONHDILAC[11], sur 36 éléments de développement devant faire de notre pays en 2054 le pays phare du monde[12].

N’est-ce pas là une bonne vision pour le 250e anniversaire de notre indépendance? Cette vision devrait faire l’unanimité auprès de nos politiciens et leurs alliés pour se mettre à la hauteur de nos héros d’autrefois. Dans le cas contraire, ils resteraient avec leurs acolytes  des nains politiques qu’ils sont et qu’ils demeurent. La bataille pour les broutilles de pouvoir dans un pays cadavérique sur lequel ils s’acharnent encore et toujours au profit de leurs clans respectifs ne nous mènera  nulle part! On dirait des vautours ! Que Dieu ait pitié de notre pays avili et totalement embourbé et qu’il nous guide vers des lendemains meilleurs à travers cette entente entre nous et vers ce nouveau système à visage humain!




[2] L’invité du jour de Vision 2000 du 21/02/2019. https://www.youtube.com/watch?v=5YHiIC2vao0
[5] https://www.youtube.com/watch?v=VyBF9Hx8eRY  et le 22/02/2019, Abel Descolines a démenti le 
[6] Discours du Président du 14 Février 2019
[7] Discours du PM Céant du 16 Février 2019.
[11] https://jrjean-noel.blogspot.com/2017/02/document-dorientation-pour-la.html
[12]  En 1804 nous avons sonné le glas du système esclavagiste mondial, 250 ans plus tard Haïti pourquoi pas le pays phare du nouveau système mondial à visage humain ?






mardi 28 août 2018

HAITI : L’ARROGANCE DE L’IGNORANCE


HAITI : L’ARROGANCE DE L’IGNORANCE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
27 AOUT 2018

J’ai beaucoup lu et beaucoup écrit. J’ai adapté et créé beaucoup de concepts.  Citons, entre autres, Le concept approche participation-responsabilisation axé sur l’information, la sensibilisation, la communication, la motivation directe, la motivation indirecte, la formation, la structuration et la mise en réseau ; le concept approche hexagonale axé sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique/le financier et la politique/gouvernance ; le concept stratégie d’imbrication, d’articulation et d’intégration des actions (SIAAA) applicable à n’importe quelle structure micro, meso et macro, et le dernier en date, le concept « arrogance de l’ignorance ». C’est  quoi l’arrogance de l’ignorance ? Comment il m’est venu l’idée de créer ce nouveau concept ? En quoi peut-il être  utile à la situation actuelle de notre pays?

C’est  quoi l’arrogance de l’ignorance ?

C’est cette habitude de la plupart des haïtiens d’aborder n’importe quel sujet dont ils ignorent l’ABC comme le pic de la Mirandole. Plus ils ignorent le sujet, plus ils en parlent fort, plus ils en font des affirmations avec cette arrogance qui caractérise les ignorants. Enfin, c'est une combinaison de deux mots donnant naissance à une nouvelle expression pour dire de façon plutôt élégante « taisez-vous quand vous ne savez pas de quoi vous parlez » ou tout simplement  « donnez-vous la peine de vous informer de quelque chose avant d’en parler ».

Comment il m’est venu l’idée de créer ce nouveau concept ?

Depuis la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle, je produis des articles suite à de nombreux rapports produits pour des institutions étatiques, des ONGs, des organisations internationales comme  consultant. De 2004 à date, je produis de manière régulière des articles sur Haïti, au moins un article par mois (Réf. www.jrjean-noel.blogspot.com ), parallèlement à mes activités professionnelles comme consultant et/ou contractuel de l’Etat, sans compter les nombreux rapports, documents de projets, manuels de formations sur de nombreuses thématiques. J’ai eu la chance et l’opportunité de côtoyer tant en Haïti qu’à l’étranger des gens biens formés et bien éduqués, des collègues et des amis dont la grande majorité a eu une influence positive sur ma longue carrière et ma formation sur le tas.

J’ai pu aussi observer longuement mes frères haïtiens de toutes catégories, la masse, les classes moyennes et la bourgeoisie, les paysans, les techniciens, les politiciens ; car j’ai eu la chance, durant ma longue carrière, de discuter et de travailler avec tous ces gens qui m’ont beaucoup appris, mais il y en a parmi eux qui parlent de choses qu’ils ne maitrisent pas avec une telle arrogance qu’ils m’ont inspiré ce nouveau concept : l’arrogance de l’ignorance.

Parmi tous ces gens, une catégorie m’a le plus inspiré ce concept. Ce sont les politiciens, certes pas tous, mais la grande majorité. Cette attitude de tout savoir, de parler de n’importe quoi, de débiter des bêtises sur n’importe quel sujet d’intérêt national, est vraiment ahurissante. Je ne sais pas si vous vous donnez la peine de les écouter à la radio, à la télévision.

J’ai collaboré directement ou indirectement à l’élaboration de beaucoup de dossiers sur Haïti, le cadre de coopération intérimaire (CCI), le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), le  Post-Desaster Needs assesment  (PDNA 2010) après le tremblement de terre de 2010, le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH),  le Plan de développement agricole (PDA 2010-2025), le plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2010-2025), le plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH), le PDNA 2017 après le passage de Matthew en octobre 2016, et plus récemment la stratégie caravane du changement et l’actualisation du plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2018-2030).

Et à chaque fois qu’il y a un document sérieux sur Haïti, je me donne la peine de le lire pour avoir une bonne compréhension du dossier avant d’en parler ou d’y consacrer un ou plusieurs articles. Souvent, je suis sidéré d’entendre les gens parler de ces documents sans même se donner la peine d'y jeter un coup d'oeil et encore moins de lire le résumé exécutif, en particulier nos politiciens qui ont dirigé, dirigent et aspirent à diriger le pays.

Un exemple flagrant, la caravane du changement. J’ai entendu des gens et pas des moindres débiter des inepties sur cette stratégie novatrice et globalisante. Ce serait « le projet/programme phare du président », qui n’aurait pas de ligne budgétaire donc il y aurait détournement de fonds pour toute activité réalisée dans le cadre de la caravane. On pourrait multiplier à l'infini d'autres affirmations et critiques par rapport à cette stratégie venant, en majeure partie, de la classe politique et aussi d'autres secteurs. 

La caravane du changement, qui n’est qu’une stratégie de coordination et de gouvernance en lien avec l’ensemble des structures étatiques et visant le développement participatif du pays, en utilisant les compétences des structures déconcentrées et décentralisées de l’Etat et des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des actions sectorielles sur l’ensemble du territoire, n’a pas besoin de budget propre, tout se fait à travers les secteurs et les collectivités territoriales et leur budget respectif. 

Pourtant un député, qui est censé maitriser tout ce processus, a accusé récemment le Ministère de l’économie et des finances (MEF) de mettre à la disposition du Président de la République 11 millions de gourdes par semaine comme per diem pour la caravane. Cette déclaration farfelue a été reprise par les médias tandis que la note explicative et rectificative du MEF n’a pas eu le même écho.

Un autre exemple, la nomination de Jean Henry Céant comme premier ministre qui correspond plus ou moins au profil défini au préalable (Réf. https://jrjean-noel.blogspot.com/2018/07/et-lapres-jack-guy-lafontant.html  ), a donné lieu à un ensemble d’articles acides et destructeurs sur ce monsieur que je ne connais pas personnellement ; il en a été de même pour la première ministre Michèle Pierre-Louis en 2008. C’est ahurissant cette capacité de destruction que nous avons.  Ces gens qui ont osé écrire et dire de telles choses connaissent-ils vraiment ce monsieur, ont-ils des preuves de leurs accusations? 

En quoi ce concept peut-il être  utile à la situation actuelle de notre pays?

L’arrogance de l’ignorance est notre mal absolu. Nous ne nous donnons pas la peine de lire, de prendre connaissance des dossiers avant d’en parler. Nous parlons de tout et de rien avec la même arrogance. Quand nous voulons détruire quelqu’un, nous inventons n’importe quoi sur la personne et nous avons une certaine presse et les réseaux sociaux pour nous appuyer dans ce processus de destruction. Nous utilisons des dossiers que nous ne maitrisons pour détruire, pour mener la lutte politique contre nos adversaires, nous accusons sans preuve. Nous mentons impunément, au vu et au su de tout le monde, sans nous soucier du mal que nous faisons à nos concitoyens et à notre pays. Jusqu’à présent la bataille politique ne vise pas le développement du pays, mais la prise du pouvoir par un ou des clans politiques associés. Ôte-toi que je m’y mette.

Actuellement, il y a un réveil lié au dossier PETROCARIBE. C’est une bonne chose qu’un dossier orienté politiquement finit par déboucher sur un réveil citoyen contre la corruption en général. Il est admis que la corruption est responsable de 40% des fonds alloués au développement, si ce n’est un peu plus dans le cas de notre pays. J’ai déjà écrit cinq articles sur la corruption en Haïti depuis 2008. Je suis content que le dossier PETROCARIBE fasse prendre conscience à la majorité des haïtiens de ce fléau qui a contrarié jusqu’ici le développement du pays.

Beaucoup de gens s’embarquent dans ce dossier sans savoir de quoi il s’agit. Je ne vais pas y revenir puisque j’y ai déjà consacré deux articles. Ce dossier traité par deux commissions sénatoriales orientées politiquement souffrent des faiblesses de ses auteurs qui ne maitrisent pas les procédures de fonctionnement de l’Etat en général et de la passation des marchés publics haïtiens en particulier (l’arrogance de l’ignorance) et qui mènent à visière levée une bataille politique à travers ce dossier. Ce qui a provoqué les réactions négatives des indexés qui se retrouvent, pour la grande majorité, dans un même camp politique; normal d’ailleurs c’est ce camp qui a eu beaucoup plus de résolutions dans le cadre de la gestion des fonds  PETROKARIBE par le BMPAD.

La saisine de ce dossier par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) est en soi une bonne chose, en ce sens qu’elle lui a redonné son aspect technique au détriment de son aspect politique, avec beaucoup plus de chance de déboucher sur le procès souhaité par tout le monde.

Un autre élément important dans le cadre de ce dossier, il est inscrit dans  la feuille de route du Président de la République au Premier Ministre nommé. Comme quoi, pour une fois, tout le monde est d’accord pour lutter contre la corruption à travers PETROCARIBE comme symbole de la lutte anti-corruption.

Une réflexion que je voudrais partager avec mes lecteurs pour leur montrer que PETRCARIBE est un élément d’un ensemble plus grand. De 2008 à 2018, les fonds engagés dans le cadre du PETROCARIBE seraient de 3.8 milliards dollars américains. Sur cette même période avec un budget annuel autour de 2 milliards d’USD en moyenne, ce qui ferait un montant global de 20 milliards d’USD engagés. Si on enlevait les 70% environ liés au fonctionnement de l’Etat (14 milliards d’USD),  donc 30% (6 milliards d’USD) auraient été investis dans le développement du pays pour les résultats que l’on sait. 

A partir de cette réflexion, il faudrait demander des comptes pour 6 milliards d’USD et non pas seulement pour les 3.8 milliards d’USD de PETROKARIBE sur la base d’un audit sérieux, de préférence, international. A ce moment-là seuls les plus justes seront sauvés en cas de réalisation de ce procès tant attendu.

En tout cas, pour finir,  il y a nécessité d’une prise de conscience par rapport à cette arrogance de l’ignorance pour nous aider à mieux nous informer et nous former quand on aspire à quelque chose au lieu d’utiliser des coups bas contre nos adversaires, nos concurrents, ou d’utiliser notre ignorance, nos peu d’informations et de connaissances à des fins de destruction. Il serait beaucoup plus profitable au pays que nos ignorants arrogants cessent d’intervenir dans les médias pour donner une chance au pays de s’en sortir. Avec une prévision de croissance économique de 1.8% pour 2017-2018 (Radio Vision 2000/CEPALC), Haïti est loin de sortir de la pauvreté abjecte dans laquelle nous l’avons plongée. Révolution tranquille versus révolution violente? A bon entendeur salut!