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mercredi 2 octobre 2019

PAYS LOCK PHASE 3 : HAITI AU BORD DE L’ASPHIXIE



PAYS LOCK PHASE 3 : HAITI AU BORD DE L’ASPHIXIE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 SEPTEMBRE 2019 .Revu le 3 Octobre 2019


On  avait annoncé que le lundi 30 septembre 2019 serait beaucoup terrible que  le vendredi 27 septembre 2019. Tout le monde était sur le qui-vive. Heureusement, c’était moins grave que le 27 septembre. Dieu nous en a préservés.

En effet, depuis environ  trois semaines, le pays est fermé. Rien ne fonctionne. Le gouvernement de Michel, qui a passé l’épreuve de la Chambre Basse, n’a pu se présenter à la Chambre Haute. Les Sénateurs de l’opposition en ont décidé ainsi par des moyens peu orthodoxes, l’invitation de leurs partisans, armés pour la plupart,  au sein du Parlement : la casse des matériels de bureau, l’utilisation par leurs partisans  de matières fécales pour décourager les autres  Sénateurs à participer aux séances programmées et avortées grâce à ces manœuvres.  La dernière séance s’est soldée par des tirs, dont ceux d’un Sénateur proche du pouvoir, le Sénateur Féthière, avec, à la solde, la blessure par balle de deux personnes dont un journaliste photographe, et par un sauve-qui-peut indescriptible des Sénateurs proches du pouvoir sous la pression des partisans des Sénateurs de l’opposition. Le Sénateur de l’opposition, Anthonio Cheramy (Don Kato), en a profité pour lancer une manifestation improvisée, qui a été l’annonciatrice de toutes les autres manifestations durant les trois semaines de pays lock phase 3. Ce pays lock 3 est plus terrible que les deux premiers (Février et Juin 2019), la crise du carburant, entre autres, aidant.

Le Mois de Septembre 2019 est un mois perdu (les économistes nous en diront plus). Durant, la première semaine, l’opposition politique a affiné sa stratégie unitaire dans le département du Centre pour obtenir le « rache mayok » du Président Moïse, le diable personnifié. Le dimanche 8 septembre, c’était le dernier round à Mirebalais[1]. Le 9 septembre 2019, l’UNOH (l’Union des Normaliens Haïtiens), a lancé timidement, à Port-au-Prince, les premières escarmouches. Une huitaine de jours après les premiers mots d’ordre, le pays s’est embrasé de manière progressive jusqu’à la date fatidique du vendredi 27 septembre 2019 et jusqu’à la journée de la peur, de la frayeur du lundi 30 septembre 2019.

Il faut noter qu'avant la date fatidique du 27 septembre, le Président est intervenu pour proposer un ènième dialgue à ses adversaires politiques et un gouvernement d'union nationale. Il a replacé Lapin à la tête d'un gouvernement d'austérité, qu'il a réduit et regroupé autour de 12 ministres, fermant par ainsi la parenthèse du gouvernement Michel. Il a aussi mis à pied le Directeur Général du ministère de l'intérieur, M. Monchéry, et le Délégué Départémental de l'Ouest, M. Duplan, tous les deux indexés dans le dossier du massacre de La Saline.  On dirait que cette intervention et ces mesures ont plutot jeté de l'huile sur le feu.

Pour revenir aux 27 et 30 septembre, il faut signaler que la veille au soir et dans la nuit, les pneus enflammés ont rendu l’atmosphère irrespirable et les fumées des caoutchoucs ont noirci les recoins les plus intimes des maisons situées à proximité des barricades enflammées, les tirs sporadiques ont poussé les familles à se mettre à l’abri dans des endroits les plus surs de leur maison et ont empêché mêmes les plus braves à dormir tranquille. Cela a été un exercice à répétition durant toute cette période. On comprend pourquoi la majorité des haïtiens se sont terrés chez eux .

De plus, les nouvelles sur les réseaux sociaux, à la radio, à la télévision,  ont fait état d’incendies et de pillage de magasins,  d’institutions publiques (postes et commissariats de police,  écoles, etc.), de casse de véhicules,. La circulation était réduite à quelques rares véhicules privés et des motos qui  pétaradaient dès 5h am jusqu’à 7-8h pm, et, souvent tout de suite après leur passage, des tirs, des crépitements de balles. Dans ces conditions, l’école, le commerce, l’industrie, l’administration publique n’ont pas fonctionné. Le pays a été, une fois de plus, une fois de trop, bloqué, sans aucune considération pour les malades, les femmes enceintes (émissions grand boulevard de Radio Caraïbe), les centres hospitaliers, les ambulances (Invité du Jour de Radio Vision 2000), les écoles (certains écoliers ont même  été fouettés selon Rosny Desroches sur Radio Métropole). A noter enfin, aucune liaison terrestre entre les départements géographiques du pays, routes barricadées, pénurie de carburant, de médicaments et autres. Les banques de province sont en panne de liquidités. Que dire des gens qui ne pouvaient pas s'approvisionner en nourriture, soit ils ne pouvaient pas sortir, soit ils n'avaient pas d'argent.  Un tableau très sombre de l'Haïti d'aujourd'hui. Heureusement, on a cette accalmie depuis mardi 1er octobre 2019! Pour combien de temps?

Tout cela pour obtenir la démission d’un Président élu et qui refuse de céder à la pression de la rue. Pour obtenir cette démission, ce déchoucage, l’opposition décide d’asphyxier le pays. Elle est arrivée à faire croire à tout le monde que c’est le Président, le seul responsable de la situation, puisqu’il est un inculpé, un voleur, un mal élu, un incompétent, un arrogant, un assassin. Bref, le diable personnifié. Une fois parti, le pays deviendrait une sorte de paradis. Car, elle promet de mettre en place un gouvernement de transition de trois ans,  qui organiserait la conférence nationale souveraine, le procès PETROCARIBE, et de changer le système peze souse dont Jovenel Moïse est le garant. L'opposition a déjà mis en place sa commission de passation de pouvoir pour recevoir la démission du Chef de l'Etat. Comme ce dernier n’arrive pas, jusqu’à présent, et ce, depuis les 6,7 et 8 juillet 2018, à diriger ni même à contrecarrer les manœuvres de l’opposition, on est amené à croire et à accepter qu’il est le problème, et que la solution passe par son départ. L'appel au dialogue du Core Group fait à l'opposition représentée en la circonstance par M.M. Latortue, Lambert, Leblanc, Mme Beauzile, et à "l'allié rebel" du pouvoir, M. Paul, a été rejeté d'un revers de main, sauf "un départ ordonné et immédiat de Jovenel" pourrait être accepté par l'opposition.

Quand j’ai vu, dans une vidéo, ce jeune homme de 31 ans, père d’un enfant qu’il n’a pu envoyer à l’école faute de moyens, et qui demande un révolver  pour aller tuer le Président, j’ai compris le niveau de haine transmise à ce malheureux. Quand j'ai vu, dans une autre vidéo, certains éléments d'une unité d'élite de la police prendre la fuite devant un groupe de manifestants armés de roches, de batons, etc., et quand j’ai entendu les menaces à peine voilées de certains leaders politiques, et non des moindres, vis-à-vis du Président de la République, j’ai compris que le sort réservé à Dessalines, Salnave, Vilbrun Guillaume Sam, etc., pourrait se répéter. Je suis arrivé à la conclusion que Jovenel devrait partir. Ce serait tellement triste et douloureux de voir ce bon peuple assassiner un Président de la République en plein 21e siècle! Quand j'ai lu la position de certaines institutions religieuses, de la société civile, etc., et quands j'ai lu certains textes de nos écrivains les plus célèbres et ceux de certaines personnalités moins connues, avec des diatribles anti-Jovenel et anti-PHTK, ma conviction s'est renforcée davantage: Jovenel devrait démissionner pour éviter le pire au pays et à lui-même.

En tout cas, le Président, une fois parti ou crucifié (victime expiatoire), les problèmes liés au ravage de ce cyclone politique exigeront des solutions urgentes, des solutions de long terme et la nécessité de mettre en place ce nouveau système (voir Fig. ci-contre ) réclamé par les jeunes de Petrochallengers et toute la jeunesse haïtienne ainsi que par la majorité silencieuse, un système favorisant un équilibre parfait entre les trois pouvoirs d’Etat, un système équilatéral, capable de produire un autre haïtien, en parfaite santé (sécurité alimentaire et nutritionnelle), bien éduqué, vivant dans un environnement régénéré et sécuritaire,  bien équipé (infrastructures bien normées et suffisantes), économiquement équitable et politiquement responsable, avec une gouvernance économique, financière et politique orientée vers le bien-être du peuple haïtien où, grâce à un système judiciaire aussi fort que les deux autres pouvoirs d’Etat, la corruption serait réduite à sa plus simple expression.

Qui est-ce qui va expliquer tout cela au peuple haïtien ? Car, il est beaucoup plus facile pour nos politiciens de se mettre ensemble contre quelque chose ou quelqu’un, de trouver des stratégies pour renverser leurs adversaires politiques par la diabolisation de l’autre, sans aucun égard pour le pays. C’est une constante tout le long de notre histoire de peuple. La bataille pour le pouvoir a toujours été privilégiée par rapport à la bataille pour le développement du pays. C’est pourquoi le résultat est ce qu’il est aujourd’hui. Naturellement, comme l’avait prévu, Fritz Jean[2], c’est Jovenel Moïse qui porte le chapeau, car il a hérité de cette situation et n’étant pas en mesure d’y remédier comme promis (campagne électorale), il en est donc perçu comme le principal responsable, ses adversaires politiques aidant (bâtons dans les roues et bataille médiatique gagnée).

J’ose espérer que, cette fois-ci, mettre Haïti au bord de l’asphyxie pour obtenir le départ du « diable » Jovenel Moïse en vaudrait la peine et déboucherait sur la mise en place de «  la 3e République » pour répéter Michel Soukar, une République plus solidaire, plus égalitaire et plus libre où ses fils et filles vivraient en harmonie les uns avec les autres et en parfait amour les uns pour les autres. Sans déchoucage cyclique. 

Cette République est possible si et seulement si nos hommes politiques actuels, qui se battent pour renverser l’actuelle administration, accusée de tous les maux d’Israël, ne visent pas uniquement le pouvoir pour leurs clans respectifs au détriment de la pauvre Haïti. Si le développement d’Haïti n’est pas vraiment l’enjeu de cette lutte acharnée, alors, mes frères, je vous garantis que vous connaitrez le même sort réservé à votre adversaire (ennemi) d’aujourd’hui et même pire encore. Soyez responsables et ne vous faites pas traités de menteurs à votre tour. HAITI D’ABORD ET AVANT TOUT ! A bon entendeur, Salut !!!



dimanche 8 septembre 2019

HAITI : L’ECOLE PRISE EN OTAGE



HAITI : L’ECOLE PRISE EN OTAGE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
8 SEPTEMBRE 2019

Le pays lock, phase2, dont l’objectif fixé par l’opposition politique a été de forcer le Président J. Moïse à donner sa démission, suite à la sortie, le  31 Mai 2019, du 2e rapport PETROCARIBE, s’est produit à partir du dimanche 9 juin 2019, en pleine période de fermeture des classes et juste avant la période d’examens d’Etat. Si ce n’était l’excellent parcours de l’équipe nationale masculine à la Gold Cup et du Brésil à la Copa América[1], l’opposition politique aurait maintenu la mobilisation jusqu’au départ de Jovenel Moïse du pouvoir, quitte à sacrifier les examens d’Etat programmés pour juillet 2019.

Durant les deux mois de vacance scolaire (Juillet-Aout 2019), toutes les tentatives de mobilisation politique de rue ont piteusement échoué. L’opposition a dû choisir un long moment de  réflexion et l’utilisation de l’opposition institutionnelle (Parlement) pour lutter contre l’administration en place. Ce long moment de réflexion a favorisé la mise en commun des propositions de sortie de crise sans Jovenel Moïse. C’est ce qui a permis la sortie de la proposition consensuelle d’alternative à Jovenel Moïse. Sur cette base, le rendez-vous est pris le 8 septembre 2019[2] pour sa présentation officielle à la nation et le 9 septembre  pour relancer la mobilisation anti- J. Moïse, le jour même de la rentrée des classes, la présence d’écoliers dans la rue étant devenue depuis un bon bout de temps l’indicateur clé de la réussite ou non d’un mouvement politique (grève, manifestation de rue, en général assortie de menaces contre les écoliers[3]).

Depuis 1946 et peut-être avant, l’instrumentalisation de l’école dans la bataille politique est devenue une pratique courante en Haïti (la chute du Président Lescot). Rappelez-vous aussi la chute du Président Magloire. Duvalier père l’a si bien compris qu’il a utilisé tout le système éducatif à son compte, de l’école primaire, en passant par l’école secondaire jusqu’à l’université. Pour rentrer à l’école et à l’université, qui étaient en majeure partie des structures étatique, mises à part certaines écoles congréganistes d’obédience catholique ou protestante et quelques rares écoles privées dignes de ce nom, il a fallu avoir un parrain. Et le parrain était souvent un macoute de renom,  l’exemple de Zacari Delva (parenn), dans l’Artibonite et « leader national » jusqu’à l’arrivée de Jean Claude Duvalier en 1971, en dit long.

Sous le règne de Jean Claude Duvalier, c’était moins strict, d’autant que, face aux carences de l’Etat dans la mise en place des établissements scolaires, le privé va s’imposer dans le système éducatif au point de dépasser l’Etat dans la distribution du pain de l’instruction. Et la dictature veillait au grain pour qu’il n’y ait pas de dérapage. Ce n’est qu’à la fin du règne des Duvalier que les élèves  des Gonaïves et de  Petit-Goâve allaient sonner  le glas du régime par des manifestations de rue soldées par la mort de  la plupart d’entre eux, dont  les plus connus sont les jeunes gonaïviens Daniel Israël, Mackenson Michel et Jean Robert Cius.

Du départ de Jean Claude Duvalier à date, il est devenu légion de voir l’utilisation des étudiants et des élèves dans les luttes politiques. Qui ne se souvient des élèves de ZEL (Zafè Elèv Lekol), des étudiants de FENEH (Fédération Nationale des Etudiants Haïtiens), qui participaient, aux côtés des partis politiques, des syndicats, des associations de la société civile, à toutes les activités politiques. Ils ont poussé même la plupart des élèves à boycotter les examens d’Etat, sous prétexte que la bataille pour le changement, que les politiciens de l’époque menaient,  allait changer la donne politique et, par ainsi, favoriser l’émergence de la nouvelle Haïti.  Les élèves, les étudiants ont bravé l’Armée d’Haïti lors du coup d’Etat contre le Président Aristide et durant toute la période d’embargo (1991-1994). Les politiciens de tous bords ont toujours utilisé les élèves, ou, tout au moins, récupérer leurs mouvements revendicatifs pour régler leurs propres affaires, en écartant leurs adversaires politiques en vue d’accéder au pouvoir. C’est devenu une constante dans le paysage politique haïtien.

Par conséquent, il n’y a rien de nouveau sous le soleil avec les politiciens actuels. Sacrifier l’éducation des enfants est le souci cadet de nos politiciens. Quand ils sont au pouvoir, ils condamnent cette pratique, quand ils sont dans l’opposition, ils la justifient. Car tous les moyens sont bons pour assauter le pouvoir. Cette fois-ci, ils vont encore peser plus sur l’accélérateur puisque le système a atteint ses limites, tenu sous perfusion par ses vrais maîtres et profiteurs, et eux, en bons pères de famille et opportunistes, ils veulent changer le système, tout au moins au niveau du discours, pour permettre à ces enfants d’avoir un meilleur système éducatif, un meilleur système de santé, un meilleur environnement. Tout ce que le régime actuel, le seul profiteur du système, devenu un vrai oligopole corrompu, producteur de pauvreté et gangréné jusqu’à la moelle par « des incompétents arrogants sans décorum », « des menteurs et voleurs », ne peut ni promettre, ni  faire. Donc, un petit sacrifice en plus de nos élèves pour sauver la République, ce n’est pas trop demandé aux enfants, leur avenir en dépend. Mon œil !

A quoi s’attendait-on si, depuis plus de 30 ans, la prise en otage de l’école s’est intensifiée de manière systématique? Si nous nous sommes arrangés pour réduire la qualité de l’éducation? Durant ces trente dernières années et plus, nous avons délibérément choisi de galvauder notre capital humain, en démocratisant l’école haïtienne sans nous soucier de la qualité de l’éducation, en utilisant encore plus l’école dans nos luttes pour accéder au pouvoir, sans penser aux conséquences.

On s’étonne maintenant de l’incompétence qui caractérise les pouvoirs d’Etat, du manque et de la qualité des services fournis par l’Etat, de la médiocrité de la majorité des cadres qui investissent l’appareil étatique et de la laideur du paysage politique actuel! En outre, nos politiciens, au lieu d’innover, de changer de cap dans leur manière d’opérer, s’acharnent sur l’école et sur nos enfants, surtout que, pour la plupart, leurs propres enfants fréquentent de bonnes écoles et des universités à l’extérieur du pays. Le calcul est simple : abrutissez les enfants de l’intérieur, rendez- les encore plus médiocres, au moment opportun, les enfants formés à l’extérieur (fils et filles de nos politiciens, de nos bourgeois, et des couches moyennes) reviendront pour sauver ce qui reste d’Haïti, de notre pays meurtri.

Assez ! C’est la même stratégie pratiquée depuis belle lurette qui nous a valu la situation catastrophique d’aujourd’hui. Il faut changer de disque. Arrangez-vous autrement pour jeter le régime en place et prendre sa place (ôte-toi que je m’y mette), laissez les enfants aller à l’école, même si on sait que seulement 10% de ces enfants ( comme vous et moi, les génies du système éducatif actuel) auront la chance de traverser la grille de ce système éducatif sélectif[4] mise en place beaucoup  plus pour perpétuer le système global actuel, fait de prébendes, de prédations, de corruption, que pour amorcer le développement réel, équitable et durable du pays Haïtien. Il nous faudrait donc la mise en place d’un système équilatéral parfait, issu d’une grande concertation nationale entre nous (les bons et les mauvais, produits du système global actuel). Pour cela, nous devrions penser, à l’intérieur du nouveau système global basé sur un équilibre parfait entre les trois pouvoirs d’Etat[5], un système éducatif susceptible d’absorber la masse de nos enfants ( tenants et aboutissants du nouveau système), et de les éduquer autrement en vue de les voir prendre en charge, dans le futur, notre beau pays d’Haïti, avec une seule finalité, un seul leitmotive : Haïti d’abord et avant tout !!!



[3] Parfois, certains n’hésitent même pas à promettre, sans être inquiétés, la mort aux enfants : « make non yo anba pye yo  pou paran yo ka rekonet kadav yo»
[4] Car chaque individu qui arrive à traverser la grille correctement se croit un ayant droit du système et considère la majorité comme des crétins exploitables à souhait.

lundi 2 septembre 2019

HAITI, CRISES VS CHANGEMENT DU SYSTÈME ACTUEL



HAITI, CRISES VS CHANGEMENT DU SYSTÈME ACTUEL
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
2 SEPTEMBRE 2019
Mis a jour le 4 septembre 2019

Le pays haïtien est entré dans une crise gouvernementale depuis plusieurs mois (172 jours au 3septemebre 2019). Cette crise gouvernementale se perpétue, en aout 2019, avec (i) la mise en accusation du Président, (ii) la situation d’insécurité dans le pays, en particulier au niveau de Martissant et de Carrefour Peye (Artibonite), (iii) le passage du Sénateur Lambert à l’opposition, (iv) la crise sous-jacente du carburant, (v)  l’implication du Sénateur Onondieu Louis, questeur de la Chambre haute, dans une affaire de corruption, selon un rapport de la Fondation Je Klere (FJK) et (vi) la préparation de la reprise de la mobilisation de l’opposition contre Jovenel Moïse pour la rentrée prochaine des classes[1]. Ces 6 faits sont autant de crises dans la crise qui mine le pays à petit feu et qui s’est accélérée depuis les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018. Cette accélération a mis à nu les faiblesses du système initié en 1804 et affiné en 1806. Comme on l’a fait remarquer dans l’article du mois de Juillet 2019, c’est un système bancal, en déséquilibre, qui pourrait être comparé à un triangle quelconque en rouge dans le schéma ci-dessous, avec un grand coté représentant le pouvoir législatif, un moyen coté représentant le pouvoir exécutif et un petit côté représentant le pouvoir judiciaire. Ce système est producteur de pauvreté, favorise la corruption, les pratiques de prébendes et s’est transformé ces derniers temps en un véritable oligopole. (Voir figure 1)

C’est dans ce système à bout de souffle, qui est tenu sous perfusion par ses vrais maitres et profiteurs, que nous évoluons. La ratification du nouveau premier ministre nommé Michel devra se faire dans le cadre de ce système pour permettre au pays d’avoir un semblant de fonctionnement. Malheureusement, l’opposition politique, qui lie malignement le système à  la présence de Jovenel Moïse au Palais, fait tout pour bloquer cette ratification, une manière de complexifier davantage la situation du pays en vue pousser la population à la révolte, faute d’un minimum de services de la part du gouvernement.


La mise en accusation du Président Jovenel Moïse, une sorte de perte de temps

La ratification du gouvernement de Michel n’a donc pu avoir lieu ; le Parlement, en particulier la Chambre des Députés, à partir des exigences d’une vingtaine de députés de l’opposition politique dite l’opposition institutionnelle, a préféré prioriser la mise en accusation du Président de la République, Jovenel Moïse. C’était le principal fait saillant du mois d’Aout 2019, mis à part le remplacement de Michael GEDEON par Normil Rameau à la tete de la Police Nationale d'Haiti (PNH). L’actualité était principalement dominée par cette mise en accusation. De séance en continuation en séance en continuation, cette mise en accusation s’est soldée, comme l’avait prévu le Député Rolphe Papiillon de Corail, le 9 Juillet 2019[2], par 53 votes contre, 3 votes pour et 5 abstentions. C’était une sorte de perte de temps, car on savait que cette mise en accusation, pour être valide, devrait avoir l’aval de 2/3 de la Chambre Basse (80 députés). Donc, avec la majorité relative dont dispose le Président de la République, il n’y avait aucune chance pour que cette mise en accusation aboutisse. En tout cas, à quelque chose malheur est bon, on a pu apprendre que c’était une pratique courante tout le long de notre histoire de peuple, de Toussaint Louverture à Jean Claude Duvalier, en passant par Alexandre Pétion et autres, grâce à l’ancien ministre de communication, journaliste et historien, Ady Jean Gardy, dans une émission Le Point de Radio Métropole[3] animée par Wendell Theodore. Donc, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil », selon Ady Jean Gardy. « L’histoire est une racine sans fin » a conclu Ady Jean Gardy, citant Toussaint Louverture.

La situation d’insécurité est montée d’un cran

Entre temps, le pays fonctionne avec deux gouvernements, et deux premiers ministres, Lapin et Michel. Pour être plus clair, le pays n’a pas de premier ministre, car  il ne fonctionne pas du tout. La crise persiste. Durant toute la période des séances de mise en accusation, la situation d’insécurité est montée d’un cran. La zone de Martissant, de village de Dieu, et même de Bicentenaire à quelques encablures du Parlement,  se retrouve, de manière sporadique, sous les feux nourris des armes des bandits, et le Parlement sous la pression des partisans de l’opposition politique, voulant, à tout prix, forcer les députés à mettre en accusation le Président de la République. Les partisans de Arnel Joseph, dont le cas est remis à un juge d’instruction, ont défilé, sans inquiétude, dans la ville de Marchand-Dessalines, et les partisans d’un autre chef de Gang, surnommé Odma, ont, au niveau de Carrefour Peye, criblé de balles un bus faisant le trajet Desdunes-Port-au-Prince, dont un des passager aurait reçu une balle au cou sans mettre sa vie en danger ; cette information est rapportée par le Député de Desdunes.

Le remaniement forcé du Gouvernement du PM Michel[4]

En outre, le gouvernement Michel a dû être remanié puisque la commission de la Chambre Basse a relevé des irrégularités dans les dossiers de 4 ministres, deux ont officiellement donné leur démission, Marjorie Alexandre Brunache  des Affaires étrangères, et Pradel Henriquez de la communication et de la culture. La présidence a pris un autre arrêté pour changer les ministres démissionnaires et d’autres ministres dont les dossiers ne sont pas corrects aux yeux de la commission de la Chambre Basse. Ce nouvel arrêté présidentiel devrait, en principe, relancer la question de la ratification de la politique générale du Premier Ministre Michel au niveau de la Chambre Basse. Rien n’est encore sûr, d’autant que deux commissaires de l’opposition n’ont pas signé le rapport d’analyse des pièces des membres du nouveau gouvernement. Avec la majorité relative du Président Jovenel Moïse au niveau de la Chambre Basse, la ratification du PM Michel devrait être une simple formalité au cours de la séance prévue pour le mardi 3 septembre 2019[5]. Là encore, rien n’est sûr. Aux dernières nouvelles, Il a passé  haut la main le cap de la Chambre Basse avec 76 deputés pour et 3 abstentions. Il ne lui reste que le Sénat. D’autant que, avec le passage du Sénateur Lambert à l’opposition, justement parce que le Président a choisi Michel à son détriment sans même une excuse préalable, Lambert a prédit un mauvais sort à Michel au niveau de la Chambre Haute. Et, pour une raison ou une autre que le commun des mortels ignore, le Président de la Chambre Basse, M. Bodeau, avait menacé (bien avant le vote du 3 septembre), lui aussi, de passer à l’opposition. Que se passait-t-il ? N’est-ce pas ce même M. Bodeau que la rumeur prétend être le vrai patron du PM Michel ? On nage donc en pleine comédie. Et le pays se meurt.

             Le Sénateur Onondieu Louis serait impliqué dans un scandale de corruption

Pour comble de notre malheur, un autre scandale vient assombrir le Parlement, en particulier la Chambre Haute, une fois de plus, un Sénateur, proche du pouvoir, Onondieu Louis, serait impliqué dans une affaire de corruption. Des gens proches du Sénateur auraient échangé près de 29 millions de gourdes en provenance du Trésor Public, selon la FJK. Après l’implication du Sénateur Gracia Delva dans le cas d’Arnel Joseph, ce cas d’Onondieu Louis, qui s’est naturellement défendu d’être impliqué dans une quelconque affaire louche, a défrayé la chronique. Le Sénateur Patrice Dumont est monté au créneau pour demander au Président du Sénat, Dr Carl Murat Cantave, de sévir contre le Sénateur Louis et contre une dame qui travaille au Senat et qui serait impliquée dans toutes les magouilles à la questure. Toutes ces histoires ternissent davantage l’image du Parlement, qui, de haut en bas, laisse l’impression de se foutre pas mal du sort du peuple haïtien pour lequel les sénateurs et les députés disent tous se battre. Quel drôle de façon de se battre pour un peuple aux abois.

La crise du carburant… en passe d’être atténuée

D’un autre côté, le pays fait face, de manière sporadique, à une crise de carburant. L’Etat haïtien aurait des dettes estimées à plus de 8 milliards de gourdes vis-à-vis des compagnies pétrolières. Malgré  une avance de 2 milliards de gourdes sur la dette, la situation est loin de se résoudre. L’Etat n’a plus les moyens de subventionner le carburant comme il le fait actuellement. A titre d’exemple, sur chaque gallon de gazoline vendu, l’Etat perd 71.77 G, a-t-on appris sur Radio Métropole, où participaient à une émission Le Point[6], un expert en énergie, le président de l’ANADIP (Association nationale des distributeurs de produits pétroliers) et l’économiste Etzer Emile. Et politiquement, il ne peut pas ajuster le prix. A chaque fois, il y a une petite cargaison qui arrive, elle n’arrive pas à couvrir les besoins de la population qui consomme 12000 barils de diesel, 5000 de gazoline et 3000 de kérosène par jour. Ces derniers temps, on enregistre de longues files de véhicules dans les stations d’essence et aussi un marché noir du carburant. Les stations d’essence fonctionnent 1 jour sur 3. Il semblerait que le problème serait en voie de résolution s’il faut se fier à la déclaration de M. Ignace St Fleur, responsable du bureau de monétisation (BMPAD), 258,000 barils seraient disponibles[7]. Une sorte de palliatif pour atténuer la situation. Que faire pour résoudre définitivement le problème? Il faudrait réorienter la subvention vers le transport en commun, augmenter le prix du kérosène  tout en subventionnant les lampes solaires, tout en ajustant de manière progressive les prix,  augmenter le prix du diesel en le mettant au même niveau que la gazoline, changer la structure énergétique 2030-2040, tout ceci devrait être accompagné d’un travail d’information  et de sensibilisation, car, à cause même de la subvention actuelle, l’Etat n’arrive plus à faire des investissements sérieux dans le pays.

Relancer la mobilisation pour obtenir le « raché manyok » de Jovenel Moïse

Enfin, le forum 4 JE KONTRE de l’opposition politique, qui s’est tenu au Plateau Central, a décidé de relancer la mobilisation pour obtenir le « rache manyok » de Jovenel Moïse et du régime PHTK, le renvoi du Parlement, la mise en place d’un gouvernement de transition pour 3 ans, la réalisation de la conférence nationale, l’organisation du procès PETROCARIBE. On serait donc revenu en 2004. Le malheur de ce pays serait le régime en place, responsable de tous les maux du pays. Tout va se faire contre le PHTK comme en 2004 contre Lavalas, avec quelques nuances. L’administration de transition remplacerait- elle tout simplement l’administration actuelle ? Pour la feuille de route de la nouvelle administration, où est-ce que l’administration de transition trouverait-elle les moyens ? Où trouverait-elle sa légitimité pour convaincre la communauté internationale de lui venir en aide[8]? La conférence nationale serait-t-elle inclusive ? Le procès Petrocaribe serait-il équitable ou une simple mise en accusation du régime PHTK ? Quid du changement du système ? Autant d’interrogations qui laissent perplexes les observateurs avisés de la politique haïtienne.  Il nous faut trouver entre nous un terrain d’entente, car nous sommes avant tout des haïtiens.  Je ne comprends pas pourquoi des haïtiens, qui clament partout ils sont prêts à se sacrifier pour sauver Haïti, n’arrivent pas à s’entendre entre eux au nom de notre pays meurtri. Pour changer le système, il faut la participation  de tout le monde. Sans exclusive !

VISION : Haïti pays émergent en 2040 et phare du monde en 2054

En tout cas, l’une des leçons apprises de la situation du pays depuis le 17 octobre 2018[9], il faut changer radicalement notre manière d’agir. Il faudrait rééquilibrer le système par la mise en place d’un triangle équilatéral en rouge dans le schéma, avec le pouvoir judiciaire à la base, et les deux autres pouvoirs constituant les deux autres côtés. Le cercle Haïti serait circonscrit autour de ce triangle parfait. C’est pourquoi je qualifierais ce nouveau système, de système équilatéral, et que j’inventerais le concept « Equilatéralité du Système », voir FIG 2 : le schéma ci-dessous.

Il faut donc nous entendre pour (1) changer le système actuel, (2) favoriser l’émergence de ce système équilatéral avec un équilibre parfait entre les trois pouvoirs d’Etat, et (3) l’articuler autour de  (i) l’humain haïtien comme tenant et aboutissant du processus de développement, (ii) son système socio-culturel, (iii) son système environnemental et naturel, (iv) son système infrastructurel, (v) son système économique et financier, et  (vi) son système politique/gouvernance. La combinaison de ces six (6) axes fondamentaux déboucherait, selon la FONHDILAC[10], sur 36 éléments de développement devant faire de notre pays une Haïti émergente à l’horizon 2040 et phare du monde en 2054, l'année du 250e anniversaire de notre indépendance; une Haïti choisissant l’option  pro-croissance et en mesure de créer des emplois durables et de la richesse à distribuer équitablement, favorisant un vivre ensemble entre tous les Haïtiens sans exclusive, qu’ils soient de la diaspora ou de l’intérieur du pays,  une Haïti s’inspirant des modèles de la Scandinavie et du Rouanda, et, enfin, une Haïti orientée vers un développement durable à visage humain. 









[1] Il est à remarquer que la mobilisation contre l’administration en place s’est estompée avec les examens d’Etat  (fin juin 2019) et sera relancée à la réouverture des classes (début septembre 2019), simple coïncidence ou un complot contre l’éducation ?
[2] https://www.youtube.com/watch?v=jGpa6HymVbI, Pulsations Magazine du 9 Juillet 2019, Télé Pluriel, émission animée par la journaliste bien connue, Marie Lucie Bonhomme.
[3] https://www.youtube.com/watch?v=h4qOc7E_vkc, Le Point, Radio Métropole, 7 Aout 2019.
[8] Malgré la relative légitimité de l’administration actuelle (un président élu, un parlement élu), elle n’arrive pas à avoir accès à des fonds de la FMI, de Taiwan, faute d’un gouvernement légitime puisque non encore ratifié par le Parlement.

mardi 30 juillet 2019

HAITI, DU PAYS LOCK 2 A LA NOMINATION D’UN NOUVEAU PM, M. F.W. MICHEL, A L’ARRESTATION DU PUISSANT CHEF DE GANG, ARNEL JOSEPH, ET A LA NECESSITE D’UN NOUVEAU SYSTEME


HAITI, DU PAYS LOCK 2 A LA NOMINATION D’UN  NOUVEAU PM, M. F.W. MICHEL, A L’ARRESTATION DU PUISSANT CHEF DE GANG, ARNEL JOSEPH, ET A LA NECESSITE D’UN NOUVEAU SYSTEME
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30  JUILLET 2019

La situation  haïtienne du mois de juillet 2019 a été dominée, au début, par le football. Haïti  a obtenu la 3e à la Gold Cup après son élimination par le Mexique qui a battu les USA (1-0) en finale ; tandis que Brésil a été sacré Champion de la Copa América aux dépens du Pérou (2-0). Cette équipe haïtienne a fait la fierté de l’ensemble des Haïtiens et a favorisé un rare moment de communion entre nous, ce qui, avec la victoire du Brésil à la Copa America et le travail de sensibilisation réalisé par le ministre de l’ éducation nationale au sujet des examens d’Etat (un succès malgré certaines carences et les tentatives de destabilisation), a permis de casser la mobilisation politique relative à l’opération Pays lock 2[1], pour déloger le Président Jovenel Moïse au Palais National. La tentative par les petro-challengers de relancer la mobilisation en vue de fêter le premier anniversaire des événements des 6, 7, 8 Juillet 2018, et l’adhésion de l’opposition politique à cette mobilisation dans le cadre de l’ « opersyon amagedon », n’ont pas eu le succès escompté malgré un bon travail médiatique. La période d’accalmie qui s’en est suivie, en dépit de quelques épisodes d’insécurité (Croix-des-Bossales, abandon du marché par les marchandes sous les exactions des gangs, Matissant des tirs nourris et sporadiques), l’administration Moïse a choisi la date du 22 Juillet 2019 pour annoncer la démission du Premier Ministre (PM) Lapin, la nomination d’un nouveau premier ministre et l’arrestation de Arnel Joseph, le caïd le plus recherché du pays, ces derniers temps, tout en proposant, pour plus tard, un gouvernement d’ « Union Nationale ». D’où le titre de l’article du mois de juillet 2019 : «  Haïti, du pays lock 2 à la nomination d’un nouveau PM, Fritz Michel William, à l’arrestation du chef de gang, Arnel Joseph, et à la nécessité d’un nouveau système ».

Dans cet article, on passera à pieds-joints sur les conséquences de l’opération pays lock, en y faisant un clin sur les examens d’Etat; on s’attardera sur la nomination du nouveau premier ministre et de son gouvernement dans le cadre de l’ancien système qui ne veut pas mourir, les tweets attribués au nouveau PM qui en a porté un démenti formel,  et les révélations/rumeurs éclaboussant sur le plan médiatique la rapidité des actions du 22 Juillet 2019 de l’administration Moïse; et, enfin, on tournera vers la nécessité d’un nouveau système avec une vision claire et un équilibre parfait entre les composantes fondamentales du  système.

1.       Pays lock 2 et ses conséquences

On ne va pas s’attarder sur le pays lock 2e version largement traité dans l’article du mois de Juin 2019[2] . Comme il est de mise dans de pareil cas, le pays a été paralysé. Le gouvernement intérimaire de M. Lapin n’a pas eu l’aval du Parlement, qui a tout fait pour l’empêcher de fonctionner durant les quatre (4) mois de son existence, les services de l’Etat n’avaient  pas fonctionné durant la période de pays lock. Les services de la douane et de la direction générale des impôts (DGI) ont eu beaucoup de difficultés à fonctionner, le pays (secteurs étatique et privé) a eu toutes les peines du monde à avoir un semblant de fonctionnement normal. Il en résulte un effondrement  de l’économie lié à un manque de production, à une crise de change, à un déficit budgétaire, à une Inflation/stagflation : 18.6% au mois de juin 2019 ; ce qui met le pays à la limite d’une crise humanitaire, selon un économiste bien connu, d’autant que, selon les dernières informations (FAO/CNSA), 2.6 millions de personnes en insécurité alimentaire (AI) dont 2 millions en situation de crise (niveau  3) et 571,000 en situation d’urgence (niveau  4) dont 50% en milieu rural.

Dans une émission de Mise au Point, le 22 Juillet 2019, sur la TNH, Etzer Emile[3] a fourni toutes les informations en rapport avec la dégradation de l’économie haïtienne : 55% de chômage, taux de change 94 G pour 1 USD, prévision de croissance 0.4% pour 2018-2019 ; la situation d’oligopole qui structure l’économie haïtienne où, par exemple, 6 importateurs contrôlent le marché du riz. C’est à peu près la même chose pour les autres secteurs, comme le secteur bancaire par exemple. Il a décrit un Etat d’Haïti « en captivité ». Il pense qu’il faudrait une cassure, une sorte de rupture vers un « Etat visionnaire ». On y reviendra à la fin de cet article. 

Malgré tout, les Examens d’Etat ont eu lieu

En dépit de cette situation décrite plus haut,  les examens d’Etat à travers le pays ont pu avoir lieu. Le mérite revient en partie au ministre de l’éducation nationale sortant, M. Agénor,  qui a mené une bonne bataille médiatique. Les manœuvres de l’opposition politique et de certains syndicats n’ont pu empêcher la réalisation de ces examens. Il faut aussi mentionner la détermination des parents qui, pour la plupart, ont accompagné leurs enfants jusqu’aux lieux de ces examens et ont veillé jusqu’à la fin des épreuves au péril de leurs vies.

A noter que le retrait de la plupart des petro-challengers par rapport à la mobilisation programmée pour les 6 et 7 Juillet 2019 a handicapé la mise en route de l’operasyon amagedon de l’opposition politique, lancée pour la même période et au-delà, avec un objectif clair de saboter les examens d’Etat ; puisque cette opération, qui aurait dû couvrir toute la période d’examens, aurait été tout simplement fatale pour l’organisation des examens d’Etat. On en prend pour preuves les perturbations de ces examens dans certaines écoles à Saint-Marc.

Il faut signaler aussi le parcours extraordinaire de la sélection haïtienne à la Gold Cup et du Brésil à la Copa America. Cette ambiance footballistique a créé un climat favorable à l’organisation des examens d’Etat. Et, enfin, la lassitude de la population haïtienne face à cette bataille politique beaucoup plus pour le pouvoir que pour le changement du système et Haïti. A entendre, certaines personnes engagées dans la bataille, soit disant, pour changer le système, le focus est beaucoup plus mis sur la démission de Jovenel Moïse et la mise à côté de PHTK. Comme quoi, dès qu’on se débarrasse de ce régime, le problème d’Haïti serait résolu. Cela nous laisse un parfum de 2004, avec Aristide et Lavalas comme le problème. On sait ce qu’il en est résulté. C’est vrai que le système, mis en place en 1804 et affiné en 1806 après le parricide du 17 octobre 1806 (assassinat du père de la nation Jean Jacques Dessalines le Grand), a permis, de régime politique et régime politique, un ensemble de pratiques de prébendes, de prédation, de corruption, etc., qui conduisent à la situation d’aujourd’hui, ce qui nécessite un changement du système, car l’ancien a atteint ses limites.

2.       La nomination du nouveau Premier Ministre et de son gouvernement

Bien avant les pétro- challengers, les esprits avisés avaient réclamé le changement du système, et la FONHDILAC, se basant sur certaines réflexions des auteurs haïtiens et étrangers, avait proposé, fin des années 1990 et début des années 2000, toute une approche, l’approche hexagonale[4], pour le diagnostiquer, le faire fonctionner mieux et/ou le changer, malheureusement vingt ans plus tard, le système se perpétue parce que mis sous perfusion par ses profiteurs et vrais maitres[5].

C’est dans ce système que vont évoluer le nouveau Premier Ministre, Fritz William Michel, 38 ans, le 4e  PM de Jovenel Moïse[6], et son gouvernement, composé de neuf (9) femmes, plutôt jeunes.  Le nouveau PM nommé et non encore ratifié par le Parlement, a fait le dépôt de ses pièces au Parlement. Bien avant cette étape, M. Guichard Doré, conseiller spécial du Président Jovenel Moïse, a présenté le gouvernement de M. Michel comme un gouvernement de transition en vue de permettre le fonctionnement de l’Etat, et après, il sera remplacé par un gouvernement d’union nationale, qui sera issu des négociations avec l’opposition politique (Chita tande).

Rapidité des actions de l’administration stoppée par les « tweets du PM » et les « révélation/rumeurs » d’Arnel Joseph

La démission du PM Lapin et la nomination du PM Michel et de son gouvernement ont été  faites avec une rapidité étonnante. Ainsi que l’arrestation d’Arnel Joseph, le caïd le plus recherché du pays. Cette rapidité dans l’action de la part du pouvoir en place a été stoppée nette par des « révélations/rumeurs » sur des tweets attribués au PM nommé et datant de plus de dix (10) ans. Malgré le démenti apporté par le PM et son secrétaire d’Etat à la communication, M. Alexis, les réseaux sociaux se sont emparés de ces tweets. Il en a été de même pour les prétendues révélations du bandit Arnel Joseph, tout au moins au niveau des réseaux sociaux. La remarque c’est que ces «révélations » viendraient conforter la thèse développée par l’opposition politique et les organisations des droits humains. Les noms cités sont tous des gens proches de PHTK ou des conseillers du Président Moïse. Le Président, lui-même, aurait été en contact direct avec le caïd. C’est un peu insensé pour un esprit avisé de s’entendre dire qu’une administration utilise les services des bandits pour se déstabiliser, car c’est de cela qu’il s’agit, payer des bandits pour escroquer la population, pour kidnapper, pour détourner des camions de marchandises. Cela dépasserait l’entendement.

Si le cas de massacre de La Saline s’avérait ainsi que les attaques perpétrées par les bandits contre les marchandes de Croix-des-Bossales, on aurait tendance à croire que toutes révélations mettant en cause cette administration pourraient se révéler vraies. Même si, en ce qui concerne le marché de la Croix-des-Bossales, un groupe de trois marchandes a révélé, au micro de Marie Lucie Bonhomme de Vision 2000, que  ce qui se passe au niveau du marché est le résultat de la bataille pour le contrôle du marché par deux groupes de bandits qui, tous les deux, avaient l’habitude de les rançonner sous une forme ou une autre, et que ces bandits ne sont pas forcément liés à l’administration. Où est la vérité dans cet imbroglio ? Toujours est-il qu’un marché, qui brasse plus d’un  million de dollars américains par jour, et qui aide des milliers de marchandes à se tirer d’affaire sans l’appui de l’Etat, serait l’objet d’attaques de la part des bandits à la solde des gens de l’administration en place. Tout ceci laisserait tout esprit avisé ébahi.

« L’incertitude est l’ennemi no 1 de l’activité économique ».

En tout cas, ces tweets et ces « révélations » ont détourné l’attention du grand public de la mise en place du nouveau gouvernement. On attend la semaine en cours pour voir ce qui va se passer. Pour l’opposition « institutionnelle », au niveau de la Chambre basse et du Sénat, il est question plutôt  de la mise en accusation du Président de la République pour haute trahison (Chambre Basse) et de sa démission  pour se mettre à la disposition de la Justice. On est donc très loin  des demandes formulées contre le gouvernement de Lapin, à savoir de nouvelles personnalités qui n’ont pas prêté leurs services au plus haut niveau de l’Etat (ministres et autres). C’était la principale raison évoquée pour boycotter le gouvernement de Lapin. Or ce gouvernement nommé répond à deux exigences, (i) de nouveaux visages pour les petro-challengers, et (ii) de nouveaux ministres pour le  Sénat. Pourtant, on a de sérieux doutes sur l’organisation des séances au Parlement et surtout sur la ratification  de la politique générale du PM. Donc, on nage en plein dans l’incertitude. Pour répéter, Etzer Emile, « l’incertitude est l’ennemi no 1 de l’activité économique ».

3.       La nécessité d’un nouveau système

Dans le système actuel, à bout de souffle à cause de ses pratiques prédatrices de prébendes et de corruption, producteur de pauvreté et de banditisme, et basé sur des oligopoles, il est pratiquement impossible pour Haïti de faire « yon pa kita, yon pas nago ». C’est pourquoi l’opposition politique et les petro-challengers exigent au préalable la démission du Président pour se mettre à la disposition de la Justice. C’est cette bataille, depuis juillet 2018, contre le pouvoir en place qui nous a valu la situation actuelle, la mise à pied d’un PM (Jack G Lafontant), la résiliation d’un autre (Ceant), la non ratification du dernier en date (Lapin), et la nomination de ce dernier jeune loup (Michel); donc la gourde a perdu 40% de sa valeur par rapport au dollar américain (94 G= 1 USD), l’inflation est à 18.6%, 55% de la population en âge de travailler au chômage, 2. 6 millions d’haïtiens en insécurité alimentaire.  C’est normal puisque la bataille pour le pouvoir est plus importante que notre chère Haïti: 229 M d’USD de la FMI en attente d’un nouveau gouvernement, 150 M d’USD de Taïwan (accord non encore ratifié par le Parlement), les services de la Douane et de la DGI n’ont pas pu atteindre les objectifs fixés à cause du ralentissement de l’économie en général. C’est vrai ce n’est pas la nomination d’un nouveau gouvernement qui va nous permettre de changer le système actuel, est-ce une raison pour laisser pourrir la situation dans le seul but d’obtenir la démission du Chef de l’Etat ?

             En passant par le nécessaire dialogue inclusif entre nous

L’administration par l’organe de M Doré parle d’un gouvernement de transition en vue de faire fonctionner l’Etat. Pourquoi ne pas le prendre au mot ? D’autant que, jusqu’à présent, il n’y a pas encore d’alternative au remplacement du Président actuel. Comme le disait mon ami, B. Ethéart, en 1986, en se servant du cas de Jean Claude Duvalier, "pourqu'il y ait départ d'un président, il faut 3 conditions, (i) la volonté du Président de partir, (ii) la mobilisation de la rue, et (iii) le lâchage du Président par l’administration américaine". Cette assertion a été vérifiée avec Aristide en 2004. Actuellement, deux des conditions ne sont pas réunies, la rue seule ne peut pas évincer le Président actuel. Dans ce cas, il ne reste que la négociation, le chita pale, le nécessaire dialogue entre nous, la conférence nationale. Il y a un point sur lequel, les politiques et les pétro-challengers sont d’accord, il faut changer le système. A l’Arcahaie, Jovenel Moïse s’est considéré comme un accident du système. Guichard Doré a parlé de la possibilité d’un gouvernement d’Union Nationale, issu des négociations avec l’opposition politique. Qu’est-ce qui empêche aux politiciens de jouer le jeu, aux petro-challengers, aux représentants des droits humains, à la Société civile, aux représentants des syndicats et des organisations populaires, etc., d’entrer dans ce jeu pour Haïti ?

Ainsi, on pourrait mettre à profit la proposition de la plupart de ces secteurs visant, entre autre, le changement du système, selon ce qu’a rapporté en primeur Le Nouvelliste[7] : « Mettre en place une gouvernance de la transition qui sera désignée par les secteurs représentatifs et organisés de la société ; un organe de contrôle des actions gouvernementales sera constitué de la même façon ; organiser la conférence nationale dont l’objectif est de trouver des solutions appropriées pour engager la rupture avec le système actuel ; organiser le pré-dialogue, établir les thèmes de référence de la conférence… »

« Equilatéralité » du  nouveau Système

On termine cet article pour dire que toute structure ne vaut que par ses composantes et les personnes qui l’intègrent. Il en est de même pour un système. Quant au système actuel, caractérisé principalement par les trois pouvoirs d’Etat, l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, il souffre d’un profond déséquilibre, la constitution fait du Législatif le maitre du jeu, l’Exécutif, son otage,  et le Judiciaire, l’otage des deux. C’est une sorte de triangle quelconque, avec un grand côté (le Pouvoir législatif), un moyen côté (le Pouvoir exécutif) et un petit côté (le pouvoir Judiciaire). Il faudrait rééquilibrer le système par la mise en place d’un triangle équilatéral, avec le pouvoir judiciaire à la base, et les deux autres pouvoirs constituant les deux autres côtés. Le cercle Haïti serait circonscrit autour de ce triangle parfait avec « une vision de croissance et d’emploi » pour répéter Etzer Emile. C’est pourquoi je qualifierais ce nouveau système, de système équilatéral, et que j’inventerais le concept « Equilatéralité du Système ».

Ce nouveau système se baserait, selon l’approche hexagonale, sur six axes fondamentaux avec : « (i)Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national ; (ii) Le capital social et culturel comme élément fondamental de socialisation ; (iii)  Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; (iv)  Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ; (v)  Le capital financier et économique, à partir de la bonne gouvernance, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et (vi)  Le capital politique comme élément fondamental de coordination d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance ». Tout ceci avec des objectifs bien précis et des résultats concordants soutenus[8] et mis en œuvre à partir d’une stratégie participative, imbriquant les actions intra-sectorielles, articulant les actions intersectorielles et intégrant ces actions à l’action gouvernementale, pour aboutir à des effets et impacts positifs  sur la population haïtienne dans son ensemble, "sans exclusive", pour reprendre l'expression du professeur Manigat.















[2] idem
[3] Interview d’Etzer Emile avec Sergihio Lyndor : https://www.youtube.com/watch?v=LA_wo8HDCe8&feature=youtu.be
[8]  Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne. https://jrjean-noel.blogspot.com/search?q=Document+d%27orientation+pour+la+refondation+de+l%27Etat+d%27Haiti+selon+une+vision+haitienne