HAÏTI : ENTRE LA MERDE DE TRUMP ET LA
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION, UNE TENDANCE A L’ENTENTE NATIONALE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
4 FEVRIER 2018
Le deuxième lundi de Janvier 2018, tel que prévu par la
Constitution, le Président de la République, M.J. MOISE, le Premier Ministre Jack Guy LAFONTANT et son
gouvernement se sont présentés, ce 8 janvier 2018, devant le Parlement pour un
état des lieux de la nation. Le Président en a profité pour présenter les
grandes priorités de son administration pour l’année 2018, entre autre, la
lutte contre la corruption. « A cet effet, le Président de la République appelle à l’unité des
pouvoirs de l’État et de toutes les forces vives du pays pour lutter
efficacement contre le fléau de la corruption qui constitue un obstacle majeur
au développement du pays. Une lutte nécessaire d’autant plus qu’elle vise à
créer plus d’opportunités à la jeunesse du pays afin de réduire les flux
migratoires vers les autres pays de la région.[1]» Du 1er Janvier aux Gonaïves, jour de
l’Indépendance, jusqu’au 31 janvier, le pays a vécu une période d’accalmie,
troublée par deux faits majeurs, les
propos du Président Américain, Donald Trump, traitant les pays africains et Haïti de
« shithole » (trou de cue) et le rapport PETROCARIBE sur la
corruption mis en débat au Sénat par le nouveau Président du Sénat, M. Joseph
LAMBERT. En ce début d’année, Haïti semble trouver un point d’entente entre la
merde de Trump et la lutte contre la corruption. Avant d’y arriver, passons en
revue les faits saillants du mois de janvier 2018.
Faits
saillants du mois de Janvier 2018
En plus de (I) la merde de Trump qui a fait un
tollé mondial et (ii) le dossier PETROCARIBE, d’autres faits méritent d’être
signalés : (iii) Les Elections au Parlement ont conduit au remplacement de
Youri Latortue par Joseph Lambert au Sénat et
de Cholzer Chancy par Gary Bodeau à la chambre basse. (iv) Le Voyage du
Président J. Moïse en Italie où il a
rencontré le Président Italien et le
Pape François ainsi que les agences de Rome, FIDA, FAO. Pour ce voyage en
Italie, le Président était accompagné de
sa famille (femme et enfants), du ministre des affaires étrangères, de son chef
de cabinet, des Présidents du Sénat et de la Chambre Basse. (v) la rencontre du
Président avec la Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) au siège de
cette institution a dissipé le malentendu entre ces deux pouvoirs d’Etat.
Ainsi, au cours de ce mois de janvier 2018, les trois pouvoirs projettent une
image d’entente. (vi) La campagne pour l’exclusion de Sweet Micky aux parcours carnavalesques s’est
soldée par sa non-participation officielle au carnaval de l’Indépendance des
Gonaïves et à celui de Jacmel. La campagne continue pour son exclusion du
carnaval national à Port-au-Prince, et Martelly prend son bâton de pèlerin pour
s’expliquer au niveau de certains médias avec un clash de « joure
mamman » à Caraïbes Matin avec un animateur de cette émission. (vii) Dans le cadre de l’extension de la
caravane du changement sur l’ensemble du pays à partir de 7 Février 2018, le
Président Moïse a procédé à la remise de matériels lourds au niveau de certains
départements comme le Centre, l’Artibonite, le Nord-Est, le Nord-Ouest et le
Nord en ont reçu un certain nombre bien longtemps avant. Un calendrier prévoit
la remise de ces matériels à l’ensemble des départements jusqu’au 11 Février
2018. A ce qu’il parait, à date 80% des 123 M USD de matériels sont déjà en
Haïti, selon le Président. (viii) la jeune sélection féminine nationale de
football, les Grenadières, s’est qualifiée pour le Mondial en France en battant
le Canada par 1 but à 0, obtenant ainsi la 3e place qualificative
après le Mexique et les USA. Compliments à ces jeunes qui, au prix d’énormes sacrifices, ont fait
honneur à notre pays meurtri!
La merde de Trump et la lutte contre
la corruption
Maintenant concentrons-nous sur la merde de Trump et
la lutte contre la corruption. Lors
d’une rencontre bipartite à la Maison Blanche, les démocrates ont rapporté aux
médias les propos du président américain traitant Haïti et les pays africains
de pays de merde. Ces propos ont été reprouvés mondialement. Les haïtiens ont
organisé des manifestations à New-York, en Floride et en Haïti. Le Gouvernement
Haïtien a convoqué le chargé d’affaire américain en Haïti. Certains partis
politiques ont sorti des notes de presse assez musclés. LAVALAS et PITIT
DESSALINES ont organisé des manifestations de rue. LAVALAS a instruit ses
partisans de se concentrer uniquement sur les propos de Trump, tandis que PITIT
DESSALINES a associé le déchoucage de Jovenel Moïse à la manifestation contre
les propos de Trump. Lors de la préparation de cette manifestation, l’équipe de
LAVALAS ainsi que l’avocat Michel André ont fait valoir qu’ils sont pour la
conférence nationale souveraine pour régler leur différend avec le pouvoir en
place qui, lui-même a parlé d’Etats Généraux Sectoriels de la nation et semble
ne pas avoir trop de problème avec le concept Conférence Nationale, n’est-ce
pas, Monsieur le Président ? La position jusqu’auboutiste de déchoucage de J C MOISE semble l’affaiblir,
puisque certains alliés l’ont abandonné pour cette raison. Il n’en a cure.
Quant à la lutte contre la corruption, le
Président l’a encore affirmé au Parlement, il en fait une affaire personnelle.
Il veut avoir l’appui des autres pouvoirs pour lutter contre le fléau de la
corruption, un obstacle majeur au développement du pays. Le rapport PETROCARIBE
approfondi par trois sénateurs de l’opposition, Beauplan, Cassy et Pierre avec
l’appui de Cheramy, ne plait pas au pouvoir, qui estime que le rapport est
« biaisé ». L’opposition, dans sa lutte contre le pouvoir en place en
fait son cheval de bataille. La grande majorité des indexés, estiment les allié
du pouvoir, sont des anciens ministres de Martelly, des anciens directeurs de
BMPAD liés à l’administration Martelly. La dernière résolution de PETROCARIBE
engageant les anciens ministres et le directeur du BMPAD sous l’administration
Privert n’a pas été analysée par la commission dirigée par Beauplan. Tous ces
arguments restent très valables. La grande question, y –a-t-il corruption ou
non ? Si oui, il faut sévir. Mais qui doit sévir, la justice, l’ULCC, la
Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSCCA), etc.? En
tout cas, le Sénat a tranché, à travers uniquement les membres du PHTK et
alliés fort tard dans la nuit du 1er Février 2018 par une résolution, transférant
le dossier à la CSCCA. Ce qui est qualifié d’opération « champwel »
par l’opposition politique. « C’est la mafia totale qui est au niveau du
Parlement. L’un des plus grands réseaux de mafia du pays se trouve au Parlement
[2]», selon
Beauplan. Le fait de ne pas classer le
dossier sans suite, c’est déjà une bonne chose. Les Sénateurs liés au pouvoir
auraient pu demander de passer au vote contre le rapport tel qu’il est et
obtenir le rejet du rapport. Cela ferait un tollé pour quelques jours et
peut-être quelques mois comme c’avait été le cas pour ce qu’on a qualifié
d’ONAGATE, comme pour le rapport Paul Denis sur l’administration d’Aristide.
Ces deux dossiers sont classés dans les tiroirs sans suite. Pour le rapport
PETROCARIBE, c’est à la CSCCA et à la Justice de lui donner suite.
Il faut profiter du momentum
De ces deux dossiers le cas de la merde de
Trump qui a soulevé l’indignation des haïtiens de toutes catégories, nous avons
pour une fois fait l’unanimité par rapport à un dossier stigmatisant notre pays
comme c’avait été le cas pour le 4H désigné plus tard par le sigle SIDA, même si,
pour des raisons politiciennes, il y a eu divergence sur la manière de répondre à Trump.
Pour le dossier de lutte contre la corruption, dossier PETROCARIBE mis à part,
il y a consensus pour lutter contre le fléau de la corruption sans une utilisation
politicienne de tel ou tel dossier. Pour
une autre fois, tout le monde veut lutter contre la corruption, le pouvoir en
place, l’opposition, la société civile, la société haïtienne dans son ensemble.
Il faut donc profiter du momentum pour mettre de l’ordre dans nos affaires.
Conférence nationale ou états
généraux sectoriels de la nation, contenu et limites ?
La position de LAVALAS et d’autres groupes, qui
ont passé du déchoucage à la conférence nationale souveraine et le pouvoir qui
n’aurait pas de problème avec le mot conférence nationale, c’est un autre point
de consensus entre nous. Maintenant, il faudra se mettre d’accord sur le
contenu et les limites de la conférence. Si la conférence nationale sera
souveraine[3]
comme en Afrique, elle devra en principe
tout remettre en question, même les
élections qui viennent d’être organisées à tous les niveaux. Dans ce cas, sa
réussite pourrait être compromise. C’est pourquoi, dès le départ, il faudrait
se mettre d’accord sur le contenu et les limites de la conférence nationale ou
états généraux sectoriels de la nation ou la grande concertation nationale. Peu
importe le nom qu’on lui donnera, il faudra se mettre d’accord sur quelque
chose sur Haïti sans arrière-pensée politicienne.
Conclusion : Haïti d’abord et avant
tout ou la continuation de la bataille des clans ???
En guise de conclusion, les divers documents sectoriels
sur Haïti, les plans de réponse aux catastrophes qui ont frappé Haïti, le
dernier document de synthèse des plans d’action départementaux pour le
relèvement et le développement portent
en eux les germes d’une nouvelle Haïti capables de mobiliser les forces vives
du pays pour transformer les rapports
sociaux historiques et aboutir au développement intégral, endogène et durable du
pays. Ces documents disposent d’éléments susceptibles de nous aider à nous
asseoir ensemble dans le cadre d’une grande concertation nationale en vue d’aboutir
à cette nouvelle Haïti. La réponse à la merde de Trump et la lutte contre la
corruption qui ont fait l’unanimité chez tous les haïtiens ne peuvent-elles pas
être les déclencheurs de cette tendance à l’entente nationale, la seule porte
de sortie pour favoriser la mise en commun de nos forces vers le développement
de notre Haïti Chérie? C’est possible, seulement si la bataille pour l’entente
ne vise que le relèvement et le développement d’Haïti et non la prise de
pouvoir d’un clan par rapport à un autre pour satisfaire les égos d’un clan par
rapport à un autre selon le modèle établi depuis 1806. Faites vos jeux chers
compatriotes, « Haïti d’abord et avant tout" ou la continuation de la
bataille des clans ???
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