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lundi 2 septembre 2019

HAITI, CRISES VS CHANGEMENT DU SYSTÈME ACTUEL



HAITI, CRISES VS CHANGEMENT DU SYSTÈME ACTUEL
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
2 SEPTEMBRE 2019
Mis a jour le 4 septembre 2019

Le pays haïtien est entré dans une crise gouvernementale depuis plusieurs mois (172 jours au 3septemebre 2019). Cette crise gouvernementale se perpétue, en aout 2019, avec (i) la mise en accusation du Président, (ii) la situation d’insécurité dans le pays, en particulier au niveau de Martissant et de Carrefour Peye (Artibonite), (iii) le passage du Sénateur Lambert à l’opposition, (iv) la crise sous-jacente du carburant, (v)  l’implication du Sénateur Onondieu Louis, questeur de la Chambre haute, dans une affaire de corruption, selon un rapport de la Fondation Je Klere (FJK) et (vi) la préparation de la reprise de la mobilisation de l’opposition contre Jovenel Moïse pour la rentrée prochaine des classes[1]. Ces 6 faits sont autant de crises dans la crise qui mine le pays à petit feu et qui s’est accélérée depuis les événements des 6,7 et 8 Juillet 2018. Cette accélération a mis à nu les faiblesses du système initié en 1804 et affiné en 1806. Comme on l’a fait remarquer dans l’article du mois de Juillet 2019, c’est un système bancal, en déséquilibre, qui pourrait être comparé à un triangle quelconque en rouge dans le schéma ci-dessous, avec un grand coté représentant le pouvoir législatif, un moyen coté représentant le pouvoir exécutif et un petit côté représentant le pouvoir judiciaire. Ce système est producteur de pauvreté, favorise la corruption, les pratiques de prébendes et s’est transformé ces derniers temps en un véritable oligopole. (Voir figure 1)

C’est dans ce système à bout de souffle, qui est tenu sous perfusion par ses vrais maitres et profiteurs, que nous évoluons. La ratification du nouveau premier ministre nommé Michel devra se faire dans le cadre de ce système pour permettre au pays d’avoir un semblant de fonctionnement. Malheureusement, l’opposition politique, qui lie malignement le système à  la présence de Jovenel Moïse au Palais, fait tout pour bloquer cette ratification, une manière de complexifier davantage la situation du pays en vue pousser la population à la révolte, faute d’un minimum de services de la part du gouvernement.


La mise en accusation du Président Jovenel Moïse, une sorte de perte de temps

La ratification du gouvernement de Michel n’a donc pu avoir lieu ; le Parlement, en particulier la Chambre des Députés, à partir des exigences d’une vingtaine de députés de l’opposition politique dite l’opposition institutionnelle, a préféré prioriser la mise en accusation du Président de la République, Jovenel Moïse. C’était le principal fait saillant du mois d’Aout 2019, mis à part le remplacement de Michael GEDEON par Normil Rameau à la tete de la Police Nationale d'Haiti (PNH). L’actualité était principalement dominée par cette mise en accusation. De séance en continuation en séance en continuation, cette mise en accusation s’est soldée, comme l’avait prévu le Député Rolphe Papiillon de Corail, le 9 Juillet 2019[2], par 53 votes contre, 3 votes pour et 5 abstentions. C’était une sorte de perte de temps, car on savait que cette mise en accusation, pour être valide, devrait avoir l’aval de 2/3 de la Chambre Basse (80 députés). Donc, avec la majorité relative dont dispose le Président de la République, il n’y avait aucune chance pour que cette mise en accusation aboutisse. En tout cas, à quelque chose malheur est bon, on a pu apprendre que c’était une pratique courante tout le long de notre histoire de peuple, de Toussaint Louverture à Jean Claude Duvalier, en passant par Alexandre Pétion et autres, grâce à l’ancien ministre de communication, journaliste et historien, Ady Jean Gardy, dans une émission Le Point de Radio Métropole[3] animée par Wendell Theodore. Donc, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil », selon Ady Jean Gardy. « L’histoire est une racine sans fin » a conclu Ady Jean Gardy, citant Toussaint Louverture.

La situation d’insécurité est montée d’un cran

Entre temps, le pays fonctionne avec deux gouvernements, et deux premiers ministres, Lapin et Michel. Pour être plus clair, le pays n’a pas de premier ministre, car  il ne fonctionne pas du tout. La crise persiste. Durant toute la période des séances de mise en accusation, la situation d’insécurité est montée d’un cran. La zone de Martissant, de village de Dieu, et même de Bicentenaire à quelques encablures du Parlement,  se retrouve, de manière sporadique, sous les feux nourris des armes des bandits, et le Parlement sous la pression des partisans de l’opposition politique, voulant, à tout prix, forcer les députés à mettre en accusation le Président de la République. Les partisans de Arnel Joseph, dont le cas est remis à un juge d’instruction, ont défilé, sans inquiétude, dans la ville de Marchand-Dessalines, et les partisans d’un autre chef de Gang, surnommé Odma, ont, au niveau de Carrefour Peye, criblé de balles un bus faisant le trajet Desdunes-Port-au-Prince, dont un des passager aurait reçu une balle au cou sans mettre sa vie en danger ; cette information est rapportée par le Député de Desdunes.

Le remaniement forcé du Gouvernement du PM Michel[4]

En outre, le gouvernement Michel a dû être remanié puisque la commission de la Chambre Basse a relevé des irrégularités dans les dossiers de 4 ministres, deux ont officiellement donné leur démission, Marjorie Alexandre Brunache  des Affaires étrangères, et Pradel Henriquez de la communication et de la culture. La présidence a pris un autre arrêté pour changer les ministres démissionnaires et d’autres ministres dont les dossiers ne sont pas corrects aux yeux de la commission de la Chambre Basse. Ce nouvel arrêté présidentiel devrait, en principe, relancer la question de la ratification de la politique générale du Premier Ministre Michel au niveau de la Chambre Basse. Rien n’est encore sûr, d’autant que deux commissaires de l’opposition n’ont pas signé le rapport d’analyse des pièces des membres du nouveau gouvernement. Avec la majorité relative du Président Jovenel Moïse au niveau de la Chambre Basse, la ratification du PM Michel devrait être une simple formalité au cours de la séance prévue pour le mardi 3 septembre 2019[5]. Là encore, rien n’est sûr. Aux dernières nouvelles, Il a passé  haut la main le cap de la Chambre Basse avec 76 deputés pour et 3 abstentions. Il ne lui reste que le Sénat. D’autant que, avec le passage du Sénateur Lambert à l’opposition, justement parce que le Président a choisi Michel à son détriment sans même une excuse préalable, Lambert a prédit un mauvais sort à Michel au niveau de la Chambre Haute. Et, pour une raison ou une autre que le commun des mortels ignore, le Président de la Chambre Basse, M. Bodeau, avait menacé (bien avant le vote du 3 septembre), lui aussi, de passer à l’opposition. Que se passait-t-il ? N’est-ce pas ce même M. Bodeau que la rumeur prétend être le vrai patron du PM Michel ? On nage donc en pleine comédie. Et le pays se meurt.

             Le Sénateur Onondieu Louis serait impliqué dans un scandale de corruption

Pour comble de notre malheur, un autre scandale vient assombrir le Parlement, en particulier la Chambre Haute, une fois de plus, un Sénateur, proche du pouvoir, Onondieu Louis, serait impliqué dans une affaire de corruption. Des gens proches du Sénateur auraient échangé près de 29 millions de gourdes en provenance du Trésor Public, selon la FJK. Après l’implication du Sénateur Gracia Delva dans le cas d’Arnel Joseph, ce cas d’Onondieu Louis, qui s’est naturellement défendu d’être impliqué dans une quelconque affaire louche, a défrayé la chronique. Le Sénateur Patrice Dumont est monté au créneau pour demander au Président du Sénat, Dr Carl Murat Cantave, de sévir contre le Sénateur Louis et contre une dame qui travaille au Senat et qui serait impliquée dans toutes les magouilles à la questure. Toutes ces histoires ternissent davantage l’image du Parlement, qui, de haut en bas, laisse l’impression de se foutre pas mal du sort du peuple haïtien pour lequel les sénateurs et les députés disent tous se battre. Quel drôle de façon de se battre pour un peuple aux abois.

La crise du carburant… en passe d’être atténuée

D’un autre côté, le pays fait face, de manière sporadique, à une crise de carburant. L’Etat haïtien aurait des dettes estimées à plus de 8 milliards de gourdes vis-à-vis des compagnies pétrolières. Malgré  une avance de 2 milliards de gourdes sur la dette, la situation est loin de se résoudre. L’Etat n’a plus les moyens de subventionner le carburant comme il le fait actuellement. A titre d’exemple, sur chaque gallon de gazoline vendu, l’Etat perd 71.77 G, a-t-on appris sur Radio Métropole, où participaient à une émission Le Point[6], un expert en énergie, le président de l’ANADIP (Association nationale des distributeurs de produits pétroliers) et l’économiste Etzer Emile. Et politiquement, il ne peut pas ajuster le prix. A chaque fois, il y a une petite cargaison qui arrive, elle n’arrive pas à couvrir les besoins de la population qui consomme 12000 barils de diesel, 5000 de gazoline et 3000 de kérosène par jour. Ces derniers temps, on enregistre de longues files de véhicules dans les stations d’essence et aussi un marché noir du carburant. Les stations d’essence fonctionnent 1 jour sur 3. Il semblerait que le problème serait en voie de résolution s’il faut se fier à la déclaration de M. Ignace St Fleur, responsable du bureau de monétisation (BMPAD), 258,000 barils seraient disponibles[7]. Une sorte de palliatif pour atténuer la situation. Que faire pour résoudre définitivement le problème? Il faudrait réorienter la subvention vers le transport en commun, augmenter le prix du kérosène  tout en subventionnant les lampes solaires, tout en ajustant de manière progressive les prix,  augmenter le prix du diesel en le mettant au même niveau que la gazoline, changer la structure énergétique 2030-2040, tout ceci devrait être accompagné d’un travail d’information  et de sensibilisation, car, à cause même de la subvention actuelle, l’Etat n’arrive plus à faire des investissements sérieux dans le pays.

Relancer la mobilisation pour obtenir le « raché manyok » de Jovenel Moïse

Enfin, le forum 4 JE KONTRE de l’opposition politique, qui s’est tenu au Plateau Central, a décidé de relancer la mobilisation pour obtenir le « rache manyok » de Jovenel Moïse et du régime PHTK, le renvoi du Parlement, la mise en place d’un gouvernement de transition pour 3 ans, la réalisation de la conférence nationale, l’organisation du procès PETROCARIBE. On serait donc revenu en 2004. Le malheur de ce pays serait le régime en place, responsable de tous les maux du pays. Tout va se faire contre le PHTK comme en 2004 contre Lavalas, avec quelques nuances. L’administration de transition remplacerait- elle tout simplement l’administration actuelle ? Pour la feuille de route de la nouvelle administration, où est-ce que l’administration de transition trouverait-elle les moyens ? Où trouverait-elle sa légitimité pour convaincre la communauté internationale de lui venir en aide[8]? La conférence nationale serait-t-elle inclusive ? Le procès Petrocaribe serait-il équitable ou une simple mise en accusation du régime PHTK ? Quid du changement du système ? Autant d’interrogations qui laissent perplexes les observateurs avisés de la politique haïtienne.  Il nous faut trouver entre nous un terrain d’entente, car nous sommes avant tout des haïtiens.  Je ne comprends pas pourquoi des haïtiens, qui clament partout ils sont prêts à se sacrifier pour sauver Haïti, n’arrivent pas à s’entendre entre eux au nom de notre pays meurtri. Pour changer le système, il faut la participation  de tout le monde. Sans exclusive !

VISION : Haïti pays émergent en 2040 et phare du monde en 2054

En tout cas, l’une des leçons apprises de la situation du pays depuis le 17 octobre 2018[9], il faut changer radicalement notre manière d’agir. Il faudrait rééquilibrer le système par la mise en place d’un triangle équilatéral en rouge dans le schéma, avec le pouvoir judiciaire à la base, et les deux autres pouvoirs constituant les deux autres côtés. Le cercle Haïti serait circonscrit autour de ce triangle parfait. C’est pourquoi je qualifierais ce nouveau système, de système équilatéral, et que j’inventerais le concept « Equilatéralité du Système », voir FIG 2 : le schéma ci-dessous.

Il faut donc nous entendre pour (1) changer le système actuel, (2) favoriser l’émergence de ce système équilatéral avec un équilibre parfait entre les trois pouvoirs d’Etat, et (3) l’articuler autour de  (i) l’humain haïtien comme tenant et aboutissant du processus de développement, (ii) son système socio-culturel, (iii) son système environnemental et naturel, (iv) son système infrastructurel, (v) son système économique et financier, et  (vi) son système politique/gouvernance. La combinaison de ces six (6) axes fondamentaux déboucherait, selon la FONHDILAC[10], sur 36 éléments de développement devant faire de notre pays une Haïti émergente à l’horizon 2040 et phare du monde en 2054, l'année du 250e anniversaire de notre indépendance; une Haïti choisissant l’option  pro-croissance et en mesure de créer des emplois durables et de la richesse à distribuer équitablement, favorisant un vivre ensemble entre tous les Haïtiens sans exclusive, qu’ils soient de la diaspora ou de l’intérieur du pays,  une Haïti s’inspirant des modèles de la Scandinavie et du Rouanda, et, enfin, une Haïti orientée vers un développement durable à visage humain. 









[1] Il est à remarquer que la mobilisation contre l’administration en place s’est estompée avec les examens d’Etat  (fin juin 2019) et sera relancée à la réouverture des classes (début septembre 2019), simple coïncidence ou un complot contre l’éducation ?
[2] https://www.youtube.com/watch?v=jGpa6HymVbI, Pulsations Magazine du 9 Juillet 2019, Télé Pluriel, émission animée par la journaliste bien connue, Marie Lucie Bonhomme.
[3] https://www.youtube.com/watch?v=h4qOc7E_vkc, Le Point, Radio Métropole, 7 Aout 2019.
[8] Malgré la relative légitimité de l’administration actuelle (un président élu, un parlement élu), elle n’arrive pas à avoir accès à des fonds de la FMI, de Taiwan, faute d’un gouvernement légitime puisque non encore ratifié par le Parlement.

mardi 30 juillet 2019

HAITI, DU PAYS LOCK 2 A LA NOMINATION D’UN NOUVEAU PM, M. F.W. MICHEL, A L’ARRESTATION DU PUISSANT CHEF DE GANG, ARNEL JOSEPH, ET A LA NECESSITE D’UN NOUVEAU SYSTEME


HAITI, DU PAYS LOCK 2 A LA NOMINATION D’UN  NOUVEAU PM, M. F.W. MICHEL, A L’ARRESTATION DU PUISSANT CHEF DE GANG, ARNEL JOSEPH, ET A LA NECESSITE D’UN NOUVEAU SYSTEME
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30  JUILLET 2019

La situation  haïtienne du mois de juillet 2019 a été dominée, au début, par le football. Haïti  a obtenu la 3e à la Gold Cup après son élimination par le Mexique qui a battu les USA (1-0) en finale ; tandis que Brésil a été sacré Champion de la Copa América aux dépens du Pérou (2-0). Cette équipe haïtienne a fait la fierté de l’ensemble des Haïtiens et a favorisé un rare moment de communion entre nous, ce qui, avec la victoire du Brésil à la Copa America et le travail de sensibilisation réalisé par le ministre de l’ éducation nationale au sujet des examens d’Etat (un succès malgré certaines carences et les tentatives de destabilisation), a permis de casser la mobilisation politique relative à l’opération Pays lock 2[1], pour déloger le Président Jovenel Moïse au Palais National. La tentative par les petro-challengers de relancer la mobilisation en vue de fêter le premier anniversaire des événements des 6, 7, 8 Juillet 2018, et l’adhésion de l’opposition politique à cette mobilisation dans le cadre de l’ « opersyon amagedon », n’ont pas eu le succès escompté malgré un bon travail médiatique. La période d’accalmie qui s’en est suivie, en dépit de quelques épisodes d’insécurité (Croix-des-Bossales, abandon du marché par les marchandes sous les exactions des gangs, Matissant des tirs nourris et sporadiques), l’administration Moïse a choisi la date du 22 Juillet 2019 pour annoncer la démission du Premier Ministre (PM) Lapin, la nomination d’un nouveau premier ministre et l’arrestation de Arnel Joseph, le caïd le plus recherché du pays, ces derniers temps, tout en proposant, pour plus tard, un gouvernement d’ « Union Nationale ». D’où le titre de l’article du mois de juillet 2019 : «  Haïti, du pays lock 2 à la nomination d’un nouveau PM, Fritz Michel William, à l’arrestation du chef de gang, Arnel Joseph, et à la nécessité d’un nouveau système ».

Dans cet article, on passera à pieds-joints sur les conséquences de l’opération pays lock, en y faisant un clin sur les examens d’Etat; on s’attardera sur la nomination du nouveau premier ministre et de son gouvernement dans le cadre de l’ancien système qui ne veut pas mourir, les tweets attribués au nouveau PM qui en a porté un démenti formel,  et les révélations/rumeurs éclaboussant sur le plan médiatique la rapidité des actions du 22 Juillet 2019 de l’administration Moïse; et, enfin, on tournera vers la nécessité d’un nouveau système avec une vision claire et un équilibre parfait entre les composantes fondamentales du  système.

1.       Pays lock 2 et ses conséquences

On ne va pas s’attarder sur le pays lock 2e version largement traité dans l’article du mois de Juin 2019[2] . Comme il est de mise dans de pareil cas, le pays a été paralysé. Le gouvernement intérimaire de M. Lapin n’a pas eu l’aval du Parlement, qui a tout fait pour l’empêcher de fonctionner durant les quatre (4) mois de son existence, les services de l’Etat n’avaient  pas fonctionné durant la période de pays lock. Les services de la douane et de la direction générale des impôts (DGI) ont eu beaucoup de difficultés à fonctionner, le pays (secteurs étatique et privé) a eu toutes les peines du monde à avoir un semblant de fonctionnement normal. Il en résulte un effondrement  de l’économie lié à un manque de production, à une crise de change, à un déficit budgétaire, à une Inflation/stagflation : 18.6% au mois de juin 2019 ; ce qui met le pays à la limite d’une crise humanitaire, selon un économiste bien connu, d’autant que, selon les dernières informations (FAO/CNSA), 2.6 millions de personnes en insécurité alimentaire (AI) dont 2 millions en situation de crise (niveau  3) et 571,000 en situation d’urgence (niveau  4) dont 50% en milieu rural.

Dans une émission de Mise au Point, le 22 Juillet 2019, sur la TNH, Etzer Emile[3] a fourni toutes les informations en rapport avec la dégradation de l’économie haïtienne : 55% de chômage, taux de change 94 G pour 1 USD, prévision de croissance 0.4% pour 2018-2019 ; la situation d’oligopole qui structure l’économie haïtienne où, par exemple, 6 importateurs contrôlent le marché du riz. C’est à peu près la même chose pour les autres secteurs, comme le secteur bancaire par exemple. Il a décrit un Etat d’Haïti « en captivité ». Il pense qu’il faudrait une cassure, une sorte de rupture vers un « Etat visionnaire ». On y reviendra à la fin de cet article. 

Malgré tout, les Examens d’Etat ont eu lieu

En dépit de cette situation décrite plus haut,  les examens d’Etat à travers le pays ont pu avoir lieu. Le mérite revient en partie au ministre de l’éducation nationale sortant, M. Agénor,  qui a mené une bonne bataille médiatique. Les manœuvres de l’opposition politique et de certains syndicats n’ont pu empêcher la réalisation de ces examens. Il faut aussi mentionner la détermination des parents qui, pour la plupart, ont accompagné leurs enfants jusqu’aux lieux de ces examens et ont veillé jusqu’à la fin des épreuves au péril de leurs vies.

A noter que le retrait de la plupart des petro-challengers par rapport à la mobilisation programmée pour les 6 et 7 Juillet 2019 a handicapé la mise en route de l’operasyon amagedon de l’opposition politique, lancée pour la même période et au-delà, avec un objectif clair de saboter les examens d’Etat ; puisque cette opération, qui aurait dû couvrir toute la période d’examens, aurait été tout simplement fatale pour l’organisation des examens d’Etat. On en prend pour preuves les perturbations de ces examens dans certaines écoles à Saint-Marc.

Il faut signaler aussi le parcours extraordinaire de la sélection haïtienne à la Gold Cup et du Brésil à la Copa America. Cette ambiance footballistique a créé un climat favorable à l’organisation des examens d’Etat. Et, enfin, la lassitude de la population haïtienne face à cette bataille politique beaucoup plus pour le pouvoir que pour le changement du système et Haïti. A entendre, certaines personnes engagées dans la bataille, soit disant, pour changer le système, le focus est beaucoup plus mis sur la démission de Jovenel Moïse et la mise à côté de PHTK. Comme quoi, dès qu’on se débarrasse de ce régime, le problème d’Haïti serait résolu. Cela nous laisse un parfum de 2004, avec Aristide et Lavalas comme le problème. On sait ce qu’il en est résulté. C’est vrai que le système, mis en place en 1804 et affiné en 1806 après le parricide du 17 octobre 1806 (assassinat du père de la nation Jean Jacques Dessalines le Grand), a permis, de régime politique et régime politique, un ensemble de pratiques de prébendes, de prédation, de corruption, etc., qui conduisent à la situation d’aujourd’hui, ce qui nécessite un changement du système, car l’ancien a atteint ses limites.

2.       La nomination du nouveau Premier Ministre et de son gouvernement

Bien avant les pétro- challengers, les esprits avisés avaient réclamé le changement du système, et la FONHDILAC, se basant sur certaines réflexions des auteurs haïtiens et étrangers, avait proposé, fin des années 1990 et début des années 2000, toute une approche, l’approche hexagonale[4], pour le diagnostiquer, le faire fonctionner mieux et/ou le changer, malheureusement vingt ans plus tard, le système se perpétue parce que mis sous perfusion par ses profiteurs et vrais maitres[5].

C’est dans ce système que vont évoluer le nouveau Premier Ministre, Fritz William Michel, 38 ans, le 4e  PM de Jovenel Moïse[6], et son gouvernement, composé de neuf (9) femmes, plutôt jeunes.  Le nouveau PM nommé et non encore ratifié par le Parlement, a fait le dépôt de ses pièces au Parlement. Bien avant cette étape, M. Guichard Doré, conseiller spécial du Président Jovenel Moïse, a présenté le gouvernement de M. Michel comme un gouvernement de transition en vue de permettre le fonctionnement de l’Etat, et après, il sera remplacé par un gouvernement d’union nationale, qui sera issu des négociations avec l’opposition politique (Chita tande).

Rapidité des actions de l’administration stoppée par les « tweets du PM » et les « révélation/rumeurs » d’Arnel Joseph

La démission du PM Lapin et la nomination du PM Michel et de son gouvernement ont été  faites avec une rapidité étonnante. Ainsi que l’arrestation d’Arnel Joseph, le caïd le plus recherché du pays. Cette rapidité dans l’action de la part du pouvoir en place a été stoppée nette par des « révélations/rumeurs » sur des tweets attribués au PM nommé et datant de plus de dix (10) ans. Malgré le démenti apporté par le PM et son secrétaire d’Etat à la communication, M. Alexis, les réseaux sociaux se sont emparés de ces tweets. Il en a été de même pour les prétendues révélations du bandit Arnel Joseph, tout au moins au niveau des réseaux sociaux. La remarque c’est que ces «révélations » viendraient conforter la thèse développée par l’opposition politique et les organisations des droits humains. Les noms cités sont tous des gens proches de PHTK ou des conseillers du Président Moïse. Le Président, lui-même, aurait été en contact direct avec le caïd. C’est un peu insensé pour un esprit avisé de s’entendre dire qu’une administration utilise les services des bandits pour se déstabiliser, car c’est de cela qu’il s’agit, payer des bandits pour escroquer la population, pour kidnapper, pour détourner des camions de marchandises. Cela dépasserait l’entendement.

Si le cas de massacre de La Saline s’avérait ainsi que les attaques perpétrées par les bandits contre les marchandes de Croix-des-Bossales, on aurait tendance à croire que toutes révélations mettant en cause cette administration pourraient se révéler vraies. Même si, en ce qui concerne le marché de la Croix-des-Bossales, un groupe de trois marchandes a révélé, au micro de Marie Lucie Bonhomme de Vision 2000, que  ce qui se passe au niveau du marché est le résultat de la bataille pour le contrôle du marché par deux groupes de bandits qui, tous les deux, avaient l’habitude de les rançonner sous une forme ou une autre, et que ces bandits ne sont pas forcément liés à l’administration. Où est la vérité dans cet imbroglio ? Toujours est-il qu’un marché, qui brasse plus d’un  million de dollars américains par jour, et qui aide des milliers de marchandes à se tirer d’affaire sans l’appui de l’Etat, serait l’objet d’attaques de la part des bandits à la solde des gens de l’administration en place. Tout ceci laisserait tout esprit avisé ébahi.

« L’incertitude est l’ennemi no 1 de l’activité économique ».

En tout cas, ces tweets et ces « révélations » ont détourné l’attention du grand public de la mise en place du nouveau gouvernement. On attend la semaine en cours pour voir ce qui va se passer. Pour l’opposition « institutionnelle », au niveau de la Chambre basse et du Sénat, il est question plutôt  de la mise en accusation du Président de la République pour haute trahison (Chambre Basse) et de sa démission  pour se mettre à la disposition de la Justice. On est donc très loin  des demandes formulées contre le gouvernement de Lapin, à savoir de nouvelles personnalités qui n’ont pas prêté leurs services au plus haut niveau de l’Etat (ministres et autres). C’était la principale raison évoquée pour boycotter le gouvernement de Lapin. Or ce gouvernement nommé répond à deux exigences, (i) de nouveaux visages pour les petro-challengers, et (ii) de nouveaux ministres pour le  Sénat. Pourtant, on a de sérieux doutes sur l’organisation des séances au Parlement et surtout sur la ratification  de la politique générale du PM. Donc, on nage en plein dans l’incertitude. Pour répéter, Etzer Emile, « l’incertitude est l’ennemi no 1 de l’activité économique ».

3.       La nécessité d’un nouveau système

Dans le système actuel, à bout de souffle à cause de ses pratiques prédatrices de prébendes et de corruption, producteur de pauvreté et de banditisme, et basé sur des oligopoles, il est pratiquement impossible pour Haïti de faire « yon pa kita, yon pas nago ». C’est pourquoi l’opposition politique et les petro-challengers exigent au préalable la démission du Président pour se mettre à la disposition de la Justice. C’est cette bataille, depuis juillet 2018, contre le pouvoir en place qui nous a valu la situation actuelle, la mise à pied d’un PM (Jack G Lafontant), la résiliation d’un autre (Ceant), la non ratification du dernier en date (Lapin), et la nomination de ce dernier jeune loup (Michel); donc la gourde a perdu 40% de sa valeur par rapport au dollar américain (94 G= 1 USD), l’inflation est à 18.6%, 55% de la population en âge de travailler au chômage, 2. 6 millions d’haïtiens en insécurité alimentaire.  C’est normal puisque la bataille pour le pouvoir est plus importante que notre chère Haïti: 229 M d’USD de la FMI en attente d’un nouveau gouvernement, 150 M d’USD de Taïwan (accord non encore ratifié par le Parlement), les services de la Douane et de la DGI n’ont pas pu atteindre les objectifs fixés à cause du ralentissement de l’économie en général. C’est vrai ce n’est pas la nomination d’un nouveau gouvernement qui va nous permettre de changer le système actuel, est-ce une raison pour laisser pourrir la situation dans le seul but d’obtenir la démission du Chef de l’Etat ?

             En passant par le nécessaire dialogue inclusif entre nous

L’administration par l’organe de M Doré parle d’un gouvernement de transition en vue de faire fonctionner l’Etat. Pourquoi ne pas le prendre au mot ? D’autant que, jusqu’à présent, il n’y a pas encore d’alternative au remplacement du Président actuel. Comme le disait mon ami, B. Ethéart, en 1986, en se servant du cas de Jean Claude Duvalier, "pourqu'il y ait départ d'un président, il faut 3 conditions, (i) la volonté du Président de partir, (ii) la mobilisation de la rue, et (iii) le lâchage du Président par l’administration américaine". Cette assertion a été vérifiée avec Aristide en 2004. Actuellement, deux des conditions ne sont pas réunies, la rue seule ne peut pas évincer le Président actuel. Dans ce cas, il ne reste que la négociation, le chita pale, le nécessaire dialogue entre nous, la conférence nationale. Il y a un point sur lequel, les politiques et les pétro-challengers sont d’accord, il faut changer le système. A l’Arcahaie, Jovenel Moïse s’est considéré comme un accident du système. Guichard Doré a parlé de la possibilité d’un gouvernement d’Union Nationale, issu des négociations avec l’opposition politique. Qu’est-ce qui empêche aux politiciens de jouer le jeu, aux petro-challengers, aux représentants des droits humains, à la Société civile, aux représentants des syndicats et des organisations populaires, etc., d’entrer dans ce jeu pour Haïti ?

Ainsi, on pourrait mettre à profit la proposition de la plupart de ces secteurs visant, entre autre, le changement du système, selon ce qu’a rapporté en primeur Le Nouvelliste[7] : « Mettre en place une gouvernance de la transition qui sera désignée par les secteurs représentatifs et organisés de la société ; un organe de contrôle des actions gouvernementales sera constitué de la même façon ; organiser la conférence nationale dont l’objectif est de trouver des solutions appropriées pour engager la rupture avec le système actuel ; organiser le pré-dialogue, établir les thèmes de référence de la conférence… »

« Equilatéralité » du  nouveau Système

On termine cet article pour dire que toute structure ne vaut que par ses composantes et les personnes qui l’intègrent. Il en est de même pour un système. Quant au système actuel, caractérisé principalement par les trois pouvoirs d’Etat, l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, il souffre d’un profond déséquilibre, la constitution fait du Législatif le maitre du jeu, l’Exécutif, son otage,  et le Judiciaire, l’otage des deux. C’est une sorte de triangle quelconque, avec un grand côté (le Pouvoir législatif), un moyen côté (le Pouvoir exécutif) et un petit côté (le pouvoir Judiciaire). Il faudrait rééquilibrer le système par la mise en place d’un triangle équilatéral, avec le pouvoir judiciaire à la base, et les deux autres pouvoirs constituant les deux autres côtés. Le cercle Haïti serait circonscrit autour de ce triangle parfait avec « une vision de croissance et d’emploi » pour répéter Etzer Emile. C’est pourquoi je qualifierais ce nouveau système, de système équilatéral, et que j’inventerais le concept « Equilatéralité du Système ».

Ce nouveau système se baserait, selon l’approche hexagonale, sur six axes fondamentaux avec : « (i)Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national ; (ii) Le capital social et culturel comme élément fondamental de socialisation ; (iii)  Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; (iv)  Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ; (v)  Le capital financier et économique, à partir de la bonne gouvernance, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et (vi)  Le capital politique comme élément fondamental de coordination d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance ». Tout ceci avec des objectifs bien précis et des résultats concordants soutenus[8] et mis en œuvre à partir d’une stratégie participative, imbriquant les actions intra-sectorielles, articulant les actions intersectorielles et intégrant ces actions à l’action gouvernementale, pour aboutir à des effets et impacts positifs  sur la population haïtienne dans son ensemble, "sans exclusive", pour reprendre l'expression du professeur Manigat.















[2] idem
[3] Interview d’Etzer Emile avec Sergihio Lyndor : https://www.youtube.com/watch?v=LA_wo8HDCe8&feature=youtu.be
[8]  Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne. https://jrjean-noel.blogspot.com/search?q=Document+d%27orientation+pour+la+refondation+de+l%27Etat+d%27Haiti+selon+une+vision+haitienne

lundi 1 juillet 2019

HAITI PAYS LOCK 2 : DES DEUX COTES LE MAL EST INFINI (?)


HAITI PAYS LOCK 2 : DES DEUX COTES LE MAL EST INFINI (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUIN 2019

Revu le 3 juillet 2019

La situation haïtienne  de ce mois de juin 2019 est des plus désastreuses à tous les points de vue si l’on fait exception  de notre équipe nationale  de football masculin qui est qualifiée pour les demi-finales de la Gold Cup en battant le Canada par 3 buts à 2 et du succès colossal de l’événement annuel « Livres en folies », avec Danny Laferrière, notre « immortel » de l’Académie Française comme Invité d’Honneur. L’administration actuelle fait preuve d’impuissance par rapport à cette situation. La rue est contrôlée par l’opposition et les petro-challengers qui demandent la démission du Président Jovenel Moise. Le Président ne dirige pas ; le Parlement ne fonctionne pas ; la Justice reste muette : les trois pouvoirs d’Etat sont à genoux.  Le blocage  du pays depuis  le 9 Juin 2019, prévisible suite à la sortie du 2e rapport de PETROCARIBE (31 Mai 2019) par la Cour Supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) sur plus d’une dizaine de jours avec, parfois, des éclaircies au matin jusqu’à 11 h Am, affecte beaucoup plus sérieusement encore l’économie du pays, qui était déjà au bord de la catastrophe, au point que le grand argentier de la nation, le ministre des finances, avoue ne pas pouvoir payer régulièrement l’administration publique haïtienne, faute de rentrée d’argent par les institutions chargées de la perception des taxes et impôts.  L’opposition politique radicale, face à l’impuissance du pouvoir en place, propose une solution pour s'y substituer tout bonnement, selon la logique « ôte toi que je m’y mette ». N’est-ce pas le moment de se demander si « Des deux côtés le mal d’Haïti n’est-il pas infini » ?

Un rappel des faits

Dans l’article, Haïti, Pays lock 1[1] , de février 2019, nous avons établi la méthodologie utilisée pour fermer le pays avec toutes les conséquences que l’on sait. Il s’ en est suivi une aggravation de la situation socioéconomique et politique : (i) l’insécurité, le cas de la vallée de l’Artibonite[2], (ii) le renvoi du PM Céant, (iii) la nomination du PM Lapin non ratifié par le Parlement (perturbation par les 4 parlementaires de l’opposition, Beauplan, Cheramy, Cassi et Pierre, des séances programmées, casse de l’immobilier du Sénat par ces 4 larrons), (iv) la reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar américain (94 G pour 1 USD) et l’inflation qui passe à 18% pour le mois de mai 2019, (v) l’impatience de la population par rapport aux promesses non tenues du premier mandataire de la nation[3], (vi) la sortie du 2e rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) sur le dossier Petrocaribe (31 Mai 2019), épinglant un ensemble de firmes privées dont AGRITRANS présidé à l’époque par Jovenel Moïse, en y apportant des précisions sur des travaux financés en gourdes et non en dollars américains comme le stipulait le 1er rapport, et un ensemble d’institutions étatiques, dont le Parlement et la CSC/CA, elle-même, dans le gaspillage des fonds Petrocaribe (4.2 milliards dollars américains), rapport qui sert de prétexte à l’opposition politique et aux petro-challengers pour exiger la démission du Président Moïse, vendu comme le principal dilapidateur des fonds Petrocaribe à partir d'un travail médiatique minutieux.  

Pour y parvenir, ils ont utilisé la même méthodologie qu’en février 2019 avec quelques petites nuances : pas de l’huile sur les routes pentues ; une diabolisation plus soutenue du Président et de sa famille (dossier DERMALOGUE); un discours de haine vis-à-vis du premier mandataire; attaques des stations de radio : Télé Ginnen, Radio Télé Caraïbes, Métropole, Télé Zénith, mort de journalistes, etc. Certains de ces actes sont tout bonnement attribués, à tort ou à raison, au pouvoir en place.

La branche institutionnelle de l’opposition, avec les 4 Sénateurs et le Sénateur Youri Latortue, a fait une proposition  au pays sur le reste du mandat du Président, écartant le Président actuel en le remplaçant par un membre de la Cour de Cassation et le Parlement en le remplaçant par une sorte de conseil des sages comme en 2004, nommant un premier ministre issu de l’opposition et un gouvernement de transition inclusif qui organiserait la conférence nationale souveraine et le procès Petrocaribe,  avec une feuille de route assez détaillée qui tiendrait lieu de programme du gouvernement, etc. 

Cette proposition est loin de faire l’unanimité, même au sein de l’opposition radicale, mais  semble avoir l’adhésion de l’ensemble de l’opposition politique et d’une bonne partie de la communauté des affaires (tout au moins sur un point, la démission de Jovenel Moïse); à noter que certains groupes de petro-challengers ne voudraient ni des gens de l’opposition ni ceux du pouvoir actuel, pour constituer le nouveau gouvernement de transition ; ils voudraient de nouvelles têtes beaucoup plus crédibles pour diriger le pays.

Le Tournant

Depuis les 6,7 et 8 Juillet 2018, l’administration Moïse ne s’est jamais relevée de cet événement douloureux, ayant causé des pertes en vies humaines, des dommages équvalents à des centaines de millions de dollars américains. On est pratiquement à une année de cet événement qui a marqué le tournant dans la bataille pour obtenir la démission de Jovenel Moïse et qui va favoriser l’émergence des petro-challengers, les vrais fers de lance de cette opposition politique; et tous les événements qui vont se succéder durant cette période, ne font que miner l’administration Moïse. Cette administration va s’affaiblissant de série en série d’événements (17 octobre, 18 novembre 2018, 7-17 Février 2019, 9  Juin à la dernière semaine de juin : Pays lock nouvelle formule), au point d’arriver à la situation d’aujourd’hui.

La détérioration de la situation et l’impuissance du pouvoir en place

Durant cette période d’un an, on n’a pas l’impression que l’administration actuelle ait été en mesure de redresser la situation. Elle a perdu la bataille médiatique. Malgré certaines actions au niveau de terrain, elle n’arrive pas à vendre ses petits succès dans le domaine de la rénovation urbaine, des pistes rurales et de  certaines routes nationales (Plus de 1000 km de rues et de routes en construction[4]) et de certaines actions au niveau du secteur agricole[5]. Dans tous les autres domaines, c’est le tâtonnement, c’est le ralentissement pour ne pas dire c’est la stagnation, c’est le recul. La pauvreté s’accentue par la dégringolade de la gourde, l’augmentation du taux d’inflation (18% en Mai 2019[6]), c’est la faillite de l’Etat. Cet état de fait traduit  la détérioration de la situation et l’impuissance du pouvoir en place à y faire face.

Bref, le pays va très mal et est au bord de l’explosion sociale et de l’effondrement économique, malgré un certain appui  de la communauté internationale. Le gouvernement a fait un dernier appel au dialogue sans succès, et a fait venir une mission de l’OEA non cautionnée par le Conseil d’administration de l’institution. Cette « mission » a conseillé au pouvoir en place de gouverner et à l’opposition d’aller aux urnes. Ce qui a mis en grogne l’opposition et qui la pousse à radicaliser un peu plus sa position par rapport au pouvoir en place. Par rapport à ce nouveau développement, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a créé, sous l’instigation des USA, une mission politique en remplacement de la MINUJUSTH( mission d'appui à la Justice), le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti, le BINUH[7], qui sera effectif le 16 octobre 2019.

L’inquiétude par rapport à l’opposition radicale

D’un autre côté, l’opposition politique radicale, qui empêche le fonctionnement de l’administration par des manifestations de rue et  le krazebrize, réduit considérablement le rythme des activités dans  le pays, transport des marchandises et des biens, fourniture des services, et favorise une augmentation globale de l’insécurité au niveau de l’ensemble du pays, etc, et met chaos debout l'administration Moise. La convergence de vues  de l’opposition politique et des petro-challengers, qui sont pour le principe de départ du Président Moïse, apporte de l’eau au moulin de l’opposition politique par la mobilisation de la jeunesse et d’autres forces sociales dans sa lutte pour déstabiliser le pouvoir en place. La résistance, offerte par le pouvoir en place face à cette déstabilisation, permet au Président de rester au Palais jusqu’à présent mais sans vraiment diriger le pays. Ce qui fait dire à certaines personnes, et non des moindres, si le Président n’exerce pas son autorité sur le pays, vaut mieux qu’il parte. Mais quand on voit le mode opératoire  de cette opposition, sa propension à la pensée unique, à l’intolérance (le cas du Secrétaire Général du RDNP[8], le parti du feu Professeur Manigat, Radio Ginnen, Métropole, Caraïbes), et cette tendance à cautionner  la violence aveugle (l’un des leaders a catégoriquement refusé de dénoncer les dérapages des manifestants, alors que ce même leader condamne sans abnégation les bévues de la Police, on est, par conséquent, en droit d’être inquiets. Les propos d’un Député Lavalas devant les caméras  de la presse, se vantant de ses exploits, ainsi que les casses de l’immobilier du Sénat par les 4 Sénateurs de l’opposition radicale, augmentent cette inquiétude de nous voir tomber dans une sorte  de gouvernement à tendance dictatoriale. Rien ne garantirait  que le gouvernement de transition prévu aurait la reconnaissance internationale, disposerait de suffisamment de moyens pour faire face aux nombreux besoins de la population et aurait la capacité de garantir la stabilité politique et la sécurité, d’appliquer la feuille de route prévue, et surtout de réaliser la Conférence Nationale Souveraine et le Procès PETROCARIBE de manière équitable et inclusive.

Des deux côtés le mal est infini, donc il faudrait tourner vers la conférence nationale souveraine ou le déchoucage 

A l’analyse, il est difficile de croire que l’administration actuelle pourrait sortir le pays de l’imbroglio dans lequel il est plongé. Le Président répète souvent que la stabilité politique est le premier des biens publics. Durant cette année de juillet 2018 à Juillet 2019, l’administration Moise n’a jamais pu garantir, ne serait-ce qu’un instant, sauf en période de démobilisation des pétro-challengers et de trêve forcée de l’opposition politique, la stabilité politique au niveau de l’ensemble du pays. De cette instabilité politique découle tout le reste : l’insécurité, le ralentissement de l’économie, la dégringolade de la gourde, l’inflation, la pauvreté de masse, etc. Eu égard à l’impuissance de l’administration pour agir sur la situation actuelle découlant de l’instabilité politique, l’opposition propose la démission du Président Moïse et le renvoi du régime PHTK. Cette opposition ne prévoit pas l’inclusion du PHTK dans la solution au problème d’Haïti, puisque, dans son diagnostic de la situation du pays, le Président et son parti PHTK sont présentés comme des responsables, donc non qualifiés pour faire partie de la solution. Au départ du Président Moïse (si départ il y aura), l’opposition assauterait le pouvoir pour trois ans, le reste du mandat du Président et du PHTK. Or cette même opposition avait assuré, à un certain moment, la gestion du pays et, forcément,une partie des fonds PETROCARIBE, dossier alimentant la mobilisation contre l’actuelle administration, en particulier contre le Président Moïse, sous prétexte que Jovenel Moïse était le PDG de AGRITRANS. Donc, elle aurait beaucoup de difficultés à assumer la gestion correcte du pays, au cas où elle fairait le choix de l’exclusion de l’autre.

Il est clair que le pouvoir actuel n’arrivera pas à redresser la situation à moins d’un exploit sur la question de la stabilité politique. Il en sera de même pour l’opposition politique si l’approche utilisée demeure exclusiviste. C’est le cas de dire que des deux côtés le mal est infini pour Haïti. Comme l’exigent les pétro-challengers, il faudrait une équipe neuve pour assurer la transition (si transition il y aura), en tenant compte de l’intérêt général en lieu et place des intérêts de clans ou de partis politiques. Seule une entente nationale, seul un dialogue inter haïtien, seule une grande concertation nationale pourrait nous aider à sortir de la situation actuelle, ou encore la révolution violente où seuls les plus justes seraient sauvés.  Alors si nous optons pour la grande concertation nationale/Conférence Nationale Souveraine (souhaitable),  qui organisera cette grande concertation nationale? Nous autres ? BINUH ? Sans cette entente nationale, serait-ce le dechoukaj, la révolution violente?

Que le Dieu Tout Puissant nous vienne en aide! En attendant, contentons-nous de la qualification du Bresil au-dépens de l'Argentine (2-0) pour la finale de la Copa America, Haiti étant, une fois de plus, sortie de la course par le Mexique (0-1) pour la finale de la Gold Cup sur un pénalty imaginaire. That's life! 




[4] Selon les données collectées au niveau du MTPTC par la CASDA/Cellule de pilotage de la Caravane
[5] Rapport Bilan 2017-2018 du Ministère de l’Agriculture
[6] IHSI
[8] Eric Jean Baptiste a dénoncé un plan macabre visant à amnistié certains membres de l’opposition une fois le gouvernement de transition mis en place. Vexés, certains partisans de l’opposition ont mis le feu à  des succursales de Père l’Eternel Lotto appartenant à M. Jean Baptiste.